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Numérique : 15 % de la population en situation d’illettrisme numérique

Numérique : 15 % de la population en situation d’illettrisme numérique

16 millions de personnes se sentaient éloignées du numérique en France fin 2022, selon le Crédoc. C’est 3 millions de plus qu’en 2017, et 30 % de la population des plus de 18 ans. Selon l’ANLCI, qui publie l’Atlas de l’Illettrisme, « on parle d’illettrisme pour des personnes qui, après avoir été scolarisées en France, n’ont pas acquis une maîtrise suffisante de la lecture, de l’écriture, du calcul, des compétences de base, pour être autonomes dans les situations simples de la vie courante ». Et serait concerné près de 7 % de la population âgée de 18 à 65 ans, majoritairement masculine (60,5 %) dont la moitié vit dans une zone faiblement peuplée. Mais quand il s’agit de déficit de compétences liées au numérique, on parle alors d’illectronisme. Et là, ça concerne beaucoup plus de monde, soit 1 Français sur 5 !

Pour l’ANCLI, l’illettrisme numérique (ou l’illectronisme) désigne la « situation d’une personne ne maîtrisant pas suffisamment les usages des outils numériques usuels pour accéder aux informations, les traiter et agir en autonomie dans la vie courante ». Et, contrairement à une idée reçue, ce n’est pas qu’un problème de génération. Ainsi, selon l’édition 2021 du baromètre Credoc, 36 % des 18-24 ans reconnaissent au moins une difficulté avec les compétences informatiques de base. Ce qui conduit parfois à une incapacité à accomplir une démarche en ligne (28 % des non-diplômés). Rappelons que depuis mai 2022, conformément au programme Action publique initié fin 2017, 250 démarches les plus courantes sont dématérialisées. Certificat d’immatriculation, commande de passeport ou de carte nationale d’identité, demande d’allocations… difficile de (sur)vivre sans maîtriser les interfaces électroniques.

48 % de la population possèderaient des capacités numériques faibles ou nulles .

Société hyper numérique: Vers l’overdose ?

Société hyper numérique: Vers l’overdose ?

Un papier très intéressant des Echos évoque la problématique de l’envahissement du numérique dans l’économie et au-delà dans la société tout entière. Nous passons déjà en moyenne 40 % de notre vie éveillée devant les écrans. Mais selon Bruno Patino, nous n’avons encore rien vu. Car avec l’intelligence artificielle générative, nous entrons dans l’ère de la propagation exponentielle, la copie infinie et la dissémination illimitée.

Pour Bruno Patino, le risque devient celui de l’extinction du désir. « Si l’on n’y prend garde, il n’y aura bientôt plus assez d’attention pour supporter l’économie qui s’est mise en place. »
Pour Bruno Patino, le risque devient celui de l’extinction du désir. « Si l’on n’y prend garde, il n’y aura bientôt plus assez d’attention pour supporter l’économie qui s’est mise en place. »

Nous sommes tous de grands malades en voie de rémission potentielle. Autant le dire d’emblée : il faut prendre le diagnostic limpide de « Submersion » avec un zeste de philosophie. Le sujet de Bruno Patino – président d’Arte et auteur de « La Civilisation du poisson rouge » (Grasset, 2019) – est « la révolution dans la révolution » : l’émergence des intelligences artificielles génératives dans la société du réseau.

Il traite du déluge d’infos et de signes que nous subissons déjà et qui va forcément s’amplifier avec l’IA, alors que nous nous sentons complètement submergés et épuisés. Ce que Patino appelle le « triomphe possible du calcul permanent », c’est la dictature des algorithmes et l’émergence d’une « société du simulacre » où la liberté de choix est progressivement réduite à la portion congrue. Mais c’est aussi un tableau saisissant de notre apathie face au tsunami de signes alimenté par les nouveaux maîtres de cette société du simulacre (Google, Amazon, Meta ou TikTok…)

« Nous n’avons rien vu venir et nous n’avons encore rien vu », pronostique Bruno Patino. Le flot est devenu déluge. Son débit asphyxie notre capacité de réflexion. Les années 2006-2007 avaient amorcé l’ère de la connexion permanente avec l’invention de l’iPhone (donc du smartphone). Dans une première partie, l’auteur brosse le décor effrayant d’une société de la connexion permanente où nous errons tels des papillons hébétés et affolés en zappant d’application en application.

C’est ce que Patino appelle avec justesse « la routine des nuques baissées », celle des nouveaux esclaves de l’économie de l’attention, obsédés par leur dose quotidienne de dopamine. Le combat a remplacé le débat. La polarisation des échanges règne en maître dans l’« émocratie » triomphante. Le risque devient celui de l’extinction du désir. « Un constat vertigineux peut être dressé : si l’on n’y prend garde, il n’y aura bientôt plus assez d’attention pour supporter l’économie qui s’est mise en place. »

Deux chiffres démesurés : en 2023, nous passons en moyenne 40 % de notre vie éveillée sur les écrans et nous sommes 4,7 milliards d’humains à interagir sur les réseaux sociaux. Les poissons rouges sont devenus des oies blanches gavées au numérique : 32.000 heures de programmes disponibles sur Netflix en France, 80 millions de titres en moyenne sur Spotify et 100 millions sur Apple Music…

Or, l’utopie de la liberté du choix illimité conduit à la paralysie ou à l’indécision, comme l’a montré le psychologue Barry Schwartz dans « Le Paradoxe du choix ». L’infobésité engendre l’épuisement. Trop d’informations tue l’information. Cela tombe bien. Car l’économie numérique n’attend que cela : le « soulagement de la délégation ». L’algorithme va nous sauver, assurent les plateformes. L’intelligence artificielle devient notre anxiolytique et notre planche de salut en nous autorisant à… ne plus choisir.

Et ce n’est qu’un début. Car nous entrons désormais dans l’ère de la « propagation exponentielle » où la production infinie vient s’ajouter à la copie infinie et à la dissémination illimitée, « trois fonctions orchestrées par des machines ». Près de 70 ans après l’invention du premier robot conversationnel Eliza en 1966, le « deep learning » (la création de modèles imitant les techniques d’apprentissage du cerveau humain) vient bouleverser le monde du travail et l’univers de la connaissance.

Autant le dire d’emblée : le livre de Bruno Patino donne parfois envie de jeter son smartphone par-dessus bord… ou de le ranger dans la boîte à gants. Mais il est encore moins virulent que celui du philosophe Eric Sadin, « Vie spectrale », paru au même moment chez le même éditeur.

L’un et l’autre s’accordent sur le fait que la société du simulacre menace de saper profondément la confiance dans les médiateurs (médias, plateformes, institutions). Mais là où Bruno Patino mise encore sur un rôle accru des médiateurs et des tiers de confiance pour maîtriser la submersion et « construire le discernement », Eric Sadin ne cache pas ses sérieux doutes sur les moyens de contrer l’impact dévastateur du « tournant injonctif » lié à l’usage systématisé des IA et du robot conversationnel ChatGPT.

Sans compter l’ouragan social qu’il risque de provoquer sur un grand nombre de professions. Farouche critique de longue date de la « doxa techno-libérale », Eric Sadin pourfend les manoeuvres pathétiques des régulateurs européens pour parer aux risques et menaces liées à la captation des données personnelles ou aux manipulations de l’information.

Autant de remèdes de fortune dérisoires à ses yeux. Non seulement l’addiction aux écrans n’a fait qu’encourager une « neutralisation sournoise » de nos capacités à agir, mais l’avènement des IA génératives va accélérer cette privation progressive de notre droit naturel à la libre autodétermination.

C’est ce que l’auteur de « La Vie spectrale » – essai critique sur l’effet poudre aux yeux de l’ère du métavers et des IA génératives – décrit comme « la fatigue d’être soi » ou le « devenir-légume » de l’humanité. A chacun sa prophétie.

Société–Vers l’overdose numérique ?

Société–Vers l’overdose numérique ?

Un papier très intéressant des Echos évoque la problématique de l’envahissement du numérique dans l’économie et au-delà dans la société tout entière. Nous passons déjà en moyenne 40 % de notre vie éveillée devant les écrans. Mais selon Bruno Patino, nous n’avons encore rien vu. Car avec l’intelligence artificielle générative, nous entrons dans l’ère de la propagation exponentielle, la copie infinie et la dissémination illimitée.

Pour Bruno Patino, le risque devient celui de l’extinction du désir. « Si l’on n’y prend garde, il n’y aura bientôt plus assez d’attention pour supporter l’économie qui s’est mise en place. »
Pour Bruno Patino, le risque devient celui de l’extinction du désir. « Si l’on n’y prend garde, il n’y aura bientôt plus assez d’attention pour supporter l’économie qui s’est mise en place. »

Nous sommes tous de grands malades en voie de rémission potentielle. Autant le dire d’emblée : il faut prendre le diagnostic limpide de « Submersion » avec un zeste de philosophie. Le sujet de Bruno Patino – président d’Arte et auteur de « La Civilisation du poisson rouge » (Grasset, 2019) – est « la révolution dans la révolution » : l’émergence des intelligences artificielles génératives dans la société du réseau.

