Archive pour le Tag 'nucléaire'

Bombe nucléaire et uranium

Bombe nucléaire et uranium

L’enrichissement de l’uranium est au cœur des tensions autour du programme nucléaire iranien. Cette technologie, indispensable pour produire de l’électricité, peut aussi permettre de fabriquer des armes atomiques si elle atteint des niveaux de concentration élevés. En fin de semaine dernière, Israël a ciblé trois des principales installations nucléaires de l’Iran – Natanz, Ispahan et Fordo – tuant plusieurs scientifiques nucléaires iraniens. Ces sites sont fortement fortifiés et en grande partie souterrains, et les rapports divergent quant aux dégâts réellement causés. Natanz et Fordo sont les centres d’enrichissement de l’uranium en Iran, tandis qu’Ispahan fournit les matières premières. Toute détérioration de ces installations pourrait donc limiter la capacité de l’Iran à produire des armes nucléaires. Mais qu’est-ce que l’enrichissement de l’uranium, et pourquoi cela suscite-t-il des inquiétudes ?
Pour comprendre ce que signifie « enrichir » de l’uranium, il faut d’abord connaître un peu les isotopes de l’uranium et le principe de la fission nucléaire.

par Kaitlin Cook
DECRA Fellow, Department of Nuclear Physics and Accelerator Applications, Australian National University dabs The Conversation

Qu’est-ce qu’un isotope ?
Toute matière est composée d’atomes, eux-mêmes constitués de protons, de neutrons et d’électrons. Le nombre de protons détermine les propriétés chimiques d’un atome et définit ainsi les différents éléments chimiques.

Les atomes comportent autant de protons que d’électrons. L’uranium, par exemple, possède 92 protons, tandis que le carbone en a six. Toutefois, un même élément peut présenter un nombre variable de neutrons, formant ainsi ce qu’on appelle des isotopes.

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Cette différence importe peu dans les réactions chimiques, mais elle a un impact majeur dans les réactions nucléaires.

La différence entre l’uranium-238 et l’uranium-235
Quand on extrait de l’uranium du sol, il est constitué à 99,27 % d’uranium-238 (92 protons et 146 neutrons). Seul 0,72 % correspond à l’uranium-235, avec 92 protons et 143 neutrons (le

0,01 % restant correspond à un autre isotope, qui ne nous intéresse pas ici).

Pour les réacteurs nucléaires ou les armes, il faut modifier ces proportions isotopiques. Car parmi les deux principaux isotopes, seul l’uranium-235 peut soutenir une réaction en chaîne de fission nucléaire : un neutron provoque la fission d’un atome, libérant de l’énergie et d’autres neutrons, qui provoquent à leur tour d’autres fissions, et ainsi de suite.

Cette réaction en chaîne libère une quantité d’énergie énorme. Dans une arme nucléaire, cette réaction doit avoir lieu en une fraction de seconde pour provoquer une explosion. Tandis que dans une centrale nucléaire civile, cette réaction est contrôlée.

Aujourd’hui, les centrales produisent environ 9 % de l’électricité mondiale. Les réactions nucléaires ont aussi une importance vitale dans le domaine médical, via la production d’isotopes utilisés pour le diagnostic et le traitement de diverses maladies.

Qu’est-ce que l’enrichissement de l’uranium ?
« Enrichir » de l’uranium consiste à augmenter la proportion d’uranium-235 dans l’élément naturel, en le séparant progressivement de l’uranium-238.

Il existe plusieurs techniques pour cela (certaines récemment développées en Australie), mais l’enrichissement commercial est actuellement réalisé via centrifugation, notamment dans les installations iraniennes.

Les centrifugeuses exploitent le fait que l’uranium-238 est environ 1 % plus lourd que l’uranium-235. Elles prennent l’uranium sous forme gazeuse et le font tourner à des vitesses vertigineuses, entre 50 000 et 70 000 tours par minute, les parois extérieures atteignant une vitesse de 400 à 500 mètres par seconde. C’est un peu comme une essoreuse à salade : l’eau (ici, l’uranium-238 plus lourd) est projetée vers l’extérieur, tandis que les feuilles (l’uranium-235 plus léger) restent plus au centre. Ce procédé n’est que partiellement efficace, donc il faut répéter l’opération des centaines de fois pour augmenter progressivement la concentration d’uranium-235.

La plupart des réacteurs civils fonctionnent avec de l’uranium faiblement enrichi, entre 3 % et 5 % d’uranium-235, ce qui suffit à entretenir une réaction en chaîne et produire de l’électricité.

Quel niveau d’enrichissement est nécessaire pour une arme nucléaire ?
Pour obtenir une réaction explosive, il faut une concentration bien plus élevée d’uranium-235 que dans les réacteurs civils. Techniquement, il est possible de fabriquer une arme avec de l’uranium enrichi à 20 % (on parle alors d’uranium hautement enrichi), mais plus le taux est élevé, plus l’arme peut être compacte et légère. Les États disposant de l’arme nucléaire utilisent généralement de l’uranium enrichi à environ 90 %, dit « de qualité militaire ».

Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), l’Iran a enrichi d’importantes quantités d’uranium à 60 %. Or, il est plus facile de passer de 60 % à 90 % que de passer de 0,7 % à 60 %, car il reste alors moins d’uranium-238 à éliminer.

C’est ce qui rend la situation iranienne particulièrement préoccupante pour ceux qui redoutent que le pays produise des armes nucléaires. Et c’est pour cela que la technologie des centrifugeuses utilisée pour l’enrichissement est gardée secrète. D’autant que les mêmes centrifugeuses peuvent servir à la fois à fabriquer du combustible civil et à produire de l’uranium de qualité militaire.

Des inspecteurs de l’AIEA surveillent les installations nucléaires dans le monde entier pour vérifier le respect du traité mondial de non-prolifération nucléaire. Bien que l’Iran affirme n’enrichir l’uranium que pour des fins pacifiques, l’AIEA a estimé la semaine dernière que l’Iran avait violé ses engagements au titre de ce traité.

Nucléaire iranien : Téhéran menace les Etats-Unis

Nucléaire iranien : Téhéran menace les Etats-Unis


Les discussions sur le nucléaire iranien semblent avoir de moins en moins de chance d’aboutir. Pour preuve Téhéran menace les bases américaines situées au Moyen-Orient.

Les deux pays tentent de s’entendre sur un potentiel texte qui empêcherait l’Iran de se doter de l’arme atomique – une ambition que Téhéran se défend farouchement de nourrir – en échange d’une levée des sanctions qui paralysent son économie. Les discussions butent notamment sur la question de l’enrichissement d’uranium. Les États-Unis exigent que l’Iran y renonce totalement, tandis que Téhéran considère cette demande comme non négociable, arguant qu’elle est contraire au Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) dont il est signataire.

Nucléaire : l’avenir de la fusion

Nucléaire : l’avenir de la fusion


Pour faire le point sur les défis scientifiques et technologiques de la fusion, pour mieux comprendre comment les chercheurs et chercheuses vivent le fait de s’impliquer dans des projets de si longue haleine, Elsa Couderc, cheffe de rubrique Sciences et Technologies à The Conversation France, a rencontré Yannick Marandet. Chercheur en physique des plasmas, il a longtemps été directeur de la Fédération française de recherche sur la fusion par confinement magnétique (FR-FCM) et co-dirige aujourd’hui un grand projet de recherche sur les supraconducteurs et la fusion, financé par France 2030.

The Conversation : Vous travaillez sur la fusion nucléaire depuis vingt-cinq ans et vous avez pris diverses responsabilités pour coordonner les efforts français sur la fusion nucléaire, principalement orientés aujourd’hui vers la collaboration internationale ITER. Est-ce que vous pouvez commencer par nous expliquer ce qu’est la fusion nucléaire ?

Yannick Marandet : La fusion nucléaire, ce sont des réactions nucléaires qui sont à l’œuvre dans les étoiles, notamment dans le Soleil. C’est un peu comme des Lego : on assemble des petits noyaux pour en faire des plus gros. Ce sont en fait les processus par lesquels les éléments chimiques dont on est tous constitués, dont la Terre est constituée – comme le carbone, le fer ou l’oxygène – se sont formés dans des générations d’étoiles précédentes. D’où la fameuse expression, « Nous sommes tous des poussières d’étoiles ».

Ces réactions de fusion permettent de fabriquer des atomes plus gros, et ce faisant, elles libèrent de l’énergie contenue dans les noyaux que l’on assemble. Ainsi, dans une étoile en phase de vie normale, quatre noyaux d’hydrogène s’assemblent (l’élément le plus léger de l’Univers, un proton) pour faire un noyau d’hélium.

En fait, le terme hélium vient d’Hélios, car l’hélium a été découvert initialement en observant une éclipse solaire, en 1868. C’est intéressant de penser qu’on a trouvé de l’hélium dans notre étoile avant de l’observer sur Terre. Mais ce n’est qu’une fois qu’on a découvert cet élément sur notre planète, en 1895, qu’on a pu le peser et se rendre compte qu’il est un peu plus léger que quatre noyaux d’hydrogène – de l’ordre de 1 % plus léger. Cette masse perdue durant la transformation de l’hydrogène en hélium a été convertie en énergie : c’est la célèbre formule d’Einstein, E=mc2.

Comment est née l’idée d’utiliser ces phénomènes au cœur des étoiles pour générer de la chaleur, et donc de l’électricité ?

Y. M. : L’idée d’imiter ce qui se passe dans les étoiles est arrivée assez vite. Mais il faut savoir que les réactions de fusion nucléaire entre atomes d’hydrogène qui ont lieu dans les étoiles sont très inefficaces : les premières étapes de ces réactions sont tellement lentes qu’on ne peut même pas en mesurer la vitesse !

Il a donc d’abord fallu comprendre qu’on ne peut pas faire exactement ce que fait le Soleil, mais qu’on peut essayer de faire mieux, en utilisant des réactions qui sont plus rapides. Pour cela, il faut d’abord étudier comment marche une réaction de fusion.

Il faut d’abord faire se rapprocher les noyaux atomiques… malheureusement, ceux-ci se repoussent spontanément – plus ils sont gros, plus ils sont chargés et plus ils se repoussent. On a vu que la fusion de noyaux d’hydrogène à l’œuvre dans les étoiles n’est pas très efficace et, pour ces raisons, les réactions de fusion entre les isotopes de l’hydrogène ont été considérées. Les noyaux de ces isotopes ont par définition la même charge que l’hydrogène, mais contiennent un ou deux neutrons.

