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Société-Emeutes: l’absurde et le néant

Société-Emeutes: l’absurde et le néant

Par Romain Huët
Maitre de conférences en sciences de la communication, Chercheur au PREFICS (Plurilinguismes, Représentations, Expressions Francophones, Information, Communication, Sociolinguistique), Université Rennes 2 dans the Conversation

« Wala, ça a ouvert le Franprix. Hey, prends-moi un yop, prends-moi un yop ». Ailleurs, dans une autre ville de France, au beau milieu des affrontements, un homme mange tranquillement son sandwich, l’air de rien.

À Romainville, dans la nuit du 29 juin, j’assiste au pillage d’un bureau de tabac. Un gars ressort les bras chargés de sucettes qu’il balance en l’air tel un brave au bon cœur.

Toujours à Romainville, cette même nuit-là, des émeutiers tentent de brûler la laverie automatique. « Tout’es façons, elle n’a jamais marché » relativise un passant.

À Nanterre, dans la nuit du 27 au 28 juin, j’observe un gamin s’obstiner à jeter un cocktail Molotov dans un feu de poubelle déjà bien garni.

Ailleurs encore, une vidéo montre une femme bien à son aise qui profite d’un feu de poubelle pour faire cuire quelques grillades. Sur un autre snap (réseau social Snapchat), un type cagoulé court avec en mains une guitare électrique tout juste volée.

Ailleurs encore, un magasin alimentaire se fait piller. La « dame, elle a pris du coton, mdr (NDLR : mort de rire) ». Au cours d’un autre pillage, on entend crier « prends du mascarpone ». À Sarcelle, un homme déguisé en Spiderman a été aperçu dans les rues. À Rennes, un joyeux luron, un brin détraqué, est aux commandes d’un engin de chantier. Il s’amuse à fracasser un lampadaire.

Les révoltes de juin 2023 sont en train de faire l’histoire, une histoire supplémentaire de rupture avec les pouvoirs. Elles frappent par leur intensité, la rapidité de leur propagation, l’ampleur des destructions, et chose nouvelle par rapport à 2005, celle des pillages.

La circulation des vidéos sur les réseaux sociaux ajoute à la stupéfaction. Ces émeutes sont des révoltes politiques quand bien même elles ne se traduisent pas, dans le présent de la situation, par des slogans ou des revendications. Ce qui domine dans l’émeute, ce n’est pas la parole mais plutôt l’acte.

Elle confronte la société dans ce qu’elle sait déjà mais qu’elle dénie ou qu’elle se refuse d’affronter sérieusement depuis des décennies autrement que par une gestion technique du « maintien de l’ordre public ». Ces vies écrasées et méprisées se redressent et débordent. Elles font effraction dans ce qui leur est habituellement soustrait : la parole et l’audition politiques.

Au côté de la gravité de la situation et de ses déterminations politiques, une chose étonne : au milieu des affrontements, entre les tirs de mortiers, de feu d’artifice, des dizaines de vidéos montrent aussi des émeutiers hilares, amusés de leurs propres gestes et narquois.

Ils donnent le sentiment de jouir du moment présent. Ils développent un sens évident de la mise en absurdité de leurs propres gestes. On y croise des « fous » qui font toute sorte de « dingueries » c’est-à-dire des êtres qui osent des gestes transgressifs que le commun s’interdit d’accomplir par crainte ou par honte. Le temps d’un instant, au cours d’une nuit ou d’une marche blanche, certains en oublient les sentiments tristes qui les ont conduits dans la rue.

C’est un fait assez commun aux émeutes : elles sont un condensé d’affects et de sensations hétérogènes et souvent contradictoires. L’absurde côtoie la colère. L’humour se confond avec la violence des gestes. La joie se mêle aux larmes de la famille endeuillée de Nahel.

Les gestes nihilistes de saccage se mélangent aux plaintes dirigées sans équivocité à l’endroit des forces de l’ordre et de l’état. Rationalités politiques et gestes absurdes sont le propre des pratiques émeutières.

