Archive pour le Tag 'Nobel'

Dmitri Mouratov, Prix Nobel de la paix : journalistes, le contrepoison de la dictature

Dmitri Mouratov, Prix Nobel de la paix :  journalistes, le contrepoison de la dictature

Dans son discours de réception du Nobel de la paix dont il est colauréat avec la journaliste philippine Maria Ressa, le rédacteur en chef du journal russe « Novaïa Gazeta » a dénoncé, vendredi 10 décembre, les dérives autoritaires, les idéologues de la mort et rappelé que le rôle du journaliste est « de grogner et de mordre ». Il reprend les propos d’Andreï Sakharov.

[Dmitri Mouratov, 60 ans, est rédacteur en chef du journal russe Novaïa Gazeta, renommé pour ses enquêtes approfondies sur la corruption, les abus des politiques, les atteintes aux droits humains. Il en fut le fondateur, en 1993, avec une équipe issue, comme lui, de la Komsomolskaïa Pravda, dans le but de créer un média qui soit « une source honnête et indépendante pour les citoyens russes ». Six journalistes de Novaïa Gazeta ont été assassinés. Dmitri Mouratov a reçu de nombreux prix pour la liberté de la presse et a été élevé, en France, en 2010, au rang de chevalier de la Légion d’honneur pour ses engagements. Avec la journaliste philippine Maria Ressa, il a reçu, en 2021, le prix Nobel de la paix qui, pour la première fois de son histoire, récompensait la liberté d’information. Il reprend les propos d’ Andreï Sakharov ( Le Monde)

Document.

Vos Majestés ! Vos Altesses Royales, membres distingués du Comité Nobel et invités de marque !

Le matin du 8 octobre, ma mère m’a appelé. Elle m’a demandé : « Quoi de neuf ? »

– Maman, on nous a attribué le prix Nobel…

– C’est bien. Et quoi d’autre ?

Un instant, maman, je vais tout te raconter.

« Je suis convaincu que la liberté d’opinion, tout comme les autres libertés civiques, est la base du progrès.

Je défends la thèse de l’importance fondamentale des libertés civiques et politiques dans le destin de l’humanité !

Je suis convaincu que la confiance internationale, (…) le désarmement et la sécurité sont impensables sans une société ouverte, sans la liberté de l’information et d’opinion, sans la transparence (…).

La paix, le progrès, les droits de l’homme, ces trois objectifs sont inextricablement liés. »

Ce texte est un extrait du discours du Nobel de l’académicien Andreï Sakharov, citoyen de la Terre et grand penseur. Le discours a été lu ici même, dans cette ville [Oslo], le jeudi 11 décembre 1975, par son épouse, Elena Bonner. Il m’a semblé nécessaire que les paroles de Sakharov résonnent, une seconde fois, ici, dans cette salle mondialement connue.

Pourquoi est-ce si important pour nous tous, et pour moi personnellement ? Le monde n’aime plus la démocratie. Le monde est déçu par les élites dirigeantes. Le monde aspire à la dictature. Une illusion est née que le progrès peut être atteint grâce à la technologie et à la violence plutôt que grâce au respect des libertés et des droits de l’homme. Ce progrès sans la liberté, c’est comme du lait sans la vache… Les dictatures se sont assuré un accès facile à la violence.

 

Covid-Pour une stratégie vaccinale mondiale (Esther Duflo , Prix Nobel)

Covid-Pour une stratégie vaccinale mondiale (Esther Duflo , Prix Nobel)

 

La prix Nobel d’économie , Esther Duflo, estime que seule une stratégie vaccinale mondiale peut être efficace en même temps qu’équitable. (Interview dans le JDD, extrait)

 

 

 

Pourquoi faut-il immuniser la planète?
Il y a d’abord une raison morale. C’est une opportunité de sauver des vies. Ne pas vacciner, ne pas donner ces doses à ceux qui en ont besoin, et qui affrontent de fortes vagues épidémiques comme l’Afrique avec le variant Delta, c’est avoir du sang sur les mains. Je sais combien le développement est complexe. Mais cela ne s’applique pas au vaccin!

L’OMS réclame pour septembre 250 millions de doses aux pays qui ont un excédent. Pourquoi y a-t-il urgence?
Pour l’instant, aucun variant n’a passé la barrière du vaccin, mais ça pourrait venir. Ils surgissent lors de fortes recrudescences épidémiques. On l’a vu au Brésil, en Grande-Bretagne, en Inde… Laisser se propager ce virus si contagieux, qui mute si souvent, ce n’est pas rationnel du point de vue de notre santé ou de nos économies. En France, sauf à aller vers une obligation générale, 60 à 70% de la population éligible sera protégée. Or 30% de non-vaccinés, cela suffit pour avoir une grosse épidémie. Si le virus continue à circuler et si on veut vivre sans restriction, il faut vacciner au moins 60% de la population mondiale… Ou 100% des Français. La stratégie vaccinale de la France, comme des autres pays riches, doit être mondiale. Sauf à décider de ne jamais rouvrir les frontières.

 

Quelles occasions d’agir ont raté les pays riches?
Au tout début de la pandémie, une décision assez révolutionnaire a été prise, celle d’investir dans des capacités de production, de construire des usines pour la fabrication de vaccins même pas encore testés. Ce pari risqué s’est révélé gagnant. Mais les investissements – largement soutenus par des fonds publics – étaient juste dimensionnés pour la production des pays riches. C’est comme si on construisait une ville avec des tuyaux d’égouts trop étroits dès le départ ! Cette première erreur en a engendré beaucoup d’autres.

Pourquoi cet égoïsme est-il un mauvais calcul?
En mai, le FMI notait que vacciner 40% de la population mondiale en 2021 et 60% en 2022 coûterait 50 milliards de dollars, et estimait les bénéfices d’une telle vaccination pour les économies mondiales à 9.000 milliards de dollars ! Les présidents de toutes les organisations internationales -OMC, OMS, FMI, Banque mondiale…- se sont ralliés derrière ce plan. Mais les Etats-Unis ne se sont pas alignés, l’Europe non plus. C’est la deuxième opportunité manquée : 50 milliards de dollars, c’est une goutte d’eau par rapport aux trilliards investis dans les plans de relance américain ou européen.

 

Le dernier G7 n’a-t-il pas permis une avancée?
Non, c’est une très grande déception. La pression venait de toute part pour enfin accélérer et financer la production. Mais le G7 s’est contenté de la promesse, à la limite de la malhonnêteté, de donner 1 milliard de doses tout de suite aux pays en voie de développement. En réalité, il s’agit juste d’un « objectif » de livrer 870 millions de doses, dont 435 millions « d’ici 2022″… Largement insuffisant. Il en faudrait 7 à 10 milliards pour vacciner tout ceux qui en ont besoin. Par ailleurs, pendant qu’on se pose des questions, les Russes et les Chinois ont fait de la diplomatie vaccinale. D’un point de vue géostratégique, pourquoi leur laisser ce terrain? Contre une pandémie comme pour le climat, on doit agir pour un objectif commun. Cela ne rend pas optimiste pour la Cop26.