La solution actuelle – celle que l’on doit utiliser dans ITER – est arrivée dans le cadre du projet Manhattan – le projet de recherche du gouvernement américain qui visait à construire une bombe atomique, entre 1939 et 1947. Celui-ci se concentrait évidemment sur la fission nucléaire, mais ils ont assez vite pensé à rajouter une dose de fusion par-dessus. Pendant cette période, d’énormes progrès ont été faits en physique nucléaire parce qu’il y a eu de très gros moyens, très focalisés… ce qui a bénéficié au domaine de la fusion, même si c’est un héritage dont on n’aime pas nécessairement se réclamer.

Quoi qu’il en soit, quand les chercheurs du projet Manhattan ont commencé à faire fonctionner des réacteurs nucléaires, ils ont produit du tritium – l’isotope le plus lourd de l’hydrogène, avec deux neutrons. Et quelqu’un s’est rendu compte que le deutérium et le tritium, pour des raisons d’abord mystérieuses à l’époque, fusionnaient 100 fois plus vite que deux noyaux de deutérium.

Une réaction de fusion exploitable pour en faire de l’électricité avait été découverte.

Quand on fait une réaction deutérium-tritium, ça fait un noyau d’hélium cinq, extrêmement instable, qui se désintègre en un hélium quatre et un neutron. Ceux-ci vont extrêmement vite – l’énergie qu’on a perdue en masse se retrouve dans l’énergie de mouvement. En freinant ces particules, par collision dans la paroi de la machine, on va récupérer cette énergie, faire chauffer de l’eau et faire tourner des turbines.

Cette réaction deutérium-tritium a un énorme avantage, c’est qu’elle est beaucoup plus probable, et donc rapide, que les autres réactions de fusion nucléaire, comme la fusion de deux hydrogènes, observée dans le Soleil et dont on parlait précédemment… mais elle pose deux défis.

Le premier, c’est qu’elle utilise du tritium, qui est radioactif. Le problème n’est pas tant sa dangerosité, qui est limitée, mais plutôt sa demi-vie (le temps nécessaire pour que la moitié des atomes se désintègrent naturellement), qui n’est que de douze ans. De ce fait, c’est un élément très rare. Il faut le fabriquer pour s’en servir comme combustible – dans ITER par exemple, même si le plasma contiendra de l’ordre d’un gramme de tritium, il faudra stocker quelques kilogrammes sur site.

Le deuxième défaut de cette réaction, c’est qu’elle génère des neutrons de 14 mégaélectronvolts. Cette échelle peut sembler un peu absconse quand on n’a pas l’habitude de la manipuler : ce qu’il faut retenir, c’est que ces neutrons sont très énergétiques, suffisamment pour transformer des impuretés dans la paroi en éléments radioactifs. Et ça, c’est un défi – à tel point qu’aujourd’hui, un domaine de recherche entier est dévolu à développer des matériaux sans ces impuretés.

Pour la fusion deutérium-tritium, il faut utiliser ce neutron énergétique pour bombarder du lithium, et ainsi récupérer du tritium : on résout à la fois le problème d’approvisionnement en tritium et on produit de la chaleur supplémentaire par ces réactions.

Si l’on compare à une centrale à charbon de 300 MW électrique, qui brûle de 1 million à 2 millions de tonnes par an, l’avantage de la fusion est évident : il faut 30 kg de deutérium (l’océan en contient en quantité) et une centaine de kilos de lithium par an. Tout ça sans production de gaz à effet de serre ni déchets autres que la machine elle-même, et sans risques d’emballement.

Mais c’est aussi pour s’affranchir des problèmes liés aux neutrons énergétiques que différentes start-ups promettent aujourd’hui ce qu’on appelle la fusion « aneutronique », exploitant des réactions de fusion dans lesquelles on ne produit pas (ou peu) de neutrons. En n’utilisant pas de tritium, on aurait un carburant qui ne serait pas radioactif et pas (ou peu) de neutrons en sortie. La réaction de choix pour faire ça, c’est de fusionner un proton avec du bore (élément chimique dont le noyau compte cinq protons)… mais elle nécessite de monter à des températures dix à cent fois plus élevées que celles envisagées dans ITER, ce qui veut dire que ces start-ups devront obtenir des plasmas extrêmement performants.

À quelle température a lieu la réaction deutérium-tritium, celle qui doit être utilisée dans ITER ?

Y. M. : Cent cinquante millions de degrés ! Cette température est un vrai défi pour les scientifiques aujourd’hui.

Les plans initiaux de développement de la fusion, dans les années 1940 et 1950, étaient très optimistes… En effet, à l’époque, on ne connaissait pas très bien ce qu’on appelle aujourd’hui la « physique des plasmas ». À 150 millions de degrés, un gaz d’hydrogène de deutérium-tritium n’est plus un gaz ! C’est ce qu’on appelle un « plasma », c’est-à-dire un milieu suffisamment énergétique, suffisamment chaud, pour que tous les électrons soient arrachés de leurs noyaux. On se retrouve avec une soupe d’électrons et d’ions.

On pourrait penser que cette soupe est similaire à un gaz ; mais la grosse différence avec des molécules dans un gaz est que les particules chargées se sentent les unes les autres à grande distance. Ainsi, dans un plasma, si on bouscule un électron quelque part, tous les électrons autour vont le sentir, et bouger également… on comprend bien qu’il peut se passer des choses très intéressantes du point de vue de la physique !

Mais plus complexes aussi, surtout du point de vue des applications. Parce qu’un plasma est quelque chose d’assez compliqué à maîtriser, qui devient très vite turbulent.

Et justement, vous avez réalisé votre thèse au début des années 2000, sur l’analyse des plasmas turbulents. Quelles étaient les problématiques à l’époque ?

Y. M. : J’ai fait ma thèse sur la caractérisation de plasmas, en collaboration avec des collègues d’une expérience de fusion appelée à l’époque « Tore Supra » au CEA Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône (cette machine est devenue West). J’analysais la lumière émise par les plasmas. Nous avions l’expertise d’analyse, de spectroscopie, et Tore Supra fournissait des plasmas ; ils avaient besoin de mieux comprendre ce qu’ils voyaient.

Une des grandes questions de la recherche sur la fusion a toujours été celle de la qualité du confinement. On utilise des champs magnétiques, générés par des électroaimants, qui confinent les particules chargées dans la machine. En effet, vous l’aurez compris, pour avoir des réactions de fusion, il faut chauffer le plasma. Mais c’est comme à la maison : si on allume les radiateurs à fond mais qu’on laisse les fenêtres ouvertes, la température dans la pièce ne va pas monter beaucoup. Si on ferme les fenêtres, ça va aller mieux, et si on isole mieux la maison, la température va monter plus haut pour la même puissance de radiateur. Dans notre cas, les champs magnétiques jouent un rôle d’isolant. Il faut réussir à isoler suffisamment pour que la température monte à 150 millions de degrés au cœur de la machine et que les réactions de fusion se produisent – après cela, ce sont ces réactions elles-mêmes qui chauffent le plasma.

La qualité de l’isolation est un peu la raison pour laquelle les gens étaient optimistes au départ : on pensait que la chaleur s’échapperait par conduction, c’est-à-dire sans mouvement du plasma, comme quand on pose quelque chose de chaud à un endroit, et que la chaleur passe dans les objets autour. En réalité, le plasma se met en mouvement, comme quand on chauffe de l’eau dans une casserole : il y a des cellules de convection dans la casserole, de la turbulence, qui font que l’eau monte, redescend, et que ça se mélange beaucoup mieux que par conduction ; ce qui mène à une perte de chaleur. Comprendre cette turbulence dans les plasmas est un fil directeur des études sur la fusion depuis longtemps.

La problématique de ma thèse était de mieux caractériser la turbulence en regardant certaines propriétés de la lumière émise par le plasma.

Comment ces problématiques ont-elles évolué au fil de votre carrière ?

Y. M. : La question du confinement magnétique du plasma est globalement beaucoup mieux comprise… mais, encore aujourd’hui, il reste des points difficiles.

En effet, on sait que lorsqu’on dépasse une certaine puissance de chauffage dans le plasma, celui-ci s’organise de manière un peu différente, dans un régime où cette fameuse turbulence qui nous embête se « suicide » au bord du plasma : elle génère elle-même des écoulements qui la suppriment. Ça permet de beaucoup mieux confiner le plasma, et ce régime de fonctionnement (au-dessus d’une certaine puissance de chauffe) a été appelé « le mode H », pour high confinement. C’est le mode d’opération qui a été prévu dans ITER.

Néanmoins, bien que l’on ait compris des aspects importants de son fonctionnement, on ne sait toujours pas prédire avec précision à quel niveau de chauffage la transition vers le mode H va se produire. Des lois empiriques, fondées sur les résultats des expériences actuelles, sont utilisées pour extrapoler à ITER. Cette situation n’est pas si inhabituelle, les avions volent bien que nous n’ayons pas percé tous les secrets de la turbulence autour des ailes. Mais mieux on comprend, plus on peut optimiser.

Pourquoi le mode H résiste-t-il aux efforts des physiciens depuis quarante ans ?

Y. M. : Très probablement parce qu’il implique des interactions entre des phénomènes à différentes échelles. Dans l’espace, on doit comprendre des mécanismes depuis les échelles millimétriques jusqu’au mètre ou à la dizaine de mètres (la taille de la machine) ; et dans le temps, depuis la fraction de microsecondes jusqu’à plusieurs secondes. Il est difficile de capturer toutes ces échelles de manière globale, de les intégrer les unes aux autres, de façon suffisamment générale pour être prédictives.

Ici aussi, on est dans une situation qui est très intéressante du point de vue de la physique, mais qui nécessite une modélisation extrêmement détaillée au niveau des processus microscopiques, car nous avons affaire à des milieux hors d’équilibre. La physique est très riche parce qu’elle implique des particules, des champs électromagnétiques, dans des configurations géométriques complexes. Elle est aussi très « non linéaire ». Pour simplifier, ceci signifie qu’on ne peut pas résoudre les équations à la main, de façon exacte : on approxime les solutions numériquement, avec des ordinateurs. La puissance de calcul disponible sur les très gros calculateurs a ainsi permis de grands progrès.

Ceci étant, malgré ces frustrations au niveau de la compréhension théorique, les expériences ont progressé et les performances des machines comme les tokamaks ont été multipliées par 100 000 depuis les années 1970 (en termes de « triple produit », une métrique qui mesure de la qualité de l’isolation).

La qualité de l’isolation tient-elle à la puissance des aimants ?

Y. M. : En partie. Disons que si on est capable de faire des champs magnétiques plus élevés, en principe, on est capable d’avoir un meilleur confinement. Mais, sur ITER, on a déjà poussé les champs magnétiques proche de la limite pour la technologie d’aimants utilisée, d’autant plus qu’il faut magnétiser un volume gigantesque – ITER fait 800 mètres cubes.

