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Société: L’Enfer numérique

Société:  L’Enfer numérique 


Dans son livre « L’Enfer numérique », Guillaume Pitron rappelle les origines du numérique et explique comment ce nouvel outil de la communication a des conséquences catastrophiques sur notre environnement
.( chronique du Monde)

Le livre. Le 2 octobre 1971, l’humanité est soudainement projetée dans l’ère de l’immédiateté. L’ingénieur américain Ray Tomlinson (1941-2016) envoie le premier e-mail sur Arpanet 1, un réseau informatique prisé des scientifiques et des militaires américains.

Après les routes pavées de l’Antiquité et les chemins ferrés de l’ère industrielle, quelles infrastructures rendent nos actions numériques quotidiennes désormais possibles ? Que se passe-t-il lorsque vous envoyez un e-mail ? Quelle est la géographie des clics ? Quels défis écologiques et géopolitiques charrient-ils à notre insu ? C’est le sujet de L’Enfer numérique. Voyage au bout d’un like (Les liens qui libèrent), de Guillaume Pitron.

« L’Enfer numérique. Voyage au bout d’un like », de Guillaume Pitron, Editions Les liens qui libèrent, 304 pages, 20 euros.

Pendant deux ans, le journaliste a suivi, sur quatre continents, la route de nos e-mails, de nos likes et de nos photos de vacances. Son ouvrage nous conduit dans les steppes de la Chine septentrionale à la recherche d’un métal qui fait fonctionner nos smartphones, mais aussi dans les vastes plaines du cercle arctique où refroidissent nos comptes Facebook, et dans l’un des Etats les plus arides des Etats-Unis, pour enquêter sur la consommation d’eau de l’un des plus grands centres de données de la planète, celui de la National Security Agency (NSA).

« Nous avons découvert qu’Internet a une couleur (le vert), une odeur (de beurre rance), et même un goût, salé comme l’eau de mer. Il émet également un son strident, semblable à celui d’une immense ruche. Bref, nous avons fait l’expérience sensorielle de l’univers numérique, prenant par là même la mesure de sa démesure. »

4 % des émissions globale

Pour envoyer un simple like, nous déployons ce qui sera bientôt la plus vaste infrastructure jamais édifiée par l’homme, un royaume de béton, de fibre et d’acier, un inframonde constitué de datacenters, de barrages hydroélectriques et de centrales à charbon, tous unis dans une triple quête : celle de puissance, de vitesse et… de froid.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés L’argot de bureau : le management au garde à vous !
L’industrie numérique a beau vanter son tribut positif à la préservation de la planète compte tenu des fabuleux leviers d’optimisation de nos méthodes agricoles, industrielles, « servicielles » qu’elle permet, la réalité est moins enchantée : la pollution numérique est colossale, et c’est même celle qui croît le plus rapidement. Elle est d’abord due aux milliards d’interfaces constituant notre porte d’entrée sur Internet, mais provient également des données que nous produisons à chaque instant.

Les chiffres sont édifiants : l’industrie numérique mondiale consomme tant d’eau, de matériaux et d’énergie que son empreinte est le triple de celle d’un pays comme la France ou l’Angleterre. Les technologies numériques mobilisent aujourd’hui 10 % de l’électricité produite dans le monde et rejetteraient près de 4 % des émissions globales de CO2, soit un peu moins du double du secteur civil aérien mondial.

« La pollution digitale met la transition écologique en péril et sera l’un des grands défis des trente prochaines années. » Une course est désormais engagée : d’un côté, les entreprises du numérique déploient leur formidable puissance financière et d’innovation pour optimiser et « verdir » Internet. De l’autre, des réseaux et communautés de défricheurs pensent qu’un autre numérique, plus sobre, responsable et respectueux de l’environnement est possible.

Par quelles technologies de l’information voulons-nous en effet être accompagnés vers l’avenir ? Fabriquées selon quels procédés et avec quels matériaux ? Souhaitons-nous un réseau central, constitué de lourdes infrastructures permettant des gains énergétiques d’échelle, ou plutôt éclaté afin de relocaliser la transmission des données, grosse consommatrice d’électricité ? Le voulons-nous neutre et dérégulé, ou bien partial, voire liberticide, car n’autorisant que la production de data jugée essentielle ? Devra-t-il être payant ou gratuit ? « Nos rues de l’avenir seront probablement une hybridation de ce large éventail de solutions qui fermentent aujourd’hui aux quatre coins du monde. »

« L’Enfer numérique. Voyage au bout d’un like », de Guillaume Pitron, Editions Les liens qui libèrent, 304 pages, 20 euros.

Société-La folie du tout numérique

Société-La folie du tout numérique

Comme à chaque étape d’évolution technologique, le numérique a apporté des progrès indiscutables mais ses excès ont aussi favorisé la déshumanisation des relations sociales.

La vapeur, l’électricité, l’automobile ont constitué des étapes importantes de l’évolution technique mais ont également favorisé des effets pervers. Par exemple, le rail qui a remodelé l’aménagement du territoire et créé de véritables déserts économiques et sociaux en supprimant les lignes secondaires alors qu’au contraire il pouvait être un outil de développement harmonieux et équilibré.

L’ Électricité quant à elle ne doit pas faire oublier ses conditions de production tout autant que les gâchis de consommation. Il aura fallu attendre la guerre d’Ukraine pour qu’on commence à limiter l’inutile illumination permanente des villes qui par parenthèse trouble l’orientation des oiseaux migrateurs. Le numérique aura été la grande découverte et la grande application à partir de la fin du XXe siècle. Entreprises, citoyens, politiques perdent beaucoup en crédit s’ils ne glissent pas le mot numérique à chaque phrase.

Il s’agit évidemment d’un moyen extraordinaire pour transmettre en temps réel des masses d’informations qui demandaient précédemment des jours voire des semaines et même davantage. L’intérêt de la technique -autant que la mode- acontraint une grande partie de l’économie et de la société à se soumettre à la nouvelle religion. Évidemment avec la ferveur des nouveaux convertis.

Même les relations les plus intimes sont donc confiées également aux outils télé informatiques. Les progrès aidants, on pourra même se passer d’un humain pour converser. Et les perspectives d’évolution sont sans limites puisque des robots pourraient se substituer totalement à l’homme lors des échanges. D’autres envisagent d’implanter une puce dans le crane des humains véritablement en situation d’addiction technologique. Le Smartphone fait désormais parti du corps humain même la nuit. De ce point de vue, ses pannes seront un jour pris en charge par la sécurité sociale.

Les situations les plus kafkaïennes sont créées par ce recours surréaliste à la technique du digital. Ainsi toutes les relations administratives et commerciales ou presque passent par des plates-formes Internet ou des robots qui font semblant de répondre aux questions qui se posent.

Les marchands du temple ont bien entendu aussi envahi le numérique avec leur pub, leur fichier, leur site de vente. L’administration elle-même s’est engouffrée dans cette mode. Au lieu de répondre à une question, le robot propose la touche 1 ou la touche 2, 3 ou 4 avant même qu’on ait pu saisir le choix proposé.( Ou on propose de prononcer des mots que l’ordinateur ne comprend pas évidemment). Heureusement , il y a la touche 5 ( Où le mot de départ) qui permet de revenir au premier message qui tourne ainsi en boucle.

Le pire sans doute c’est que la numérisation a affecté encore davantage les rapports humains que les rapports commerciaux et administratifs. Mais en réalité, l’utilisateur du Smartphone, de la tablette ou de l’ordinateur converse surtout avec lui-même. Et les « progrès » aidant on pourra même se passer d’intermédiaires techniques et sombrer dans une sorte de schizophrénie permanente quand l’intéressé finira par se parler à lui-même. Il ne s’agit sans doute pas de déréglementer surtout ce qui relève du privé mais de développer une sorte d’éthique et de formation à l’usage de techniques qui mettent l’homme en situation de dépendance au même titre que l’alcool ou la drogue certes avec des conséquences moins mortelles.

L’excès de numérique ne met pas forcément en cause la vie humaine mais il peut condamner à vivre idiot.

« L’Enfer numérique »


« L’Enfer numérique »
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Dans son livre « L’Enfer numérique », Guillaume Pitron rappelle les origines du numérique et explique comment ce nouvel outil de la communication a des conséquences catastrophiques sur notre environnement
.( chronique du Monde)

Le livre. Le 2 octobre 1971, l’humanité est soudainement projetée dans l’ère de l’immédiateté. L’ingénieur américain Ray Tomlinson (1941-2016) envoie le premier e-mail sur Arpanet 1, un réseau informatique prisé des scientifiques et des militaires américains.