Il traite du déluge d’infos et de signes que nous subissons déjà et qui va forcément s’amplifier avec l’IA, alors que nous nous sentons complètement submergés et épuisés. Ce que Patino appelle le « triomphe possible du calcul permanent », c’est la dictature des algorithmes et l’émergence d’une « société du simulacre » où la liberté de choix est progressivement réduite à la portion congrue. Mais c’est aussi un tableau saisissant de notre apathie face au tsunami de signes alimenté par les nouveaux maîtres de cette société du simulacre (Google, Amazon, Meta ou TikTok…)

« Nous n’avons rien vu venir et nous n’avons encore rien vu », pronostique Bruno Patino. Le flot est devenu déluge. Son débit asphyxie notre capacité de réflexion. Les années 2006-2007 avaient amorcé l’ère de la connexion permanente avec l’invention de l’iPhone (donc du smartphone). Dans une première partie, l’auteur brosse le décor effrayant d’une société de la connexion permanente où nous errons tels des papillons hébétés et affolés en zappant d’application en application.

C’est ce que Patino appelle avec justesse « la routine des nuques baissées », celle des nouveaux esclaves de l’économie de l’attention, obsédés par leur dose quotidienne de dopamine. Le combat a remplacé le débat. La polarisation des échanges règne en maître dans l’« émocratie » triomphante. Le risque devient celui de l’extinction du désir. « Un constat vertigineux peut être dressé : si l’on n’y prend garde, il n’y aura bientôt plus assez d’attention pour supporter l’économie qui s’est mise en place. »

Deux chiffres démesurés : en 2023, nous passons en moyenne 40 % de notre vie éveillée sur les écrans et nous sommes 4,7 milliards d’humains à interagir sur les réseaux sociaux. Les poissons rouges sont devenus des oies blanches gavées au numérique : 32.000 heures de programmes disponibles sur Netflix en France, 80 millions de titres en moyenne sur Spotify et 100 millions sur Apple Music…

Or, l’utopie de la liberté du choix illimité conduit à la paralysie ou à l’indécision, comme l’a montré le psychologue Barry Schwartz dans « Le Paradoxe du choix ». L’infobésité engendre l’épuisement. Trop d’informations tue l’information. Cela tombe bien. Car l’économie numérique n’attend que cela : le « soulagement de la délégation ». L’algorithme va nous sauver, assurent les plateformes. L’intelligence artificielle devient notre anxiolytique et notre planche de salut en nous autorisant à… ne plus choisir.

Et ce n’est qu’un début. Car nous entrons désormais dans l’ère de la « propagation exponentielle » où la production infinie vient s’ajouter à la copie infinie et à la dissémination illimitée, « trois fonctions orchestrées par des machines ». Près de 70 ans après l’invention du premier robot conversationnel Eliza en 1966, le « deep learning » (la création de modèles imitant les techniques d’apprentissage du cerveau humain) vient bouleverser le monde du travail et l’univers de la connaissance.

Autant le dire d’emblée : le livre de Bruno Patino donne parfois envie de jeter son smartphone par-dessus bord… ou de le ranger dans la boîte à gants. Mais il est encore moins virulent que celui du philosophe Eric Sadin, « Vie spectrale », paru au même moment chez le même éditeur.

L’un et l’autre s’accordent sur le fait que la société du simulacre menace de saper profondément la confiance dans les médiateurs (médias, plateformes, institutions). Mais là où Bruno Patino mise encore sur un rôle accru des médiateurs et des tiers de confiance pour maîtriser la submersion et « construire le discernement », Eric Sadin ne cache pas ses sérieux doutes sur les moyens de contrer l’impact dévastateur du « tournant injonctif » lié à l’usage systématisé des IA et du robot conversationnel ChatGPT.

Sans compter l’ouragan social qu’il risque de provoquer sur un grand nombre de professions. Farouche critique de longue date de la « doxa techno-libérale », Eric Sadin pourfend les manoeuvres pathétiques des régulateurs européens pour parer aux risques et menaces liées à la captation des données personnelles ou aux manipulations de l’information.

Autant de remèdes de fortune dérisoires à ses yeux. Non seulement l’addiction aux écrans n’a fait qu’encourager une « neutralisation sournoise » de nos capacités à agir, mais l’avènement des IA génératives va accélérer cette privation progressive de notre droit naturel à la libre autodétermination.

C’est ce que l’auteur de « La Vie spectrale » – essai critique sur l’effet poudre aux yeux de l’ère du métavers et des IA génératives – décrit comme « la fatigue d’être soi » ou le « devenir-légume » de l’humanité. A chacun sa prophétie.

Vers l’overdose numérique ?

Vers l’overdose numérique ?

Un papier très intéressant des Echos évoque la problématique de l’envahissement du numérique dans l’économie et au-delà dans la société tout entière. Nous passons déjà en moyenne 40 % de notre vie éveillée devant les écrans. Mais selon Bruno Patino, nous n’avons encore rien vu. Car avec l’intelligence artificielle générative, nous entrons dans l’ère de la propagation exponentielle, la copie infinie et la dissémination illimitée.

Pour Bruno Patino, le risque devient celui de l’extinction du désir. « Si l’on n’y prend garde, il n’y aura bientôt plus assez d’attention pour supporter l’économie qui s’est mise en place. »
Pour Bruno Patino, le risque devient celui de l’extinction du désir. « Si l’on n’y prend garde, il n’y aura bientôt plus assez d’attention pour supporter l’économie qui s’est mise en place. »

Nous sommes tous de grands malades en voie de rémission potentielle. Autant le dire d’emblée : il faut prendre le diagnostic limpide de « Submersion » avec un zeste de philosophie. Le sujet de Bruno Patino – président d’Arte et auteur de « La Civilisation du poisson rouge » (Grasset, 2019) – est « la révolution dans la révolution » : l’émergence des intelligences artificielles génératives dans la société du réseau.

Il traite du déluge d’infos et de signes que nous subissons déjà et qui va forcément s’amplifier avec l’IA, alors que nous nous sentons complètement submergés et épuisés. Ce que Patino appelle le « triomphe possible du calcul permanent », c’est la dictature des algorithmes et l’émergence d’une « société du simulacre » où la liberté de choix est progressivement réduite à la portion congrue. Mais c’est aussi un tableau saisissant de notre apathie face au tsunami de signes alimenté par les nouveaux maîtres de cette société du simulacre (Google, Amazon, Meta ou TikTok…)

« Nous n’avons rien vu venir et nous n’avons encore rien vu », pronostique Bruno Patino. Le flot est devenu déluge. Son débit asphyxie notre capacité de réflexion. Les années 2006-2007 avaient amorcé l’ère de la connexion permanente avec l’invention de l’iPhone (donc du smartphone). Dans une première partie, l’auteur brosse le décor effrayant d’une société de la connexion permanente où nous errons tels des papillons hébétés et affolés en zappant d’application en application.

C’est ce que Patino appelle avec justesse « la routine des nuques baissées », celle des nouveaux esclaves de l’économie de l’attention, obsédés par leur dose quotidienne de dopamine. Le combat a remplacé le débat. La polarisation des échanges règne en maître dans l’« émocratie » triomphante. Le risque devient celui de l’extinction du désir. « Un constat vertigineux peut être dressé : si l’on n’y prend garde, il n’y aura bientôt plus assez d’attention pour supporter l’économie qui s’est mise en place. »

Deux chiffres démesurés : en 2023, nous passons en moyenne 40 % de notre vie éveillée sur les écrans et nous sommes 4,7 milliards d’humains à interagir sur les réseaux sociaux. Les poissons rouges sont devenus des oies blanches gavées au numérique : 32.000 heures de programmes disponibles sur Netflix en France, 80 millions de titres en moyenne sur Spotify et 100 millions sur Apple Music…

Or, l’utopie de la liberté du choix illimité conduit à la paralysie ou à l’indécision, comme l’a montré le psychologue Barry Schwartz dans « Le Paradoxe du choix ». L’infobésité engendre l’épuisement. Trop d’informations tue l’information. Cela tombe bien. Car l’économie numérique n’attend que cela : le « soulagement de la délégation ». L’algorithme va nous sauver, assurent les plateformes. L’intelligence artificielle devient notre anxiolytique et notre planche de salut en nous autorisant à… ne plus choisir.

Et ce n’est qu’un début. Car nous entrons désormais dans l’ère de la « propagation exponentielle » où la production infinie vient s’ajouter à la copie infinie et à la dissémination illimitée, « trois fonctions orchestrées par des machines ». Près de 70 ans après l’invention du premier robot conversationnel Eliza en 1966, le « deep learning » (la création de modèles imitant les techniques d’apprentissage du cerveau humain) vient bouleverser le monde du travail et l’univers de la connaissance.

Autant le dire d’emblée : le livre de Bruno Patino donne parfois envie de jeter son smartphone par-dessus bord… ou de le ranger dans la boîte à gants. Mais il est encore moins virulent que celui du philosophe Eric Sadin, « Vie spectrale », paru au même moment chez le même éditeur.

L’un et l’autre s’accordent sur le fait que la société du simulacre menace de saper profondément la confiance dans les médiateurs (médias, plateformes, institutions). Mais là où Bruno Patino mise encore sur un rôle accru des médiateurs et des tiers de confiance pour maîtriser la submersion et « construire le discernement », Eric Sadin ne cache pas ses sérieux doutes sur les moyens de contrer l’impact dévastateur du « tournant injonctif » lié à l’usage systématisé des IA et du robot conversationnel ChatGPT.