L’ivresse s’unit aux idées de vengeance. L’attaque de la maison de Vincent Jeanbrun, maire de L’Haÿ-les-Roses, en est le témoignage concret. Mais au-delà des faits de violence directe, il y a une atmosphère propre aux émeutes qu’il convient de saisir. Quiconque n’a jamais participé à une manifestation émeutière pourrait être surpris sinon scandalisé par le caractère souvent joyeux et festif des émeutes. Au lieu de susciter de la répulsion chez les témoins ou les participants, ces violences sont à l’origine d’amusement, d’enthousiasme collectif, de vertige jusqu’à des formes d’ivresse qui produisent en chacun un profond sentiment d’irréalité. Faut-il encore se demander d’où provient cette joie là où l’on devrait a priori ressentir de la peine et de l’effroi.

La première raison est éminemment politique. Elle réside dans le fait que les émeutiers retrouvent une puissance collective. Ces corps assemblés tiennent la rue, non loin de là où ils vivent. Ils ont le sentiment d’occuper l’espace contre la volonté des ordres policiers. Cela produit l’effet grisant de la conquête d’une puissance qui échappe au travail de répression et d’encadrement par les forces policières. L’émeutier ne subit plus. Il inverse même les registres de la puissance puisqu’il oblige les symboles du pouvoir à fermer, à se barricader (institutions), à reculer et à se protéger (forces de police).

C’est le vertige tout à fait momentané d’une puissance retrouvée devant la mise en échec des pouvoirs, des ordres et des formes qui empêchent habituellement la vie quotidienne. L’espace physique de la rue est occupé tout comme l’espace médiatique. Aux invisibilisations politiques habituelles les révoltés font effraction dans le débat public. Les dénonciations sont limpides.

À lire aussi : « Jeunes de quarti

La seconde raison suit la logique du spectacle. L’émeute emprunte particulièrement au registre carnavalesque.

Certes, dans ces émeutes, les déguisements sont rares mais, ces derniers jours, on voit de nombreuses mises en scène : un goût prononcé pour le feu (feux de poubelles, cocktails Molotov), un usage abondant des feux d’artifice (mortiers) et de pétards.

La circulation affolante des images sur Snapchat et TikTok ajoute à la mise en spectacle. Le geste n’existe pas seulement dans le présent de la situation. Il est vu, capté en vidéo et est promis à circuler voire à « percer » sur les réseaux. Des classements des villes les plus « chaudes » circulent sur quelques comptes Twitter. À cet égard, l’entrée de la ville de Marseille dans les émeutes a été fortement commentée.

Il n’y a de spectacle que pour être donné à voir. Le renversement momentané de l’ordre a quelque chose de plaisant car parodique. Le pouvoir quitte son raffinement habituel et est obligé à se déployer de manière grotesque : courir après les manifestants, les frapper parfois indistinctement, se cacher pour surprendre ses proies. Les rires éclatent là où les forces de police apparaissent empruntées, maladroites et débordées.

La troisième raison qui explique la joie émeutière réside dans le retournement du rapport avec les forces de l’ordre. Au respect qu’il leur est attaché dans la vie ordinaire, l’émeute ouvre une scène où il est possible de les insulter, de les rabaisser et de les humilier par le langage. Les forces de police peuvent aussi être attaquées et donc atteintes dans leurs corps. L’émeute s’alimente de ces ambivalences. Elle devient un temps symbolique de suspension des formes et offre un défi tantôt narquois, tantôt rageur aux forces de l’ordre. L’émeute inspire les passions et le chaos en réponse à la rigidité, l’ordre, le sérieux et à la froideur de l’État. Il y a donc un charme de l’émeute en tant qu’elle fait rupture avec les expériences ordinaires.

C’est une sensation qui appartient au voir ; un paysage désorganisé, des rues occupées, des forces de police désorientées, un espace urbain chaotique, c’est-à-dire autant de situations perceptibles qui semblent faire balbutier les structures du monde.