On utilise donc le second facteur pour améliorer l’isolation : on augmente la taille. Pensez au thé – on laisse le thé dans la théière parce qu’il y refroidit moins vite que dans une petite tasse. C’est pour ça que les machines comme ITER, les tokamaks, ont eu tendance à grossir avec les années. On peut dire que la taille d’ITER est directement liée à la technologie d’aimants utilisée.

Aujourd’hui, on entend pourtant parler de start-ups qui veulent faire des machines, des tokamaks, plus petites…

Y. M. : Tout à fait, avec l’idée que cela réduira très significativement le coût de construction. L’idée est d’utiliser une autre technologie d’aimants, plus récente que celle utilisée dans ITER et qui doit encore faire ses preuves. ITER utilise des électro-aimants supraconducteurs, c’est-à-dire à base de matériaux n’opposant aucune résistance au passage d’un courant électrique. On peut faire passer des courants gigantesques, des dizaines de milliers d’ampères, sans perte par chauffage… ce qui permet de faire des aimants très puissants. Mais pour être supraconducteurs, ces matériaux doivent être refroidis à -269 °C et ne doivent pas être plongés dans des champs magnétiques au-dessus de typiquement douze tesla (l’unité des champs magnétiques)

Dans les années 1980, des matériaux supraconducteurs à haute température critiques ont été découverts. Ces matériaux fonctionnent déjà bien à -195 °C, pour le grand public, c’est toujours très froid, mais cela simplifie beaucoup le refroidissement, car on peut utiliser de l’azote liquide.

Et si on utilise ces mêmes supraconducteurs entre -269 °C et -250 °C – ce qui est tout à fait possible, mais nécessite un frigo plus cher et plus encombrant –, on peut faire passer des courants deux fois plus importants que dans les supraconducteurs classiques et générer des champs magnétiques deux fois plus intenses… ce qui permet en principe de réduire la taille de la machine, sans perdre en qualité d’isolation !

VERS DES TOTAMAKS PLUS PETITS
La stratégie de certaines start-ups est de réduire la taille des tokamaks en utilisant des aimants supraconducteurs à plus haute température critique, dans lesquels on puisse faire passer des courants plus forts à basse température.
Il y a quelques années, ces matériaux extrêmement difficiles à fabriquer à une échelle industrielle sont devenus relativement mûrs. CFS, une spin-off du Massachusetts Institute of Technology (MIT), s’est mis en tête de développer un aimant de tokamak sur la base d’un matériau appelé Rebco (pour « Rare Earth Baryum Copper Oxyde »). Ils ont démontré qu’ils pouvaient générer un champ magnétique deux fois plus élevé que les aimants d’ITER. Ils construisent maintenant une machine qui s’appelle Sparc.
La start-up chinoise Energy Singularity a utilisé les mêmes matériaux pour faire un champ magnétique encore un peu plus intense, en 2024.
Un des débats actuels – assez vif – sur la possibilité de réduire la taille des tokamaks porte sur la résistance mécanique de la machine dans son ensemble. En effet, avec ces aimants si puissants, il y a de telles forces qui s’appliquent dans le tokamak qu’il faut vraiment ruser pour que le bâti soit assez résistant – en caricaturant, s’il faut tant d’acier pour tenir les aimants en place qu’on atteint la taille d’ITER, on n’aura rien gagné.
À supposer que tout ça fonctionne, on se demande ensuite si, en faisant une machine plus petite on ne risque pas d’accentuer d’autres défis. C’est tout l’enjeu des années à venir, et Sparc est une expérience très intéressante !
C’est pour cela qu’un gros projet a été lancé au niveau français, un « PEPR » (un programme et équipement prioritaire de recherche) appelé SupraFusion, et dont vous êtes un des co-directeurs ?

Y. M. : Oui, SupraFusion s’attaque exactement à cette question : maîtriser la technologie des aimants supraconducteurs à haute température pour développer des applications sociétales – sachant que c’est la fusion qui est en train de tirer l’industrialisation de ces technologies avancées d’aimants supraconducteurs.

Que peut-on faire d’autre avec des aimants supraconducteurs à haute température ?

Y. M. : Il y a déjà un câble électrique d’alimentation de la gare Montparnasse qui utilise ces technologies-là, qui permettent de faire des câbles très compacts – très utiles lorsqu’il y a peu de place, en milieu urbain. On envisage aussi des dispositifs électrotechniques qui permettent de renforcer la stabilité des réseaux électriques (des « limiteurs de courant ») ; mais aussi des génératrices d’éoliennes plus légères, plus efficaces. En santé, on pourrait faire des IRM plus petits voire portables. En physique des particules, de nouveaux accélérateurs.

L’idée, c’est d’utiliser la fusion comme aiguillon – ce qu’on appelle l’« effet Formule 1 ». On s’attaque à quelque chose d’extrêmement difficile pour tirer l’innovation, et on attend un ruissellement sur beaucoup d’autres applications qui sont moins exigeantes.

Est-ce que vous sentez une évolution dans la perception de la fusion nucléaire par rapport à vos débuts ?

Y. M. : Quand je suis arrivé, c’était une phase un petit peu plus compliquée, la décision de construire ITER n’était pas acquise.

Enfant, je rêvais de devenir astrophysicien, mais j’ai finalement choisi de travailler sur la fusion parce que je voulais contribuer plus directement à la société.

Ceci dit, le chemin à parcourir vers l’énergie de fusion restait assez flou pour moi. J’étais focalisé sur ma thématique de recherche et il faut du temps pour acquérir une vision plus large des problématiques en jeu. L’importance du défi scientifique et l’impact qu’aura l’énergie de fusion étaient déjà bien perçus, mais cela restait avant tout pour moi un problème de physique, dont l’ambition me fascinait. Lors de mon postdoc à l’Université de Floride, je me souviens avoir été approché par un collègue qui m’a expliqué travailler avec une entreprise privée de fusion, Tri-Alpha Energy, et m’a encouragé à les rejoindre. Je crois que j’ai dû le dévisager comme s’il était un extraterrestre, cela me semblait complètement décalé ! Cette entreprise existe toujours (TAE Technologies) et génère des revenus en commercialisant des appareils d’imagerie médicale développés dans le cadre de ses recherches sur la fusion.

À l’heure actuelle, de nombreuses start-ups travaillent sur la fusion. Leur existence change la perception qu’ont le public et les décideurs : la physique est suffisamment comprise, et le travail sur ITER a suffisamment fait progresser la technologie pour se lancer dans la bataille de la commercialisation dès maintenant. Les années à venir vont être très intéressantes.

Il me semble, par ailleurs, observer la montée en puissance d’un courant de pensée hostile au progrès scientifique en général et à la fusion en particulier. Se doter d’une nouvelle source d’énergie est perçu comme néfaste – on s’entête dans une forme de fuite en avant alors qu’il faudrait juste être plus sobre. Il s’agit là d’une question de choix de société et le rôle des scientifiques est d’informer ces choix – pour ce qui concerne l’énergie, ma conviction est qu’il est plus sage de se donner les moyens d’agir. S’il devient vital d’extraire du CO2 de l’atmosphère en masse, les besoins énergétiques seront gigantesques et la fusion ne sera pas de trop !

Mais l’actualité de ces dernières années, à la fois géopolitique et climatique, a refocalisé l’attention du grand public sur la question de l’énergie, bien plus qu’au moment où j’ai débuté ma carrière. Il me semble que la fusion est perçue comme une partie de la solution. À mon sens le seul danger est que son développement soit utilisé comme prétexte pour ne pas réduire les émissions de gaz à effet de serre dès maintenant. Les moyens mis dans la fusion peuvent paraître énormes du point de vue de la recherche, mais il faut les comparer au coût de notre système énergétique. Il est alors clair que les ressources mises dans la fusion ne vont pas étouffer la transition énergétique.

Enfin, le projet ITER résulte de discussions entre Reagan et Gorbatchev – il y avait vraiment l’idée de développer cette source d’énergie dans un but de paix. Cette dimension de collaboration scientifique entre grandes puissances pour des applications au bénéfice de tous existe encore dans le monde multipolaire d’aujourd’hui et contribue à donner une image positive de la fusion magnétique.

Est-ce différent de faire de la recherche sur la fusion nucléaire dans un pays où la fission est si bien installée, par rapport à un pays où le mix énergétique n’inclut pas ou peu de fission ?

Y. M. : C’est une question intéressante. L’énergie de fusion sera une énergie pilotable décarbonée, qui est donc très utile pour stabiliser les réseaux électriques et garantir la continuité de l’alimentation. Il en va de même pour les centrales nucléaires actuelles, mais les réserves en uranium sont limitées, surtout dans un contexte de forte croissance du secteur. L’approvisionnement en uranium est l’une des raisons pour lesquelles la France relance aujourd’hui le programme de « réacteurs à neutrons rapides », une technologie de fission nucléaire. Certaines promesses de ces réacteurs sont similaires à celles de la fusion (avec sa capacité à produire de l’électricité pendant très longtemps sur les réserves actuelles, etc.) et ces réacteurs à neutrons rapides ont déjà produit de l’électricité en France (Superphénix). Par contre, cette technologie présente des risques comparables à ceux des centrales nucléaires actuelles. Quoi qu’il en soit, leur relance joue certainement un rôle sur la perception de l’utilité de la fusion à moyen terme au niveau des acteurs français du domaine.

Si l’on regarde ce qui se passe ailleurs, le Royaume-Uni investit lourdement dans la fusion et construit des réacteurs nucléaires EPR français en parallèle. La Chine a les moyens de développer toutes les technologies de front : les variantes de la fission, et plusieurs projets de fusion majeurs. De fait, on estime que la Chine dépense plus de 1,5 milliard d’euros par an pour son programme fusion, devant les États-Unis et l’Europe.

La situation est différente en Allemagne, qui est sortie du nucléaire et où la production pilotable est essentiellement assurée par des centrales au charbon et au gaz, qui émettent des quantités importantes de gaz à effet de serre. L’Allemagne s’est dotée récemment d’une feuille de route ambitieuse pour la fusion, dans l’optique de décarboner à terme cette part pilotable.

Le fait est que si la France investit lourdement dans l’énergie nucléaire, elle investit également dans la fusion : dans le projet ITER dont les retombées économiques sont majeures (6 milliards d’euros de contrats pour les industriels français à ce jour) et, en parallèle, dans l’étape suivante, à travers le projet de PEPR et le soutien à une start-up française du domaine, située à Grenoble, Renaissance Fusion.