Sans compter l’ouragan social qu’il risque de provoquer sur un grand nombre de professions. Farouche critique de longue date de la « doxa techno-libérale », Eric Sadin pourfend les manoeuvres pathétiques des régulateurs européens pour parer aux risques et menaces liées à la captation des données personnelles ou aux manipulations de l’information.

Autant de remèdes de fortune dérisoires à ses yeux. Non seulement l’addiction aux écrans n’a fait qu’encourager une « neutralisation sournoise » de nos capacités à agir, mais l’avènement des IA génératives va accélérer cette privation progressive de notre droit naturel à la libre autodétermination.

C’est ce que l’auteur de « La Vie spectrale » – essai critique sur l’effet poudre aux yeux de l’ère du métavers et des IA génératives – décrit comme « la fatigue d’être soi » ou le « devenir-légume » de l’humanité. A chacun sa prophétie.

Vers l’euro numérique

Vers l’euro numérique

À l’horizon 2024, l’euro numérique sera déployé par la Banque centrale européenne. Une expérimentation sera menée pendant deux ans avant la généralisation. La BCE (Banque Centrale Européenne) annonce le lancement de «la phase préparatoire», avec tests et expérimentation, de l’euro numérique. L’euro numérique a été imaginé comme une réponse à la dématérialisation croissante des paiements et aux cryptomonnaies.

Actuellement, « les paiements numériques restent davantage utilisés par les consommateurs aux plus hauts revenus, alors que les personnes aux revenus plus faibles privilégient plus les espèces » explique Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE (Banque centrale européenne). Et pour cause, la carte bancaire qui permet des paiements numériques est facturée par les banques.

Partant aussi du constat que les paiements en espèces déclinent au profit de solutions dématérialisées, l’euro numérique garantirait aux Européens « un moyen de paiement gratuit, simple, universellement accepté, sans risque et inspirant confiance », explique la BCE qui assure qu’il « existerait parallèlement aux espèces, sans les remplacer ».

«Nous devons préparer notre monnaie pour le futur», a déclaré la présidente de la BCE, Christine Lagarde, dans un communiqué, à l’issue de deux années d’évaluation du projet. Cette phase «préparatoire» aura elle aussi une durée initiale de deux ans et «ouvrira la voie à une décision future» sur l’éventuelle émission d’un euro numérique.

Une nouvelle réglementation des télécoms pour réduire la dépendance numérique de l’Europe

Une nouvelle réglementation des télécoms pour réduire la dépendance numérique de l’Europe

Réduire la dépendance numérique de l’Europe notamment vis-à-vis des États-Unis mais aussi de la Chine, ce serait l’objet d’une nouvelle réglementation des télécoms en Europe. Actuellement dans le champ européen, le marché est complètement éclaté entre une multitude de petits opérateurs qui ne peuvent évidemment avoir d’ambition mondiale.

Thierry Breton veut « faciliter les opérations transfrontalières et la création de véritables opérateurs d’infrastructures paneuropéens ». Seuls de tels acteurs auraient, d’après le commissaire, « l’envergure nécessaire pour exploiter pleinement le potentiel d’un marché des télécommunications à l’échelle de l’UE ».

Parmi les enjeux de la nouvelle loi il s’agit donc de favoriser la création d’opérateurs susceptibles de rivaliser avec des grands mondiaux. Il y aura aussi la question des attributions de fréquences des services 3G, 4G ou 5Gc’est et leurs tarifs aujourd’hui coûteux pour les opérateurs. Sans parler de la complexe question de l’utilisation des données.

Ecole: le fantasme numérique

Ecole: le fantasme numérique

Cartable solidaire ou cartable connecté ? Selon qu’il évolue sous le seuil de pauvreté ou qu’il est né sous de prospères auspices, chaque enfant est très inéquitablement considéré au moment de faire sa rentrée scolaire. L’outil numérique était censé réduire les inégalités sociales et combler les retards dont souffrent les enfants défavorisés ? Il est à parier qu’il les aggrave. L’idée d’une société moins inégalitaire grâce aux technologies restera à l’état de fantasme tant que les disparités d’apprentissage, de culture de cette révolution continueront d’être abyssales.

Observons que la plupart des hauts cadres des grandes sociétés informatiques choisisse des établissements scolaires pour leurs enfants interdisant ordinateur, Smartphone et autre tablettes NDLR

Une chronique de Denis Lafay dans La Tribune.

Le contraste est saisissant. Ce 30 août, Libération fait écho du dispositif « Cartables solidaires », déployé par le Samu social et Dons solidaires, et destiné aux familles démunies qui préparent la rentrée de leurs enfants. A l’intérieur, sont offerts : cahiers, feuilles, classeurs, trousse complète. L’inflation est passée par là, qui affecte tout particulièrement les fournitures scolaires ; selon la Confédération syndicale des familles, la hausse culmine cette année à 11,3%, et en classes élémentaires, elle enfle à « 23% pour un panier moyen, car la demande en matériel est plus importante ». L’allocation de rentrée scolaire, mêle revalorisée, ne comble que partiellement l’écart, et la livraison – aussi précieuse soit-elle – de ces 2 700 cartables solidaires pour toute l’Ile-de-France apparaît bien dérisoire dans un pays où 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté.

Contraste saisissant, car ce même 30 août, dans l’émission Télématin de France 2, il est aussi question de cartable. Mais pas tout à fait le même. Celui-ci est connecté. C’est-à-dire que les agendas, cahiers et autres fiches qu’il recèle peuvent être scannés par l’élève via son téléphone portable puis intégrés dans ses fonctions rappels. Mieux, pour la modique somme de… 140 euros, le collégien s’équipe d’un stylo qui scanne automatiquement ce qu’il est en train d’écrire et qui, grâce à un micro et un haut-parleur intégrés, enregistre et peut retracer seconde par seconde par exemple ce que la voix de l’enseignant a exprimé. « Fabuleux », s’exclame la présentatrice. Fabuleux peut-être. Indécent surement, pour qui se plonge dans la réalité d’une fracture numérique qui aggrave substantiellement les inégalités d’accès à l’apprentissage.

Le ministre de l’Education nationale Gabriel Attal s’est largement exprimé, en cette rentrée, sur le retour à l’agenda originel des épreuves du baccalauréat, et sur l’interdiction du port de l’abaya dans l’enceinte scolaire – saluée par un corps enseignant démuni face au nombre croissant de cette atteinte à la laïcité (selon les services de l’Etat, 4 710 cas répertoriés en 2023 contre 2 167 l’année précédente, soit un bondissement de 120%). A-t-on entendu le successeur du décrié Pap Ndiaye – recasé, quelques jours seulement après son éviction ministérielle, ambassadeur auprès du Conseil de l’Europe – commenter l’exclusion ou la marginalisation numériques dans l’éducation ? Pas encore. Or elle est loin de se réduire.

La crise du Covid-19 a enflammé les écarts. Comme le démontre un rapport du Sénat consacré à « l’exclusion numérique dans l’éducation », la pandémie a provoqué un « basculement vers le tout-numérique à marche forcée ». Des initiatives concrètes et louables furent déployées (dispositifs « Ma classe à la maison », « Devoirs à la maison » et « Nation apprenante », développement des environnements numériques de travail (ENT), prêts de matériel informatique, etc.), mais elles ne purent rien face à des inégalités systémiques qui, aujourd’hui encore, portent sur les appétences des élèves… et des professeurs, sur la qualité des couvertures internet, sur le taux d’équipement des foyers, sur la maîtrise de l’outil, etc. Incontestablement, l’outil numérique peut résorber une partie des inégalités dont souffre la jeunesse déclassée ; mais comment nier qu’il est aussi (et davantage) une cause de leur aggravation ?

Le fantasme d’une technologie égalitaire

L’illectronisme frappe toute la population. Dans l’édition 2022 de son baromètre du numérique, l’Arcep établit à 54% le pourcentage de Français éprouvant « au moins une forme de difficulté qui les empêche d’effectuer des démarches en ligne ». Chiffre en augmentation de… 16 points par rapport à 2020. Seuls les seniors sont-ils disqualifiés ? La jeunesse, qu’on devine si agile avec son smartphone et les consoles de jeux vidéo, serait-elle épargnée ? Là encore, la douche est glacée. Près de 30% des 15-29 ans s’avouent peu ou pas compétents en matière d’administration numérique (Arcep), et un jeune sur cinq concède une incapacité numérique dans les compétences « information », « communication », « logiciels » et « résolution de problèmes » (Insee).

Paul est fils de cadres supérieurs habitant une coquette maison à Bordeaux, et de sa vaste chambre il s’informe, joue, commande, communique, travaille, créée à partir de son MacPro 16 » doté de puissants logiciels ; Sophia habite une hlm dans un milieu rural écarté de la couverture internet, elle partage sa chambre avec ses deux jeunes frères, et leur maman célibataire elle-même « exclue numérique » n’a pas les moyens financiers ou n’a pas jugé prioritaire d’équiper le foyer d’un ordinateur. Imagine-t-on le hiatus en matière d’éveil, de goût et d’apprentissage, donc de parcours scolaire puis étudiant, donc d’accès aux emplois d’avenir, donc d’émancipation, d’accomplissement, de réalisation de soi ? Cette photographie n’est pas une caricature, elle est la démonstration que la génération digital native est une chimère, que la startup nation prophétisée par Emmanuel Macron dès son élection en 2017 est un leurre. Elle est, enfin, la preuve que la promesse de l’innovation technologique : colmater les brèches qui lézardent la société, conjurer les injustices secrétées par les inégalités sociales, n’est pas toujours exaucée. Et ce n’est pas l’indéchiffrable bouleversement tellurique généré par l’intelligence artificielle, la jungle algorithmique, la physique quantique, les agents conversationnels, ou l’exploitation des datas qui ramènera vers la rive des populations promises à la noyade. Lesquelles, déjà, seront en première ligne quant aux emplois éradiqués par ces ruptures technologiques – le rapport de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur « l’impact de l’intelligence artificielle générative sur la qualité et la quantité des emplois », publié le 21 août, assure notamment que les femmes peu ou moyennement qualifiées exerçant des métiers de bureau seront particulièrement affectées, du fait de l’automatisation technologique.