Le réel n’est pas anéanti : il est marqué, scarifié et abîmé. La colère trouve le sentiment de son bon droit dans le redressement des corps et leur charge contre le pouvoir. C’est une épreuve corporelle du politique.

Société-Emeutes: l’absurde et le néant

Société-Emeutes: l’absurde et le néant

Par Romain Huët
Maitre de conférences en sciences de la communication, Chercheur au PREFICS (Plurilinguismes, Représentations, Expressions Francophones, Information, Communication, Sociolinguistique), Université Rennes 2 dans the Conversation

« Wala, ça a ouvert le Franprix. Hey, prends-moi un yop, prends-moi un yop ». Ailleurs, dans une autre ville de France, au beau milieu des affrontements, un homme mange tranquillement son sandwich, l’air de rien.

À Romainville, dans la nuit du 29 juin, j’assiste au pillage d’un bureau de tabac. Un gars ressort les bras chargés de sucettes qu’il balance en l’air tel un brave au bon cœur.

Toujours à Romainville, cette même nuit-là, des émeutiers tentent de brûler la laverie automatique. « Tout’es façons, elle n’a jamais marché » relativise un passant.

À Nanterre, dans la nuit du 27 au 28 juin, j’observe un gamin s’obstiner à jeter un cocktail Molotov dans un feu de poubelle déjà bien garni.

Ailleurs encore, une vidéo montre une femme bien à son aise qui profite d’un feu de poubelle pour faire cuire quelques grillades. Sur un autre snap (réseau social Snapchat), un type cagoulé court avec en mains une guitare électrique tout juste volée.

Ailleurs encore, un magasin alimentaire se fait piller. La « dame, elle a pris du coton, mdr (NDLR : mort de rire) ». Au cours d’un autre pillage, on entend crier « prends du mascarpone ». À Sarcelle, un homme déguisé en Spiderman a été aperçu dans les rues. À Rennes, un joyeux luron, un brin détraqué, est aux commandes d’un engin de chantier. Il s’amuse à fracasser un lampadaire.

Les révoltes de juin 2023 sont en train de faire l’histoire, une histoire supplémentaire de rupture avec les pouvoirs. Elles frappent par leur intensité, la rapidité de leur propagation, l’ampleur des destructions, et chose nouvelle par rapport à 2005, celle des pillages.

La circulation des vidéos sur les réseaux sociaux ajoute à la stupéfaction. Ces émeutes sont des révoltes politiques quand bien même elles ne se traduisent pas, dans le présent de la situation, par des slogans ou des revendications. Ce qui domine dans l’émeute, ce n’est pas la parole mais plutôt l’acte.

Elle confronte la société dans ce qu’elle sait déjà mais qu’elle dénie ou qu’elle se refuse d’affronter sérieusement depuis des décennies autrement que par une gestion technique du « maintien de l’ordre public ». Ces vies écrasées et méprisées se redressent et débordent. Elles font effraction dans ce qui leur est habituellement soustrait : la parole et l’audition politiques.

Au côté de la gravité de la situation et de ses déterminations politiques, une chose étonne : au milieu des affrontements, entre les tirs de mortiers, de feu d’artifice, des dizaines de vidéos montrent aussi des émeutiers hilares, amusés de leurs propres gestes et narquois.

Ils donnent le sentiment de jouir du moment présent. Ils développent un sens évident de la mise en absurdité de leurs propres gestes. On y croise des « fous » qui font toute sorte de « dingueries » c’est-à-dire des êtres qui osent des gestes transgressifs que le commun s’interdit d’accomplir par crainte ou par honte. Le temps d’un instant, au cours d’une nuit ou d’une marche blanche, certains en oublient les sentiments tristes qui les ont conduits dans la rue.

C’est un fait assez commun aux émeutes : elles sont un condensé d’affects et de sensations hétérogènes et souvent contradictoires. L’absurde côtoie la colère. L’humour se confond avec la violence des gestes. La joie se mêle aux larmes de la famille endeuillée de Nahel.