Après les routes pavées de l’Antiquité et les chemins ferrés de l’ère industrielle, quelles infrastructures rendent nos actions numériques quotidiennes désormais possibles ? Que se passe-t-il lorsque vous envoyez un e-mail ? Quelle est la géographie des clics ? Quels défis écologiques et géopolitiques charrient-ils à notre insu ? C’est le sujet de L’Enfer numérique. Voyage au bout d’un like (Les liens qui libèrent), de Guillaume Pitron.

« L’Enfer numérique. Voyage au bout d’un like », de Guillaume Pitron, Editions Les liens qui libèrent, 304 pages, 20 euros.

Pendant deux ans, le journaliste a suivi, sur quatre continents, la route de nos e-mails, de nos likes et de nos photos de vacances. Son ouvrage nous conduit dans les steppes de la Chine septentrionale à la recherche d’un métal qui fait fonctionner nos smartphones, mais aussi dans les vastes plaines du cercle arctique où refroidissent nos comptes Facebook, et dans l’un des Etats les plus arides des Etats-Unis, pour enquêter sur la consommation d’eau de l’un des plus grands centres de données de la planète, celui de la National Security Agency (NSA).

« Nous avons découvert qu’Internet a une couleur (le vert), une odeur (de beurre rance), et même un goût, salé comme l’eau de mer. Il émet également un son strident, semblable à celui d’une immense ruche. Bref, nous avons fait l’expérience sensorielle de l’univers numérique, prenant par là même la mesure de sa démesure. »

4 % des émissions globale

Pour envoyer un simple like, nous déployons ce qui sera bientôt la plus vaste infrastructure jamais édifiée par l’homme, un royaume de béton, de fibre et d’acier, un inframonde constitué de datacenters, de barrages hydroélectriques et de centrales à charbon, tous unis dans une triple quête : celle de puissance, de vitesse et… de froid.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés L’argot de bureau : le management au garde à vous !
L’industrie numérique a beau vanter son tribut positif à la préservation de la planète compte tenu des fabuleux leviers d’optimisation de nos méthodes agricoles, industrielles, « servicielles » qu’elle permet, la réalité est moins enchantée : la pollution numérique est colossale, et c’est même celle qui croît le plus rapidement. Elle est d’abord due aux milliards d’interfaces constituant notre porte d’entrée sur Internet, mais provient également des données que nous produisons à chaque instant.

Les chiffres sont édifiants : l’industrie numérique mondiale consomme tant d’eau, de matériaux et d’énergie que son empreinte est le triple de celle d’un pays comme la France ou l’Angleterre. Les technologies numériques mobilisent aujourd’hui 10 % de l’électricité produite dans le monde et rejetteraient près de 4 % des émissions globales de CO2, soit un peu moins du double du secteur civil aérien mondial.

« La pollution digitale met la transition écologique en péril et sera l’un des grands défis des trente prochaines années. » Une course est désormais engagée : d’un côté, les entreprises du numérique déploient leur formidable puissance financière et d’innovation pour optimiser et « verdir » Internet. De l’autre, des réseaux et communautés de défricheurs pensent qu’un autre numérique, plus sobre, responsable et respectueux de l’environnement est possible.

Par quelles technologies de l’information voulons-nous en effet être accompagnés vers l’avenir ? Fabriquées selon quels procédés et avec quels matériaux ? Souhaitons-nous un réseau central, constitué de lourdes infrastructures permettant des gains énergétiques d’échelle, ou plutôt éclaté afin de relocaliser la transmission des données, grosse consommatrice d’électricité ? Le voulons-nous neutre et dérégulé, ou bien partial, voire liberticide, car n’autorisant que la production de data jugée essentielle ? Devra-t-il être payant ou gratuit ? « Nos rues de l’avenir seront probablement une hybridation de ce large éventail de solutions qui fermentent aujourd’hui aux quatre coins du monde. »

« L’Enfer numérique. Voyage au bout d’un like », de Guillaume Pitron, Editions Les liens qui libèrent, 304 pages, 20 euros.

La folie du tout numérique

La folie du tout numérique

Comme à chaque étape d’évolution technologique, le numérique a apporté des progrès indiscutables mais ses excès ont aussi favorisé la déshumanisation des relations sociales.

La vapeur, l’électricité, l’automobile ont constitué des étapes importantes de l’évolution technique mais ont également favorisé des effets pervers. Par exemple, le rail qui a remodelé l’aménagement du territoire et créé de véritables déserts économiques et sociaux en supprimant les lignes secondaires alors qu’au contraire il pouvait être un outil de développement harmonieux et équilibré.

L’ Électricité quant à elle ne doit pas faire oublier ses conditions de production tout autant que les gâchis de consommation. Il aura fallu attendre la guerre d’Ukraine pour qu’on commence à limiter l’inutile illumination permanente des villes qui par parenthèse trouble l’orientation des oiseaux migrateurs. Le numérique aura été la grande découverte et la grande application à partir de la fin du XXe siècle. Entreprises, citoyens, politiques perdent beaucoup en crédit s’ils ne glissent pas le mot numérique à chaque phrase.

Il s’agit évidemment d’un moyen extraordinaire pour transmettre en temps réel des masses d’informations qui demandaient précédemment des jours voire des semaines et même davantage. L’intérêt de la technique -autant que la mode- acontraint une grande partie de l’économie et de la société à se soumettre à la nouvelle religion. Évidemment avec la ferveur des nouveaux convertis.

Même les relations les plus intimes sont donc confiées également aux outils télé informatiques. Les progrès aidants, on pourra même se passer d’un humain pour converser. Et les perspectives d’évolution sont sans limites puisque des robots pourraient se substituer totalement à l’homme lors des échanges. D’autres envisagent d’implanter une puce dans le crane des humains véritablement en situation d’addiction technologique. Le Smartphone fait désormais parti du corps humain même la nuit. De ce point de vue, ses pannes seront un jour pris en charge par la sécurité sociale.

Les situations les plus kafkaïennes sont créées par ce recours surréaliste à la technique du digital. Ainsi toutes les relations administratives et commerciales ou presque passent par des plates-formes Internet ou des robots qui font semblant de répondre aux questions qui se posent.

Les marchands du temple ont bien entendu aussi envahi le numérique avec leur pub, leur fichier, leur site de vente. L’administration elle-même s’est engouffrée dans cette mode. Au lieu de répondre à une question, le robot propose la touche 1 ou la touche 2, 3 ou 4 avant même qu’on ait pu saisir le choix proposé.( Ou on propose de prononcer des mots que l’ordinateur ne comprend pas évidemment). Heureusement , il y a la touche 5 ( Où le mot de départ) qui permet de revenir au premier message qui tourne ainsi en boucle.

Le pire sans doute c’est que la numérisation a affecté encore davantage les rapports humains que les rapports commerciaux et administratifs. Mais en réalité, l’utilisateur du Smartphone, de la tablette ou de l’ordinateur converse surtout avec lui-même. Et les « progrès » aidant on pourra même se passer d’intermédiaires techniques et sombrer dans une sorte de schizophrénie permanente quand l’intéressé finira par se parler à lui-même. Il ne s’agit sans doute pas de déréglementer surtout ce qui relève du privé mais de développer une sorte d’éthique et de formation à l’usage de techniques qui mettent l’homme en situation de dépendance au même titre que l’alcool ou la drogue certes avec des conséquences moins mortelles.

L’excès de numérique ne met pas forcément en cause la vie humaine mais il peut condamner à vivre idiot.

« L’Enfer numérique »


« L’Enfer numérique »
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Dans son livre « L’Enfer numérique », Guillaume Pitron rappelle les origines du numérique et explique comment ce nouvel outil de la communication a des conséquences catastrophiques sur notre environnement
.( chronique du Monde)

Le livre. Le 2 octobre 1971, l’humanité est soudainement projetée dans l’ère de l’immédiateté. L’ingénieur américain Ray Tomlinson (1941-2016) envoie le premier e-mail sur Arpanet 1, un réseau informatique prisé des scientifiques et des militaires américains.

Après les routes pavées de l’Antiquité et les chemins ferrés de l’ère industrielle, quelles infrastructures rendent nos actions numériques quotidiennes désormais possibles ? Que se passe-t-il lorsque vous envoyez un e-mail ? Quelle est la géographie des clics ? Quels défis écologiques et géopolitiques charrient-ils à notre insu ? C’est le sujet de L’Enfer numérique. Voyage au bout d’un like (Les liens qui libèrent), de Guillaume Pitron.

« L’Enfer numérique. Voyage au bout d’un like », de Guillaume Pitron, Editions Les liens qui libèrent, 304 pages, 20 euros.

Pendant deux ans, le journaliste a suivi, sur quatre continents, la route de nos e-mails, de nos likes et de nos photos de vacances. Son ouvrage nous conduit dans les steppes de la Chine septentrionale à la recherche d’un métal qui fait fonctionner nos smartphones, mais aussi dans les vastes plaines du cercle arctique où refroidissent nos comptes Facebook, et dans l’un des Etats les plus arides des Etats-Unis, pour enquêter sur la consommation d’eau de l’un des plus grands centres de données de la planète, celui de la National Security Agency (NSA).