L’exemple symptomatique de la Suède

L’exemple de la Suède est symptomatique. Au printemps, le gouvernement de centre-droit a mis fin à l’expérimentation, unique en Europe, initiée par l’agence nationale de l’enseignement scolaire (Skolverket) au profit de l’apprentissage « tout numérique ». En cause, le « recul des compétences en termes de lecture et de compréhension », un déficit de concentration et d’assimilation, des interrogations sur les effets à long terme d’une surexposition des jeunes enfants aux écrans, la vulnérabilité du tropisme technologiste. Et aussi la perception d’une possible détérioration des inégalités en fonction des foyers d’où proviennent les élèves. En d’autres termes : une telle stratégie numérique peut réduire les inégalités si elle est déployée intensément, totalement, rigoureusement – jusqu’à sensibiliser les parents « exclus » – ; elle les accroît si l’exigence d’équité lui fait défaut.

L’illusion, le fantasme d’une société moins inégalitaire grâce aux technologies prospèrera tant que les disparités d’apprentissage, de culture des technologies continueront d’être abyssales. N’en déplaise aux scientistes, aux techno-solutionnistes thuriféraires de la technique, aucune innovation n’est spontanément synonyme de Progrès. Elle n’y aspire qu’à l’épreuve des intérêts de l’homme, des desseins de l’humanité. D’un sens partagé et juste.

Denis Lafay

Enseignement : le fantasme numérique

Enseignement : le fantasme numérique

Cartable solidaire ou cartable connecté ? Selon qu’il évolue sous le seuil de pauvreté ou qu’il est né sous de prospères auspices, chaque enfant est très inéquitablement considéré au moment de faire sa rentrée scolaire. L’outil numérique était censé réduire les inégalités sociales et combler les retards dont souffrent les enfants défavorisés ? Il est à parier qu’il les aggrave. L’idée d’une société moins inégalitaire grâce aux technologies restera à l’état de fantasme tant que les disparités d’apprentissage, de culture de cette révolution continueront d’être abyssales.

Observons que la plupart des hauts cadres des grandes sociétés informatiques choisisse des établissements scolaires pour leurs enfants interdisant ordinateur, Smartphone et autre tablettes NDLR

Une chronique de Denis Lafay dans La Tribune.

Le contraste est saisissant. Ce 30 août, Libération fait écho du dispositif « Cartables solidaires », déployé par le Samu social et Dons solidaires, et destiné aux familles démunies qui préparent la rentrée de leurs enfants. A l’intérieur, sont offerts : cahiers, feuilles, classeurs, trousse complète. L’inflation est passée par là, qui affecte tout particulièrement les fournitures scolaires ; selon la Confédération syndicale des familles, la hausse culmine cette année à 11,3%, et en classes élémentaires, elle enfle à « 23% pour un panier moyen, car la demande en matériel est plus importante ». L’allocation de rentrée scolaire, mêle revalorisée, ne comble que partiellement l’écart, et la livraison – aussi précieuse soit-elle – de ces 2 700 cartables solidaires pour toute l’Ile-de-France apparaît bien dérisoire dans un pays où 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté.

Contraste saisissant, car ce même 30 août, dans l’émission Télématin de France 2, il est aussi question de cartable. Mais pas tout à fait le même. Celui-ci est connecté. C’est-à-dire que les agendas, cahiers et autres fiches qu’il recèle peuvent être scannés par l’élève via son téléphone portable puis intégrés dans ses fonctions rappels. Mieux, pour la modique somme de… 140 euros, le collégien s’équipe d’un stylo qui scanne automatiquement ce qu’il est en train d’écrire et qui, grâce à un micro et un haut-parleur intégrés, enregistre et peut retracer seconde par seconde par exemple ce que la voix de l’enseignant a exprimé. « Fabuleux », s’exclame la présentatrice. Fabuleux peut-être. Indécent surement, pour qui se plonge dans la réalité d’une fracture numérique qui aggrave substantiellement les inégalités d’accès à l’apprentissage.

Le ministre de l’Education nationale Gabriel Attal s’est largement exprimé, en cette rentrée, sur le retour à l’agenda originel des épreuves du baccalauréat, et sur l’interdiction du port de l’abaya dans l’enceinte scolaire – saluée par un corps enseignant démuni face au nombre croissant de cette atteinte à la laïcité (selon les services de l’Etat, 4 710 cas répertoriés en 2023 contre 2 167 l’année précédente, soit un bondissement de 120%). A-t-on entendu le successeur du décrié Pap Ndiaye – recasé, quelques jours seulement après son éviction ministérielle, ambassadeur auprès du Conseil de l’Europe – commenter l’exclusion ou la marginalisation numériques dans l’éducation ? Pas encore. Or elle est loin de se réduire.

La crise du Covid-19 a enflammé les écarts. Comme le démontre un rapport du Sénat consacré à « l’exclusion numérique dans l’éducation », la pandémie a provoqué un « basculement vers le tout-numérique à marche forcée ». Des initiatives concrètes et louables furent déployées (dispositifs « Ma classe à la maison », « Devoirs à la maison » et « Nation apprenante », développement des environnements numériques de travail (ENT), prêts de matériel informatique, etc.), mais elles ne purent rien face à des inégalités systémiques qui, aujourd’hui encore, portent sur les appétences des élèves… et des professeurs, sur la qualité des couvertures internet, sur le taux d’équipement des foyers, sur la maîtrise de l’outil, etc. Incontestablement, l’outil numérique peut résorber une partie des inégalités dont souffre la jeunesse déclassée ; mais comment nier qu’il est aussi (et davantage) une cause de leur aggravation ?

Le fantasme d’une technologie égalitaire

L’illectronisme frappe toute la population. Dans l’édition 2022 de son baromètre du numérique, l’Arcep établit à 54% le pourcentage de Français éprouvant « au moins une forme de difficulté qui les empêche d’effectuer des démarches en ligne ». Chiffre en augmentation de… 16 points par rapport à 2020. Seuls les seniors sont-ils disqualifiés ? La jeunesse, qu’on devine si agile avec son smartphone et les consoles de jeux vidéo, serait-elle épargnée ? Là encore, la douche est glacée. Près de 30% des 15-29 ans s’avouent peu ou pas compétents en matière d’administration numérique (Arcep), et un jeune sur cinq concède une incapacité numérique dans les compétences « information », « communication », « logiciels » et « résolution de problèmes » (Insee).

Paul est fils de cadres supérieurs habitant une coquette maison à Bordeaux, et de sa vaste chambre il s’informe, joue, commande, communique, travaille, créée à partir de son MacPro 16 » doté de puissants logiciels ; Sophia habite une hlm dans un milieu rural écarté de la couverture internet, elle partage sa chambre avec ses deux jeunes frères, et leur maman célibataire elle-même « exclue numérique » n’a pas les moyens financiers ou n’a pas jugé prioritaire d’équiper le foyer d’un ordinateur. Imagine-t-on le hiatus en matière d’éveil, de goût et d’apprentissage, donc de parcours scolaire puis étudiant, donc d’accès aux emplois d’avenir, donc d’émancipation, d’accomplissement, de réalisation de soi ? Cette photographie n’est pas une caricature, elle est la démonstration que la génération digital native est une chimère, que la startup nation prophétisée par Emmanuel Macron dès son élection en 2017 est un leurre. Elle est, enfin, la preuve que la promesse de l’innovation technologique : colmater les brèches qui lézardent la société, conjurer les injustices secrétées par les inégalités sociales, n’est pas toujours exaucée. Et ce n’est pas l’indéchiffrable bouleversement tellurique généré par l’intelligence artificielle, la jungle algorithmique, la physique quantique, les agents conversationnels, ou l’exploitation des datas qui ramènera vers la rive des populations promises à la noyade. Lesquelles, déjà, seront en première ligne quant aux emplois éradiqués par ces ruptures technologiques – le rapport de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur « l’impact de l’intelligence artificielle générative sur la qualité et la quantité des emplois », publié le 21 août, assure notamment que les femmes peu ou moyennement qualifiées exerçant des métiers de bureau seront particulièrement affectées, du fait de l’automatisation technologique.

L’exemple symptomatique de la Suède

L’exemple de la Suède est symptomatique. Au printemps, le gouvernement de centre-droit a mis fin à l’expérimentation, unique en Europe, initiée par l’agence nationale de l’enseignement scolaire (Skolverket) au profit de l’apprentissage « tout numérique ». En cause, le « recul des compétences en termes de lecture et de compréhension », un déficit de concentration et d’assimilation, des interrogations sur les effets à long terme d’une surexposition des jeunes enfants aux écrans, la vulnérabilité du tropisme technologiste. Et aussi la perception d’une possible détérioration des inégalités en fonction des foyers d’où proviennent les élèves. En d’autres termes : une telle stratégie numérique peut réduire les inégalités si elle est déployée intensément, totalement, rigoureusement – jusqu’à sensibiliser les parents « exclus » – ; elle les accroît si l’exigence d’équité lui fait défaut.

