Note financière par les agences : pas d’impact sur la dette ?
La dégradation des pays par des agences financières type Standard and Poor ou fiche n’aurait aucun impact d’après l’économiste Sylvain Bersinger (Interview dans la tribune)
Le raisonnement développé ici vaut peut-être pour les États-Unis mais sans doute moins pour un pays comme la France dont les fondamentaux économiques sont nettement moins solides NDLR
Intreview
La dégradation de la note de la dette américaine d’AAA à AA+ par Fitch vous paraît-elle logique ?
SYLVAIN BERSINGER – C’est une décision plutôt inattendue. Comme de nombreux analystes, je ne m’y attendais pas. Est-ce pour autant logique ? Je dirais que non. Les arguments de Fitch mettent en avant les blocages entre républicains et démocrates sur le relèvement du plafond de la dette. On peut se demander pourquoi cette dégradation n’est pas intervenue plus tôt, par exemple, il y a une dizaine d’années lorsqu’il y avait déjà des blocages sur le plafond de la dette.
Quels critères justifient cette dégradation ?
Deux éléments ont changé dans le paysage économique par rapport à la dernière décennie. Les ratios de dette publique en fonction du PIB ont explosé aux Etats-Unis et en Europe, et surtout, les affrontements entre républicains et démocrates à Washington vont en s’aggravant. Pour ces raisons, Fitch a peut-être considéré qu’il était pertinent de dégrader la note des Etats-Unis. Cela me paraît malgré tout être une décision au « doigt mouillé », difficile à fonder sur des critères chiffrés. Comment mettre des chiffres sur un climat de tensions politiques ? Le problème n’est, en tout cas, pas économique. De ce point de vue, l’économie américaine va plutôt bien : le chômage est historiquement bas, la croissance se maintient, l’inflation recule.
Quels risques pèsent désormais sur l’économie et les finances des Etats-Unis ?
Le principal risque serait une flambée des taux souverains américains, ce qui reste peu probable et ne se réalise pas pour l’instant. Lorsque l’agence S&P avait dégradé la note des Etats-Unis d’ AAA à AA+ en 2011, rien ne s’était passé sur les taux. Les changements de note n’ont aucun impact sur la dette des grandes économies développées telles que la France ou le Japon. Des pays plus petits en crise peuvent éventuellement en souffrir, comme la Grèce au début des années 2010. Là aussi, la dégradation de la Grèce était peut-être plus une conséquence de la crise politique grecque que sa cause. Les notes ne servent pas à grand-chose si elles n’influent pas sur les taux. En matière d’emprunt public, seules deux questions se posent : les investisseurs consentent-ils à prêter à l’Etat ? Si oui, à quel taux ?
La puissance des Etats-Unis, notamment économique, rend-elle le pays moins moins vulnérable aux notes des agences ?
La théorie voudrait que la dette des Etats-Unis, avec le dollar comme monnaie de réserve, la première armée du monde… soit moins vulnérable aux décisions des agences. Ce « privilège exorbitant », pour paraphraser Valéry Giscard d’Estaing, ne se voit pas dans les faits. Lorsque l’on compare les taux d’emprunt américains aux pays européens, occidentaux comme l’Australie ou le Royaume-Uni, on ne voit pas vraiment de différence.
La dégradation de Fitch peut-elle amener Joe Biden à revoir sa politique de réindustrialisation par des subventions massives ?
Il n’est jamais agréable de subir une dégradation. Pourtant, il n’y a pas de raison que Joe Biden modifie sa politique économique. Une dégradation, ce sont deux économistes qui, après avoir travaillé sérieusement, changent d’avis dans un bureau. Je serais étonné que la première puissance du monde change sa politique en fonction de ça.