« Nous avons découvert qu’Internet a une couleur (le vert), une odeur (de beurre rance), et même un goût, salé comme l’eau de mer. Il émet également un son strident, semblable à celui d’une immense ruche. Bref, nous avons fait l’expérience sensorielle de l’univers numérique, prenant par là même la mesure de sa démesure. »

4 % des émissions globale

Pour envoyer un simple like, nous déployons ce qui sera bientôt la plus vaste infrastructure jamais édifiée par l’homme, un royaume de béton, de fibre et d’acier, un inframonde constitué de datacenters, de barrages hydroélectriques et de centrales à charbon, tous unis dans une triple quête : celle de puissance, de vitesse et… de froid.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés L’argot de bureau : le management au garde à vous !
L’industrie numérique a beau vanter son tribut positif à la préservation de la planète compte tenu des fabuleux leviers d’optimisation de nos méthodes agricoles, industrielles, « servicielles » qu’elle permet, la réalité est moins enchantée : la pollution numérique est colossale, et c’est même celle qui croît le plus rapidement. Elle est d’abord due aux milliards d’interfaces constituant notre porte d’entrée sur Internet, mais provient également des données que nous produisons à chaque instant.

Les chiffres sont édifiants : l’industrie numérique mondiale consomme tant d’eau, de matériaux et d’énergie que son empreinte est le triple de celle d’un pays comme la France ou l’Angleterre. Les technologies numériques mobilisent aujourd’hui 10 % de l’électricité produite dans le monde et rejetteraient près de 4 % des émissions globales de CO2, soit un peu moins du double du secteur civil aérien mondial.

« La pollution digitale met la transition écologique en péril et sera l’un des grands défis des trente prochaines années. » Une course est désormais engagée : d’un côté, les entreprises du numérique déploient leur formidable puissance financière et d’innovation pour optimiser et « verdir » Internet. De l’autre, des réseaux et communautés de défricheurs pensent qu’un autre numérique, plus sobre, responsable et respectueux de l’environnement est possible.

Par quelles technologies de l’information voulons-nous en effet être accompagnés vers l’avenir ? Fabriquées selon quels procédés et avec quels matériaux ? Souhaitons-nous un réseau central, constitué de lourdes infrastructures permettant des gains énergétiques d’échelle, ou plutôt éclaté afin de relocaliser la transmission des données, grosse consommatrice d’électricité ? Le voulons-nous neutre et dérégulé, ou bien partial, voire liberticide, car n’autorisant que la production de data jugée essentielle ? Devra-t-il être payant ou gratuit ? « Nos rues de l’avenir seront probablement une hybridation de ce large éventail de solutions qui fermentent aujourd’hui aux quatre coins du monde. »

« L’Enfer numérique. Voyage au bout d’un like », de Guillaume Pitron, Editions Les liens qui libèrent, 304 pages, 20 euros.

Licenciements partout dans Le secteur numérique

Licenciements partout dans le secteur numérique

Le milliardaire Elon Musk a certainement fait une erreur dramatique voire mortelle avec ce rachat à 44 milliards de Twitter. Du coup immédiatement, il a décidé de licencier la moitié du personnel sur 7500 postes. Mais cela ne sera pas suffisant pour rétablir les comptes de l’entreprise. En cause des baisses de fréquentation et des ressources publicitaires en assez net déclin.

Par ailleurs, l’ensemble du secteur numérique enregistre des baisses de profits très significatives.

Meta (Facebook, Instagram) prévoit aussi de licencier des milliers de personnes à partir de cette semaine, d’après le Wall Street Journal (WSJ), alors que plusieurs sociétés technologiques viennent de congédier une partie de leurs effectifs en réponse à la crise économique.Ce pourrait être le plan social le pus conséquent dans le secteur, selon le quotidien américain, après la pandémie qui a largement bénéficié à la croissance des revenus, mais aussi du personnel de ces entreprises.

Meta comptait quelque 87.000 employés dans le monde au 30 septembre. Lors de la publication récente des derniers résultats trimestriels décevants, le patron Mark Zuckerberg a mentionné que le personnel du groupe ne devrait pas augmenter d’ici la fin 2023, voire même diminuer légèrement.

Jeudi dernier, deux sociétés de la Silicon Valley, Stripe et Lyft, ont fait part de licenciements de grande ampleur tandis qu’Amazon a gelé les embauches dans ses bureaux. Twitter, fraîchement racheté par Elon Musk, vient de congédier environ la moitié de ses 7500 salariés.

En un an, Meta a perdu près de 600 milliards de dollars de capitalisation boursière. La société inquiète les marchés depuis le début de l’année, quand elle avait annoncé pour la première fois avoir perdu des utilisateurs sur son réseau social d’origine, Facebook.Par ailleurs, les plus grands doutes demeurent quant au perspectives réelles de développement de Métavers.

Société-Le monde « merveilleux » de la transformation numérique

Société-Le monde merveilleux de la transformation numérique !

La transformation digitale, un art total estime dans la Tribune Alain Conrard, Président de la Commission Digitale et Innovation du Mouvement des ETI (METI) .
S’il n’y a pas de doute sur les mutations qu’apporte la révolution numérique de là en faire un art total il y a un pas que franchit l’auteur de la Tribune.

À écouter les nombreuses contributions sur le sujet, le numérique pourrait presque se substituer à la pensée humaine en tout cas devenir presque la nouvelle religion, l’idéologie en tout cas une référence de pensée! Des contributions fortement inspirées et dithyrambiques qui glorifient en quelque sorte une révolution technologique de manière totalement excessive .NDLR

« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », pensait Lavoisier à la fin du 18e siècle. On pourrait ajouter à cela aujourd’hui que si tout ne se transforme pas, plus rien ne se crée. Et si la transformation a toujours été la manifestation la plus évidente de l’évolution, ce concept est encore plus central dans le cadre de l’univers digital.
Si la transformation digitale était il y a encore très peu de temps le summum de l’évolution liée à la technologie, ce par quoi les entreprises se distinguaient les unes des autres et prenaient des parts de marché au détriment de leurs concurrents, elle est maintenant devenue un prérequis de toute activité productive. Tout le monde est, d’une certaine manière, aujourd’hui à égalité devant cette question. Pourtant, cette transformation numérique ne se résume pas simplement à des changements où une technologie en remplacerait une autre. Pour donner toute sa mesure, pour exprimer toute sa puissance, elle demande avant tout une transformation des cadres de pensée.

Avant d’être une expérience technologique – et pour que ce puisse être pleinement une expérience technologique -, la transformation digitale doit être une expérience de pensée : le digital permet de penser (ou de se représenter) le monde autrement. Et c’est là, dans la perception de ce que la transformation digitale est réellement, et surtout de la puissance dont elle est capable, que se dessine aujourd’hui ce qui fait la différence, donc la réussite, entre une entreprise et une autre.
L’ensemble des activités humaines
Cette prise de conscience consiste avant tout à comprendre la multiplicité des niveaux d’intervention de la transformation digitale, l’interaction entre tous ces niveaux, et le côté global, sans échappatoire possible, de l’opération. Il s’agit de prendre la mesure du gigantesque mouvement qui redéfinit la moindre des activités humaines autour des technologies numériques, et ainsi présente des conséquences en nombres presque incalculables.

Ce déploiement prend deux formes principales. Il y a non seulement le côté global pris par le numérique (l’impact des technologies du numérique et de l’innovation partout sur la planète) ; mais aussi le fait que l’on pense aujourd’hui globalement à travers le numérique
Les visions du monde se dessinent aujourd’hui dans la transformation numérique, et grâce à elle. Elle concerne, presque sans exception, les multiples dimensions de l’expérience humaine en société. En effet, derrière le technologique, elle influe à la fois et en même temps sur l’économique, le social, le sociétal, l’humain, sans oublier l’écologique. Cette transformation, et l’innovation qu’elle manifeste, ont aujourd’hui un impact décisif global dans chacun de ces cinq champs.
Son aire de compétence est intégrale, et sa zone d’intervention globale. On peut ainsi la qualifier d’art total.