Parce que la tentation du repli national s’impose toujours?
Au début, les Etats-Unis ne voulaient pas partager leurs doses d’AstraZeneca. C’était une posture politique, leur population n’étant pas encore protégée. Ils ont désormais la capacité de produire 4,7 milliards de doses d’ici fin 2021. Ils auront des surplus. Mais ils les conservent pour les enfants de 2 à 12 ans et une éventuelle troisième dose. A l’heure où les campagnes patinent là-bas comme en Europe, nous avons une nouvelle occasion d’agir! Je le répète : la stratégie vaccinale du monde est celle de la France.

 

Le dispositif Covax devait fournir 2 milliards de doses aux pays en développement avant la fin de l’année. Il en a expédié moins de 100 millions. Est-ce un échec?
Oui, puisqu’elles n’ont pas été livrées. On a créé une coquille vide, et les dirigeants de Covax se sentent abandonnés à raison. Ils ne gardent pas les vaccins au frigo : ils ne les ont pas, parce qu’on ne leur a pas donné les sous! Les responsables des pays du G7, de Joe Biden à Emmanuel Macron, tiennent les bons discours mais n’ont jamais investi ni dans Covax ni dans une alternative.

La crise a révélé la vulnérabilité du système de production. Comment y remédier?
En 18 mois, l’Inde aurait eu le temps de se mettre en ordre de bataille pour fabriquer des vaccins à ARN. Mais ils n’ont pas eu les brevets, ont subi des restrictions des Etats-Unis sur les importations de composants et ont dû cesser la production. Ensuite, l’épidémie s’est abattue chez eux et priorité a été donnée aux livraisons nationales… La production, qui se concentre aux Etats-Unis, en Europe et en Inde, doit être mieux distribuée. Il pourrait y avoir un pays producteur par continent : Indonésie, Corée, Afrique du Sud. L’état de leur industrie pharmaceutique n’est pas inférieur à celle des Etats-Unis.

 

La levée des brevets serait-elle une solution?
Oui, à terme, ou les suspendre comme cela a été fait avec succès pour les trithérapies contre le Sida avec l’accord donné par Bill Clinton, entre l’industrie pharmaceutique et les pays africains, pour l’exportation et la production de génériques. Des centaines de milliers de vies ont été sauvées, et cela n’a pas découragé ces entreprises d’investir dans la recherche. Joe Biden n’y était pas opposé. L’Europe n’a pas suivi. Les fabricants, eux, ont en ligne de mire le marché de la troisième dose et des enfants. Ils préfèrent vendre 20 euros l’injection aux pays riches. Les pays pauvres, via Covax ou l’Union africaine, négocient des prix réduits, mais cela ne permet pas de décentraliser la fabrication. Et ils ne seront jamais prioritaires.

Les gouvernements ont-ils échoué à instaurer un rapport de force avec l’industrie?
Oui. Moderna n’existerait pas sans le gouvernement fédéral américain. La société avait le véhicule, mais pas la potion magique. C’est le gouvernement qui leur a donné la technologie, développée par les National Institute of Health ; qui a payé et réalisé les essais à grande échelle, et investi en capital risque. Le rapport de force devrait être du côté de l’administration! Ce n’est pas le cas. A l’inverse, pour le vaccin développé par Oxford, c’est Bill Gates qui a financé ces recherches avec AstraZeneca, en contrepartie de quoi il a exigé un prix réduit.

L’Inde, grand pays producteur, n’a vacciné que 5% de sa population. Comment améliorer aussi l’accès au niveau local?
L’Inde a d’abord tout exporté avant de vacciner sa population. Puis l’épidémie a semé le chaos dans les processus de production. Mais aujourd’hui, elle fabrique des doses et les achemine. Au niveau logistique, ce pays est capable de mener cette campagne avec son vaccin local et celui d’AstraZeneca. Comme dans presque tous les pays, il y a eu au départ des problèmes d’organisation, de tranches d’âge prioritaires etc. Mais la question se pose plus avec les vaccins à ARNm qui doivent être conservés au très grand froid. En Afrique, le frein essentiel reste l’absence de doses. Mais comme l’Inde, le continent ne sera pas exempt du problème de l’hésitation vaccinale.

 

Vous avez travaillé sur les réticences à la vaccination en Inde et en avez conclu que la solution la plus efficace est le recours à des « ambassadeurs » intégrés dans les communautés.
Ce travail portait sur la vaccination infantile, pour laquelle il n’y a aucune peur ou hésitation, plutôt une indifférence, une mauvaise perception de l’urgence. Avec le Covid, notre laboratoire a étudié l’hésitation vaccinale auprès de populations âgées d’Inde du sud que nous suivons depuis des années. Ils sont prioritaires mais moins de la moitié ont eu des injections. Beaucoup hésitent ou ont des craintes, peut-être car ils n’ont pas l’habitude de la vaccination des adultes. En Inde et en Afrique, une fois que les vaccins seront là, il restera à convaincre. Mais quand ce sera le seul problème, on aura déjà beaucoup avancé.

Faut-il proposer des incitations matérielles à la vaccination, comme le font les Etats-Unis?
Notre expérience en Inde a montré que cela fonctionne. Pour le Covid, tout dépend de la raison de la non-vaccination. S’il s’agit d’un problème logistique ou d’un manque de conscience de l’urgence, je n’ai rien contre de petites incitations. Si les jeunes sont rationnels, ils se disent que leur bénéfice individuel est insuffisant. Soyons pragmatiques : si ça marche, pourquoi ne pas leur proposer? Soit en rendant la vaccination plus ou moins obligatoire, avec un Covid pass donnant accès à des concerts ou des lieux qu’ils aiment, soit par des incitations plus rigolotes comme des bières ou une loterie. Face à des antivax, ça ne convaincra pas, voire cela aura un effet pervers menant tout droit à la théorie du complot.

Dans ce contexte, comment jugez-vous le débat sur l’obligation vaccinale en France?
Je le comprends. C’est logique : si on ne veut pas faire l’effort pour vacciner le reste du monde, avec des variants comme le Delta, il sera d’autant plus indispensable de vacciner toute la population en France.

Pour une stratégie vaccinale mondiale (Esther Duflo , Prix Nobel)

La prix Nobel d’économie , Esther Duflo, estime que seule une stratégie vaccinale mondiale peut être efficace en même temps qu’équitable. (Interview dans le JDD, extrait)

 

 

 

Pourquoi faut-il immuniser la planète?
Il y a d’abord une raison morale. C’est une opportunité de sauver des vies. Ne pas vacciner, ne pas donner ces doses à ceux qui en ont besoin, et qui affrontent de fortes vagues épidémiques comme l’Afrique avec le variant Delta, c’est avoir du sang sur les mains. Je sais combien le développement est complexe. Mais cela ne s’applique pas au vaccin!