Avec la fusion, les échéances semblent toujours lointaines – on parle de plasma dans ITER en 2035, de génération d’électricité pour alimenter le réseau à la fin du siècle. Est-ce que vous avez l’impression de vivre dans le futur en travaillant sur quelque chose qui n’arrivera pas d’ici la fin de votre carrière ?

Y. M. : Quelqu’un a comparé ça aux constructeurs de cathédrales. On travaille sur un projet dont les fruits ne seront pas nécessairement disponibles dans la durée de notre vie. On se met au service de quelque chose de plus grand. C’est une forme d’humilité, chacun apporte sa pierre ! Alors, il y a les boutades habituelles sur la fusion (« C’est pour dans trente ans et ça le restera »)… mais ce que je constate, c’est qu’il y a beaucoup de progrès, comme je vous le disais, sur les performances depuis les années 1970.

En ce moment, on progresse sur des aspects importants, comme le record de durée de plasma réalisé dans West cette année (1 337 secondes, soit 22 minutes).

En termes de performance sur le gain de fusion, les progrès ont été portés par nos collègues de la fusion inertielle, qui utilisent des lasers et ont obtenu des gains nets supérieurs à 1, c’est à dire que le plasma a produit plus d’énergie que ce qui lui a été apporté par les lasers. Sur ce point, pour la fusion magnétique, nous sommes dans une phase de latence, le temps qu’ITER soit finalisé. Je pense qu’une des raisons pour lesquelles ça prend autant de temps, c’est que les objectifs d’ITER sont extrêmement ambitieux : puisque on veut faire dix fois mieux qu’aujourd’hui en termes de performance, et le faire pendant mille secondes pour s’approcher du fonctionnement d’une centrale… alors que les records de performance actuels, en termes de gain, ont été atteints pour moins d’une seconde.

En d’autres termes, vous cherchez à faire dix fois mieux pendant mille fois plus longtemps…

Y. M. : Oui, et c’est important, parce que certaines start-ups promettent des choses bien plus tôt, mais sur des durées de plasma beaucoup plus courtes. Les résultats seront très intéressants, mais cela leur permet d’éviter pour l’instant des problèmes que l’on aura de toute façon, un jour ou l’autre, dans une centrale.

Mais je pense qu’on travaille en fait en parallèle, car ces start-ups poussent des technologies qui pourraient s’avérer clé pour la suite. Ma conviction, c’est que grâce à ces efforts combinés, l’étape « post-ITER » va beaucoup accélérer.

Iran : Le pouvoir obsédé par le nucléaire (Michel Santi)

Iran : Le pouvoir obsédé par le nucléaire (Michel Santi)

L’économie iranienne vacille sous le poids des sanctions et de la chute du pétrole. Téhéran tente de sauver ses finances en privatisant, en supprimant des aides sociales et en espérant un accord nucléaire. Mais la voie de la relance reste minée par la corruption, l’opacité des élites et la polarisation politique. Par Michel Santi, économiste (*) dans La tribune

Les revenus pétroliers représentent 40 à 50 % des recettes budgétaires de l’Iran et 80 à 90 % de ses recettes à l’exportation. La menace existentielle pèse – à nouveau – sur le pays, car l’activisme du Président américain sur le front des « tariffs » a fait chuter les cours du baril d’environ 20 % cette année, et jusque-là. La pression exercée sur l’exécutif iranien – et ressentie par lui – devient donc intense. D’autant plus que l’Iran est contraint de casser ses prix vis-à-vis des acheteurs étatiques et privés de pétrole qui prennent le risque de s’y approvisionner en dépit des sanctions.

Comme d’habitude, la boîte à outils des responsables consistera, dans un premier et primaire réflexe, à poursuivre la privatisation de ses entreprises et en transférer la propriété à des acteurs semi-privés : Gardiens de la Révolution et fondations religieuses et privées. Rien à espérer, en d’autres termes, pour dynamiser l’économie iranienne, car les expériences calamiteuses des précédentes vagues de privatisation ont démontré les défaillances de ces groupes semi-privés (ou semi-publics) dans la gestion d’entités stratégiques, pétrochimiques, de raffineries, de centrales électriques.

L’Iran n’est donc pas prêt à bénéficier du développement d’un secteur privé solide et digne de ce nom, dans un environnement de corruption intense et généralisée. C’est même tout le contraire, puisque les entreprises vraiment détenues par les privés se retrouvent marginalisées, et ne comptent que pour 10 à 13 % de l’activité globale du pays ! Celles qui parviennent à se maintenir sont, en outre, fortement entravées par les incessantes nouvelles régulations et nouvelles lois adoptées, soit du fait de la gouvernance quasi nulle du législateur, soit volontairement sous la pression du secteur semi-public, qui y voit là une manière détournée de saper et de fragiliser ses concurrents du privé.

Dans l’immédiat, pour tenter de faire face à l’érosion certaine de ses revenus pétroliers, le gouvernement iranien a annoncé l’arrêt, avec effet immédiat, des subsides accordés à 17 millions de ses citoyens. Cette décision, qui achèvera de rendre décidément impopulaire (mais une fois de plus ?) une nouvelle administration (du président Pezeshkian), lui permettra de réduire de 25 % ses dons en faveur des foyers iraniens.

La seule bouée de sauvetage, et unique raison d’espérer, serait un accord sur le nucléaire avec les États-Unis. À cet égard, les marchés, dans leur infinie prescience, ne s’y sont pas trompés, puisque la monnaie iranienne – le rial – a bondi de son plus bas historique à plus de 1 million par rapport au dollar US enregistré début avril, à 850 000 il y a quelques jours. Quelques heures et séances de pourparlers avec les États-Unis ont permis une appréciation de 20 % du rial : ce que n’avait pu obtenir la banque centrale du pays malgré l’injection de centaines de millions dans le cadre de ses interventions pour enrayer la dégringolade de sa monnaie.

Une désescalade graduelle serait assurément le scénario idéal – et pour l’économie et pour la population de l’Iran – qui autoriserait son retour sur les marchés internationaux, et qui soulagerait immédiatement la pression par la libération de ses substantiels avoirs bloqués. L’équipe Pezeshkian semble faire preuve de bonne volonté et d’esprit d’ouverture dans ses pourparlers avec les représentants américains. Le chef négociateur iranien, Araghchi, s’est même fendu d’un tweet méprisant à l’encontre de Biden et à la gloire de Trump, présenté comme un responsable sage.

Et pourtant, les attentes légitimes du peuple iranien risquent d’être une fois de plus déçues, car une bataille se joue en arrière-plan – comme d’habitude en Iran – entre partisans de la ligne dure et rénovateurs. Les jusqu’au-boutistes eux-mêmes comptent une fraction – certes peu nombreuse, mais très active et bruyante – qui s’oppose à tout accord avec les É.-U. et qui souhaite venger le chef de la Force Qods, Qassem Soleimani, assassiné en 2020, ainsi que tous les autres par la suite.

Le nucléaire, enfin – et peut-être avant tout ? – est bien plus qu’une arme pour le guide suprême, Ali Khamenei. Il reste sa dernière carte pour affirmer ce pouvoir qu’il détient depuis 1979. Un compromis serait équivalent à une trahison de l’héritage et des volontés de Khomeiny. Sans le nucléaire, l’Iran deviendrait un « pays normal », et perdrait son exceptionnalisme et le sens de sa destinée conférés par sa croyance chiite.

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(*) Michel Santi est macro-économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales, écrivain. Il publie aux Editions Favre « Une jeunesse levantine », Préface de Gilles Kepel. Son fil Twitter.

Nucléaire : Nouvelles Rencontre irano-américaines à Oman

Nucléaire : Nouvelles Rencontre irano-américaines à Oman

Dimanche à Oman une nouvelle série de discussions autour du programme nucléaire de Téhéran, après une opposition croissante à l’enrichissement de l’uranium iranien exprimée par des dirigeants américains.

Les pourparlers américano-iraniens visent à conclure un nouvel accord censé empêcher l’Iran de se doter de l’arme atomique, une ambition que Téhéran a toujours nié avoir, en échange d’une levée des sanctions qui paralysent son économie. Un accord conclu en 2015 entre l’Iran et les grandes puissances pour encadrer son programme nucléaire en échange d’une levée des sanctions internationales imposées à Téhéran est devenu caduc après le retrait des États-Unis en 2018, pendant le premier mandat du président Donald Trump.

Les pays occidentaux au premier rang desquels les États-Unis soupçonnent depuis longtemps l’Iran de chercher à se doter de l’arme atomique, ce que Téhéran nie constamment, insistant sur le fait que son programme nucléaire est destiné à des fins civiles.

L’Iran enrichit actuellement l’uranium à 60%, bien au-delà de la limite de 3,67% fixée par l’accord de 2015, alors qu’un taux de 90% est nécessaire pour un usage militaire. Ses stocks de matière fissile sont une source d’inquiétude pour les puissances occidentales.

Politique-Iran: Un accord bidon sur le nucléaire ?

Politique-Iran: Un accord bidon sur le nucléaire ?

L’Iran semble chercher à prolonger son programme d’enrichissement d’uranium sous des conditions surveillées. Cependant, les précédents accords ont montré que ces discussions ne peuvent pas se limiter à la seule question nucléaire. Par Hamid Enayat, politologue, spécialiste de l’Iran, collabore avec l’opposition démocratique iranienne (CNRI) dans la Tribune
Hamid Enayat

Selon une déclaration du ministre des Affaires étrangères d’Oman, un accord aurait été conclu pour permettre à la République islamique de poursuivre l’enrichissement de l’uranium jusqu’à 3,67%. Par ailleurs, selon le New York Times, l’Iran aurait proposé que les États-Unis et certains autres pays supervisent les activités d’enrichissement dans ses installations nucléaires.

Mais la vraie question est la suivante : si un tel accord est conclu et que l’Iran accepte réellement une surveillance stricte et permanente, peut-on alors parler de négociation réussie ?

L’enrichissement à des fins « pacifiques » est difficile à croire, surtout lorsqu’on sait que des milliards de dollars ont été dépensés aux dépens d’un peuple plongé dans la pauvreté. Aucun pays ne supporte une charge financière aussi lourde pour un programme purement civil.

Dans l’accord nucléaire de 2015, il était convenu que la République islamique ne dépasserait pas un taux d’enrichissement de 3,67 %. En réalité, le régime a violé cet engagement et augmenté le niveau d’enrichissement jusqu’à 60 %, transformant ce progrès en un levier de chantage à l’encontre de la communauté internationale.

De plus, 150 milliards de dollars d’avoir iraniens gelés ont été libérés ; mais au lieu d’améliorer les conditions de vie du peuple, la pauvreté s’est aggravée. En 2017, une révolte populaire a éclaté, motivée par la misère et l’indignation économique.