L’art a longtemps été relié aux techniques et aux savoir-faire. En effet, « art » vient du latin « ars » dont le sens est celui de métier, de talent, de connaissance technique, de maîtrise de savoir-faire dans des matières multiples. Puis, après de multiples variations, il a pris, depuis les 18ème et 19ème siècles, la signification qu’on lui connait aujourd’hui de création d’œuvres : le beau, l’esthétique ou le disruptif. Le sens du mot a donc évolué du moyen pour obtenir l’œuvre, qu’il avait initialement, jusqu’au résultat final obtenu, qu’il a pris aujourd’hui.
On utilise encore souvent le terme « art » pour dire la maîtrise d’une personne ou d’une pratique. On évoque alors une habileté, comme lorsqu’on parle d’art de la conversation, par exemple.
Pourtant, parler d’art au sujet du numérique n’est pas juste une figure de style. Le numérique est d’autant plus un art qu’il contient en lui-même une dimension esthétique : celle qui nécessite la création d’interfaces (donc visuelles) pour pouvoir être utilisé.

Le numérique a besoin de l’art pour être perçu : une ligne de code n’est pas convaincante, ni même appropriable (elle n’a pas de forme), là où une interface graphique (qui n’est pourtant rien d’autre que la mise en forme de la ligne de code) est parfaitement efficace. Le génie d’Apple en cette matière est de l’avoir compris avant tout le monde dans les années 80 avec Macintosh. Contrairement à la réputation qui lui était faite à l’époque, Macintosh n’était pas un ordinateur réservé aux créatifs, mais un ordinateur capable de favoriser la créativité, quel que soit le secteur. La diffusion de la technologie numérique dans tous les champs d’activité supposait que tout le monde, y compris les non-spécialistes des technologies de l’information, puisse s’y relier. Les interfaces graphiques, donc l’esthétique, ont été le moyen de cette conquête et de cette démocratisation. D’ailleurs, près d’un quart des métiers du numérique est lié à l’artistique, au design.

Le numérique est donc travaillé par l’esthétique de façon centrale. Au point que l’on voit apparaître, avec les NFT par exemple, des formes d’art spécifiques à l’univers digital. Le numérique a permis de créer une nouvelle forme d’art.

Cette révolution technologique a suscité un désir de créativité général, comme si les possibilités qu’elle offre était un défi, non seulement pour les artistes et les créatifs, mais aussi pour toutes les professions, obligées d’innover chacune à leur manière. De ce point de vue, le concept de « design » est l’un des meilleurs marqueurs de la dimension « artistique » du numérique. Il est sorti de sa niche de créatif (la forme des objets industriels) pour nommer, notamment avec le terme de design thinking, un élément relatif aux process et aux modes d’organisation qui doivent eux aussi désormais faire preuve de créativité.
Ainsi, la transformation digitale est d’autant plus un art total qu’elle réunit les deux sens historiques recouverts par le terme « art ». L’une de ses beautés est d’avoir opéré une synthèse originale entre ces deux définitions historiques de l’art que tout semblait pourtant devoir opposer : le beau et la technique/savoir-faire.
Fabriquer son propre monde Avec la numérisation du monde, le numérique est devenu un monde ; ou plus précisément, il est devenu l’équivalent du monde. À travers les univers virtuels, le métavers, les avatars, etc., chacun peut fabriquer son monde, ainsi que son rapport au monde – au point d’ailleurs de pouvoir dans certains cas générer des pathologies d’enfermement dans les univers numériques qui forment autant de mondes parallèles.

Pourtant, si chacun peut créer son propre univers, personne ne devrait oublier que cette création repose sur l’utilisation d’une technologie universelle : celle à disposition de tout le monde. Chacun devrait prendre conscience que son monde, aussi singulier soit-il, passe par la même technologie pour tout le monde. Ceci crée un mélange nouveau entre singularité et universalité tel que l’on n’en n’a encore jamais connu dans l’histoire humaine. En favorisant la création d’objets numériques de toutes sortes par des non spécialistes du codage, le low code-no code va encore accentuer cette singularité/universalité.
Cette non-dualité (être à la fois, et en même temps, parfaitement singulier et intégralement universel) est l’une des caractéristiques les plus fascinantes de l’univers numérique, qui explique sans doute la rapidité de sa conquête du monde.

L’univers digital est une nouvelle frontière au sens où il introduit une porosité entre des mondes autrefois dissociés, des univers professionnels incapables de se parler, faute de pouvoir se comprendre car rendus étanches par la spécificité de leurs langages, et la défense jalouse de leurs savoir-faire. Le numérique est aujourd’hui le langage commun de toute activité humaine. Ainsi, il est un univers qui permet l’association des mondes.

Le numérique couvre à la fois des sujets de surface, assez peu intellectualisés (le côté « entertainment »), et des sujets de grande profondeur intellectuelle (recherche fondamentale).
Pour cette raison, l’adoption est une dimension clé : une transformation est inutile si elle n’est pas adoptée. Peut-on aujourd’hui se passer du numérique dans notre vie personnelle et professionnelle ? Il semble que non. Pourtant, le fait de ne pouvoir faire autrement ne signifie pas nécessairement que l’adhésion est complète. On peut adopter le numérique en le subissant. C’est tout le problème du passage obligé : l’impossibilité de faire l’impasse ne signifie pas pour autant que l’on est d’accord, que l’on en est heureux, que ça améliore le rapport aux autres ou le rapport au monde.

Il y a un bénéfice du progrès, encore faut-il qu’il soit perçu, d’une part, et que l’on y adhère, d’autre part. Ici réside un enjeu de société réel, car l’innovation et la transformation digitale n’ont de sens que si elles participent au bien commun.

Pour la plupart, le numérique est une technologie à laquelle ils n’ont pas accès : ils s’en servent, mais n’ont aucune idée de son fonctionnement, encore moins de ce que sont les grands principes de l’univers numérique (codage binaire, etc.). Puisque la redéfinition est avant tout une chose mentale, la pédagogie est donc essentielle. Elle seule permet la responsabilisation. Un accompagnement pédagogique doit alors être mis en place pour permettre de comprendre les enjeux complexes de l’innovation et de la transformation digitale, et favoriser ainsi leur adoption. En procédant de cette manière, on offrirait aux personnes un autre rapport à cet univers et à ses outils, partout présents en permanence aujourd’hui. On ferait alors un acte civilisationnel important, au sens où la transformation digitale ne serait plus subie passivement, mais accompagnée. Il y a, là encore, une fonction essentiellement politique de la transformation digitale. Et donc, une place essentielle du politique dans cette question.

D’où le rôle majeur de l’éducation – donc de l’Éducation Nationale – pour favoriser l’adoption, mais aussi aiguiser les fonctions critiques, et ceci dès les classes secondaires. En effet, si on attache une logique de la responsabilité au phénomène de la transformation digitale, on la place en position d’être soutenue, mais également questionnée, notamment du point de vue des limites éventuelles à lui imposer. Cette réflexion visant la responsabilité devant l’innovation doit être partagée par le politique et les usagers, mais aussi par les innovateurs eux-mêmes. Ceux-ci doivent assumer leur responsabilité devant l’estimation des conséquences (sociales, économiques, humaines ou écologiques) des avancées qu’ils génèrent.

En tout état de cause, dans une vision humaniste, il est impératif de réduire les excès ainsi que les impasses inévitables d’une vision stérilisante de l’innovation et de la transformation digitale qui, imposées de force (ou en force), ne favoriseraient pas, voire nuiraient, à la qualité des relations humaines.

Au-delà du législateur, il faut imaginer des moyens permettant de fluidifier l’inscription de la transformation digitale dans le social et dans le monde. Car, en raison de son impact global, il ne faut pas que cet art total aux potentialités magnifiques s’engage dans une mauvaise pente en se transformant en pratique totalitaire.
L’innovation est (et doit rester) une science humaine.

Le monde merveilleux de la transformation numérique !

Le monde merveilleux de la transformation numérique !

La transformation digitale, un art total estime dans la Tribune Alain Conrard, Président de la Commission Digitale et Innovation du Mouvement des ETI (METI) .
S’il n’y a pas de doute sur les mutations qu’apporte la révolution numérique de là en faire un art total il y a un pas que franchit l’auteur de la Tribune.

À écouter les nombreuses contributions sur le sujet, le numérique pourrait presque se substituer à la pensée humaine en tout cas devenir presque la nouvelle religion, l’idéologie en tout cas une référence de pensée! Des contributions fortement inspirées et dithyrambiques qui glorifient en quelque sorte une révolution technologique de manière totalement excessive .NDLR

« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », pensait Lavoisier à la fin du 18e siècle. On pourrait ajouter à cela aujourd’hui que si tout ne se transforme pas, plus rien ne se crée. Et si la transformation a toujours été la manifestation la plus évidente de l’évolution, ce concept est encore plus central dans le cadre de l’univers digital.
Si la transformation digitale était il y a encore très peu de temps le summum de l’évolution liée à la technologie, ce par quoi les entreprises se distinguaient les unes des autres et prenaient des parts de marché au détriment de leurs concurrents, elle est maintenant devenue un prérequis de toute activité productive. Tout le monde est, d’une certaine manière, aujourd’hui à égalité devant cette question. Pourtant, cette transformation numérique ne se résume pas simplement à des changements où une technologie en remplacerait une autre. Pour donner toute sa mesure, pour exprimer toute sa puissance, elle demande avant tout une transformation des cadres de pensée.

