Archive pour le Tag 'neurones'

Les neurones et les souvenirs

Les neurones et les souvenirs

par Daniel Choquet, Directeur de recherche au CNRS, neuroscience et imagerie, Université de Bordeaux
et Yann Humeau, Docteur en neurosciences, directeur de recherche au CNRS, Université de Bordeaux dans the Conversation (extrait)

Une avancée fondamentale dans notre compréhension du fonctionnement du cerveau a été la découverte dans les années 1970 que l’efficacité de la transmission synaptique était « plastique » : elle n’est pas fixe et peut être modulée par les activités neuronales précédentes. De manière importante, ces changements de la transmission synaptique pouvant être stables dans le temps – de plusieurs heures à plusieurs mois.

Cette découverte a conduit à l’hypothèse que des briques élémentaires de mémoire pourraient être « stockées » dans les synapses sous cette forme.
« Faisons l’hypothèse qu’une activité persistante et répétée d’une activité avec réverbération (ou trace) tend à induire un changement cellulaire persistant qui augmente sa stabilité. Quand un axone d’une cellule A est assez proche pour exciter une cellule B de manière répétée et persistante, une croissance ou des changements métaboliques prennent place dans l’une ou les deux cellules ce qui entraîne une augmentation de l’efficacité de A comme cellule stimulant B. » Donald Hebb, 1949

Comment les synapses stockent-elles l’information ? Cette question fondamentale pour notre compréhension des bases cellulaires de la mémoire mobilise les neuroscientifiques depuis plus de 50 ans. Jusqu’à la fin du siècle dernier, on pensait que les mécanismes essentiels en étaient une modulation de l’efficacité de libération de transmetteurs ou des propriétés biophysiques des récepteurs.
Maintenant, on pense plutôt que pour que le neurone post-synaptique adapte mieux sa réponse au neurotransmetteur, il est particulièrement intéressant que les protéines réceptrices soient mobiles sur de grandes distances : plusieurs laboratoires ont mis en évidence au tournant du XXIe siècle que la plasticité synaptique était associée à une variation du nombre de récepteurs à la synapse.

Ceci contrastait avec le dogme de l’époque, qui postulait que les récepteurs de neurotransmetteurs sont solidement ancrés dans les synapses et très stables. Mais différents groupes de recherche, dont le nôtre, ont alors découvert que les récepteurs étaient en perpétuellement en mouvement à la surface du neurone, diffusant librement grâce à la fluidité des membranes. Les récepteurs s’accumulent aux synapses par un phénomène de capture, mais ils s’échangent en permanence entre les différents compartiments du neurone.

De manière fascinante, nous avons également découvert que ce mouvement des récepteurs est fortement modulé par l’activité neuronale, ouvrant la porte à des études liant la mobilité des récepteurs à la mémoire !

Le contrôle de la mobilité des récepteurs ouvre de nouvelles fenêtres vers le contrôle de l’activité cérébrale.

La formation d’une mémoire est une symphonie jouée par plusieurs zones cérébrales qui se synchronisent pour permettre son encodage, sa consolidation et son rappel (qui permet de réagir de façon adaptée lorsqu’une même situation est rencontrée). De même, la plasticité synaptique est régie par plusieurs phases distinctes permettant une réaction immédiate (secondes), et son maintien à moyen terme (minutes) ou à plus long terme (jours et plus).

L’enjeu est désormais de comprendre comment ces deux phénomènes sont liés et le rôle joué par la mobilité des récepteurs. Nous avons récemment développé au laboratoire une nouvelle génération d’outils moléculaires permettant de contrôler efficacement la mobilité des récepteurs au glutamate, un neurotransmetteur majeur au sein du cerveau. En combinant des approches pharmacologiques, électrophysiologiques et comportementales, nous allons explorer le lien fondamental entre plasticité synaptique et mémoire chez la souris, et tenter de comprendre les mécanismes expliquant les désordres cognitifs associés aux maladies neurodégénératives ou neurodéveloppementales.

Des neurones toujours fabriqués à l’âge adulte

Des neurones toujours fabriqués  à l’âge adulte

De quoi rassurer même certains politiques ! France info nous apprend que les adultes  produisent des neurones une fois l’adolescence terminée. C’est ce qu’affirment des chercheurs spécialisés en neuropathologie et en biologie moléculaire de l’université de Madrid (Espagne) dans une étude publiée le 25 mars 2019 dans la revue Nature Medicine. Selon ces scientifiques, la fabrication des neurones, un processus appelé la neurogénèse et qui a lieu dans le cerveau persiste tout au long de la vie. Pour arriver à ce constat, les chercheurs ont travaillé sur des tissus cérébraux de 13 donneurs décédés, en bonne santé neurologique et âgés de 43 à 87 ans au moment du décès. Ils ont mis ces échantillons au contact d’une molécule fluorescente capable de se fixer spécifiquement aux neurones immatures. Résultat : des dizaines de milliers de cellules ont fixé cette molécule dans l’hippocampe, une région du cerveau impliquée notamment dans la mémorisation. Des observations de ces cellules au microscope ont permis aux chercheurs de vérifier qu’il s’agissait bien de jeunes neurones, et ce même dans les échantillons issus des donneurs les plus âgés.

Plus précisément, l’échantillon du plus jeune donneur décédé à 43 ans contenait environ 42.000 neurones immatures par millimètre carré de tissu cérébral. Ce chiffre diminuait de 30% pour le donneur le plus âgé décédé à 87 ans, soit près de 30.000 neurones par millimètre carré. Qu’en concluent les chercheurs madrilènes ? Que leurs travaux soutiennent bien l’hypothèse selon laquelle la neurogénèse décline avec l’âge mais ne s’arrête jamais complètement… au moins jusqu’à l’aube des 90 ans. Un second résultat dévoilé par cette étude concerne la maladie d’Alzheimer. Les chercheurs ont en effet réalisé les mêmes expériences sur des tissus cérébraux de 45 personnes atteintes de cette maladie neurodégénérative et décédées entre 52 et 97 ans. Ils ont alors observé que plus la maladie est avancée, moins le cerveau compte de neurones immatures : les personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer auraient ainsi 30% de jeunes neurones en moins que les personnes du même âge et en bonne santé neurologique. Si cette observation ne peut être interprétée comme un lien de cause à effet entre le déclin de la neurogénèse et la maladie d’Alzheimer, elle ouvre tout de même de nouvelles pistes de recherche pour combattre cette pathologie.




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