Pendant ce temps, les ressources débloquées ont été utilisées pour renforcer les forces supplétives du régime à travers la région. Le Moyen-Orient est devenu un champ d’intervention pour ces groupes, théâtre de conflits sanglants dans lesquels l’Iran a joué un rôle central.
L’un des résultats les plus amers de cette politique fut la guerre de Gaza, qui a fait des dizaines de milliers de morts et de blessés, et a déstabilisé toute une région.

L’entrée du régime iranien dans le processus de négociation est un signe de faiblesse absolue, et non le fruit d’un changement réel ou d’une évolution dans la nature de son pouvoir.

La République islamique redoute profondément toute confrontation militaire avec les États-Unis — en particulier une attaque contre ses installations nucléaires. Selon des sources proches des cercles politiques de Téhéran, lors d’une réunion entre les commandants des Gardiens de la révolution et des hauts responsables du régime, il aurait été conseillé au guide suprême du régime Ali Khamenei qu’un conflit militaire pourrait entraîner l’effondrement total du régime et ouvrir la voie à un soulèvement généralisé.

N’oublions pas qu’aux dernières élections présidentielles, seuls environ 8 % des électeurs ont participé, dans un climat de peur et de désespoir. Dans un tel contexte — avec une inflation galopante, 80 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté, et de nombreuses autres crises structurelles — un soulèvement populaire pourrait facilement renverser le régime.

D’autant plus que des milliers d’unités de résistance organisées, promouvant les objectifs du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI) pour un futur Iran démocratique, sont actives à travers le pays, prêtes à transformer la moindre étincelle en une insurrection à grande échelle.

Il est donc parfaitement prévisible que le régime iranien, pour éviter une chute inévitable, reculera temporairement sur l’enrichissement de l’uranium et la fabrication de la bombe atomique.

Mais, tout comme en 2015, il maintient en place l’ensemble de son infrastructure nucléaire, dans l’attente d’un éventuel changement à la Maison-Blanche ou d’autres évolutions internationales qui rendraient la situation plus favorable, afin de pouvoir reprendre la course à la bombe dès que possible.

Tirons les leçons de l’histoire
En 2015, tout comme aujourd’hui, la République islamique insistait pour que les négociations se limitent exclusivement à la question nucléaire. Les puissances occidentales ont accepté ce cadre, ce qui a conduit à un accord qui, en apparence, restreignait le programme nucléaire iranien, mais qui, en réalité, a permis au régime de Téhéran de renforcer ses projets déstabilisateurs dans la région grâce aux ressources financières débloquées.

Le « fruit amer » de cet accord n’a été rien d’autre qu’une multiplication des guerres par procuration — notamment la guerre de Gaza, qui a fait des milliers de victimes.
C’est précisément ce que souhaite le régime iranien : cantonner les négociations à la seule dimension nucléaire afin que les autres aspects menaçants de son système — tels que l’exportation du terrorisme et la prolifération de milices — restent dans l’ombre.

L’erreur fatale des négociateurs de 2015 fut de croire que l’arme nucléaire représentait la seule menace, alors que l’expansionnisme régional, les groupes armés supplétifs et les interventions militaires de l’Iran se sont révélés, à bien des égards, encore plus meurtriers et déstabilisants que l’arme atomique elle-même.

L’expérience de la guerre de Gaza, la prise en otage de la souveraineté libanaise, la destruction de ce pays, ainsi que l’insécurité croissante dans les voies maritimes internationales, ne suffisent-elles pas à alerter le monde sur la véritable ampleur de cette menace ?

La République islamique, issue de dogmes religieux hérités du Moyen Âge, constitue un phénomène anachronique et déviant, imposé au XXIe siècle et au monde moderne à la faveur d’un événement historique. Ce régime ne peut survivre sans entretenir la guerre au-delà de ses frontières et sans réprimer violemment à l’intérieur.
C’est pourquoi, depuis plus de trente ans, il a élaboré et appliqué une stratégie belliciste, communément désignée sous le nom de « stratégie de dissuasion », fondée sur trois piliers principaux :

Le programme nucléaire
La création et le soutien de forces supplétives (milices)
Le développement de missiles balistiques

Ces trois éléments fonctionnent comme un système intégré, nourri d’une idéologie de haine, véhiculée à travers des slogans comme « Mort à l’Amérique » et « Mort à Israël », et destiné à entretenir en permanence la guerre et le conflit.

Par l’intermédiaire de ses forces par procuration, le régime a élargi sa présence régionale et, en semant crises et effusions de sang au Moyen-Orient, il a détourné l’attention du monde de la répression implacable qu’il exerce à l’intérieur de ses frontières.

Par conséquent, toute négociation sérieuse en faveur de la paix dans la région doit s’attaquer à l’ensemble du système idéologique et opérationnel du régime. Le démantèlement total, vérifiable et irréversible de son influence régionale, doit être garanti avec fermeté.

Ce n’est qu’à cette condition que les intérêts du peuple iranien, la sécurité régionale et une paix durable pourront être assurés.

Dans le cas contraire, dans quelques années, dans un autre coin du Moyen-Orient, nous serons à nouveau les témoins de guerres sanglantes — et ce sera une autre nation qui en paiera le prix.

Hamid Enayat

Politique-Iran: Un accord bidon sur le nucléaire ?

Politique-Iran: Un accord bidon sur le nucléaire ?

L’Iran semble chercher à prolonger son programme d’enrichissement d’uranium sous des conditions surveillées. Cependant, les précédents accords ont montré que ces discussions ne peuvent pas se limiter à la seule question nucléaire. Par Hamid Enayat, politologue, spécialiste de l’Iran, collabore avec l’opposition démocratique iranienne (CNRI) dans la Tribune
Hamid Enayat

Selon une déclaration du ministre des Affaires étrangères d’Oman, un accord aurait été conclu pour permettre à la République islamique de poursuivre l’enrichissement de l’uranium jusqu’à 3,67%. Par ailleurs, selon le New York Times, l’Iran aurait proposé que les États-Unis et certains autres pays supervisent les activités d’enrichissement dans ses installations nucléaires.

Mais la vraie question est la suivante : si un tel accord est conclu et que l’Iran accepte réellement une surveillance stricte et permanente, peut-on alors parler de négociation réussie ?

L’enrichissement à des fins « pacifiques » est difficile à croire, surtout lorsqu’on sait que des milliards de dollars ont été dépensés aux dépens d’un peuple plongé dans la pauvreté. Aucun pays ne supporte une charge financière aussi lourde pour un programme purement civil.

Dans l’accord nucléaire de 2015, il était convenu que la République islamique ne dépasserait pas un taux d’enrichissement de 3,67 %. En réalité, le régime a violé cet engagement et augmenté le niveau d’enrichissement jusqu’à 60 %, transformant ce progrès en un levier de chantage à l’encontre de la communauté internationale.

De plus, 150 milliards de dollars d’avoir iraniens gelés ont été libérés ; mais au lieu d’améliorer les conditions de vie du peuple, la pauvreté s’est aggravée. En 2017, une révolte populaire a éclaté, motivée par la misère et l’indignation économique.

Pendant ce temps, les ressources débloquées ont été utilisées pour renforcer les forces supplétives du régime à travers la région. Le Moyen-Orient est devenu un champ d’intervention pour ces groupes, théâtre de conflits sanglants dans lesquels l’Iran a joué un rôle central.
L’un des résultats les plus amers de cette politique fut la guerre de Gaza, qui a fait des dizaines de milliers de morts et de blessés, et a déstabilisé toute une région.

L’entrée du régime iranien dans le processus de négociation est un signe de faiblesse absolue, et non le fruit d’un changement réel ou d’une évolution dans la nature de son pouvoir.

La République islamique redoute profondément toute confrontation militaire avec les États-Unis — en particulier une attaque contre ses installations nucléaires. Selon des sources proches des cercles politiques de Téhéran, lors d’une réunion entre les commandants des Gardiens de la révolution et des hauts responsables du régime, il aurait été conseillé au guide suprême du régime Ali Khamenei qu’un conflit militaire pourrait entraîner l’effondrement total du régime et ouvrir la voie à un soulèvement généralisé.

N’oublions pas qu’aux dernières élections présidentielles, seuls environ 8 % des électeurs ont participé, dans un climat de peur et de désespoir. Dans un tel contexte — avec une inflation galopante, 80 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté, et de nombreuses autres crises structurelles — un soulèvement populaire pourrait facilement renverser le régime.

D’autant plus que des milliers d’unités de résistance organisées, promouvant les objectifs du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI) pour un futur Iran démocratique, sont actives à travers le pays, prêtes à transformer la moindre étincelle en une insurrection à grande échelle.

Il est donc parfaitement prévisible que le régime iranien, pour éviter une chute inévitable, reculera temporairement sur l’enrichissement de l’uranium et la fabrication de la bombe atomique.

Mais, tout comme en 2015, il maintient en place l’ensemble de son infrastructure nucléaire, dans l’attente d’un éventuel changement à la Maison-Blanche ou d’autres évolutions internationales qui rendraient la situation plus favorable, afin de pouvoir reprendre la course à la bombe dès que possible.

Tirons les leçons de l’histoire
En 2015, tout comme aujourd’hui, la République islamique insistait pour que les négociations se limitent exclusivement à la question nucléaire. Les puissances occidentales ont accepté ce cadre, ce qui a conduit à un accord qui, en apparence, restreignait le programme nucléaire iranien, mais qui, en réalité, a permis au régime de Téhéran de renforcer ses projets déstabilisateurs dans la région grâce aux ressources financières débloquées.

Le « fruit amer » de cet accord n’a été rien d’autre qu’une multiplication des guerres par procuration — notamment la guerre de Gaza, qui a fait des milliers de victimes.
C’est précisément ce que souhaite le régime iranien : cantonner les négociations à la seule dimension nucléaire afin que les autres aspects menaçants de son système — tels que l’exportation du terrorisme et la prolifération de milices — restent dans l’ombre.

L’erreur fatale des négociateurs de 2015 fut de croire que l’arme nucléaire représentait la seule menace, alors que l’expansionnisme régional, les groupes armés supplétifs et les interventions militaires de l’Iran se sont révélés, à bien des égards, encore plus meurtriers et déstabilisants que l’arme atomique elle-même.

L’expérience de la guerre de Gaza, la prise en otage de la souveraineté libanaise, la destruction de ce pays, ainsi que l’insécurité croissante dans les voies maritimes internationales, ne suffisent-elles pas à alerter le monde sur la véritable ampleur de cette menace ?