Avant d’être une expérience technologique – et pour que ce puisse être pleinement une expérience technologique -, la transformation digitale doit être une expérience de pensée : le digital permet de penser (ou de se représenter) le monde autrement. Et c’est là, dans la perception de ce que la transformation digitale est réellement, et surtout de la puissance dont elle est capable, que se dessine aujourd’hui ce qui fait la différence, donc la réussite, entre une entreprise et une autre.
L’ensemble des activités humaines
Cette prise de conscience consiste avant tout à comprendre la multiplicité des niveaux d’intervention de la transformation digitale, l’interaction entre tous ces niveaux, et le côté global, sans échappatoire possible, de l’opération. Il s’agit de prendre la mesure du gigantesque mouvement qui redéfinit la moindre des activités humaines autour des technologies numériques, et ainsi présente des conséquences en nombres presque incalculables.
Ce déploiement prend deux formes principales. Il y a non seulement le côté global pris par le numérique (l’impact des technologies du numérique et de l’innovation partout sur la planète) ; mais aussi le fait que l’on pense aujourd’hui globalement à travers le numérique.
Les visions du monde se dessinent aujourd’hui dans la transformation numérique, et grâce à elle. Elle concerne, presque sans exception, les multiples dimensions de l’expérience humaine en société. En effet, derrière le technologique, elle influe à la fois et en même temps sur l’économique, le social, le sociétal, l’humain, sans oublier l’écologique. Cette transformation, et l’innovation qu’elle manifeste, ont aujourd’hui un impact décisif global dans chacun de ces cinq champs.
Son aire de compétence est intégrale, et sa zone d’intervention globale. On peut ainsi la qualifier d’art total.
Art et ars
L’art a longtemps été relié aux techniques et aux savoir-faire. En effet, « art » vient du latin « ars » dont le sens est celui de métier, de talent, de connaissance technique, de maîtrise de savoir-faire dans des matières multiples. Puis, après de multiples variations, il a pris, depuis les 18ème et 19ème siècles, la signification qu’on lui connait aujourd’hui de création d’œuvres : le beau, l’esthétique ou le disruptif. Le sens du mot a donc évolué du moyen pour obtenir l’œuvre, qu’il avait initialement, jusqu’au résultat final obtenu, qu’il a pris aujourd’hui.
On utilise encore souvent le terme « art » pour dire la maîtrise d’une personne ou d’une pratique. On évoque alors une habileté, comme lorsqu’on parle d’art de la conversation, par exemple.
Pourtant, parler d’art au sujet du numérique n’est pas juste une figure de style. Le numérique est d’autant plus un art qu’il contient en lui-même une dimension esthétique : celle qui nécessite la création d’interfaces (donc visuelles) pour pouvoir être utilisé. Le numérique a besoin de l’art pour être perçu : une ligne de code n’est pas convaincante, ni même appropriable (elle n’a pas de forme), là où une interface graphique (qui n’est pourtant rien d’autre que la mise en forme de la ligne de code) est parfaitement efficace. Le génie d’Apple en cette matière est de l’avoir compris avant tout le monde dans les années 80 avec Macintosh. Contrairement à la réputation qui lui était faite à l’époque, Macintosh n’était pas un ordinateur réservé aux créatifs, mais un ordinateur capable de favoriser la créativité, quel que soit le secteur. La diffusion de la technologie numérique dans tous les champs d’activité supposait que tout le monde, y compris les non-spécialistes des technologies de l’information, puisse s’y relier. Les interfaces graphiques, donc l’esthétique, ont été le moyen de cette conquête et de cette démocratisation. D’ailleurs, près d’un quart des métiers du numérique est lié à l’artistique, au design.
Le numérique est donc travaillé par l’esthétique de façon centrale. Au point que l’on voit apparaître, avec les NFT par exemple, des formes d’art spécifiques à l’univers digital. Le numérique a permis de créer une nouvelle forme d’art.

Cette révolution technologique a suscité un désir de créativité général, comme si les possibilités qu’elle offre était un défi, non seulement pour les artistes et les créatifs, mais aussi pour toutes les professions, obligées d’innover chacune à leur manière. De ce point de vue, le concept de « design » est l’un des meilleurs marqueurs de la dimension « artistique » du numérique. Il est sorti de sa niche de créatif (la forme des objets industriels) pour nommer, notamment avec le terme de design thinking, un élément relatif aux process et aux modes d’organisation qui doivent eux aussi désormais faire preuve de créativité.
Ainsi, la transformation digitale est d’autant plus un art total qu’elle réunit les deux sens historiques recouverts par le terme « art ». L’une de ses beautés est d’avoir opéré une synthèse originale entre ces deux définitions historiques de l’art que tout semblait pourtant devoir opposer : le beau et la technique/savoir-faire.
Fabriquer son propre monde Avec la numérisation du monde, le numérique est devenu un monde ; ou plus précisément, il est devenu l’équivalent du monde. À travers les univers virtuels, le métavers, les avatars, etc., chacun peut fabriquer son monde, ainsi que son rapport au monde – au point d’ailleurs de pouvoir dans certains cas générer des pathologies d’enfermement dans les univers numériques qui forment autant de mondes parallèles.

Pourtant, si chacun peut créer son propre univers, personne ne devrait oublier que cette création repose sur l’utilisation d’une technologie universelle : celle à disposition de tout le monde. Chacun devrait prendre conscience que son monde, aussi singulier soit-il, passe par la même technologie pour tout le monde. Ceci crée un mélange nouveau entre singularité et universalité tel que l’on n’en n’a encore jamais connu dans l’histoire humaine. En favorisant la création d’objets numériques de toutes sortes par des non spécialistes du codage, le low code-no code va encore accentuer cette singularité/universalité.
Cette non-dualité (être à la fois, et en même temps, parfaitement singulier et intégralement universel) est l’une des caractéristiques les plus fascinantes de l’univers numérique, qui explique sans doute la rapidité de sa conquête du monde.

L’univers digital est une nouvelle frontière au sens où il introduit une porosité entre des mondes autrefois dissociés, des univers professionnels incapables de se parler, faute de pouvoir se comprendre car rendus étanches par la spécificité de leurs langages, et la défense jalouse de leurs savoir-faire. Le numérique est aujourd’hui le langage commun de toute activité humaine. Ainsi, il est un univers qui permet l’association des mondes.

Le numérique couvre à la fois des sujets de surface, assez peu intellectualisés (le côté « entertainment »), et des sujets de grande profondeur intellectuelle (recherche fondamentale).
Pour cette raison, l’adoption est une dimension clé : une transformation est inutile si elle n’est pas adoptée. Peut-on aujourd’hui se passer du numérique dans notre vie personnelle et professionnelle ? Il semble que non. Pourtant, le fait de ne pouvoir faire autrement ne signifie pas nécessairement que l’adhésion est complète. On peut adopter le numérique en le subissant. C’est tout le problème du passage obligé : l’impossibilité de faire l’impasse ne signifie pas pour autant que l’on est d’accord, que l’on en est heureux, que ça améliore le rapport aux autres ou le rapport au monde.

Il y a un bénéfice du progrès, encore faut-il qu’il soit perçu, d’une part, et que l’on y adhère, d’autre part. Ici réside un enjeu de société réel, car l’innovation et la transformation digitale n’ont de sens que si elles participent au bien commun.

Pour la plupart, le numérique est une technologie à laquelle ils n’ont pas accès : ils s’en servent, mais n’ont aucune idée de son fonctionnement, encore moins de ce que sont les grands principes de l’univers numérique (codage binaire, etc.). Puisque la redéfinition est avant tout une chose mentale, la pédagogie est donc essentielle. Elle seule permet la responsabilisation. Un accompagnement pédagogique doit alors être mis en place pour permettre de comprendre les enjeux complexes de l’innovation et de la transformation digitale, et favoriser ainsi leur adoption. En procédant de cette manière, on offrirait aux personnes un autre rapport à cet univers et à ses outils, partout présents en permanence aujourd’hui. On ferait alors un acte civilisationnel important, au sens où la transformation digitale ne serait plus subie passivement, mais accompagnée. Il y a, là encore, une fonction essentiellement politique de la transformation digitale. Et donc, une place essentielle du politique dans cette question.