L’illusion, le fantasme d’une société moins inégalitaire grâce aux technologies prospèrera tant que les disparités d’apprentissage, de culture des technologies continueront d’être abyssales. N’en déplaise aux scientistes, aux techno-solutionnistes thuriféraires de la technique, aucune innovation n’est spontanément synonyme de Progrès. Elle n’y aspire qu’à l’épreuve des intérêts de l’homme, des desseins de l’humanité. D’un sens partagé et juste.

Denis Lafay

Ecole : le fantasme numérique

Ecole : le fantasme numérique

Cartable solidaire ou cartable connecté ? Selon qu’il évolue sous le seuil de pauvreté ou qu’il est né sous de prospères auspices, chaque enfant est très inéquitablement considéré au moment de faire sa rentrée scolaire. L’outil numérique était censé réduire les inégalités sociales et combler les retards dont souffrent les enfants défavorisés ? Il est à parier qu’il les aggrave. L’idée d’une société moins inégalitaire grâce aux technologies restera à l’état de fantasme tant que les disparités d’apprentissage, de culture de cette révolution continueront d’être abyssales.

Une chronique de Denis Lafay dans La Tribune.

Le contraste est saisissant. Ce 30 août, Libération fait écho du dispositif « Cartables solidaires », déployé par le Samu social et Dons solidaires, et destiné aux familles démunies qui préparent la rentrée de leurs enfants. A l’intérieur, sont offerts : cahiers, feuilles, classeurs, trousse complète. L’inflation est passée par là, qui affecte tout particulièrement les fournitures scolaires ; selon la Confédération syndicale des familles, la hausse culmine cette année à 11,3%, et en classes élémentaires, elle enfle à « 23% pour un panier moyen, car la demande en matériel est plus importante ». L’allocation de rentrée scolaire, mêle revalorisée, ne comble que partiellement l’écart, et la livraison – aussi précieuse soit-elle – de ces 2 700 cartables solidaires pour toute l’Ile-de-France apparaît bien dérisoire dans un pays où 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté.

Contraste saisissant, car ce même 30 août, dans l’émission Télématin de France 2, il est aussi question de cartable. Mais pas tout à fait le même. Celui-ci est connecté. C’est-à-dire que les agendas, cahiers et autres fiches qu’il recèle peuvent être scannés par l’élève via son téléphone portable puis intégrés dans ses fonctions rappels. Mieux, pour la modique somme de… 140 euros, le collégien s’équipe d’un stylo qui scanne automatiquement ce qu’il est en train d’écrire et qui, grâce à un micro et un haut-parleur intégrés, enregistre et peut retracer seconde par seconde par exemple ce que la voix de l’enseignant a exprimé. « Fabuleux », s’exclame la présentatrice. Fabuleux peut-être. Indécent surement, pour qui se plonge dans la réalité d’une fracture numérique qui aggrave substantiellement les inégalités d’accès à l’apprentissage.

Le ministre de l’Education nationale Gabriel Attal s’est largement exprimé, en cette rentrée, sur le retour à l’agenda originel des épreuves du baccalauréat, et sur l’interdiction du port de l’abaya dans l’enceinte scolaire – saluée par un corps enseignant démuni face au nombre croissant de cette atteinte à la laïcité (selon les services de l’Etat, 4 710 cas répertoriés en 2023 contre 2 167 l’année précédente, soit un bondissement de 120%). A-t-on entendu le successeur du décrié Pap Ndiaye – recasé, quelques jours seulement après son éviction ministérielle, ambassadeur auprès du Conseil de l’Europe – commenter l’exclusion ou la marginalisation numériques dans l’éducation ? Pas encore. Or elle est loin de se réduire.

La crise du Covid-19 a enflammé les écarts. Comme le démontre un rapport du Sénat consacré à « l’exclusion numérique dans l’éducation », la pandémie a provoqué un « basculement vers le tout-numérique à marche forcée ». Des initiatives concrètes et louables furent déployées (dispositifs « Ma classe à la maison », « Devoirs à la maison » et « Nation apprenante », développement des environnements numériques de travail (ENT), prêts de matériel informatique, etc.), mais elles ne purent rien face à des inégalités systémiques qui, aujourd’hui encore, portent sur les appétences des élèves… et des professeurs, sur la qualité des couvertures internet, sur le taux d’équipement des foyers, sur la maîtrise de l’outil, etc. Incontestablement, l’outil numérique peut résorber une partie des inégalités dont souffre la jeunesse déclassée ; mais comment nier qu’il est aussi (et davantage) une cause de leur aggravation ?

Le fantasme d’une technologie égalitaire

L’illectronisme frappe toute la population. Dans l’édition 2022 de son baromètre du numérique, l’Arcep établit à 54% le pourcentage de Français éprouvant « au moins une forme de difficulté qui les empêche d’effectuer des démarches en ligne ». Chiffre en augmentation de… 16 points par rapport à 2020. Seuls les seniors sont-ils disqualifiés ? La jeunesse, qu’on devine si agile avec son smartphone et les consoles de jeux vidéo, serait-elle épargnée ? Là encore, la douche est glacée. Près de 30% des 15-29 ans s’avouent peu ou pas compétents en matière d’administration numérique (Arcep), et un jeune sur cinq concède une incapacité numérique dans les compétences « information », « communication », « logiciels » et « résolution de problèmes » (Insee).

Paul est fils de cadres supérieurs habitant une coquette maison à Bordeaux, et de sa vaste chambre il s’informe, joue, commande, communique, travaille, créée à partir de son MacPro 16 » doté de puissants logiciels ; Sophia habite une hlm dans un milieu rural écarté de la couverture internet, elle partage sa chambre avec ses deux jeunes frères, et leur maman célibataire elle-même « exclue numérique » n’a pas les moyens financiers ou n’a pas jugé prioritaire d’équiper le foyer d’un ordinateur. Imagine-t-on le hiatus en matière d’éveil, de goût et d’apprentissage, donc de parcours scolaire puis étudiant, donc d’accès aux emplois d’avenir, donc d’émancipation, d’accomplissement, de réalisation de soi ? Cette photographie n’est pas une caricature, elle est la démonstration que la génération digital native est une chimère, que la startup nation prophétisée par Emmanuel Macron dès son élection en 2017 est un leurre. Elle est, enfin, la preuve que la promesse de l’innovation technologique : colmater les brèches qui lézardent la société, conjurer les injustices secrétées par les inégalités sociales, n’est pas toujours exaucée. Et ce n’est pas l’indéchiffrable bouleversement tellurique généré par l’intelligence artificielle, la jungle algorithmique, la physique quantique, les agents conversationnels, ou l’exploitation des datas qui ramènera vers la rive des populations promises à la noyade. Lesquelles, déjà, seront en première ligne quant aux emplois éradiqués par ces ruptures technologiques – le rapport de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur « l’impact de l’intelligence artificielle générative sur la qualité et la quantité des emplois », publié le 21 août, assure notamment que les femmes peu ou moyennement qualifiées exerçant des métiers de bureau seront particulièrement affectées, du fait de l’automatisation technologique.

L’exemple symptomatique de la Suède

L’exemple de la Suède est symptomatique. Au printemps, le gouvernement de centre-droit a mis fin à l’expérimentation, unique en Europe, initiée par l’agence nationale de l’enseignement scolaire (Skolverket) au profit de l’apprentissage « tout numérique ». En cause, le « recul des compétences en termes de lecture et de compréhension », un déficit de concentration et d’assimilation, des interrogations sur les effets à long terme d’une surexposition des jeunes enfants aux écrans, la vulnérabilité du tropisme technologiste. Et aussi la perception d’une possible détérioration des inégalités en fonction des foyers d’où proviennent les élèves. En d’autres termes : une telle stratégie numérique peut réduire les inégalités si elle est déployée intensément, totalement, rigoureusement – jusqu’à sensibiliser les parents « exclus » – ; elle les accroît si l’exigence d’équité lui fait défaut.

L’illusion, le fantasme d’une société moins inégalitaire grâce aux technologies prospèrera tant que les disparités d’apprentissage, de culture des technologies continueront d’être abyssales. N’en déplaise aux scientistes, aux techno-solutionnistes thuriféraires de la technique, aucune innovation n’est spontanément synonyme de Progrès. Elle n’y aspire qu’à l’épreuve des intérêts de l’homme, des desseins de l’humanité. D’un sens partagé et juste.

Denis Lafay

Russie: dictature numérique aussi

Russie: dictature numérique aussi

Sous la direction de trois universitaires et chercheurs, Françoise Daucé, Benjamin Loveluck, et Francesca Musiani, une équipe de spécialistes s’est penchée sur ce phénomène qui a conduit l’Etat russe à restreindre les libertés virtuelles au même titre que les libertés publiques. ( dans Le Monde)

L’invasion de l’Ukraine en février 2022 a certes représenté une étape supplémentaire dans « l’enrôlement d’Internet au service de la politique belliciste » de Vladimir Poutine. Pour un message hostile à « l’opération spéciale » publié sur les réseaux sociaux, des dizaines de Russes ont été inquiétés ou condamnés à des peines de prison. Mais les auteurs démontrent que le tournant a été pris dès les années 2010, par le biais de « l’instrumentalisation du droit (…), l’autocensure et l’intimidation des fournisseurs d’accès Internet et téléphonique ». Créé en 2008, Roskomnadzor, l’organisme de supervision des communications, a vu ses prérogatives s’étendre rapidement : contrôle des contenus en ligne, blocage de sites, établissement d’une liste noire. En parallèle, le « RuNet », l’Internet russophone, s’est mué en « outil parmi d’autres du projet politique impérial des autorités russes (…), voire un outil du “cyberimpérialisme” ».