La République islamique, issue de dogmes religieux hérités du Moyen Âge, constitue un phénomène anachronique et déviant, imposé au XXIe siècle et au monde moderne à la faveur d’un événement historique. Ce régime ne peut survivre sans entretenir la guerre au-delà de ses frontières et sans réprimer violemment à l’intérieur.
C’est pourquoi, depuis plus de trente ans, il a élaboré et appliqué une stratégie belliciste, communément désignée sous le nom de « stratégie de dissuasion », fondée sur trois piliers principaux :

Le programme nucléaire
La création et le soutien de forces supplétives (milices)
Le développement de missiles balistiques

Ces trois éléments fonctionnent comme un système intégré, nourri d’une idéologie de haine, véhiculée à travers des slogans comme « Mort à l’Amérique » et « Mort à Israël », et destiné à entretenir en permanence la guerre et le conflit.

Par l’intermédiaire de ses forces par procuration, le régime a élargi sa présence régionale et, en semant crises et effusions de sang au Moyen-Orient, il a détourné l’attention du monde de la répression implacable qu’il exerce à l’intérieur de ses frontières.

Par conséquent, toute négociation sérieuse en faveur de la paix dans la région doit s’attaquer à l’ensemble du système idéologique et opérationnel du régime. Le démantèlement total, vérifiable et irréversible de son influence régionale, doit être garanti avec fermeté.

Ce n’est qu’à cette condition que les intérêts du peuple iranien, la sécurité régionale et une paix durable pourront être assurés.

Dans le cas contraire, dans quelques années, dans un autre coin du Moyen-Orient, nous serons à nouveau les témoins de guerres sanglantes — et ce sera une autre nation qui en paiera le prix.

Hamid Enayat

Iran: Un accord bidon sur le nucléaire ?

Iran: Un accord bidon sur le nucléaire ?

L’Iran semble chercher à prolonger son programme d’enrichissement d’uranium sous des conditions surveillées. Cependant, les précédents accords ont montré que ces discussions ne peuvent pas se limiter à la seule question nucléaire. Par Hamid Enayat, politologue, spécialiste de l’Iran, collabore avec l’opposition démocratique iranienne (CNRI) dans la Tribune
Hamid Enayat

Selon une déclaration du ministre des Affaires étrangères d’Oman, un accord aurait été conclu pour permettre à la République islamique de poursuivre l’enrichissement de l’uranium jusqu’à 3,67%. Par ailleurs, selon le New York Times, l’Iran aurait proposé que les États-Unis et certains autres pays supervisent les activités d’enrichissement dans ses installations nucléaires.

Mais la vraie question est la suivante : si un tel accord est conclu et que l’Iran accepte réellement une surveillance stricte et permanente, peut-on alors parler de négociation réussie ?

L’enrichissement à des fins « pacifiques » est difficile à croire, surtout lorsqu’on sait que des milliards de dollars ont été dépensés aux dépens d’un peuple plongé dans la pauvreté. Aucun pays ne supporte une charge financière aussi lourde pour un programme purement civil.

Dans l’accord nucléaire de 2015, il était convenu que la République islamique ne dépasserait pas un taux d’enrichissement de 3,67 %. En réalité, le régime a violé cet engagement et augmenté le niveau d’enrichissement jusqu’à 60 %, transformant ce progrès en un levier de chantage à l’encontre de la communauté internationale.

De plus, 150 milliards de dollars d’avoir iraniens gelés ont été libérés ; mais au lieu d’améliorer les conditions de vie du peuple, la pauvreté s’est aggravée. En 2017, une révolte populaire a éclaté, motivée par la misère et l’indignation économique.

Pendant ce temps, les ressources débloquées ont été utilisées pour renforcer les forces supplétives du régime à travers la région. Le Moyen-Orient est devenu un champ d’intervention pour ces groupes, théâtre de conflits sanglants dans lesquels l’Iran a joué un rôle central.
L’un des résultats les plus amers de cette politique fut la guerre de Gaza, qui a fait des dizaines de milliers de morts et de blessés, et a déstabilisé toute une région.

L’entrée du régime iranien dans le processus de négociation est un signe de faiblesse absolue, et non le fruit d’un changement réel ou d’une évolution dans la nature de son pouvoir.

La République islamique redoute profondément toute confrontation militaire avec les États-Unis — en particulier une attaque contre ses installations nucléaires. Selon des sources proches des cercles politiques de Téhéran, lors d’une réunion entre les commandants des Gardiens de la révolution et des hauts responsables du régime, il aurait été conseillé au guide suprême du régime Ali Khamenei qu’un conflit militaire pourrait entraîner l’effondrement total du régime et ouvrir la voie à un soulèvement généralisé.

N’oublions pas qu’aux dernières élections présidentielles, seuls environ 8 % des électeurs ont participé, dans un climat de peur et de désespoir. Dans un tel contexte — avec une inflation galopante, 80 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté, et de nombreuses autres crises structurelles — un soulèvement populaire pourrait facilement renverser le régime.

D’autant plus que des milliers d’unités de résistance organisées, promouvant les objectifs du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI) pour un futur Iran démocratique, sont actives à travers le pays, prêtes à transformer la moindre étincelle en une insurrection à grande échelle.

Il est donc parfaitement prévisible que le régime iranien, pour éviter une chute inévitable, reculera temporairement sur l’enrichissement de l’uranium et la fabrication de la bombe atomique.

Mais, tout comme en 2015, il maintient en place l’ensemble de son infrastructure nucléaire, dans l’attente d’un éventuel changement à la Maison-Blanche ou d’autres évolutions internationales qui rendraient la situation plus favorable, afin de pouvoir reprendre la course à la bombe dès que possible.

Tirons les leçons de l’histoire
En 2015, tout comme aujourd’hui, la République islamique insistait pour que les négociations se limitent exclusivement à la question nucléaire. Les puissances occidentales ont accepté ce cadre, ce qui a conduit à un accord qui, en apparence, restreignait le programme nucléaire iranien, mais qui, en réalité, a permis au régime de Téhéran de renforcer ses projets déstabilisateurs dans la région grâce aux ressources financières débloquées.

Le « fruit amer » de cet accord n’a été rien d’autre qu’une multiplication des guerres par procuration — notamment la guerre de Gaza, qui a fait des milliers de victimes.
C’est précisément ce que souhaite le régime iranien : cantonner les négociations à la seule dimension nucléaire afin que les autres aspects menaçants de son système — tels que l’exportation du terrorisme et la prolifération de milices — restent dans l’ombre.

L’erreur fatale des négociateurs de 2015 fut de croire que l’arme nucléaire représentait la seule menace, alors que l’expansionnisme régional, les groupes armés supplétifs et les interventions militaires de l’Iran se sont révélés, à bien des égards, encore plus meurtriers et déstabilisants que l’arme atomique elle-même.

L’expérience de la guerre de Gaza, la prise en otage de la souveraineté libanaise, la destruction de ce pays, ainsi que l’insécurité croissante dans les voies maritimes internationales, ne suffisent-elles pas à alerter le monde sur la véritable ampleur de cette menace ?

La République islamique, issue de dogmes religieux hérités du Moyen Âge, constitue un phénomène anachronique et déviant, imposé au XXIe siècle et au monde moderne à la faveur d’un événement historique. Ce régime ne peut survivre sans entretenir la guerre au-delà de ses frontières et sans réprimer violemment à l’intérieur.
C’est pourquoi, depuis plus de trente ans, il a élaboré et appliqué une stratégie belliciste, communément désignée sous le nom de « stratégie de dissuasion », fondée sur trois piliers principaux :

Le programme nucléaire
La création et le soutien de forces supplétives (milices)
Le développement de missiles balistiques

Ces trois éléments fonctionnent comme un système intégré, nourri d’une idéologie de haine, véhiculée à travers des slogans comme « Mort à l’Amérique » et « Mort à Israël », et destiné à entretenir en permanence la guerre et le conflit.

Par l’intermédiaire de ses forces par procuration, le régime a élargi sa présence régionale et, en semant crises et effusions de sang au Moyen-Orient, il a détourné l’attention du monde de la répression implacable qu’il exerce à l’intérieur de ses frontières.

Par conséquent, toute négociation sérieuse en faveur de la paix dans la région doit s’attaquer à l’ensemble du système idéologique et opérationnel du régime. Le démantèlement total, vérifiable et irréversible de son influence régionale, doit être garanti avec fermeté.

Ce n’est qu’à cette condition que les intérêts du peuple iranien, la sécurité régionale et une paix durable pourront être assurés.

Dans le cas contraire, dans quelques années, dans un autre coin du Moyen-Orient, nous serons à nouveau les témoins de guerres sanglantes — et ce sera une autre nation qui en paiera le prix.

Hamid Enayat

Nucléaire : Des discussions bidons entre l’Iran et les États-Unis

Nucléaire : Des discussions bidons entre l’Iran et les États-Unis

Il existe de nombreux contentieux entre l’Iran et les États-Unis pour autant les pourparlers actuels concernent surtout le nucléaire iranien dont l’évolution peut tendre vers une utilisation militaire. Dans chaque camp on affirme constater des progrès dans les discussions. La vérité c’ est qu’on pourrait aboutir à un accord bidon qui pourrait satisfaire les deux camps en recherche de succès diplomatiques.

L’Iran n’a certainement pas le désir d’arrêter sa recherche sur le l’uranium enrichi et la possibilité de l’utiliser à des fins de guerre à la fois pour s’affirmer au plan international et pour solidifier un régime très fragilisé. Par ailleurs la situation économique iranienne est très catastrophique. L’Iran aurait besoin d’une pause pour se refaire une santé quitte à faire semblant d’adhérer à un accord de non-prolifération de l’arme nucléaire.

D’une certaine manière ce sont aussi les mêmes motifs amènent le président américain a précipité un accord qu’il pourra brandir pour montrer enfin un succès au plan diplomatique. Comme souvent pour le président américain le virtuel façon télé réalité à autant d’importance que la réalité elle-même puisqu’il s’agit surtout de s’adresser à ses propres partisans. Un accord pourrait donc être signé à usage interne réciproque.

Un haut responsable américain évoque «beaucoup de progrès» dans les discussions avec l’Iran
Les négociations sur le nucléaire entre l’Iran et les États-Unis ont beaucoup progressé, a affirmé samedi un haut responsable américain, après une seconde série de pourparlers sous médiation omanaise à Rome.

«Nous avons réalisé beaucoup de progrès dans nos discussions directes et indirectes», a affirmé ce responsable, confirmant que les délégations américaines et iraniennes avaient convenu de «se revoir la semaine prochaine».

Les négociations sur le nucléaire entre l’Iran et les États-Unis «avancent», a affirmé samedi le chef de la diplomatie iranienne, après une seconde série de pourparlers sous médiation omanaise à Rome. «C’était une bonne réunion et je peux dire que les négociations avancent», a indiqué Abbas Araghchi à la télévision d’État iranienne. L’Iran et les États-Unis poursuivront les discussions le 26 avril à Oman.