D’où le rôle majeur de l’éducation – donc de l’Éducation Nationale – pour favoriser l’adoption, mais aussi aiguiser les fonctions critiques, et ceci dès les classes secondaires. En effet, si on attache une logique de la responsabilité au phénomène de la transformation digitale, on la place en position d’être soutenue, mais également questionnée, notamment du point de vue des limites éventuelles à lui imposer. Cette réflexion visant la responsabilité devant l’innovation doit être partagée par le politique et les usagers, mais aussi par les innovateurs eux-mêmes. Ceux-ci doivent assumer leur responsabilité devant l’estimation des conséquences (sociales, économiques, humaines ou écologiques) des avancées qu’ils génèrent.

En tout état de cause, dans une vision humaniste, il est impératif de réduire les excès ainsi que les impasses inévitables d’une vision stérilisante de l’innovation et de la transformation digitale qui, imposées de force (ou en force), ne favoriseraient pas, voire nuiraient, à la qualité des relations humaines.

Au-delà du législateur, il faut imaginer des moyens permettant de fluidifier l’inscription de la transformation digitale dans le social et dans le monde. Car, en raison de son impact global, il ne faut pas que cet art total aux potentialités magnifiques s’engage dans une mauvaise pente en se transformant en pratique totalitaire.
L’innovation est (et doit rester) une science humaine.

Numérique et développement durable : où en sont les entreprises françaises ?

Numérique et développement durable  : où en sont les entreprises françaises  ?

Suite à la loi du  15 novembre 2021, la loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique (REEN) , Carole Davies-Filleur, directrice exécutive responsable du développement durable chez Accenture Technology et Romain Mouton, Président du Cercle de Giverny font le point dans la Tribune , ‘extrait) 

Selon le rapport de la mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique, si rien n’est fait, le numérique représentera 7% des émissions de gaz à effet de serre de la France à l’horizon 2040, contre 2% aujourd’hui.

 

En matière de neutralité carbone, l’engagement des entreprises françaises interrogées semble acquis : 84% d’entre elles ont des objectifs dans ce domaine à horizon 2030, 28% s’engagent même à les atteindre d’ici 2025 (1). La technologie est considérée comme un levier important de mise en œuvre des initiatives de développement durable pour 96% des entreprises françaises.

Pour autant, la stratégie du numérique responsable n’est pas forcément corrélée avec la stratégie générale de l’entreprise et celle du développement durable. Pour être efficace, elle doit considérer trois impératifs simultanément : la technologie doit se mettre au service du développement durable, le développement durable doit être intégré dans la technologie elle-même et le développement durable doit être orchestré avec l’écosystème. Or, peu d’entreprises en France considèrent ces trois éléments en même temps.

En France, les entreprises sont seulement 4% à mettre en place une approche véritablement holistique, contre 7% au niveau mondial. Instituer les bons mécanismes de gouvernance peut aider à briser les silos. Mais aujourd’hui, seuls 41% des DSI font partie de l’équipe dirigeante qui fixe les objectifs de développement durable, et seuls 38% sont évalués sur la réalisation de ces objectifs.

Trois obstacles principaux expliquent ce retard des entreprises françaises en matière de numérique responsable :

  • Le manque de talents et de solutions. 39% déclarent manquer de personnes qualifiées pour mener des initiatives numériques en faveur du développement durable et 32% pensent que les bonnes solutions ne sont pas disponibles ou pas encore arrivées à maturité.
  • La complexité et le coût. 38% déclarent qu’il est cher et complexe de rendre les anciens systèmes plus durables.
  • Le retard de la migration vers le cloud. 32% des entreprises n’ont pas encore migré leurs centres de données vers le cloud qui peut être un levier pour l’efficacité énergétique de l’infrastructure IT.

En s’appuyant sur la technologie, les entreprises peuvent effectivement accélérer leur transformation durable en formulant une stratégie qui répond aux trois impératifs évoqués plus haut. Le premier consiste donc à se mettre au service des métiers de l’entreprise pour atteindre des objectifs de développement durable, tant environnementaux, sociaux qu’éthiques. Pour l’impératif urgent de sobriété énergétique, on connaît par exemple l’utilité des systèmes de Smart Buildings. Le deuxième est d’intégrer le développement durable dans la technologie : alors que la technologie est un moteur fondamental de la durabilité, la solution doit être conçue résiliente et sobre pour qu’elle ne devienne pas elle-même un problème. Enfin, dernier impératif : orchestrer un écosystème d’entreprises, de startups et de partenaires pour exploiter pleinement le potentiel de la technologie en faveur du développement durable.

Si l’on mesure le niveau de succès des entreprises à combiner ces trois éléments, on constate qu’environ 70% des entreprises en France ont des scores entre 0.3 et 0.5 (2), contre 60% au niveau global. Seules 10% des entreprises françaises ont des scores dépassant 0.6, les positionnant comme leaders dans ce domaine, contre 13% au niveau mondial. Si le potentiel est bien là, cela suggère que bon nombre d’entreprises ont encore du chemin à parcourir pour utiliser pleinement le numérique au service du développement durable.

Pour aller plus vite et plus loin, les pistes pourtant ne manquent pas : par exemple en exploitant davantage les technologies (intelligence artificielle pour l’efficacité énergétique dans les bâtiments et usines, analyse des données pour le pilotage de la décarbonation, plateformes numériques pour échanger des données fournisseurs sur l’impact RSE  jumeau numérique pour éco-concevoir les produits…),  en intégrant la performance environnementale, sociale et éthique au sein de cycle de vie des services numériques, en instituant les bons mécanismes de gouvernance pour briser les silos ou encore en renforçant le décloisonnement entre le monde académique, l’administration publique et le monde de l’entreprise.

 

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(1) Étude Numérique et Développement Durable en France.  Analyse mondiale menée par Accenture Research auprès de 560 entreprises dont 60 françaises.
(2) Indice avec une échelle comprise entre 0 et 1 (Sustainability Technology Index – Accenture Research)

Carole Davies-Filleur et Romain Mouton

Souveraineté numérique : L’Europe, trop dépendante

Souveraineté numérique :  L’Europe, trop dépendante

 

Un accord passé le 25 mars entre Bruxelles et Washington met à mal la politique de « souveraineté numérique » proclamée pourtant par l’Europe, regrette le chef d’entreprise , Alain Garnier, dans une tribune au « Monde ».

 

Notons cependant depuis quelques semaines le virage amorcé par l’Europe (et la France) pour tenter avec retard d’éviter la domination des GAFAM.  Malheureusement un revirement peut-être un peu tardif. NDLR

 

Au début du conflit ukrainien, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président des Etats-Unis, Joe Biden, ont annoncé, le 25 mars, qu’ils étaient parvenus à un accord portant sur un nouveau cadre pour le transfert des données personnelles entre les deux continents. Cette annonce, passée relativement inaperçue, pourrait néanmoins ruiner des années d’efforts pour instaurer une souveraineté numérique européenne.

Le transfert de données personnelles entre l’Europe et les Etats-Unis n’a jamais vraiment été une évidence. Les règles négociées entre l’Union européenne et le département du commerce américain entre 1998 et 2000, dites « Safe Harbor » (« sphère de sécurité »), l’autorisaient, considérant que les Américains offraient des garanties suffisantes quant à la protection de la vie privée. Invalidé par un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en 2015, cet accord renaissait tel le phénix un an plus tard sous le nom de « Privacy Shield » (« bouclier de protection de la vie privée »). Mais, nouveau coup de tonnerre en 2020, ce dernier est à son tour invalidé par la CJUE, car incompatible avec l’article 5 du règlement général sur la protection des données (RGPD).

Ces revirements successifs font écho à la politique américaine qui n’a cessé d’assouplir ses lois sur la surveillance des données personnelles depuis vingt ans. Chaque évolution – Patriot Act en 2001, amendements au Foreign Intelligence Surveillance Act en 2008, Cloud Act en 2018 – a eu pour conséquence de donner toujours plus de nouveaux pouvoirs aux instances juridiques et gouvernementales sur les données personnelles hébergées par les entreprises américaines, que leurs serveurs soient situés dans le pays ou ailleurs dans le monde. Une vision incompatible avec les règles européennes en matière de protection des données.

La fin du Privacy Shield avait durement secoué les géants du numérique américains. Ses premiers effets commençaient à se faire sentir. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) avait ainsi appelé, en 2021, le gouvernement à écarter le choix de Microsoft Azure pour l’hébergement des données de santé du Health Data Hub, plate-forme centralisée des données médicales des Français. Plus récemment, la CNIL mettait en garde les établissements d’enseignement supérieur quant à l’utilisation des suites collaboratives proposées par les éditeurs américains. Enfin, début février, elle a mis en demeure un éditeur de site Web utilisant Google Analytics, considérant le transfert de ces données vers les Etats-Unis comme illégal.

Pour un numérique social et sobre

Pour un numérique social et sobre

 

Il est urgent de penser un numérique sobre et de garantir une alternative humaine au numérique pour tous les services publics, plaident, dans une tribune au « Monde », dix représentants des collectivités territoriales membres du collectif Belle Alliance.