A l’interdiction de manifester s’est donc juxtaposée la reprise en main de l’outil numérique. Une démarche soutenue par la loi sur un « Internet souverain » adoptée en 2019, « dans le but officiel de protéger le pays contre des cyberattaques », et par la loi dite « contre Apple », l’année suivante, contraignant les opérateurs à préinstaller des applications de fabrication russe sur les smartphones. Il y eut bien une résistance numérique acharnée pour maintenir la fenêtre ouverte. L’opposant Alexeï Navalny et son réseau, en particulier, ont exploité toutes les failles de contournement pour diffuser des enquêtes sur la corruption des élites liées au régime. En janvier 2021, deux jours après l’arrestation de leur chef de file, les partisans de celui-ci publiaient encore une enquête, commentée par ses soins, sur un palais de Vladimir Poutine au bord de la mer Noire.

Mais, d’année en année, l’emprise de la propagande, au service du pouvoir, n’a cessé de progresser. L’entreprise privée Yandex, fleuron de l’industrie technologique russe, a perdu de son autonomie, en plus d’être concernée par les sanctions internationales. Lancé en 2004, le moteur de recherche Yandex News, l’équivalent de Google Actualités, fait aujourd’hui l’objet d’un encadrement strict de son système d’information. En décembre 2022, un proche du chef du Kremlin, Alexeï Koudrine, ancien président de la Cour des comptes, a d’ailleurs annoncé qu’il rejoignait la direction du groupe. Tout au long de l’ouvrage, la description de cet « autoritarisme numérique » est aussi précise qu’implacable. Un seul regret : il n’explore pas assez les échanges de procédés, pourtant nombreux, effectués avec la Chine de Xi Jinping.

Le numérique et les pratiques culturelles

Le numérique et les pratiques culturelles

par
auteur
Emmanuel Vergès
Docteur, Enseignant vacataire en information/communication, spécialité « culture numérique », Aix-Marseille Université (AMU)
Emmanuel Vergès co-dirige l’office à Marseille, structure de recherche et d’ingénierie dans le champ de la coopération culturelle et d’accompagnement dans le champ des transformations digitales de la culture dans The conversation

La crise sanitaire a eu des impacts important sur le secteur culturel, questionnant son caractère essentiel, et révélant l’évolution de la sociologie des publics, leur pratique et le changement des prescripteurs d’offres. La crise à montré la nécessité de penser une transition digitale profonde lié à l’évolution des usages culturels en ligne.

Le virtuel est devenu distanciel avec l’utilisation des outils de visioconférence pour garantir la continuité pédagogique, professionnelle des services publics, là où les écrans et les pratiques numériques étaient jusqu’alors massivement décriés comme des pratiques individualistes. Ces transformations digitales ont un impact sur les métiers, les missions et l’économie du secteur. Comment, dans ces conditions, éviter l’ubérisation massive de la création ? Comment proposer une digitalisation des offres, des créations, des outils de production et de diffusion, tout en garantissant la pérennité de « l’exception culturelle » ?

Une étude du ministère de la Culture réalisée pendant le confinement a révélé de profondes transformations des pratiques culturelles. Le confinement a favorisé le développement de pratiques culturelles amateurs, à domicile et en ligne.

L’étude note trois faits nouveaux par rapport aux analyses antérieures : le réinvestissement des plus jeunes dans les pratiques en amateur (musique, danse, arts graphiques, montage audio et vidéo) : « les 15-24 ans ont le plus développé ces activités pendant le confinement (71 % d’entre eux en ont pratiqué au moins une fois, soit +14 points par rapport à 2018) ».

Ensuite, les écarts sociaux qui étaient constatés dans les pratiques culturelles en présentiel par rapport aux enquêtes antérieures se sont réduits dans les situations en distanciel. Enfin, « l’école à la maison » a favorisé la pratique culturelle au sein de la famille avec l’accès aux ressources numériques culturelles proposées par les institutions et conçues pour les enfants (spectacles, vidéos, jeux, activités artistiques, arts plastiques, etc.) et les propositions pédagogiques d’activités et de consultation faites par les professeurs.

Cette étude vient abonder les enseignements de l’étude décennale sur les pratiques culturelles des Français, qui en 2020 proposait un panorama des évolutions sur les 50 dernières années. L’enquête montrait les limites des politiques de démocratisation de la culture, la difficulté de renouvellement des publics mais faisait par ailleurs le constat que les jeunes générations ont un socle commun de pratiques, avec le développement de pratiques culturelles exclusivement numériques pour 15 % de la population.

La transformation digitale est un processus en cours dans les entreprises depuis plusieurs années. Elle met en travail l’adaptation des outils et des compétences mais aussi l’évolution culturelle du travail de l’entreprise, managériale, économique et stratégique.

Par ailleurs, cette transformation contient des dimensions culturelles très importantes, comme a montré Philippe Breton dès les années 2000 ou Dominique Cardon, en racontant la genèse de ces outils, au croisement des mondes des ingénieurs, des hippies et des entrepreneurs des années 1960. Ces travaux prolongent les analyses importantes de Fred Turner sur l’importance des utopies et des mythes d’une génération dans la création et la diffusion des outils technologiques et des innovations dans les années 1960 à partir de la côte ouest des États-Unis, qui prônait un modèle contre-culturel de société et libéral.

De plus, le secteur culturel intègre les transformations digitales depuis l’émergence de ces technologies : informatisation des bibliothèques ou digitalisation des collections des musées, expérimentations de nouvelles formes de créations artistiques numériques, développement des médiations culturelles digitales à travers les cyberespaces, hackerspaces, fab labs ou tiers-lieux en tout genre, sans parler des NFT ou de la création par des IA.

Pourtant, le développement des pratiques numériques culturelles n’est pas au cœur du travail des structures culturelles (hors du champ spécifique des structures qui produisent et diffusent de l’art numérique). En effet, ces transformations impactent aujourd’hui les équipes et les personnels qui sont directement au contact des publics et donc au contact d’une évolution forte de la pratique culturelle – services de médiation, de relations aux Publics, d’accueil et de communication.

On développe des communications via les réseaux sociaux, de la médiation avec les tablettes ou les smartphones, des visites virtuelles, de la production de ressources en ligne, de la médiation numérique dans les lieux culturels. Mais ces catégories de personnels sont peu présentes dans les instances de pilotage des structures culturelles, ce qui ne facilite pas la conduite de la transformation.
Pour questionner les enjeux stratégiques et penser globalement un pivotage des structures culturelles avec les transformations digitales, nous regardons ce qu’elles font tant aux pratiques, qu’aux compétences et aux lieux et institutions.

Il faut d’abord se pencher sur les publics et les pratiques contributives.

Quelle est la différence entre voir un film en salle de cinéma, sur une plate-forme de VOD ou encore faire un postvidéo sur TikTok ? C’est d’une part le changement de prescripteurs, mais aussi passer d’une pratique culturelle passive à une pratique contributive.. Face à ces évolutions, les professionnels doivent adapter leur offre à ces différents médiums et situations.

Du côté des artistes, cette transformation a d’autres conséquences.

Avec les outils et réseaux numériques, l’artiste devient producteur de son propre outil de travail en ligne, il est son propre prescripteur. La création digitale et l’animation de ses communautés de publics à travers les réseaux sociaux fondent sa légitimité bien plus que sa prescription par un professionnel. Pour cela, il se doit d’être multicompétent, d’être visible en ligne, quel que soit son secteur d’activité – musique, artisanat, cinéma… On pense à Lorraine Sorlet et son travail d’illustration, la Creole pour le monde musical et la mode…

Côté management, le travail culturel et artistique fait intervenir différentes personnes avec des statuts très divers : salariés, auteurs, artistes intermittents, bénévoles… Les transformations digitales impactent très fortement les conditions du travail et de la production et génèrent des différentiels très forts face au télétravail, à la digitalisation des œuvres ou à la prescription algorithmique, dans un contexte de transitions écologiques et financières importantes.

Les dynamiques managériales doivent alors repenser les conditions collectives du travail, par exemple en favorisant l’intelligence collective pour construire en confiance dans les groupes et entre individus, mais aussi l’agilité pour s’ajuster aux situations de transformations qui peuvent arriver de manière imprévisible (comme le confinement par exemple), et être les plus inclusives possibles. La diversité dans les équipes devient alors une réelle « ressource » humaine, au-delà de l’accumulation de compétences.