L’OMS réclame pour septembre 250 millions de doses aux pays qui ont un excédent. Pourquoi y a-t-il urgence?
Pour l’instant, aucun variant n’a passé la barrière du vaccin, mais ça pourrait venir. Ils surgissent lors de fortes recrudescences épidémiques. On l’a vu au Brésil, en Grande-Bretagne, en Inde… Laisser se propager ce virus si contagieux, qui mute si souvent, ce n’est pas rationnel du point de vue de notre santé ou de nos économies. En France, sauf à aller vers une obligation générale, 60 à 70% de la population éligible sera protégée. Or 30% de non-vaccinés, cela suffit pour avoir une grosse épidémie. Si le virus continue à circuler et si on veut vivre sans restriction, il faut vacciner au moins 60% de la population mondiale… Ou 100% des Français. La stratégie vaccinale de la France, comme des autres pays riches, doit être mondiale. Sauf à décider de ne jamais rouvrir les frontières.

 

Quelles occasions d’agir ont raté les pays riches?
Au tout début de la pandémie, une décision assez révolutionnaire a été prise, celle d’investir dans des capacités de production, de construire des usines pour la fabrication de vaccins même pas encore testés. Ce pari risqué s’est révélé gagnant. Mais les investissements – largement soutenus par des fonds publics – étaient juste dimensionnés pour la production des pays riches. C’est comme si on construisait une ville avec des tuyaux d’égouts trop étroits dès le départ ! Cette première erreur en a engendré beaucoup d’autres.

Pourquoi cet égoïsme est-il un mauvais calcul?
En mai, le FMI notait que vacciner 40% de la population mondiale en 2021 et 60% en 2022 coûterait 50 milliards de dollars, et estimait les bénéfices d’une telle vaccination pour les économies mondiales à 9.000 milliards de dollars ! Les présidents de toutes les organisations internationales -OMC, OMS, FMI, Banque mondiale…- se sont ralliés derrière ce plan. Mais les Etats-Unis ne se sont pas alignés, l’Europe non plus. C’est la deuxième opportunité manquée : 50 milliards de dollars, c’est une goutte d’eau par rapport aux trilliards investis dans les plans de relance américain ou européen.

 

Le dernier G7 n’a-t-il pas permis une avancée?
Non, c’est une très grande déception. La pression venait de toute part pour enfin accélérer et financer la production. Mais le G7 s’est contenté de la promesse, à la limite de la malhonnêteté, de donner 1 milliard de doses tout de suite aux pays en voie de développement. En réalité, il s’agit juste d’un « objectif » de livrer 870 millions de doses, dont 435 millions « d’ici 2022″… Largement insuffisant. Il en faudrait 7 à 10 milliards pour vacciner tout ceux qui en ont besoin. Par ailleurs, pendant qu’on se pose des questions, les Russes et les Chinois ont fait de la diplomatie vaccinale. D’un point de vue géostratégique, pourquoi leur laisser ce terrain? Contre une pandémie comme pour le climat, on doit agir pour un objectif commun. Cela ne rend pas optimiste pour la Cop26.

Parce que la tentation du repli national s’impose toujours?
Au début, les Etats-Unis ne voulaient pas partager leurs doses d’AstraZeneca. C’était une posture politique, leur population n’étant pas encore protégée. Ils ont désormais la capacité de produire 4,7 milliards de doses d’ici fin 2021. Ils auront des surplus. Mais ils les conservent pour les enfants de 2 à 12 ans et une éventuelle troisième dose. A l’heure où les campagnes patinent là-bas comme en Europe, nous avons une nouvelle occasion d’agir! Je le répète : la stratégie vaccinale du monde est celle de la France.

 

Le dispositif Covax devait fournir 2 milliards de doses aux pays en développement avant la fin de l’année. Il en a expédié moins de 100 millions. Est-ce un échec?
Oui, puisqu’elles n’ont pas été livrées. On a créé une coquille vide, et les dirigeants de Covax se sentent abandonnés à raison. Ils ne gardent pas les vaccins au frigo : ils ne les ont pas, parce qu’on ne leur a pas donné les sous! Les responsables des pays du G7, de Joe Biden à Emmanuel Macron, tiennent les bons discours mais n’ont jamais investi ni dans Covax ni dans une alternative.

La crise a révélé la vulnérabilité du système de production. Comment y remédier?
En 18 mois, l’Inde aurait eu le temps de se mettre en ordre de bataille pour fabriquer des vaccins à ARN. Mais ils n’ont pas eu les brevets, ont subi des restrictions des Etats-Unis sur les importations de composants et ont dû cesser la production. Ensuite, l’épidémie s’est abattue chez eux et priorité a été donnée aux livraisons nationales… La production, qui se concentre aux Etats-Unis, en Europe et en Inde, doit être mieux distribuée. Il pourrait y avoir un pays producteur par continent : Indonésie, Corée, Afrique du Sud. L’état de leur industrie pharmaceutique n’est pas inférieur à celle des Etats-Unis.

 

La levée des brevets serait-elle une solution?
Oui, à terme, ou les suspendre comme cela a été fait avec succès pour les trithérapies contre le Sida avec l’accord donné par Bill Clinton, entre l’industrie pharmaceutique et les pays africains, pour l’exportation et la production de génériques. Des centaines de milliers de vies ont été sauvées, et cela n’a pas découragé ces entreprises d’investir dans la recherche. Joe Biden n’y était pas opposé. L’Europe n’a pas suivi. Les fabricants, eux, ont en ligne de mire le marché de la troisième dose et des enfants. Ils préfèrent vendre 20 euros l’injection aux pays riches. Les pays pauvres, via Covax ou l’Union africaine, négocient des prix réduits, mais cela ne permet pas de décentraliser la fabrication. Et ils ne seront jamais prioritaires.

Les gouvernements ont-ils échoué à instaurer un rapport de force avec l’industrie?
Oui. Moderna n’existerait pas sans le gouvernement fédéral américain. La société avait le véhicule, mais pas la potion magique. C’est le gouvernement qui leur a donné la technologie, développée par les National Institute of Health ; qui a payé et réalisé les essais à grande échelle, et investi en capital risque. Le rapport de force devrait être du côté de l’administration! Ce n’est pas le cas. A l’inverse, pour le vaccin développé par Oxford, c’est Bill Gates qui a financé ces recherches avec AstraZeneca, en contrepartie de quoi il a exigé un prix réduit.

L’Inde, grand pays producteur, n’a vacciné que 5% de sa population. Comment améliorer aussi l’accès au niveau local?
L’Inde a d’abord tout exporté avant de vacciner sa population. Puis l’épidémie a semé le chaos dans les processus de production. Mais aujourd’hui, elle fabrique des doses et les achemine. Au niveau logistique, ce pays est capable de mener cette campagne avec son vaccin local et celui d’AstraZeneca. Comme dans presque tous les pays, il y a eu au départ des problèmes d’organisation, de tranches d’âge prioritaires etc. Mais la question se pose plus avec les vaccins à ARNm qui doivent être conservés au très grand froid. En Afrique, le frein essentiel reste l’absence de doses. Mais comme l’Inde, le continent ne sera pas exempt du problème de l’hésitation vaccinale.