 

Une tribune qui mérite intérêt car elle rappelle la nécessité d’un numérique au service du citoyen et qui prenne en compte la sobriété. Aussi la réalité du développement du numérique dans la société. Sans parler d’un risque majeur, non évoqué ici, celui de la grande panne qui détruirait et-ou   détournerait les données notamment sensibles. Un sujet volontairement ignoré par les néo modernistes qui ont tellement peur d’être ringards NDLR

 

D’ici à la fin de l’année, l’Etat souhaite atteindre 100 % de la dématérialisation des services publics. Cet objectif se heurte à une réalité, chiffrée dans le rapport « Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ? » publié en février par le Défenseur des droits : environ 13 millions de personnes en France sont touchées par l’illectronisme, essentiellement les seniors et les plus précaires.

Plus nombreux encore sont ceux qui restent démunis face aux démarches administratives en ligne, par manque d’équipement informatique, d’accès à des réseaux de qualité, d’accompagnement ou de clés de compréhension.

Selon le même rapport, 15 % des Français n’ont toujours pas un accès Internet à leur domicile, et ce chiffre s’élève à 25 % pour les bénéficiaires des minima sociaux, selon un récent rapport du Défenseur des droits. La crise sanitaire et le distanciel généralisé qu’elle a entraîné ont été un véritable révélateur des inégalités entre les citoyens. La fermeture des guichets d’accueil physique a marqué une rupture dans la continuité de l’accès aux droits : la hausse des réclamations adressées au Défenseur des droits concernant les droits des usagers aux services publics le démontre.

Face à cette urgence et dans une configuration inédite, dix associations représentant les collectivités territoriales et leurs groupements, réunies en un collectif dénommé Belle Alliance, ont présenté le manifeste « Pour réussir la transformation numérique responsable dans les territoires ».

Les élus locaux le réclament, car c’est indispensable pour ceux qui restent les plus éloignés des nouvelles technologies : il est urgent de penser un numérique sobre et de garantir une alternative humaine au numérique pour tous les services publics, de sanctuariser des espaces physiques d’accueil, de rétablir les plates-formes téléphoniques. La dématérialisation se fait au service du citoyen dès lors qu’elle est raisonnée.

Pour un numérique social et responsable au service des citoyens, et non l’inverse, les services publics de proximité doivent en outre permettre un accompagnement des personnes aux usages numériques, porté par des agents publics formés. C’est l’un des prérequis pour fonder la confiance des citoyens envers le numérique.

Mais il faut aussi renforcer l’indispensable protection des données et la cybersécurité, associer les citoyens et la société civile aux questions éthiques, sociétales et économiques posées par ces technologies. Enfin, il convient de définir clairement les conditions de définition et de protection de l’« identité numérique », essentielles dans le déploiement des dispositifs France Connect et Mon espace santé, notamment.

Numérique : L’Europe à la botte des Américains ?

Numérique : L’Europe à la botte des Américains ?

La puissance normative de l’Europe ne lui permettra pas de construire une force industrielle et technologique, estime l’économiste Elie Cohen dans un entretien au « Monde ». Selon lui, l’idée même de souveraineté se heurte aux fondamentaux du Vieux Continent.

 

Elie Cohen, économiste, directeur de recherche au CNRS et grand analyste et historien de la politique industrielle française, a publié, en 2022, Souveraineté industrielle. Vers un nouveau modèle productif (Odile Jacob, 240 pages, 22,90 euros). Il explique pourquoi l’Europe n’est pas près de faire émerger un champion européen du numérique.

La souveraineté numérique est-elle à la portée de l’Europe ?

On en parle depuis très longtemps, d’abord pour l’informatique puis pour les télécoms, enfin pour les composants. En fait, le débat sur la souveraineté technologique – et, surtout, la question des moyens de ne pas subir les grandes transformations lancées ailleurs – hante l’Europe depuis très longtemps. Elle a tenté plusieurs approches. Les projets Eureka se sont révélés trop colbertistes pour une Europe dont l’ADN est la libéralisation.

Pour adopter une politique industrielle européenne, il aurait fallu enfreindre les règles du marché ; l’Europe a préféré démanteler les barrières nationales et les modèles nationaux intégrés. Elle a alors décidé d’être moins ambitieuse et s’est donné pour objectif de devenir la puissance championne de l’économie de la connaissance : c’est l’agenda de Lisbonne et… un nouvel échec.

Entrée dans le troisième âge de la politique industrielle européenne, l’Europe explore deux pistes : elle tente de pousser plus loin l’intégration pour susciter des coopérations – c’est ce que font les projets importants d’intérêt européen commun (Piiec), dans les batteries, les hydrolyseurs, les semi-conducteurs, etc. – et, en tant que première puissance de consommation mondiale, elle veut façonner le paysage numérique grâce à son pouvoir réglementaire et à sa capacité de régulation. C’est ce qu’elle fait avec le règlement général sur la protection des données, le Digital Markets Actle Digital Services Act, etc.

Le pouvoir réglementaire et normatif peut-il apporter la souveraineté ?

L’Europe a abandonné aux Etats-Unis sa souveraineté industrielle sur le matériel, et aux Gafam et à des entreprises essentiellement américaines celle sur les plates-formes, les logiciels et les services. Elle n’adoptera pas une stratégie volontariste semblable à celle que la Chine a mise en place pour contrer les Gafam ou pour devenir leader mondial de la 5G.

L’usage intelligent de la norme doit être appuyé par un pouvoir industriel, par une commande publique, par des investissements et par un contrôle du marché. Alors, être une puissance normative permettra-t-il à l’Europe de construire une puissance industrielle et technologique ? La réponse est non ! A fortiori si l’on ajoute la lenteur de ses processus décisionnels, les querelles internes franco-allemandes, la réticence à faire émerger des champions européens… J’avoue avoir été séduit par les Piiec et par la politique d’innovation, mais les ordres de grandeur ne sont pas là, il faudrait un facteur 10 !

Hôpital: pour une révolution numérique

Hôpital: pour une révolution numérique

Pour enrayer la crise que traverse le système hospitalier, l’épidémiologiste et rhumatologue Philippe Ravaud propose, dans son dernier ouvrage, de tirer parti des outils numériques et de l’intelligence artificielle, appelant à un « débat éclairé » sur le sujet.( Le Monde)

 

Les nouvelles technologies numériques peuvent-elles venir au secours de l’hôpital public ? Peut-être que dans un autre contexte, ou sous une autre plume, on serait passé plus vite sur ce livre de rentrée, en le réduisant – à tort – à un plaidoyer pour la télémédecine.

Mais l’auteur, Philippe Ravaud, a une expertise à faire valoir : épidémiologiste et rhumatologue, professeur à l’université Paris-Cité, à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris ainsi qu’à la Mailman School of Public Health de Columbia (New York), il est aussi directeur du Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (Inserm, Paris-Cité) et directeur scientifique du partenariat public-privé en santé numérique de l’Hôtel-Dieu. Voilà pour le CV. Quant au contexte, la crise que traverse le système hospitalier – crise que le Covid-19 n’a fait qu’amplifier et qui s’est cristallisée, cet été, sur les services d’urgence – est déjà presque une justification en soi.

Pour trouver une issue à cette crise, et mettre un terme à trente ans de paupérisation de l’hôpital public, Philippe Ravaud défend un « grand bouleversement » adossé aux outils numériques et à l’intelligence artificielle. Mais qu’on ne s’y méprenne pas : dans cette révolution à venir, la technologie n’est qu’un moyen, pas une fin en soi. Un moyen d’améliorer le diagnostic et les soins, explique-t-il, mais aussi de résoudre les inégalités et la désertification médicale, de pallier la pénurie de personnels, de développer la prévention ou encore de renforcer, paradoxalement, le lien soignant-patient : l’argumentaire est étayé, nourri d’études scientifiques et d’exemples concrets, en France comme à l’étranger.

Le néophyte y plonge comme dans un roman d’aventures, voire d’anticipation. Reste à savoir ce que penseront des lecteurs plus avertis, à commencer par les soignants, des « plates-formes régionales de suivi à distance » que l’auteur verrait s’édifier dans le cadre de partenariats public-privé, ou de la « valorisation » des données numériques personnelles qui, en étant vendues, cédées ou utilisées autrement, pourraient constituer des « revenus non conventionnels » en complément de financements plus classiques. Et ainsi renflouer les caisses de l’hôpital public.

« Les obstacles culturels et systémiques sont multiples, écrit Philippe Ravaud, mais il ne fait guère de doute que cette révolution numérique aura lieu. » A l’appui de sa démonstration, il rappelle le « rôle d’accélérateur » qu’a joué le Covid-19, en France et ailleurs : des plates-formes « conçues à partir de rien en quelques jours », et permettant de suivre à distance les malades, ont pu éviter d’innombrables hospitalisations. « Tout était redevenu possible », rappelle l’épidémiologiste, y compris la remise à plat de modes d’organisation qui semblaient figés.