Cette transformation passe aussi par la création de lieux « indisciplinés » 20 ans après les premiers lieux numériques culturels et les nouveaux territoires de l’art, les tiers-lieux deviennent des lieux de culture et les théâtres ou bibliothèques se remixent. À l’heure des transitions écologiques et sociales, on pourrait imaginer que le théâtre devienne un tiers-lieu, ouvert du matin au soir tout au long de la semaine et de l’année, pour réinventer les fonctions sociales et culturelles de ces lieux sur les territoires. Certains lieux travaillent d’ores et déjà dans cette direction : l’Hotel Pasteur à Rennes, à la Maison des Métallos ou le 104 à Paris, ou encore la Friche de la Belle de mai à Marseille, ou encore la Scène nationale Malraux à Chambéry. Dans ce cadre, le médiateur culturel devient aussi concierge, hôte, community-manager.

Dans la culture, quand on aborde les transformations digitales, on a tendance un peu rapidement à considérer que ce ne sont que les plates-formes – les services de streaming vidéo, de streaming musical… – qui captent l’attention des internautes et des publics, et donc qui en captent la valeur économique. Face à cela, les producteurs institutionnels et privés tendent dès lors à s’organiser différemment avec les Institutions et l’État pour territorialiser la richesse numérique produite. Les acteurs de la culture régissent, avec Tenk, la plate-forme du documentaire lancé en 2016, ou la création de réseaux professionnels comme le TMN LAB ou Hacnum… (De la coopération culturelle à la culture de la coopération, Futurs Communs)
!
Le rapport du Conseil d’analyse économique de février 2022 engage à une transformation profonde et collective des modes de production de ce qu’est la culture, dans une société mondialisée et digitalisée. : Avec le digital, le terme « culture » recouvre à la fois les œuvres et l’art, mais aussi nos pratiques, c’est-à-dire ce que nous faisons, chacune et chacun de nous, sur nos écrans quand on poste, swipe, like, ou commente…

La transformation digitale de la culture ne met pas seulement en jeu l’évolution des compétences des professionnels mais aussi les manières de penser les pratiques et les offres culturelles, dans un contexte d’évolution profonde et de lente érosion de la fréquentation des lieux d’art.

Cet article a été co-écrit avec Marie Picard, directrice artistique et media-designer aux Ateliers Pixelle. Elle expérimente auprès d’organismes publics et privés les nouvelles pratiques éditoriales et de création de contenu.

Pour un Euro numérique

Pour un Euro numérique

Par
Valdis Dombrovskis

vice-président exécutif de la Commission européenne

Fabio Panetta

membre du directoire de la Banque centrale européenne

Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE, et Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne, exposent, dans une tribune au « Monde », le projet de monnaie numérique européenne qui sera présenté par Bruxelles le 28 juin.

Notre monde change. La révolution numérique a transformé la société à un point difficilement concevable il y a seulement dix ans. Elle bouleverse également les modes de paiement, la population privilégiant de plus en plus les règlements sous forme numérique. La pandémie de Covid-19 a accéléré cette tendance.

Les banques centrales du monde entier étudient aujourd’hui la possibilité de compléter la monnaie publique qu’elles mettent actuellement à disposition sous la forme d’espèces par une version numérique : une monnaie numérique de banque centrale. Dans la zone euro, l’euro numérique offrirait une solution de paiement numérique accessible à tous, partout, et sans frais.

Les espèces n’en restent pas moins essentielles : elles demeurent le moyen de paiement préféré pour les petits achats en magasin et les transactions de particulier à particulier. La plupart des habitants de la zone euro souhaitent pouvoir continuer de payer avec des billets et des pièces. C’est pourquoi la Commission européenne et la Banque centrale européenne (BCE) s’engagent résolument à faire en sorte que les espèces restent pleinement acceptées et disponibles dans les vingt pays de la zone euro.

Cependant, le recours aux espèces pour effectuer des paiements est, à l’évidence, en recul dans de nombreuses régions du monde, y compris en Europe. Alors que nous nous acheminons vers une économie véritablement numérique, la suite logique est d’adapter l’argent liquide à cette nouvelle ère.

Faire cohabiter l’euro fiduciaire et l’euro numérique permettrait à chacun de pouvoir choisir la méthode de paiement qu’il souhaite, et garantirait que personne ne soit laissé pour compte dans le cadre de la numérisation des paiements. Chose essentielle, les Européens auraient la possibilité de payer sous forme numérique à travers toute la zone euro, de Dublin à Nicosie et de Lisbonne à Helsinki.

Pour les consommateurs, l’euro numérique présenterait de nombreux avantages pratiques. Il serait facile à utiliser et sans frais. Où que ce soit dans la zone euro, chacun pourrait payer quiconque gratuitement avec des euros numériques, par exemple à l’aide d’un portefeuille numérique installé sur son téléphone. Pour cela, les utilisateurs n’auraient même pas besoin d’être connectés à Internet : ils pourraient également effectuer leurs paiements hors ligne.

La protection de la vie privée est un élément essentiel de l’euro numérique. La BCE n’aurait accès ni aux données personnelles des utilisateurs ni à leurs habitudes de paiement. La fonctionnalité hors ligne permettrait en outre d’assurer un plus haut niveau de confidentialité des données que toute autre méthode de paiement numérique disponible actuellement.

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L’Europe manque de leaders du numérique

L’Europe manque de leaders du numérique

Pour faire émerger au plus tôt ces géants, l’Europe doit se doter d’une meilleure politique de soutien à l’innovation. dans La Tribune. Par Thibaud Elzière, cofondateur de Hexa.


En laissant entrevoir à court terme un avenir que l’on imaginait beaucoup plus lointain, ChatGPT suscite une effervescence rare, même dans le monde de la tech où l’on est pourtant habitué aux innovations spectaculaires. Or, étant conçu sur des données, des règles, des valeurs et une vision américaines, le chatbot d’OpenAI ne peut que refléter la culture dont il est issu. Si ChatGPT et ses futurs semblables, que préparent Google et Facebook, sont amenés à jouer un rôle prépondérant dans notre vie quotidienne, ils le feront par conséquent en véhiculant cet héritage. L’émergence de tels outils souligne à quel point il est important et urgent de développer leurs équivalents européens afin de préserver la pluralité des cultures et le respect de nos sensibilités.

La coloration culturelle des algorithmes n’est que l’une des dimensions de la technologie où peuvent s’exprimer des différences de vues entre Européens et Américains. Dans la gestion des données, de la vie privée, du droit d’auteur, des exigences sociétales et environnementales, les approches diffèrent, parfois considérablement. Or, notre identité, notre intimité, notre travail, notre santé, nos moyens de communication et d’information, sans parler de nos systèmes critiques d’énergie, de défense ou de transport, reposent tous sur le numérique. Sur tous ces aspects, si nous voulons faire prévaloir nos conceptions, nous ne pouvons nous en remettre à des technologies qui ne les partagent pas. C’est pourquoi il est impératif que nous bâtissions une souveraineté numérique, c’est-à-dire un écosystème technologique qui préserve sur tous les sujets clés notre liberté d’appréciation, de décision et d’action.

Cette notion de souveraineté technologique peut sembler bien illusoire quand la quasi-totalité des logiciels, des matériels, des composants qui les constituent et de l’ensemble des savoir-faire nécessaires se trouvent aux États-Unis et en Chine. Pour autant, ces retards sont-ils irrémédiables ? Sommes-nous condamnés à dépendre éternellement de pays qui n’hésiteront jamais à faire passer leurs intérêts avant les nôtres ? Pas nécessairement ! À l’image de l’intelligence artificielle et de l’informatique quantique, l’innovation est si rapide qu’elle peut brusquement redessiner des paysages qui pouvaient sembler figés à jamais.

Pour développer des innovations de rupture susceptibles de renverser la table en notre faveur, ce dont nous avons par-dessus tout besoin, ce sont des locomotives. La supériorité technologique américaine repose sur les GAFAM et leur colossale force de gravité qui attire inexorablement investissements, données et talents. Ils influencent, pour ne pas dire imposent, les usages et les standards. Ils rachètent à prix d’or concurrents émergents et innovations prometteuses, étendant leur empire et éteignant au passage toute alternative. Plus que de très grandes entreprises, ces géants gouvernent nos existences, selon leurs propres règles. Pour leur tenir tête, nous avons nous aussi besoin de tels acteurs dominants, capables d’être les pôles d’un écosystème numérique souverain. Mais, pour croître, ces champions ont besoin des ressources d’un vaste marché et il est évident que le cadre national est trop étroit. En revanche, en dépit de son hétérogénéité, l’Europe offre une masse critique et une cohésion culturelle beaucoup plus propices. C’est à ce niveau qu’il faut agir.

Avec le RGPD, le Digital Services Act ou le Data Act, l’Europe montre qu’elle a la volonté de bâtir pour le numérique un cadre spécifique, protecteur de ses valeurs et de ses principes, et donc favorable aux entreprises qui y adhèrent. Cette démarche est absolument nécessaire, mais pour faire émerger au plus tôt ses propres champions du numérique, l’Europe doit aussi se doter d’une politique de soutien volontariste, laquelle pourrait s’appuyer sur quatre accélérateurs.

En premier lieu, pour avoir une force de frappe démultipliée et ne pas alimenter des concurrences internes contre-productives, il est impératif que toutes les initiatives soient envisagées, décidées et coordonnées au niveau continental. La French Tech, bien qu’ayant été profitable au développement du numérique et à la viabilité des entreprises tech françaises, ne peut aujourd’hui plus se suffire à elle-même. Son modèle franco-centré présente des limites intrinsèques qu’une initiative européenne permettra de dépasser. Mutualiser le soutien aux entreprises de toute l’Europe est la première étape pour créer une légitimité internationale.