Iran et États-Unis, qui ont tenu samedi à Rome des pourparlers sur le nucléaire, poursuivront les discussions le 26 avril à Oman, selon le chef de la diplomatie iranienne. «Nous nous retrouverons samedi prochain à Oman», a déclaré à la télévision d’État Abbas Araghchi, précisant que «des discussions techniques au niveau des experts débuteront mercredi». Le sultanat d’Oman est médiateur de ces pourparlers.

Iran: Sans accord nucléaire Trump menace de «bombarder»

Iran: Sans accord nucléaire Trump menace de «bombarder»

«S’ils ne signent pas d’accord, il y aura des bombardements», a assuré Donald Trump à la chaîne NBC dans une déclaration succincte sur l’Iran, avec lequel les États-Unis n’ont plus de relations diplomatiques depuis 1980. Les deux pays n’ont que des échanges indirects par le biais de l’ambassade de Suisse à Téhéran, qui représente les intérêts américains en Iran.

Des responsables américains et iraniens se «parlent», a également affirmé Donald Trump, sans préciser la nature des discussions. Il a évoqué dans la même interview la possibilité d’imposer de nouveaux droits de douane à l’Iran. Le président américain, qui assume d’exercer depuis son retour à la Maison Blanche une pression maximale sur Téhéran, avait déjà prévenu vendredi que «les choses vont mal tourner» pour l’Iran en l’absence d’accord. Le milliardaire républicain avait retiré avec fracas les États-Unis d’un accord international avec l’Iran lors de son premier mandat, en 2018, mais se dit désormais ouvert au dialogue pour encadrer les activités nucléaires iraniennes.

En parallèle, Donald Trump a renforcé sa politique dite de «pression maximale» à l’encontre de l’Iran, avec des sanctions supplémentaires et la menace d’une action militaire en cas de refus de pourparlers. «Nous n’essayons pas d’éviter les négociations», a assuré le président iranien Masoud Pezeshkian dans une vidéo diffusée dimanche par un média étatique. «L’Iran a toujours été ouvert aux négociations indirectes. (…) Désormais, le guide suprême (Ali Khamenei) a souligné que des négociations indirectes peuvent se poursuivre», a-t-il ajouté. Le ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi avait déclaré plus tôt dans la semaine que la position de son pays restait «de ne pas négocier directement (avec les États-Unis) sous la +pression maximale+ et les menaces d’action militaire».

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Iran: Ultimatum de Trump de deux mois sur le nucléaire

Iran: Ultimatum de Trump de deux mois sur le nucléaire

«Le président Trump a clairement indiqué à l’ayatollah Khamenei qu’il souhaitait résoudre le différend concernant le programme nucléaire iranien par la voie diplomatique – et très rapidement – ​​et que si cela n’était pas possible, il y aurait d’autres moyens de le résoudre», a déclaré Brian Hughes, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, dans un communiqué à CNN.

La dissuasion nucléaire française face à la Russie

La dissuasion nucléaire française face à la Russie

 

L’arsenal nucléaire français (290 têtes déployées) est sous-dimensionné pour répondre à la menace russe (1 600 têtes déployées). À quelles conditions la France pourrait-elle assurer une dissuasion à l’échelle européenne, alors que la protection des États-Unis ne semble plus garantie ?

 

par Benoît Grémare
Chercheur associé à l’Institut d’Etudes de Stratégie et de Défense, Université Jean Moulin Lyon 3 dans The Conversation  

Dès 2020, Emmanuel Macron a proposé une réflexion sur la dimension européenne de la dissuasion nucléaire française. En ce sens, il a proposé un dialogue stratégique ainsi que des exercices nucléaires conjoints entre les partenaires européens. Cinq ans plus tard, en février 2025, Friedrich Merz, futur chancelier fédéral, a répondu à cet appel, préconisant une extension du parapluie nucléaire français à l’Allemagne alors que les États-Unis de Donald Trump n’apparaissent plus comme un partenaire fiable pour protéger l’Europe.

Mais la France a-t-elle les capacités de défendre l’Europe ? L’hypothétique déploiement du parapluie nucléaire français en Europe de l’Est permettrait-il de concrétiser l’autonomie stratégique de l’Europe, lui donnant les moyens de se défendre en toute indépendance ?

La dissuasion nucléaire française face à la menace russe
À l’origine, la France a développé son armement atomique pour répondre à la menace de l’invasion soviétique et pour éviter toute dépendance vis-à-vis des États-Unis. Selon une doctrine stable et régulièrement réaffirmée par le pouvoir politique, Paris utiliserait son arsenal stratégique par voie aérienne et sous-marine en cas d’attaque contre ses intérêts vitaux.

Reste que, sans le soutien états-unien, le rapport de force apparaît largement défavorable à la France, laquelle dispose de 290 têtes nucléaires contre 1 600 têtes déployées (4 380 têtes avec les stocks) côté russe.

Certes, la puissance explosive des ogives thermonucléaires, alliée à la portée balistique du missile mer-sol balistique stratégique français M51, permettrait de vitrifier les principales villes russes, dont Moscou.

Mais à l’inverse, il suffirait aux Russes de « 200 secondes pour atomiser Paris », selon une estimation donnée à la télévision russe au sujet des missiles thermonucléaires Satan.

Cette opération classique de communication renvoie à la perspective dite du « goutte à goutte » consistant à détruire les villes ennemies dans un échange atomique au coup par coup, dans lequel la Russie peut compter sur son immensité pour gagner à l’usure. C’est cette potentielle vitrification réciproque qu’il faut garder à l’esprit dans le pari mutuel de la dissuasion nucléaire.

Afin de doper l’impact de la dissuasion nucléaire français, un partenariat pourrait être envisagé avec le Royaume-Uni. Puissance nucléaire depuis 1952, Londres ne possède plus que des missiles balistiques lancés par sous-marin et a décidé, depuis le Brexit, de renforcer son arsenal à 260 têtes nucléaires. Mais, bien que partageant des intérêts communs, ces deux puissances nucléaires européennes ne sont pas équivalentes.

Contrairement au Royaume-Uni, qui est membre du groupe des plans nucléaires de l’Otan et dont les ogives sont conçues aux États-Unis, la France produit ses armes sur son propre territoire et n’est soumise à aucune obligation de l’Otan, ce qui donne à Paris une grande marge de manœuvre pour définir sa doctrine. Enfin, la France reste légitime pour parler au nom de l’Union européenne, dont elle fait politiquement partie depuis sa création.

La France est devenue officiellement une puissance atomique dès 1960 en s’appuyant sur ses propres ressources, le soutien extérieur des États-Unis oscillant au gré des événements. Car l’apparition d’une force stratégique française indépendante a longuement contrarié Washington qui a cherché à la restreindre par des traités internationaux – comme le traité de 1963 limitant les essais nucléaires atmosphériques ou encore le Traité de non-prolifération (TNP) en 1968. Depuis 1974, officiellement, la force nucléaire française a un rôle dissuasif propre au sein de l’Otan, contribuant à la sécurité globale de l’Alliance en compliquant les calculs des adversaires potentiels.

Il y a près de soixante ans, la mise en place de la riposte graduée par le président Lyndon Johnson avait renforcé les doutes sur la détermination de la Maison Blanche à s’engager pleinement dans la défense de l’Europe. Aujourd’hui, la volonté du président Trump de mettre fin au soutien de son pays à l’Ukraine confirme ces soupçons. Dès lors, des voix de plus en plus manifestes et insistantes plaident pour l’acceptation d’une force nucléaire française qui ne serait plus chimiquement pure, mais qui s’étendrait à l’échelle européenne.

Le pré-positionnement du parapluie nucléaire français en Europe de l’Est
La demande du futur chancelier allemand Friedrich Merz rejoint la proposition française d’établir un dialogue engageant les Européens dans une démarche commune. Comme l’a rappelé le ministre des armées, la définition précise de l’intérêt vital relève de la seule responsabilité du président de la République française en fonction des circonstances. Pour autant, l’emploi de l’arme nucléaire pour protéger l’Europe implique une discussion stratégique pour définir la puissance à acquérir, les intérêts à défendre et le mode de commandement du feu nucléaire.

Avancer vers le cadre d’une européanisation de la force nucléaire signifie augmenter les capacités de dissuasion et, donc, accroître l’arsenal français pour lui permettre de répondre aux menaces qui concernent l’ensemble des 27 États membres de l’Union européenne. Cela nécessite de constituer des stocks supplémentaires de matières fissiles et donc de réactiver les usines de production de Pierrelatte (Drôme) et Marcoule (Gard) démantelées en 1998, sacrifiées sur l’autel du désarmement unilatéral.

Le dogme de la stricte suffisance doit également être questionné. Si aujourd’hui, 290 têtes nucléaires représentent la valeur que la France accorde à la défendre de son existence, ce prix paraît négliger l’échelle du continent européen, et la logique le confirme : les puissances nucléaires de taille continentale telles que les États-Unis, la Russie et bientôt la Chine déploient un arsenal à hauteur d’un millier de têtes thermonucléaires.

La remontée en puissance prendra du temps et nécessitera un effort budgétaire pour son extension européenne au travers de l’augmentation du nombre de missiles et d’avions porteurs. Outre la construction de nouvelles infrastructures dans les pays européens partenaires, le coût pourrait dépasser 10 milliards d’euros annuels, sans compter les coûts indirects liés à la maintenance et à la logistique. Un temps long à prendre en compte d’autant que l’offre politique et stratégique d’une protection nucléaire élargie évolue au gré des circonstances.

Alors que Berlin préférait jusqu’à présent que la France assume un rôle simplement complémentaire à la dissuasion élargie des États-Unis, l’abandon de l’Ukraine par ces derniers donne une prime à l’agresseur russe. Comme l’indique Emmanuel Macron, la France pourrait en réaction proposer un prépositionnement de ses forces nucléaires dans les pays d’Europe de l’Est avec l’idée de se substituer à terme aux États-Unis.

Ce parapluie nucléaire français concrétiserait l’autonomie stratégique européenne à travers le déploiement d’avions de combat à capacité nucléaire, signe de la solidarité politique européenne et rendant plus difficiles les calculs de Moscou.

La présence visible de ces avions en Europe de l’Est pourrait empêcher la Russie d’attaquer les pays en question avec des moyens conventionnels, une telle attaque risquant de provoquer une riposte nucléaire française au nom de l’Europe.

