Suppression du statut de fonctionnaire (NKM)
Nathalie Kosciusko-Morizet propose la suppression du statut de fonctionnaire et son aménagement. Certaines de ces propositions sont intéressantes mais elles gagneraient en légitimité si NKM commençait par la réforme du statut des élus politiques. Les reproches qu’elle adresse aux fonctionnaires pourrait tout autant concerner les politiques qui font carrière et tous ceux qui bénéficient d’avantages comme par exemple les parlementaires et les anciens ministres. De la même manière lorsqu’elle critique la professionnalisation des permanents syndicaux elle devrait là aussi émettre les mêmes observations concernant les oligarques. À noter aussi visiblement elle connaît mal les réalités sociales puisque certaines mesures qu’elle propose sont déjà en pratique ; exemple, le recrutement sous de nouveaux statuts de fonctionnaires. Notons aussi que sa démission de la publique n’est guère crédible puisque pour l’essentiel elle s’est reconvertie depuis une quinzaine d’années dans la politique. (Interview la tribune)
Suppression de statut de fonctionnaires ?
NKM- La politique passe beaucoup de temps à agiter des mesures pour le secteur privé. On gagnerait à réformer une fois pour toutes, puis cesser d’y toucher, et en revanche s’occuper de donner l’exemple dans la fonction publique ! L’État est le premier employeur, et c’est de notre responsabilité directe. Il faut prendre exemple sur l’Italie et sortir du statut de fonctionnaire généralisé. Je propose de limiter le statut de la fonction publique à quelques fonctions régaliennes, la magistrature par exemple. La plupart des métiers exercés actuellement pourraient très bien relever du droit du travail classique. On pourrait imaginer que tous les fonctionnaires actuels gardent leur statut, mais que dans de nombreux secteurs les nouveaux embauchés soient régis par le droit privé. Expliquez-moi pourquoi, par exemple, un informaticien de maintenance devrait absolument être fonctionnaire ? Le passage sous droit privé aurait plusieurs avantages: cela faciliterait la gestion des corps de l’État qui est un vrai casse-tête, croyez-moi, j’ai été ministre de l’Équipement, l’Environnement, les Transports, le Logement avec plus de 60.000 fonctionnaires à gérer. On pourrait aussi instituer une vraie politique de ressources humaines et les allers/retours public-privé permettraient une respiration. Je sais de quoi je parle, j’ai démissionné de la fonction publique.
Alors on supprime aussi les concours d’accès?
Le concours n’est pas forcément antinomique avec le contrat privé. Mais il faut relativiser le côté démocratique du concours. Avec le chômage de masse, des gens surdiplômés passent des concours de la fonction publique d’un niveau inférieur et barrent ainsi la route à ceux qui postulent à leur vrai niveau.
En cette fin de quinquennat, François Hollande dit vouloir réformer jusqu’au bout et l’opposition avance des propositions pour l’après 2017 si elle revient aux affaires. Quel regard portez-vous sur cette situation?
Nathalie Kosciusko-Morizet. La gauche fait des discours, et la droite, des promesses. La bonne nouvelle, c’est que les discours d’une certaine gauche convergent avec les promesses de la droite. C’est nouveau et c’est une situation porteuse d’espérance. Mais il faut de l’action.
Convergences? Vous pensez à quoi?
Par exemple sur l’assurance chômage, plusieurs, à gauche, évoquent la nécessité d’une dégressivité des allocations. Je suis pour. Mais la dégressivité automatique ne tient pas compte du fait qu’il y a des secteurs plus difficiles que d’autres pour retrouver du travail. Elle est aveugle. Je propose donc de la mixer avec une dégressivité en fonction du nombre d’offres valables d’emploi refusées, et ce dès la première offre. C’est plus juste et plus efficace.
Mais en situation de chômage de masse, vous croyez que la dégressivité est vraiment utile?
- La dégressivité seule ne résoudra rien, pas même le déficit de l’assurance chômage. Elle n’a de sens que dans le cadre d’une série de mesures pour la création d’emplois privés. Regardez les statistiques de Standard & Poor’s, dans le secteur privé, entre la mi-2013 et la mi-2015, la France a créé 57.000 emplois, alors que l’Allemagne en a créé près de 500.000 et l’Espagne 650.000. La France doit réformer son marché du travail. Il faut supprimer toute référence à une durée légale unique du travail en deçà du plafond européen de 48h et laisser les branches ou entreprises négocier leurs propres règles. Il faut aussi développer toutes les nouvelles formes de travail et créer un statut général du travailleur indépendant.
Que pensez-vous du futur projet de loi sur le travail porté par Myriam El Khomri?
Je trouve qu’il y’a des choses intéressantes. Mais j’attends de voir le texte final pour juger de son ambition. Nous avons été souvent déçus! De ce que l’on sait à ce stade, j’ai deux réserves. Par exemple, sur le referendum d’entreprise. On croit comprendre que son initiative serait réservée aux syndicats minoritaires pour qu’ils puissent faire valider un accord. Moi je veux aussi que l’employeur puisse recourir à ce referendum en cas de blocage syndical sur un projet d’accord. Sur l’idée d’un contrat de travail « à l’espagnol », fixant les causes économiques qui pourraient conduire à rompre le contrat en cas, par exemple, de baisse prolongée du chiffres d’affaires, je suis sceptique car je crains un nid à contentieux. Je préfèrerais qu’on assouplisse les critères de licenciement et, surtout, que l’on négocie au niveau des branches les indemnités de licenciement via l’instauration d’un barème. Je suis également favorable à l’instauration d’un barème pour les indemnités prud’homales.
On ne connaît pas encore précisément le texte, mais craignez- vous que des choses n’y figurent pas?
Oui, j’ai l’impression que l’on a complètement oublié la question des seuils sociaux que la loi Rebsamen n’a pas vraiment réglés. Je veux aussi que l’on mène une réforme sur les syndicats car ils vont avoir davantage de responsabilités si l’on encourage la négociation d’entreprise. Je souhaite supprimer les délégués syndicaux permanents qui sont à temps plein dédiés au syndicalisme dans les entreprises de moins de 500 salariés et je propose de fixer une durée maximale du mandat syndical pour éviter d’avoir des syndicalistes à vie. Mais, surtout, je milite pour le développement du syndicalisme de services. Qu’ils puissent proposer des mutuelles, les services d’un avocat, etc. Cela sera une incitation à se syndiquer et créera une communauté autour du travail.