Monnaie numérique: L’Europe en retard

 Monnaie numérique: L’Europe en retard

Par Rafik Ammar est chargé de la communication et du développement au sein de l’Association française des trésoriers d’entreprise (AFTE) dans l’Opinion .

 

 

 

Les nouveaux systèmes de paiement sont d’importance mondiale. Les autorités des différentes juridictions doivent veiller à la conformité de leurs principes et règles à ceux pratiqués au niveau international. Le rôle des autorités est de veiller à l’existence de règles qui encouragent la concurrence entre fournisseurs tout en utilisant une approche réglementaire neutre sur le plan technologique. Afin de créer une réglementation prudente pour les émetteurs et les consommateurs, l’Union européenne devrait établir des exigences spécifiques pour l’obtention d’une licence bancaire par les nouveaux organismes.

Les stablecoins ou cryptomonnaies stables ont un caractère mondial, elles existent dans de nombreux pays et beaucoup d’autres les adopteront à l’avenir. La Chine est l’un des pays les plus avancés dans l’utilisation de la blockchain avec son projet pilote sur le yuan numérique annoncé en 2020. Elle a inclus des dispositions relatives à la monnaie numérique dans le champ d’application de la loi.

Face à ces initiatives, l’UE est à la traîne. En revanche, le Royaume-Uni fait des progrès. Le comité de politique financière de sa banque centrale doit publier un rapport sur les effets des stablecoins, qui traitera aussi d’une monnaie numérique de banque centrale. Il cherche à montrer comment le système de réglementation devrait être ajusté pour garantir la confiance tout en soutenant l’innovation.

De nombreux pays n’ont pas de base juridique nationale et ne considèrent pas les monnaies numériques comme égales à la monnaie fiduciaire en raison de leur valeur instable. De ce fait, les fournisseurs de stablecoins ne sont pas protégés. Pour parvenir à une réglementation mondiale, des règles doivent être créées en matière d’informations fournies par les clients aux émetteurs. Les utilisateurs de ces monnaies doivent savoir comment leurs données personnelles sont utilisées et stockées. Actuellement, banques et sociétés de crédit sont réglementées par des lois dans tous les pays et un niveau de réglementation similaire devrait s’appliquer en matière de monnaie numérique.

Au niveau de l’UE, la législation qui doit régir l’utilisation des stablecoins en tant que catégorie de monnaies numériques est la « Réglementation des marchés des crypto-actifs » (MiCA). Voici quelques points d’améliorations souhaitables. Une différenciation plus claire est nécessaire entre plateformes de monnaie électronique, stablecoins à domaine ouvert, et projets d’entreprise qui doivent être soutenus de manière appropriée sur le plan fiscal. Des normes techniques de réglementation doivent être publiées par les autorités européennes de surveillance afin de remédier à toute ambiguïté sur la distinction entre les crypto-actifs, au titre de MiCA, et les instruments financiers, si une telle ambiguïté survenait avec le développement du secteur.

Le règlement européen devrait prévoir des règles plus proportionnées afin d’inciter les petites entreprises à entrer sur le marché, notamment en fixant des exigences de fonds propres à un niveau raisonnablement élevé. Il faut alléger les obligations disproportionnées imposées aux entreprises par la législation et encourager l’innovation afin de retrouver plus de souveraineté dans le secteur financier. L’UE doit rebattre les cartes dans la course à la création de monnaie numérique de banque centrale.

Rafik Ammar est chargé de la communication et du développement au sein de l’Association française des trésoriers d’entreprise (AFTE).

L’euro numérique : L’inquiétude des banques

L’euro numérique : L’inquiétude des banques

. Par Pierre-Edouard Batard, directeur général de la Confédération nationale du Crédit Mutuel.

 

 

Pour Pierre-Edouard Batard, directeur général de la Confédération nationale du Crédit Mutuel, la BCE ne doit pas se positionner comme concurrente des banques. D’une certaine manière, Pierre Édouard Batard exprime l’inquiétude existentielle des banques vis-à-vis de la banalisation d’une monnaie digitale européenne ( Dans la Tribune)

La monnaie digitale créée et hébergée par la Banque centrale européenne (BCE) sera de facto concurrente des moyens de paiement des banques commerciales. On aura beau penser – et rappeler au public ! – que ces monnaies se valent exactement et qu’elles répondent aux mêmes besoins des entreprises et des particuliers, le fait que la BCE garantisse « son euro » distillera le sentiment, conscient ou non, que les monnaies scripturales et électroniques tenues dans les comptes des banques commerciales, pourtant surveillées par la même BCE, ne présenteraient pas le même degré de confiance.

Prêts à fournir les efforts nécessaires de pédagogie et de communication, nous attendons de l’Europe qu’elle prenne sa part de ce travail en faveur de la clarté.

La confusion, si elle devait amener les usagers à privilégier la nouvelle monnaie digitale, provoquerait la fuite des dépôts au profit de la BCE et menacerait la rentabilité de l’activité des banques, les amenant à durcir l’accès au crédit. Pour les derniers réseaux bancaires qui, à l’instar du Crédit Mutuel, persistent à investir dans la proximité et porter leurs services au cœur des territoires, cette tension sur la santé du secteur peut avoir de graves conséquences stratégiques.

Alors que la BCE place l’inclusion bancaire au rang de ses priorités, il serait pour le moins paradoxal que l’accès des usagers au crédit et le financement des projets économiques soient les victimes collatérales de l’euro numérique. Là encore, toutes les parties prenantes doivent rappeler au public et aux citoyens qu’ils disposent d’ores et déjà, sous la supervision de la Banque de France, de la garantie d’utiliser l’euro sous toutes ses formes sans exclusion de population et sans tarification. Ne laissons pas s’installer l’idée selon laquelle l’euro numérique viendrait en sauveur d’un système défaillant : le système actuel fonctionne et il est protecteur.

L’anonymat des transactions est une attente légitime des citoyens européens : elle ne sera pas satisfaite par une technologie blockchain ; elle doit l’être dans la garantie du secret bancaire et la préservation de l’intimité numérique.

Par ailleurs, la détection des agissements des filières de blanchiment ou de financement du terrorisme et les procédures de contrôle qui la permettent ne sauraient connaître de relâchement. Hors ces cas de fraude, les banques traditionnelles protègent la confidentialité des usages bancaires du quotidien vis-à-vis des instances publiques, par le respect strict de plusieurs cadres réglementaires (RGPD, cybersécurité, non-monétisation des données…) et le Crédit Mutuel a même inscrit dans ses statuts le principe de leur défense.

Demain, quand nos transactions courantes seront directement opérées par la BCE, nos clients doivent bénéficier des mêmes garanties et disposer des mêmes recours. Sur ces deux terrains délicats, les banques françaises appliquent les dispositions en vigueur sous le contrôle de la DGCCRF, elles constituent un rempart efficace pour le consommateur et une force de proposition fiable pour la BCE.

Je forme le vœu qu’en parallèle du lancement de l’euro numérique, l’Europe monétaire en quête de souveraineté s’attaque à la régulation des cryptomonnaies, chantier primordial et crucial. Il est urgent d’imposer aux acteurs de leur émission et leur circulation ce même cadre réglementaire qui nous incombe pour l’émission et la circulation de l’euro et/ou des instruments financiers : que la vente de bitcoins soit moins encadrée que celle des actions du CAC 40 est sidérant, voire délirant !

D’autre part, alors que la BCE vient d’affirmer la prépondérance des critères climatiques et environnementaux dans ses décisions stratégiques, il devient indispensable que soit clairement estimé, annoncé et débattu le coût environnemental de cette nouvelle monnaie digitale à l’échelle du continent.

Les plus pessimistes vont jusqu’à formuler l’hypothèse d’une BCE, pourtant régulateur et superviseur bancaire, qui se positionnerait en concurrente voire en remplaçante des banques commerciales, devenues alors ses supplétives. Pire : le reliquat serait confié à des acteurs extra-communautaires, un comble pour ce projet annoncé au renfort de la souveraineté européenne. Ces craintes ne relèvent pas de la science-fiction.

Pour toutes ces raisons économiques, stratégiques et éthiques, le Groupe bancaire Crédit Mutuel contribuera activement aux réflexions et aux débats qui vont marquer les mois à venir.

Nous y défendrons notre capacité d’innovation technologique face aux acteurs du numérique, notamment sur la protection de la vie privée et la création de solutions aux défis du paysage européen des paiements. Nous réaffirmerons également ces principes du mutualisme qui nous portent et demeurent une saine boussole pour tout notre secteur.

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