Les gestes nihilistes de saccage se mélangent aux plaintes dirigées sans équivocité à l’endroit des forces de l’ordre et de l’état. Rationalités politiques et gestes absurdes sont le propre des pratiques émeutières.

L’ivresse s’unit aux idées de vengeance. L’attaque de la maison de Vincent Jeanbrun, maire de L’Haÿ-les-Roses, en est le témoignage concret. Mais au-delà des faits de violence directe, il y a une atmosphère propre aux émeutes qu’il convient de saisir. Quiconque n’a jamais participé à une manifestation émeutière pourrait être surpris sinon scandalisé par le caractère souvent joyeux et festif des émeutes. Au lieu de susciter de la répulsion chez les témoins ou les participants, ces violences sont à l’origine d’amusement, d’enthousiasme collectif, de vertige jusqu’à des formes d’ivresse qui produisent en chacun un profond sentiment d’irréalité. Faut-il encore se demander d’où provient cette joie là où l’on devrait a priori ressentir de la peine et de l’effroi.

La première raison est éminemment politique. Elle réside dans le fait que les émeutiers retrouvent une puissance collective. Ces corps assemblés tiennent la rue, non loin de là où ils vivent. Ils ont le sentiment d’occuper l’espace contre la volonté des ordres policiers. Cela produit l’effet grisant de la conquête d’une puissance qui échappe au travail de répression et d’encadrement par les forces policières. L’émeutier ne subit plus. Il inverse même les registres de la puissance puisqu’il oblige les symboles du pouvoir à fermer, à se barricader (institutions), à reculer et à se protéger (forces de police).

C’est le vertige tout à fait momentané d’une puissance retrouvée devant la mise en échec des pouvoirs, des ordres et des formes qui empêchent habituellement la vie quotidienne. L’espace physique de la rue est occupé tout comme l’espace médiatique. Aux invisibilisations politiques habituelles les révoltés font effraction dans le débat public. Les dénonciations sont limpides.

À lire aussi : « Jeunes de quarti

La seconde raison suit la logique du spectacle. L’émeute emprunte particulièrement au registre carnavalesque.

Certes, dans ces émeutes, les déguisements sont rares mais, ces derniers jours, on voit de nombreuses mises en scène : un goût prononcé pour le feu (feux de poubelles, cocktails Molotov), un usage abondant des feux d’artifice (mortiers) et de pétards.

La circulation affolante des images sur Snapchat et TikTok ajoute à la mise en spectacle. Le geste n’existe pas seulement dans le présent de la situation. Il est vu, capté en vidéo et est promis à circuler voire à « percer » sur les réseaux. Des classements des villes les plus « chaudes » circulent sur quelques comptes Twitter. À cet égard, l’entrée de la ville de Marseille dans les émeutes a été fortement commentée.

Il n’y a de spectacle que pour être donné à voir. Le renversement momentané de l’ordre a quelque chose de plaisant car parodique. Le pouvoir quitte son raffinement habituel et est obligé à se déployer de manière grotesque : courir après les manifestants, les frapper parfois indistinctement, se cacher pour surprendre ses proies. Les rires éclatent là où les forces de police apparaissent empruntées, maladroites et débordées.

La troisième raison qui explique la joie émeutière réside dans le retournement du rapport avec les forces de l’ordre. Au respect qu’il leur est attaché dans la vie ordinaire, l’émeute ouvre une scène où il est possible de les insulter, de les rabaisser et de les humilier par le langage. Les forces de police peuvent aussi être attaquées et donc atteintes dans leurs corps. L’émeute s’alimente de ces ambivalences. Elle devient un temps symbolique de suspension des formes et offre un défi tantôt narquois, tantôt rageur aux forces de l’ordre. L’émeute inspire les passions et le chaos en réponse à la rigidité, l’ordre, le sérieux et à la froideur de l’État. Il y a donc un charme de l’émeute en tant qu’elle fait rupture avec les expériences ordinaires.