 

Vous avez travaillé sur les réticences à la vaccination en Inde et en avez conclu que la solution la plus efficace est le recours à des « ambassadeurs » intégrés dans les communautés.
Ce travail portait sur la vaccination infantile, pour laquelle il n’y a aucune peur ou hésitation, plutôt une indifférence, une mauvaise perception de l’urgence. Avec le Covid, notre laboratoire a étudié l’hésitation vaccinale auprès de populations âgées d’Inde du sud que nous suivons depuis des années. Ils sont prioritaires mais moins de la moitié ont eu des injections. Beaucoup hésitent ou ont des craintes, peut-être car ils n’ont pas l’habitude de la vaccination des adultes. En Inde et en Afrique, une fois que les vaccins seront là, il restera à convaincre. Mais quand ce sera le seul problème, on aura déjà beaucoup avancé.

Faut-il proposer des incitations matérielles à la vaccination, comme le font les Etats-Unis?
Notre expérience en Inde a montré que cela fonctionne. Pour le Covid, tout dépend de la raison de la non-vaccination. S’il s’agit d’un problème logistique ou d’un manque de conscience de l’urgence, je n’ai rien contre de petites incitations. Si les jeunes sont rationnels, ils se disent que leur bénéfice individuel est insuffisant. Soyons pragmatiques : si ça marche, pourquoi ne pas leur proposer? Soit en rendant la vaccination plus ou moins obligatoire, avec un Covid pass donnant accès à des concerts ou des lieux qu’ils aiment, soit par des incitations plus rigolotes comme des bières ou une loterie. Face à des antivax, ça ne convaincra pas, voire cela aura un effet pervers menant tout droit à la théorie du complot.

Dans ce contexte, comment jugez-vous le débat sur l’obligation vaccinale en France?
Je le comprends. C’est logique : si on ne veut pas faire l’effort pour vacciner le reste du monde, avec des variants comme le Delta, il sera d’autant plus indispensable de vacciner toute la population en France.

Vaccins covid: Des prix Nobel et des dirigeants pour une dérogation à la propriété intellectuelle

Vaccins covid: Des prix Nobel et des dirigeants pour une dérogation à la propriété intellectuelle

Au rythme actuel n’a population mondiale ne pourra pas être vaccinée totalement avant 2025 en particulier dans les pays pauvres. Du coup, des intellectuels et des politiques demandent que soit faite une entorse à la propriété intellectuelle des vaccins. Plus de 60 anciens chefs d’État plus de 100 lauréats du prix Nobel demandent donc à Joe Biden une dérogation.

Une dérogation stimulerait la fabrication de vaccins et accélérerait la réponse à la pandémie dans les pays plus pauvres qui, autrement, pourraient devoir attendre des années, ont-ils déclaré dans une lettre conjointe à Biden envoyée aux agences de presse mercredi.

« Le président Biden a déclaré que personne n’est en sécurité tant que tout le monde n’est pas en sécurité, et maintenant avec le G7 à venir, il y a une occasion sans précédent de fournir le leadership que seuls les États-Unis peuvent fournir », a déclaré l’ancien Premier ministre britannique Gordon Brown, faisant référence à un prochain réunion des pays les plus riches du monde.

La lettre demandait à Biden de soutenir une proposition de l’Afrique du Sud et de l’Inde à l’Organisation mondiale du commerce de déroger temporairement aux règles de propriété intellectuelle liées aux vaccins et aux traitements COVID-19.

Il a déclaré que, sur la base du rythme actuel de production de vaccins, la plupart des pays pauvres devront attendre au moins 2024 pour parvenir à une vaccination de masse contre le COVID-19.

Prix Nobel de chimie : cocorico mais

Prix Nobel de chimie : cocorico mais

Indéniablement on ne peut que féliciter Emmanuelle Charpentier  pour son prix Nobel de chimie. C’est une récompense en même temps de la qualité de la formation et de la recherche en France. En gros, elle a participé à la découverte d’un ciseau génétique de précision, permettant d’éditer une séquence ADN au sein même d’une cellule. Ce qui ouvre un nombre incalculable de possibilités sur l’homme, les animaux ou les plantes. Formée en France, Emmanuelle Charpentier est notamment directrice du centre de recherche Max Planck pour la science des pathogènes à Berlin . Le problème c’est que l’intéressée a été obligé de s’expatrier pour continuer sa formation et surtout trouver les moyens financiers pour approfondir le champ de ses recherches. Un phénomène habituel en France où la formation des scientifiques est reconnue comme de très haut niveau mais des scientifiques qui doivent s’expatrier ensuite compte tenu de la bureaucratie et du manque de moyens de la recherche.

Les  possibilités d’application sont quasi infinies, puisque l’on fait exactement ce que l’on veut en termes d’édition génétique ; on peut modifier les cellules souches et les réimplanter après modification avec le ciseau génétique. Le champ d’application est immense. Cela pose aussi de très grands problèmes d’éthique. Jusqu’où peut-on en effet modifier le patrimoine génétique par exemple des embryons.

Les applications thérapeutiques ou agroalimentaires représentent des marchés de plusieurs milliards d’euros au moins.

Encourager la dépense publique (Esther Duflo, prix Nobel)

Encourager la dépense publique (Esther Duflo, prix Nobel)

 

L’économiste Esther Duflo, prix Nobel d’économie 2019, a appelé, ce mardi, à ouvrir grand les vannes de la dépense publique pour restreindre les ravages économiques de la pandémie de coronavirus. (interview AFP)

« dépenser plus d’argent à la fois pour lutter contre le virus (…) et pour essayer de mitiger au maximum l’impact économique, cela fait économiser de l’argent en fait ». Faute de quoi, la crise risque de devenir  »plus mortelle, et d’un point de vue strictement financier, plus grave », avec un  »effet boule de neige », et dans ce cas  »on passe d’une récession à une dépression, dont les ravages économiques sont beaucoup plus forts et plus longs ». L’économiste, spécialiste de la pauvreté, encourage les pays du G20 à soutenir les pays moins développés, moins armés face à l’épidémie, et pointe les incertitudes sur la « sortie de crise » - notamment sur la vigueur de la reprise de la consommation,  facteur qui déterminera « l’ampleur finale du désastre économique« .

Esther Duflo a par ailleurs balayé les craintes sur l’endettement public : pour l’heure, les gouvernements « peuvent emprunter à taux extrêmement faibles » et « si on a beaucoup d’argent à dépenser, on a aussi beaucoup de temps pour rembourser »« Il n’y a absolument pas à s’inquiéter de la facture pour l’instant, c’est le dernier de nos soucis », insiste-t-elle, mettant en garde contre un retour prématuré à  »une orthodoxie un peu frileuse » sur les déficits. Pour Mme Duflo, la crise serait l’occasion d’encourager un système d’imposition « extrêmement progressif » dans les pays développés:   »Comment financer à la fois les transferts aux plus pauvres, qui leur permettront de soutenir leur consommation, et les systèmes de santé qu’il va falloir reconstruire?  Le financer par l’impôt sur les hauts revenus (…) semble le moyen le plus raisonnable et le plus réaliste ».