Fusion Nucléaire : expérience réussie pendant 22 minutes

Fusion Nucléaire : expérience réussie pendant 22 minutes

 

Des scientifiques ont franchi un «jalon» sur la voie de la fusion nucléaire en maintenant un plasma pendant plus de 22 minutes, un record, dans le réacteur opéré par le CEA à Cadarache (Bouches-du-Rhône), a annoncé l’organisme mardi. Promesse d’une énergie propre, sûre, peu coûteuse et quasi-inépuisable, la fusion nucléaire fait l’objet de recherches fondamentales depuis des décennies.

Elle consiste à reproduire les réactions qui se produisent au cœur des étoiles, en assemblant deux noyaux d’atomes dérivés de l’hydrogène. C’est le processus inverse de la fission, utilisée dans les centrales nucléaires actuelles, qui consiste à casser les liaisons de noyaux atomiques lourds. Provoquer cette fusion nécessite des températures d’au moins 100 millions de degrés Celsius afin de créer et confiner du plasma. Ce gaz chaud électriquement chargé a tendance à devenir instable, ce qui peut provoquer des pertes d’énergie et limiter l’efficacité de la réaction.

 

Les scientifiques doivent encore lever de nombreux «verrous technologiques» pour que la fusion thermonucléaire permette de «produire plus d’énergie qu’elle n’en consomme» ce qui n’est pas encore le cas, rappelle-t-elle.

L’objectif est de «préparer du mieux possible l’exploitation scientifique d’Iter», le projet de réacteur expérimental lancé en 1985 par l’Union européenne, la Chine, la Corée du Sud, les États-Unis, l’Inde, le Japon et la Russie, explique-t-elle. Initialement prévue pour 2025, la production du premier plasma d’Iter, confronté à des retards et surcoûts considérables, a été reportée cet été à au moins 2033.

Une autorité de sûreté nucléaire unique

Une autorité de sûreté nucléaire unique

Depuis le 1er janvier, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) est la seule entité chargée de la sûreté nucléaire en France. Le lancement de cette nouvelle autorité administrative indépendante résulte de l’absorption de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de ses 1.600 salariés, expert scientifique de la sûreté, par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et ses 500 fonctionnaires, gendarme chargé des décisions sur les centrales.

Le tout premier communiqué précise ainsi que « l’ASNR assure désormais, au nom de l’État, le contrôle des activités nucléaires civiles en France. Elle exerce également les missions de recherche, d’expertise, de formation et d’information des publics dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. »

Avec plus de 2.000 collaborateurs, elle est désormais la deuxième autorité de régulation nucléaire au monde, après la NRC (Nuclear Regulatory Commission) américaine.

Officiellement la création de cet organisme unique vise à fluidifier le processus d’évaluation et de décision. En fait, il s’agit surtout de mettre fin aux innombrables obstacles technocratiques qui freinent la filière nucléaire française depuis des années.

 

Défense Nucléaire : un parapluie Franco britannique commun ?

Nucléaire : un parapluie Franco britannique commun ?

 

De l’avis de nombreux observateurs, la victoire de Donald Trump annonce le retour de l’isolationnisme américain. Dès lors, le débat au long cours autour de l’autonomie stratégique européenne revient sur le devant de la scène. Si cette notion d’autonomie stratégique comporte une composante conventionnelle et industrielle évidente, une nouvelle question émerge dernièrement : en cas de désengagement de Washington, les Européens pourraient-ils eux-mêmes assurer la protection du continent au niveau nucléaire ?

 

par 

Docteur en sciences de gestion, ancien officier, enseignant en géopolitique à ESDES Business School, ESDES – UCLy (Lyon Catholic University) dans The Conversation 

Hormis la Russie, seuls deux pays européens disposent aujourd’hui de l’arme nucléaire : la France, avec 290 têtes nucléaires, et le Royaume-Uni, qui en compte 225. Au regard de la redéfinition de l’ordre mondial qu’une nouvelle présidence Trump pourrait entraîner, les capacités nucléaires de ces deux pays prennent une importance singulière.

Depuis son premier mandat, Emmanuel Macron souhaite relancer le débat sur la dissuasion nucléaire en Europe. Il évoque notamment la possibilité d’étendre la protection de l’arsenal français aux alliés européens – une option dont l’importance n’échappe à personne à l’heure où la Russie menace d’utiliser son arsenal dans le cadre du conflit avec l’Ukraine. Les Britanniques, quant à eux, n’étant pas dans la même dynamique pour l’instant, préfèrent continuer de déléguer la protection nucléaire du continent aux Américains.

En tout état de cause, l’extension des garanties nucléaires française et britannique pour la sécurité collective du Vieux Continent poserait des problèmes doctrinaux d’une grande complexité.
Depuis que la France s’est dotée de l’arme nucléaire en 1966, sa doctrine de dissuasion repose sur une notion fondamentale, très gaullienne et jusqu’à récemment jamais remise en cause par les présidents français successifs : l’arme nucléaire ne doit servir qu’à la protection des « intérêts vitaux » de la nation.

Ces intérêts vitaux n’ont jamais été clairement définis, mais ils tiennent, a minima, aux éléments indispensables à la survie et à la souveraineté du pays. Cette définition très large maintient sciemment une forme d’incertitude, pour ne pas divulguer trop d’informations à de potentiels adversaires dans l’éventualité d’une attaque.

Cependant, les crises géopolitiques et les tensions croissantes entre la Russie et le camp occidental, marquées par la formulation de menaces nucléaires par Vladimir Poutine, ont conduit Paris à remettre en cause les éléments fondamentaux de cette doctrine.

En février 2020, lors d’un discours à l’École de guerre, Emmanuel Macron a déclaré que la France était prête à s’engager dans un « dialogue stratégique » avec ses partenaires européens en vue d’explorer la meilleure façon d’intégrer l’arsenal nucléaire français dans la sécurité européenne globale – sans se substituer à l’OTAN, mais pour compléter la défense du continent. Le retour à la Maison Blanche de Donald Trump, qui a souvent critiqué avec virulence l’Alliance atlantique, incite encore plus la France et l’Europe à persévérer dans cette réflexion. Rappelons à cet égard que la doctrine de l’OTAN indique que les dissuasions française et britannique « participent significativement » à la défense du continent – sans préciser comment. Le temps semble venu d’apporter plus de clarté à cette question fondamentale.
Contrairement à celle de la France, strictement souveraine en matière nucléaire, la dissuasion du Royaume-Uni demeure fortement dépendante vis-à-vis de l’Alliance atlantique. Son système de dissuasion repose en partie sur les missiles Trident, achetés aux États-Unis bien que les têtes nucléaires soient britanniques. La souveraineté britannique dans ce domaine n’est donc pas totale ; dès lors, la marge de manœuvre de Londres en ce qui concerne une éventuelle extension de son parapluie nucléaire au reste de l’Europe est limitée.

Néanmoins, la coopération nucléaire bilatérale entre Londres et Paris, formalisée par les traités de Lancaster House signés en 2010, peut contribuer à une telle évolution.

Il demeure que le Royaume-Uni risque de ne pas pouvoir s’engager pleinement dans une dissuasion à l’échelle du Vieux Continent sans l’accord de son allié américain…

Le président français encourage ses homologues européens à participer à l’élaboration d’une « culture stratégique commune ». En matière de dissuasion nucléaire, cette approche se heurte toutefois aux réalités politiques et aux réticences de certains pays européens, qui considèrent qu’ils ne seront jamais aussi bien protégés que par le bouclier américain.

En outre, la dissuasion nucléaire française n’a jamais été conçue pour protéger l’ensemble de l’Europe et sa capacité reste limitée face aux arsenaux nucléaires plus vastes de la Russie. Avec ses quelque 300 têtes nucléaires (600 au milieu des années 1980) en cohérence avec son concept de « stricte suffisance », la France dispose certes d’un arsenal dissuasif crédible, mais cette capacité reste insuffisante pour couvrir toutes les éventualités d’un conflit de haute intensité impliquant plusieurs États européens.
De plus, l’idée de déléguer ou de partager cette dissuasion nucléaire est politiquement et diplomatiquement difficile. Certains pays européens, comme l’Allemagne et les États scandinaves, pourraient considérer la mise en place d’une dissuasion nucléaire commune (qui trancherait avec la situation actuelle car la dissuasion américaine est depuis des décennies un objet récurrent du dialogue sur les questions nucléaires entre les États-Unis et la Russie) comme une provocation à l’égard de la Russie allant à l’encontre des objectifs de désarmement nucléaire et de non-prolifération qu’ils défendent activement. Les pays scandinaves et l’Allemagne sont particulièrement sensibles à la relation avec la Russie, en raison de leur proximité géographique avec cette dernière et de leur histoire. Une initiative de dissuasion commune pourrait être perçue par Moscou comme un geste hostile, risquant d’intensifier les tensions.

Enfin, une difficulté majeure persiste du point de vue doctrinal. La dissuasion entre deux acteurs repose sur la notion de crédibilité. Cette dernière existe sous deux formes : technique (la capacité d’une frappe d’atteindre son objectif) et psychologique (l’adversaire, pour être dissuadé, doit être certain que l’autre est prêt à lui faire subir un bombardement nucléaire, quitte à être frappé encore plus durement en retour). À titre d’exemple, la France peut apparaître crédible aux yeux de Moscou si elle menace de détruire des infrastructures russes en cas d’attaque russe visant le territoire français ; mais le sera-t-elle autant si elle menace de s’en prendre à la Russie en cas d’attaque russe contre la Pologne, quitte à s’exposer à voir en retour Paris rasée par les bombes russes ? Ce n’est pas certain… La question est centrale et suppose l’existence d’intérêts vitaux communs européens qui restent à définir.

Une perspective peu crédible… pour l’instant
Aujourd’hui, la dissuasion nucléaire franco-britannique ne peut pleinement se substituer à la garantie américaine. Le dépassement des stricts intérêts vitaux français constitue un jalon vers une sécurité collective renforcée, mais une telle ambition nécessite un engagement fort des autres États membres et un consensus sur la stratégie nucléaire en Europe.

En fin de compte, la dissuasion nucléaire élargie est une idée à explorer, mais elle ne pourra atteindre son plein potentiel qu’à la condition qu’une approche coordonnée, intégrée et acceptée par l’ensemble des puissances européennes puisse se faire jour. Or une telle perspective semble difficilement envisageable à ce stade.

La politique de l’administration Trump sera donc décisive pour qu’une évolution puisse avoir lieu. Dit simplement, son éventuelle politique isolationniste face à l’agressivité russe doit faire peur notamment à l’Allemagne et à l’Europe orientale. Si le président américain transforme l’OTAN en coquille vide et si Vladimir Poutine poursuit sa politique agressive après un hypothétique règlement du conflit l’opposant à l’Ukraine, alors la situation pourrait peut-être évoluer…

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