C’est une sensation qui appartient au voir ; un paysage désorganisé, des rues occupées, des forces de police désorientées, un espace urbain chaotique, c’est-à-dire autant de situations perceptibles qui semblent faire balbutier les structures du monde.

Le réel n’est pas anéanti : il est marqué, scarifié et abîmé. La colère trouve le sentiment de son bon droit dans le redressement des corps et leur charge contre le pouvoir. C’est une épreuve corporelle du politique.

Les joies souvent absurdes ne doivent pas conduire à une fétichisation ou à une esthétisation des émeutes comme si elles étaient la manifestation la plus évidente d’une révolte authentique. Elles sont le signe d’une détresse politique.

Car si l’émeute déborde parfois le pouvoir et le met ponctuellement en échec, elle demeure le signe d’une impuissance à intervenir dans le monde pour faire entendre et reconnaître ses plaintes. Mais elle rappelle aussi l’impatience qu’ont les émeutiers à faire droit à leurs colères.

L’émeutier regarde le monde. Il le parcourt, l’engrange et le brûle.

Emeutes: l’absurde et le néant

Emeutes: l’absurde et le néant

Par Romain Huët
Maitre de conférences en sciences de la communication, Chercheur au PREFICS (Plurilinguismes, Représentations, Expressions Francophones, Information, Communication, Sociolinguistique), Université Rennes 2 dans the Conversation

« Wala, ça a ouvert le Franprix. Hey, prends-moi un yop, prends-moi un yop ». Ailleurs, dans une autre ville de France, au beau milieu des affrontements, un homme mange tranquillement son sandwich, l’air de rien.

À Romainville, dans la nuit du 29 juin, j’assiste au pillage d’un bureau de tabac. Un gars ressort les bras chargés de sucettes qu’il balance en l’air tel un brave au bon cœur.

Toujours à Romainville, cette même nuit-là, des émeutiers tentent de brûler la laverie automatique. « Tout’es façons, elle n’a jamais marché » relativise un passant.

À Nanterre, dans la nuit du 27 au 28 juin, j’observe un gamin s’obstiner à jeter un cocktail Molotov dans un feu de poubelle déjà bien garni.

Ailleurs encore, une vidéo montre une femme bien à son aise qui profite d’un feu de poubelle pour faire cuire quelques grillades. Sur un autre snap (réseau social Snapchat), un type cagoulé court avec en mains une guitare électrique tout juste volée.

Ailleurs encore, un magasin alimentaire se fait piller. La « dame, elle a pris du coton, mdr (NDLR : mort de rire) ». Au cours d’un autre pillage, on entend crier « prends du mascarpone ». À Sarcelle, un homme déguisé en Spiderman a été aperçu dans les rues. À Rennes, un joyeux luron, un brin détraqué, est aux commandes d’un engin de chantier. Il s’amuse à fracasser un lampadaire.

Les révoltes de juin 2023 sont en train de faire l’histoire, une histoire supplémentaire de rupture avec les pouvoirs. Elles frappent par leur intensité, la rapidité de leur propagation, l’ampleur des destructions, et chose nouvelle par rapport à 2005, celle des pillages.

La circulation des vidéos sur les réseaux sociaux ajoute à la stupéfaction. Ces émeutes sont des révoltes politiques quand bien même elles ne se traduisent pas, dans le présent de la situation, par des slogans ou des revendications. Ce qui domine dans l’émeute, ce n’est pas la parole mais plutôt l’acte.

Elle confronte la société dans ce qu’elle sait déjà mais qu’elle dénie ou qu’elle se refuse d’affronter sérieusement depuis des décennies autrement que par une gestion technique du « maintien de l’ordre public ». Ces vies écrasées et méprisées se redressent et débordent. Elles font effraction dans ce qui leur est habituellement soustrait : la parole et l’audition politiques.

Au côté de la gravité de la situation et de ses déterminations politiques, une chose étonne : au milieu des affrontements, entre les tirs de mortiers, de feu d’artifice, des dizaines de vidéos montrent aussi des émeutiers hilares, amusés de leurs propres gestes et narquois.