 

« Une élite prédatrice » Angus Deaton (prix Nobel d’économie)

 « Une élite prédatrice » Angus Deaton (prix Nobel d’économie)

Angus Deaton, , prix Nobel d’économie, dénonce dans une tribune au Monde. les fondements idéologiques de la plupart des économistes coupées des réalités sociales et sociétales et qui favorisent une élite prédatrice.

Tribune. 

 

« Nombreux sont ceux qui ne font plus confiance au capitalisme, ni, par conséquent, aux économistes, considérés comme ses thuriféraires. Pourtant, lorsque je suis devenu économiste, à Cambridge (Royaume-Uni), voici cinquante ans, les économistes et les philosophes parlaient les uns avec les autres, et l’économie de la protection sociale était enseignée et prise au sérieux. L’ouvrage majeur de John Rawls, Théorie de la justice, publié en 1971, était largement débattu, et Amartya Sen, Anthony Atkinson ou James Mirrlees, tous alors à Cambridge, avaient en tête la justice et sa relation avec les inégalités de revenu.

Sen, marqué par le livre de Kenneth Arrow Choix social et valeurs individuelles, qu’il avait lu lorsqu’il était en licence, à Calcutta, écrivait lui-même sur la théorie du choix social, la pauvreté relative et absolue, l’utilitarisme et par quoi il était possible de le remplacer. Mirrlees avançait une solution pour résoudre la question de la réconciliation entre la préférence pour l’égalité et la nécessité de respecter l’incitation. Quant à Atkinson, il montrait comment intégrer la conception des inégalités à leurs instruments de mesure.

Pendant ce temps, aux États-Unis, l’école de Chicago empruntait une voie différente. Nul doute que Milton Friedman, George Stigler, James Buchanan et Robert Lucas apportèrent d’importantes contributions intellectuelles à l’économie et à l’économie politique, tout comme Ronald Coase et Richard Posner au droit et à l’économie. Il est difficile néanmoins d’imaginer un travail plus antithétique à la réflexion sur les inégalités et la justice. De fait, dans les conclusions les plus extrêmes de l’école de Chicago, l’argent devient la mesure du bien-être, et la justice n’est rien de plus que l’efficience.

Quand je suis arrivé aux États-Unis, en 1983, et qu’on m’a qualifié d’« amateur » parce que je me souciais des inégalités, j’ai repensé à ma première réaction lorsque j’avais lu la phrase de Stigler, qui affirme qu’« en étudiant professionnellement l’économie, on devient politiquement conservateur » : j’avais cru à une coquille ! Je n’avais auparavant jamais rencontré d’économiste conservateur.

L’influence des travaux de l’école de Chicago et des arguments de Milton Friedman est encore extraordinairement forte. Friedman considérait les inégalités comme un problème mineur car naturelles, traduisant les choix de gens dont les préférences différaient. Il croyait en l’égalité des chances, mais s’opposa avec véhémence à l’impôt sur les successions : un « mauvais impôt », qui « pénalise un comportement vertueux » et « encourage le gaspillage ». Plus de 700 économistes ont récemment repris ces affirmations (An Open Letter from Economists on the Estate Tax), et nous entendons aujourd’hui les mêmes arguments contre un impôt sur la fortune. Pour Friedman, qui encourageait aussi la concurrence fiscale entre les États, les tentatives de limiter les inégalités de revenus étoufferaient non seulement la liberté mais déboucheraient sur plus d’inégalités. De libres marchés produiraient à la fois liberté et égalité! « 

Climat-économie : un prix Nobel enfin

Climat-économie : un prix Nobel enfin

 

Le prix Nobel d’économie enfin décerné à des chercheurs qui ont intégré le problème du climat dans l’analyse macro économique. Ce prix  été décerné aux Américains William Nordhaus et Paul Romer pourquoi ce prix est-il aussi important ? Simplement parce que pendant des années la question environnementale était taboue. Par exemple en France concernant les infrastructures, il aura fallu batailler (contre le conseil général des ponts notamment aujourd’hui converti à la religion environnementale !  ) pendant des dizaines d’années pour qu’on intègre la variable environnementale dans l’évaluation. Les chercheurs et les économistes qui s’aventuraient sur ce terrain étaient marginalisés. La science reconnaît comme un progrès méthodologique important la prise en compte de la dimension écologique. Le comité Nobel souligne que « Leurs conclusions ont considérablement élargi le champ de l’analyse économique en permettant l’élaboration de modèles qui expliquent comment l’économie de marché interagit avec la nature et le savoir », dit-elle dans un communiqué. « Les lauréats de cette année n’apportent pas de réponses définitives, mais grâce à leurs découvertes, nous sommes près de savoir comment nous pouvons avoir une croissance économique mondiale prolongée et soutenable », poursuit l’Académie de Suède. De son côté, William Nordhaus, 77 ans, est le premier à avoir créé, au milieu des années 1990, un modèle quantitatif qui décrit les interactions entre économie et climat.Son modèle, qui intègre théories et résultats empiriques issus de la physique, de la chimie et de l’économie, est aujourd’hui largement répandu.

2017- 25 prix Nobel d’économie contre Marine Le Pen

 

Dans une  tribune du Monde , Vingt-cinq lauréats du prix Nobel d’économie, parmi lesquels le français Jean Tirole et l’américain Joseph Stiglitz, fustigent le programme anti-européen, anti-immigration et protectionniste de Marine Le Pen « Les problèmes sont trop sérieux pour être confiés à des politiciens clivants », dénoncent-il dans ce texte dévoilé à cinq jours du premier tour de l’élection présidentielle française. Les signataires, dont l’indien Amartya Sen et l’américain Robert Solow, ne citent pas directement le programme de la présidente du Front national mais la liste des risques qu’ils énumèrent ne laisse guère de doute sur leur principale cible. Ils jugent notamment que « la construction européenne est capitale, non seulement pour maintenir la paix sur le continent mais également pour le progrès économique des Etats membres » Ils estiment que « les politiques isolationnistes et protectionnistes et les dévaluations compétitives (…) sont de dangereux moyens d’essayer de générer de la croissance ». « Quand ils sont bien intégrés au marché du travail, les migrants peuvent être une opportunité économique pour le pays d’accueil », déclarent-ils encore. « Il y a une grande différence entre choisir de ne pas rejoindre l’euro en premier lieu et en sortir après l’avoir adopté », font-ils enfin valoir dans cette tribune. Pourfendeuse de l’Union européenne et de la monnaie unique, Marine Le Pen propose notamment des mesures de « protectionnisme intelligent » et un moratoire immédiat sur l’immigration légale. D’autres candidats expriment leur méfiance vis-à-vis de l’UE, à l’image de Jean-Luc Mélenchon qui appelle de ses voeux une sortie concertée des traités européens et la renégociation de nouvelles règles. En quête de crédibilité, les cadres du FN national citent parfois des économistes de renom, comme Joseph Stiglitz, pour justifier le bien-fondé de leurs propositions. « Certains d’entre nous, lauréats du prix Nobel d’économie, ont été cités par des candidats à l’élection présidentielle française, notamment par Marine Le Pen et ses équipes, pour justifier un programme politique sur la question de l’Europe », écrivent les signataires de la tribune.