Deuxièmement, cette politique de soutien européenne devrait se limiter à offrir aux créateurs d’entreprise un cadre administratif et réglementaire stable, lisible et protecteur, et des facilités de financement. N’oublions pas que les grandes réussites dans le domaine de la technologie sont toujours le fait d’entrepreneurs visionnaires. La meilleure approche est donc de leur donner les moyens et la liberté de concrétiser leurs idées, sans interférer davantage.

Troisièmement, pour favoriser l’expansion des entreprises européennes et leur permettre de rivaliser d’emblée avec leurs éventuels concurrents américains ou chinois, il est essentiel de renforcer l’unité du marché intérieur. Créer un statut d’entreprise européenne y contribuerait fortement en abolissant la nécessité d’ouvrir une filiale dans chaque pays pour opérer dans l’ensemble de l’Union. Quelques formalités suffiraient pour s’implanter partout et étendre ainsi très rapidement son activité. Ce statut unique serait aussi bénéfique pour les investisseurs à qui il offrirait un cadre standard.

Enfin, un quatrième accélérateur serait la création d’une bourse européenne. L’un des enjeux majeurs des startups est de permettre à leurs investisseurs initiaux de récupérer leur mise, soit au travers d’un rachat, soit d’une introduction en bourse. Pour ce qui est des rachats, tant que l’Europe n’aura pas ses propres géants, les Américains continueront à s’approprier ses pépites. En revanche, nous pourrions créer un marché paneuropéen capable de drainer les liquidités de tout le continent, ce qui éviterait aux entreprises innovantes de s’exiler vers le Nasdaq. Un tel marché permettrait aussi aux épargnants européens de détenir des parts des entreprises qui possèdent leurs données, créant de ce fait une forme de contrôle actionnarial populaire et souverain. Enfin, cela imposerait aux entreprises cotées de se soumettre aux réglementations européennes et donc de conserver leurs spécificités originelles.

Après guerre, mesurant l’importance vitale des secteurs de l’énergie, des télécommunications, des transports et de la santé, les États européens ont largement choisi la voie de la nationalisation pour préserver leur souveraineté. Aujourd’hui, le numérique revêt la même importance et il convient de nouveau de protéger nos intérêts vitaux. À une nuance près : de grands groupes publics seraient incapables d’avoir les ressources, l’agilité et l’esprit pionnier indispensables pour innover et croître à grande vitesse. Pour faire naître nos propres géants du numérique, nous n’avons d’autre choix que de nous en remettre aux entrepreneurs. Et de tout faire pour les aider à réussir.
Thibaud Elzière (*)
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« L’IA : pour renforcer les géants du numérique, mais aussi les affaiblir »

« L’IA : pour renforcer les géants du numérique, mais aussi les affaiblir »
CHRONIQUE par Alexandre Piquard dans Le Monde

L’intelligence artificielle en open source serait susceptible de rebattre les cartes du secteur dans un sens moins favorable aux Big Tech, explique Alexandre Piquard, journaliste au « Monde », dans sa chronique.L’intelligence artificielle (IA) va-t-elle rebattre les cartes du numérique ou asseoir le pouvoir des grands acteurs du secteur ? Le succès des logiciels capables de créer, à partir d’une simple commande écrite, des textes – comme ChatGPT – ou des images – comme Midjourney – a d’abord semblé confirmer la seconde hypothèse. Si c’était possible, ces systèmes allaient être encore davantage dominés par les Big Tech, tels Google, Microsoft, Meta (Facebook) ou Amazon, que la recherche en ligne, les réseaux sociaux, les logiciels ou l’e-commerce…

Mais ces derniers mois, avec l’apparition de modèles d’IA puissants diffusés en open source, donc accessibles à tous, une thèse alternative s’est développée : l’IA pourrait affaiblir les géants du numérique.

Pour étayer l’idée d’une consolidation du pouvoir des acteurs dominants, les éléments ne manquent pas : OpenAI, la start-up qui a créé ChatGPT, est depuis 2019 solidement arrimée, par un partenariat, à Microsoft, qui serait prêt à y investir 10 milliards de dollars (9,4 milliards d’euros). Google a, lui, misé 300 millions de dollars pour prendre une participation dans la start-up Anthropic. Et, grâce à leurs filiales d’hébergement et de services dans le cloud, Google a noué un partenariat avec Cohere ou C3 AI et Amazon avec Stability AI. Les géants du numérique apportent ici de la capacité de calcul pour entraîner des modèles gigantesques (540 milliards de paramètres pour PaLM, de Google). Il s’agit d’une ressource cruciale et coûteuse, car les puces dernier cri valent jusqu’à 40 000 dollars pièce.

Cette mainmise suscite déjà des critiques, notamment d’Elon Musk, pour qui créer OpenAI était une façon de pas laisser l’IA aux mains de Google. « La domination des Big Tech sur l’économie numérique sera scellée si les régulateurs n’interviennent pas », a mis en garde Sarah Myers West, de l’ONG AI Now Institute, dans le Financial Times. La FTC, l’autorité antitrust américaine, a dit être « vigilante », car « l’IA risque de conforter encore davantage la domination des grands acteurs du numérique ».

Certains craignent de voir les petites entreprises et la recherche publique dépendre d’une poignée de grands modèles d’IA, comme elles dépendent des grandes plates-formes, réseaux sociaux, environnements mobiles…

Loi Numérique : Une auberge espagnole !

Loi Numérique : Une auberge espagnole !

Une loi de régulation de l’espace numérique a été au conseil des ministres. Une loi un peu fourre-tout qui mélange un peu tous les problèmes: pour protéger les utilisateurs tout autant que pour assurer la souveraineté numérique. Une sorte de loi auberge espagnole.

Le projet de loi visant à « réguler et sécuriser l’espace numérique » sera présenté ce mercredi matin en conseil des ministres. Condensé de plusieurs mesures discutées ces derniers mois, il vise à éradiquer les comportements qui « sapent la confiance des citoyens dans le numérique et leur font questionner la transition numérique », dixit le ministre, lors d’une conférence de presse. Une problématique un peu courte pour traiter toutes les questions relatives à l’espace numérique.

Le texte, présenté comme transpartisan traite en vrac les problèmes du phishing, du cyberharcèlement, de l’accès à la pornographie par les mineurs ou encore de la concurrence sur le marché du cloud. Le projet se nourrit des récentes textes européens de régulation des plateformes (le DSA et le DMA), de rapports parlementaires (sur la souveraineté numérique et sur la pornographie), et de contributions du conseil national de la refondation (la consultation citoyenne lancée fin 2022). Les mesures qu’il porte -encore imprécises sur certains détails techniques- devraient être discutées au parlement dès cet été.

Comme le rappelle le ministère, la cybermalveillance frappe avant tout les citoyens les plus vulnérables : personnes âgées, enfants et personnes moins éduquées aux enjeux du numérique. « 18 millions de français en ont été victimes d’un acte cybermalveillant, dont la moitié a perdu de l’argent ou subi une usurpation d’identité au passage », chiffre Jean-Noël Barrot.

Le texte prévoit également d’alourdir les sanctions contre un autre fléau de la présence en ligne, le cyberharcèlement. Si une personne est reconnue coupable, elle recevra une peine complémentaire de bannissement des réseaux. « L’objectif est de mettre fin au sentiment d’impunité en ligne en enlevant les chefs de meutes de l’équation, à l’image de ce que fait le dispositif des interdits de stade », précise le ministre. Dernière mesure de ce volet du protection des citoyens : l’encadrement les jeux numériques très spéculatifs, notamment liés au web3, afin d’éviter l’accès aux mineurs et de prévenir les mécanismes de blanchiment d’argent.

les mineurs. Le ministre constate qu’à 12 ans, un tiers des enfants français a déjà été exposé, avec des répercussions psychologiques. « Les sites pornographiques ne vérifient pas l’âge malgré la loi [de 2020, ndlr]. Ils préfèrent les recettes publicitaires et le trafic à la santé des enfants », assène-t-il. Le sujet n’est pas nouveau, et une procédure judiciaire de demande de blocage contre cinq sites est d’ailleurs en cours. Son verdict sera rendu début juillet.

Le dernier volet du projet de loi s’attaque à la mainmise des trois géants américains (Amazon Web Services, Microsoft Azure et Google Cloud) sur le marché du cloud. « Nous voulons mettre fin aux abus de position dominante, et en finir avec la loi du plus fort », ambitionne le ministre. Concrètement, le texte prévoit d’interdire les frais de transfert d’un fournisseur de cloud à un autre, une pratique jugée comme anticoncurrentielle -à ne pas confondre avec les frais de migrations, qui couvrent les frais techniques du passage des données d’un serveur à un autre et des réglages techniques nécessaire.

De plus, le projet prévoit d’encadrer la remise de crédit informatique, une pratique très répandue dans ce marché, qui consiste à fournir gratuitement des services cloud aux clients afin de les fidéliser. « Le crédit informatique, s’il est trop important, est de nature à distordre la concurrence. Nous voulons revenir à la logique d’échantillon, qui n’enferme pas l’entreprise dans un cloud », développe le ministère. Par ailleurs, le texte confie à l’Arcep [le régulateur des télécoms, ndlr] de nouvelles compétences pour accroître l’interopérabilité entre les différents cloud, et donc faciliter le passage d’un fournisseur à un autre. « La réussite de cette mesure dépendra du standard choisi et de son application », précise le ministère.

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