Ils donnent le sentiment de jouir du moment présent. Ils développent un sens évident de la mise en absurdité de leurs propres gestes. On y croise des « fous » qui font toute sorte de « dingueries » c’est-à-dire des êtres qui osent des gestes transgressifs que le commun s’interdit d’accomplir par crainte ou par honte. Le temps d’un instant, au cours d’une nuit ou d’une marche blanche, certains en oublient les sentiments tristes qui les ont conduits dans la rue.

C’est un fait assez commun aux émeutes : elles sont un condensé d’affects et de sensations hétérogènes et souvent contradictoires. L’absurde côtoie la colère. L’humour se confond avec la violence des gestes. La joie se mêle aux larmes de la famille endeuillée de Nahel.

Les gestes nihilistes de saccage se mélangent aux plaintes dirigées sans équivocité à l’endroit des forces de l’ordre et de l’état. Rationalités politiques et gestes absurdes sont le propre des pratiques émeutières.

L’ivresse s’unit aux idées de vengeance. L’attaque de la maison de Vincent Jeanbrun, maire de L’Haÿ-les-Roses, en est le témoignage concret. Mais au-delà des faits de violence directe, il y a une atmosphère propre aux émeutes qu’il convient de saisir. Quiconque n’a jamais participé à une manifestation émeutière pourrait être surpris sinon scandalisé par le caractère souvent joyeux et festif des émeutes. Au lieu de susciter de la répulsion chez les témoins ou les participants, ces violences sont à l’origine d’amusement, d’enthousiasme collectif, de vertige jusqu’à des formes d’ivresse qui produisent en chacun un profond sentiment d’irréalité. Faut-il encore se demander d’où provient cette joie là où l’on devrait a priori ressentir de la peine et de l’effroi.

La première raison est éminemment politique. Elle réside dans le fait que les émeutiers retrouvent une puissance collective. Ces corps assemblés tiennent la rue, non loin de là où ils vivent. Ils ont le sentiment d’occuper l’espace contre la volonté des ordres policiers. Cela produit l’effet grisant de la conquête d’une puissance qui échappe au travail de répression et d’encadrement par les forces policières. L’émeutier ne subit plus. Il inverse même les registres de la puissance puisqu’il oblige les symboles du pouvoir à fermer, à se barricader (institutions), à reculer et à se protéger (forces de police).

C’est le vertige tout à fait momentané d’une puissance retrouvée devant la mise en échec des pouvoirs, des ordres et des formes qui empêchent habituellement la vie quotidienne. L’espace physique de la rue est occupé tout comme l’espace médiatique. Aux invisibilisations politiques habituelles les révoltés font effraction dans le débat public. Les dénonciations sont limpides.

À lire aussi : « Jeunes de quarti

La seconde raison suit la logique du spectacle. L’émeute emprunte particulièrement au registre carnavalesque.

Certes, dans ces émeutes, les déguisements sont rares mais, ces derniers jours, on voit de nombreuses mises en scène : un goût prononcé pour le feu (feux de poubelles, cocktails Molotov), un usage abondant des feux d’artifice (mortiers) et de pétards.

La circulation affolante des images sur Snapchat et TikTok ajoute à la mise en spectacle. Le geste n’existe pas seulement dans le présent de la situation. Il est vu, capté en vidéo et est promis à circuler voire à « percer » sur les réseaux. Des classements des villes les plus « chaudes » circulent sur quelques comptes Twitter. À cet égard, l’entrée de la ville de Marseille dans les émeutes a été fortement commentée.

Il n’y a de spectacle que pour être donné à voir. Le renversement momentané de l’ordre a quelque chose de plaisant car parodique. Le pouvoir quitte son raffinement habituel et est obligé à se déployer de manière grotesque : courir après les manifestants, les frapper parfois indistinctement, se cacher pour surprendre ses proies. Les rires éclatent là où les forces de police apparaissent empruntées, maladroites et débordées.