 

Trump, l’homme du grand désordre mondial (JOSEPH STIGLITZ / prix Nobel d’économie 2001)

Trump, l’homme du grand désordre mondial (JOSEPH STIGLITZ / prix Nobel d’économie 2001)

« Alors que la première puissance économique de la planète s’aventure en terrain incertain pour 2017, c’est le monde entier qui risque le chaos. L’un des enjeux de l’année sera le niveau de guerre commerciale que Washington veut enclencher. Au début de chaque année j’essaie de faire des prévisions pour les douze mois à venir, un exercice des plus difficiles en économie. J’ai ainsi prévu que, en l’absence d’une stimulation budgétaire plus marquée (qui n’a eu lieu ni en Europe ni aux Etats-Unis), le redémarrage économique après la grande récession de 2008 serait lent. Pour cela, je me suis appuyé davantage sur l’analyse des forces économiques sous-jacentes que sur des modèles économétriques complexes.  Ainsi, début 2016, il semblait évident que l’insuffisance de la demande mondiale agrégée qui durait depuis quelques années allait se prolonger. Je pensais donc que les économistes qui prévoyaient une reprise vigoureuse regardaient le monde avec des lunettes roses. La suite des événements m’a largement donné raison sur le plan économique, mais il n’en a pas été de même sur le plan politique. J’écrivais depuis des années que si l’on ne remédie pas au creusement des inégalités, aux Etats-Unis mais aussi dans le reste du monde, ce serait lourd de conséquences. Néanmoins, les inégalités ont continué à s’aggraver. Cette aggravation se traduit par une baisse inquiétante de l’espérance de vie aux Etats-Unis. Une étude publiée l’année dernière par Anne Case et Angus Deaton montre que l’espérance de vie a diminué pour toute une partie de la population – en particulier pour les « hommes en colère » de la Rust Belt [les vieux Etats industriels en déclin]. Les revenus des 90 % les moins riches de la population stagnant depuis une trentaine d’années (ils sont même en déclin pour beaucoup), les données sur l’état de santé de la population confirment que la situation est inquiétante. Elle l’est particulièrement aux Etats-Unis, mais elle l’est aussi ailleurs. Il était donc clair qu’elle aurait des conséquences politiques, mais la forme qu’elles prendraient et le moment de leur apparition ne l’étaient pas. Pourquoi ces conséquences se sont-elles manifestées aux Etats-Unis précisément au moment où l’économie paraissait se redresser, et non auparavant ? Et pourquoi ont-elles pris la forme d’un virage à droite ? Car ce sont les républicains qui, dans 26 Etats, ont refusé d’étendre le programme Medicaid aux plus pauvres, les laissant dépourvus d’assurance-maladie. Et pourquoi le gagnant de l’élection présidentielle est-il un personnage qui a construit sa fortune en tirant avantage d’autrui, un personnage qui a reconnu ouvertement payer un minimum d’impôt et qui se vante de faire de l’optimisation fiscale ? Donald Trump a compris l’esprit du temps : ça ne va pas bien et beaucoup d’électeurs veulent un changement. Eh bien, nous y sommes : nous allons sortir des sentiers battus. Mais nous avons rarement atteint un tel degré d’incertitude. Les mesures que va adopter Trump restent un mystère, il est donc difficile de savoir quelles seront leurs conséquences. Trump semble vouloir à tout prix déclencher une guerre commerciale. Mais comment vont réagir la Chine et le Mexique ? Trump sait sans doute parfaitement que sa proposition viole la réglementation de l’Organisation mondiale du commerce, mais il sait aussi probablement que cette institution sera lente à réagir. Et, à ce moment-là, l’Amérique aura peut-être rééquilibré sa balance commerciale. Mais la Chine pourrait se prendre au jeu et faire de même, probablement de manière plus subtile. Si une guerre commerciale éclate, que se passera-t-il ? Trump pourrait gagner : la Chine dépend davantage des exportations vers les Etats-Unis que l’inverse. Une guerre commerciale n’est cependant pas un jeu à somme nulle. Les Etats-Unis pourraient eux aussi se retrouver perdants. Les représailles de la Chine pourraient se révéler politiquement destructrices, et elle se trouve pour cela en meilleure position que les Etats-Unis. Qui va le mieux résister ? L’Amérique, dont les citoyens doivent se serrer la ceinture depuis longtemps, ou la Chine, qui malgré toutes les difficultés est parvenue à un taux de croissance supérieur à 6 % ? Plus largement, le programme de Trump, avec ses baisses d’impôt encore plus favorables aux riches que ne le prévoit la majorité républicaine, est basé sur l’idée que ce qui bénéficie aux riches finit par bénéficier aux pauvres. C’est la continuation de la politique économique de Reagan favorable à l’offre qui n’a jamais vraiment réussi. Une rhétorique enflammée ou des tweets délirants à 3 heures du matin pourront peut-être apaiser les laissés-pour-compte de la révolution économique reaganienne – au moins durant un certain temps. Mais pour combien de temps, et que se passera-t-il ensuite ? Trump aimerait probablement abolir les lois ordinaires de l’économie et appliquer sa propre version de l’économie vaudoue, mais c’est impossible. Alors que la première puissance économique de la planète s’aventure en terrain incertain pour 2017 et au-delà, il serait téméraire pour un simple mortel de tenter une prévision et les oracles risquent fort de se tromper, si ce n’est à souligner l’évidence : le parcours sera chaotique. »

 

Le prix Nobel de l’économie, Jean Tirole, s’attaque aux tabous français

Le prix Nobel de l’économie, Jean Tirole,  s’attaque aux tabous français  

Il est clair que le livre,  bien commun (PUF), Jean Tirole, Prix Nobel, décoiffe car il s’attaque à nombre de tabous français comme le contrat de travail, la durée du travail, le nombre de fonctionnaires, la régulation etc. Un livre dont il est rendu compte dans Challenges. Premier tabou, celui du partage du temps de travail : un sophisme. Même appréciation des contrats de travail actuels : dépassés. Même jugement sévère quand au nombre de fonctionnaires qui témoigne de ‘l’incapacité de l’Etat à se recentrer sur les tâches réellement régalienne et qui finalement dans ce domaine fait mal son travail ». La prix Nobel propose aussi la remise en cause du statut de fonctionnaires avec l’embauche sous contrats privés. Bref de quoi faire réagir la pensée étatiste des organisations corpos et gauchisantes. Jean Tirole veut  un  Etat stratège, moderne et efficace, notamment dans la régulation de la finance et la prévention des crises. “In fine, la crise financière de 2008 a reflété aussi une crise de l’Etat, peu enclin à accomplir son travail de régulateur. Comme la crise de l’euro, elle a pour origine des institutions de régulation défaillantes : de supervision prudentielle dans le cas de la crise financière, de supervision des Etats pour la crise de l’euro. Dans les deux cas, le laxisme a prévalu tant que “tout allait bien”. Dans le domaine social Jean Tirole conteste la dualité CDI-CDD. Il propose un contrat unique.  De fait, au sein de l’Europe, la France est le pays où la transition d’un contrat temporaire vers un contrat stable est la plus faible. Ce qui veut dire qu’une personne embauchée sur la base d’un contrat temporaire a beaucoup moins de chances que partout ailleurs en Europe de voir son contrat temporaire se transformer en contrat permanent. Le fait que les entreprises recourent abondamment aux CDD, que ni elles ni leurs salariés n’apprécient, est grandement révélateur du coût implicite que la législation actuelle sur les CDI impose à la société française. ». Critique sévère aussi du nombre de fonctionnaires. « Plutôt que de diminuer, le nombre d’agents publics a crû de 15 % de 2000 à 2013. A service public donné, l’Etat français coûte trop cher : selon certaines estimations, il utilise 44 % de plus de fonctionnaires par actif qu’en Allemagne (il y a 1,2 million d’emplois publics en moins en Allemagne qu’en France, pourtant beaucoup moins peuplée). Il faudrait que ces embauches se fassent plutôt sous forme contractuelle.  Jean Tirole critique aussi la rémunération des grands patrons. Elles ne récompensent pas toujours une bonne gestion, comme quand un chef d’entreprise exerce profitablement des stock-options avant que l’on ne s’aperçoive quelques mois plus tard que l’entreprise est au bord du dépôt de bilan. Les critiques qui portent sur la mauvaise conception de nombre de rémunérations variables sont justifiées. Le prix Nobel est aussi très sceptique sur les engagements pris dans le cadre de Cop 21 car le monde ne devrait plus produire d’émission de gaz à effet de serre en net après 2050.en fait l’accord repousse en outre à une date ultérieure l’engagement concret des pays à réduire leurs émissions. » Jean Tirole démolit les poncifs relatifs au partage du temps de travail  Les économistes ne prennent jamais parti sur la question de savoir si l’on devrait travailler 35, 18 ou 45 heures par semaine. En revanche, la thèse selon laquelle réduire la durée du travail, avancer l’âge de la retraite, bloquer l’immigration ou adopter des mesures protectionnistes créera des emplois pour les autres n’a aucun fondement, ni théorique ni empirique. »Bref un livre qui décoiffe, pertinent sur de nombreux aspects et qui méritent d’être mis en débat.

Nobel de l’économie..Comme les Oscars : discutables ?

Nobel de  l’économie..Comme les Oscars : discutables ?

Le prix Nobel de l’économie sera décerné aujourd’hui mais il risque d’être aussi contesté que les années précédentes. En vérité l’économie n’est pas une science exacte, pour preuve l’incapacité dans laquelle ont été presque tous les économistes de prévoir les grandes crises. Plus grave encore les divergences concernant les moyens d’en sortir. Une distinction finalement à peu près de la même nature que les Oscars ou les Césars : utile sans doute mais contestable. De fait, la discipline se distingue des sciences de la nature à l’honneur la semaine écoulée. « L’économie n’est pas une science expérimentale », admet lui-même l’ancien président du jury en économie, Peter Englund, sur le site internet de la Fondation Nobel. Le jury a cependant l’occasion, cette année, de couronner des praticiens qui, mettant entre parenthèses une brillante carrière de chercheur, se sont frottés à la dure réalité de la crise financière: le Français Olivier Blanchard, qui a quitté ses fonctions au Fonds monétaire international, ou l’Américain Ben Bernanke, retraité de la Réserve fédérale. Mais les favoris sont plutôt de discrets professeurs d’universités américaines, comme l’Américain d’origine indienne Avinash Dixit (Princeton), l’Américain Robert Barro (Harvard) ou le Finlandais Bengt Holström (MIT). La diversité des dizaines, voire centaines de prétendants reflète les profonds clivages qui traversent la discipline. Les sciences économiques n’ont pas vraiment dégagé de « lois » admises par tous ses théoriciens. Le postulat d’une grande partie de la recherche, selon lequel les agents économiques sont rationnels, est par exemple démonté par un autre courant, représenté notamment par Robert Shiller, prix Nobel 2013. Pas surprenant, dans ces conditions, qu’on trouve des économistes pour critiquer le principe même du prix. D’après eux, en voulant récompenser le chercheur le plus brillant, il survalorise des constructions intellectuelles abstraites, éloignées du fonctionnement réel de l’économie. Le grand public, de son côté, considère avec scepticisme ces économistes manifestement incapables de prédire les crises financières et dépourvus de remèdes contre le chômage de masse.

Economie : la France va dans le mur (Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie)

Economie : la France va dans le mur (Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie)

L’économie française fonce droit dans le mur. C’est en tout cas ce que pense le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz dans un article du Figaro. Le  célèbre économiste américain, de passage à Paris pour la promotion de son ouvrage «La grande fracture», critique sévèrement la politique menée par François Hollande. «Pour moi, ce que le gouvernement fait, c’est la pire stratégie pour le futur de la France», explique-t-il.  Le prix Nobel d’Économie critique notamment la décision du gouvernement Hollande de baisser les dépenses publiques. De ce point de vue, «François Hollande a tout faux», regrette-t-il. L’ancien chef économiste de la Banque mondiale et conseiller du président américain Bill Clinton estime au contraire que pour relancer la croissance, il faudrait plus de dépenses «en investissant dans les infrastructures, la recherche, l’éducation». L’addition pour les générations futures «sera encore plus importante si vous n’investissez pas et que le chômage reste élevé. Les entreprises n’investissent pas s’il n’y a pas de demande», rappelle-t-il.  Joseph Stiglitz dénonce également les baisses de charges et d’impôts des entreprises, au cœur du Pacte de responsabilité et de solidarité, mis en place pour stimuler l’économie. Une «idée vraiment stupide», tacle-t-il, ajoutant que cette «politique de l’offre» mise en œuvre par Ronald Reagan aux États-Unis dans les années 1980 est aujourd’hui «totalement discréditée». «Ce n’est même plus un sujet de débat pour les économistes, seulement pour les Allemands et pour quelques personnes en France», affirme-t-il. Selon lui, cette stratégie économique contribue à «la croissance molle» de la France et «sape le potentiel de croissance» du pays. La France «est de toutes les nations du monde celle qui a le plus fortement embrassé le concept d’égalité», mais est désormais confrontée à un «vrai risque» de creusement des inégalités en raison de ses choix budgétaires.  Comme l’a déjà fait avant lui l’ancien ministre grec des Finances Yanis Varoufakis, Joseph Stiglitz pointe du doigt l’influence allemande sur François Hollande. Ce dernier subit selon lui une «forme d’intimidation» qui le pousse à suivre la voie de l’austérité. «Le gouvernement de centre gauche en France n’a pas été capable de tenir tête à l’Allemagne», déplore-t-il. Joseph Stiglitz constate par ailleurs que la pression allemande s’exerce sur l’ensemble de l’Europe, comme l’a illustré la crise grecque cet été. Loin de marquer la fin de la crise, l’accord signé entre Athènes et ses créanciers aura selon lui pour conséquence d’ «affaiblir un peu plus le peuple grec», d’«approfondir et d’allonger la récession». «La crise sera de retour dans deux ou trois ans. Peut-être même avant!», prévient Joseph Stiglitz.  Cette grande figure de la critique de l’austérité, aux côtés d’autres chercheurs tels que l’américain Paul Krugman et le Français Thomas Piketty, exhorte aujourd’hui les dirigeants européens à revoir leur stratégie. «Le type de politique mise en place en Grèce, à savoir les politiques d’austérité, c’est ce qui est en train de tuer l’Europe», affirme-t-il. «Je ne comprends pas pourquoi l’Europe choisit cette voie aujourd’hui», regrette-t-il.

 

Referendum grec : des prix Nobel pour le non

Referendum grec : des prix Nobel pour le non

 

Dans une interview au magazine Time, Joe Stiglitz, ancien chef économiste de la Banque Mondiale et prix Nobel d’économie en 2001 affirme n’avoir jamais vu une «dépression aussi délibérément imposée» à la Grèce par l’Europe, ajoutant qu’il «s’agit plus de pouvoir que d’économie». Stiglitz va plus loin et considère que la troïka a une «responsabilité criminelle dans le chaos» actuel, rappelant que «60 % des jeunes Grecs sont au chômage». Une diatribe sévère à l’encontre des créanciers de la Grèce, le FMI et les pays européens. Joseph Stiglitz propose à la troïka d’effacer purement et simplement la dette grecque, estimée à 300 milliards d’euros, et de verser à la Grèce des fonds afin de lui permettre de relancer son économie.  De son côté Paul Krugman a lui aussi appelé les Grecs à voter «non» lors du référendum, dans sa tribune du New York Times. Le prix Nobel d’économie en 2008 souligne que «l’économie grecque s’est effondrée principalement à cause des mesures d’austérité imposées à la Grèce». L’économiste juge qu’accroître l’austérité ne ferait que conduire à une impasse le pays qui «n’a jamais été aussi affaibli» et estime que «le gouvernement grec devrait être préparé à sortir de l’euro si nécessaire». Paul Krugman se prononce néanmoins contre un «Grexit», qui selon lui, engendrerait une panique bancaire dévastatrice.

Les réformes structurelles du Nobel d’Economie

Les réformes structurelles du  Nobel d’Economie 

Contrairement à d’autres Jean Tirole, le Français qui a obtenu lundi le Nobel d’Economie, ne se concentre pas sur les études macro économiques dont les données très disparates négligent les interactions réelles entre les facteurs explicatifs et leurs effets systémiques . Il a plutôt choisi des champs plus restreint comme la méso économie, l’économie industrielle ou des secteurs socio économiques plus précis. En outre bien qu’il soit mathématicien, il ne s’en remet pas uniquement aux modèles économétriques traditionnels qui ont souvent tendance prolonger les tendances et ignorer certains facteurs de rupture, sans négliger les modèles,  il utilise les connaissances de la politique économique.

 Le Comité Nobel a assuré lundi que Jean Tirole, lauréat 2014 du prix de la Banque de suède en sciences économiques, était « l’un des économistes les plus influents de notre époque ». Pourrait-il l’être en France, lui qui est revenu des Etats-Unis il y a dix ans pour cofonder l’Ecole d’économie de Toulouse? Depuis vingt ans, à Boston ou dans la Ville rose, il martèle quelques principes qui, selon lui, pourraient permettre de faire évoluer le système. Dun certain point de vue le nouveau prix Nobel ne s’inscrit pas dans le clivage libéral ou keynésien mais ailleurs en proposant en particulier de rééquilibrer les forces du marché par la régulation. Quelques exemple de se propositions qui risquent de faire grincer des dents à gauche comme à droite (ce qui ne signifie pas pour autant qu’il ait raison sur tout).

Un contrat de travail unique

Mais c’est bien Jean Tirole et Olivier Blanchard, ce dernier étant désormais l’économiste en chef du FMI, qui l’ont théorisé les premiers. Dans un rapport effectué pour le Conseil d’analyse économique en 2003, ces deux chercheurs proposaient un contrat unique afin de casser les effets pervers du CDD. « Depuis 30 ans, 40 ans, il y a du chômage et les jeunes, on leur propose des CDD dans leur très grande majorité parce que les entreprises ont trop peur de donner des CDI. Donc, on a une situation complètement absurde qui est, qu’à force de trop protéger les salariés, on ne les protège plus du tout », expliquait Jean Tirole lundi en conférence de presse.

Licencier à bon escient

Selon lui, les procédures existantes ne sont pas pragmatiques et deux réformes permettraient un système plus équitable tant pour les entreprises que pour les salariés. D’abord, l’économiste veut en finir avec le système actuel d’assurance chômage. Explication : pour Jean Tirole, les entreprises qui doivent faire des économies ont tendance à licencier ses salariés, lesquels bénéficieraient d’allocations trop élevées. Le chercheur nobélisé veut éviter un effet d’aubaine qui encouragerait les entreprises à créer un chômage payé par l’Etat. Pour ce faire, il veut instaurer une taxe sur les licenciements.

Une étude du CNRS, qui compile les écrits de Jean Tirole, résume l’idée ainsi : « C’est le principe du pollueur-payeur appliqué au droit du travail, comme le pratiquent déjà certains États américains. » Pour éviter que les entreprises perdent en compétitivité, Jean Tirole propose de simplifier la procédure de licenciement. Ainsi, serait-il plus facile de licencier, mais il faudrait le faire à bon escient. Enfin, l’expert préconise de confier la gestion de la caisse d’allocation chômage à une agence indépendante de l’Etat plutôt qu’aux partenaires sociaux.

Réguler les banques pour pérenniser l’euro

Dès le déclenchement de la crise, en 2008, Jean Tirole a cherché des solutions durables pour pérenniser l’euro, après avoir fait le constat qu’il était impossible d’en sortir. « Mon avis, c’est que la création d’une union bancaire est quelque chose de tout à fait important », a déclaré l’économiste lundi en conférence de presse. Au sein de son Ecole de Toulouse, il défend l’idée de réguler les banques et la spéculation financière à l’échelle communautaire. Dans une étude publiée en 2013, il met en avant trois principes : une surveillance centralisée au niveau de la Banque centrale européenne (BCE), un mécanisme commun de résolution des crises bancaires (ce qu’ont partiellement mis en place les membres de la zone euro avec le MES – Mécanisme européen de stabilité – en 2012) et un fonds européen d’assurance des dépôts alimenté par les banques. Ce dernier servirait à garantir les dépôts en cas de faillite d’un établissement financier : ce ne sont plus les Etats qui paieraient donc.

Un permis de polluer

Le réchauffement climatique a été l’un des premiers thèmes de travail de Jean Tirole. Dans les années 90, il a eu une certaine influence dans le débat sur le recours aux droits d’émission négociable, c’est-à-dire le permis de polluer. Une mesure entrée en vigueur en 2008 pour les seuls gaz à effet de serre dans le cadre du protocole de Kyoto. L’économiste français a également milité, lors de la Conférence de Copenhague de 2009, afin d’allouer des quotas aux entreprises pour leurs émissions polluantes. Selon lui, ces leviers seraient la façon la plus équitable – et la plus acceptable pour les pays en voie de développement – de contrôler le réchauffement climatique.

 

 

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