La troisième raison qui explique la joie émeutière réside dans le retournement du rapport avec les forces de l’ordre. Au respect qu’il leur est attaché dans la vie ordinaire, l’émeute ouvre une scène où il est possible de les insulter, de les rabaisser et de les humilier par le langage. Les forces de police peuvent aussi être attaquées et donc atteintes dans leurs corps. L’émeute s’alimente de ces ambivalences. Elle devient un temps symbolique de suspension des formes et offre un défi tantôt narquois, tantôt rageur aux forces de l’ordre. L’émeute inspire les passions et le chaos en réponse à la rigidité, l’ordre, le sérieux et à la froideur de l’État. Il y a donc un charme de l’émeute en tant qu’elle fait rupture avec les expériences ordinaires.

C’est une sensation qui appartient au voir ; un paysage désorganisé, des rues occupées, des forces de police désorientées, un espace urbain chaotique, c’est-à-dire autant de situations perceptibles qui semblent faire balbutier les structures du monde.

Le réel n’est pas anéanti : il est marqué, scarifié et abîmé. La colère trouve le sentiment de son bon droit dans le redressement des corps et leur charge contre le pouvoir. C’est une épreuve corporelle du politique.

Les joies souvent absurdes ne doivent pas conduire à une fétichisation ou à une esthétisation des émeutes comme si elles étaient la manifestation la plus évidente d’une révolte authentique. Elles sont le signe d’une détresse politique.

Car si l’émeute déborde parfois le pouvoir et le met ponctuellement en échec, elle demeure le signe d’une impuissance à intervenir dans le monde pour faire entendre et reconnaître ses plaintes. Mais elle rappelle aussi l’impatience qu’ont les émeutiers à faire droit à leurs colères.

L’émeutier regarde le monde. Il le parcourt, l’engrange et le brûle.

Avenir d’Europe-Ecologie-Les Verts : vers le néant

Avenir d’Europe-Ecologie-Les Verts : vers le néant

 

 

Alors que Europe écologie les Verts ne représentent plus qu’1 ou 2 % des électeurs (Hamon que leur candidat Yannick Jadot avait rejoint n’a pas dépassé 6,3 % des suffrages aux présidentielles), le parti écolo réaffirme son objectif de conquérir pouvoir. De quoi rire s’il ne fallait en pleurer tellement les écolos politisés ont discrédité la problématique écologique. Durant tout le quinquennat de François Hollande ils n’ont d’ailleurs cessé surtout d’exprimer des positions gauchistes en laissant presque de côté la problématique écologique. Ensuite ils se sont divisés les uns en se rapprochant des frondeurs socialistes, les autres en soutenant Hollande et enfin une  troisième partie a soutenu Emmanuel Macron lors des présidentielles.  le mouvement Europe écologie les Verts ne représentent à peu près plus rien, il a surtout été victime de ses dérives gauchistes. Il faut d’ailleurs se réjouir de la disparition de ce parti du paysage politique. En effet, un parti uniquement écologiste est une sorte d’anachronisme car la problématique de l’environnement doit être appropriée par tous les partis et une cohérence doit être recherchée entre les facteurs économiques, sociaux, sociétaux et environnementaux. Saucissonner  la problématique, c’est tomber  dans le simplisme, l’irréalisme et la démagogie. Pourtant EELV  a lancé sa grande réunion d’été à Dunkerque, avec une première journée consacrée en grande partie à l’avenir de l’écologie politique. Confronté à une baisse du nombre d’adhérents, et à des difficultés de trésorerie, le parti écologiste, qui a récemment du licencier cinq employés pour raisons économiques, a tenu à maintenir ses journées d’été. « Vous avez trois jours pour débattre, pendant que les militants socialistes sont privés d’universités, que les Républicains sont éclatés (…) et alors même le Front national a annulé son rendez-vous de rentrée », lance Marine Tondelier, élue municipale chargée de l’organisation des JDE.  « La France n’en as pas fini avec les écologistes promet le secrétaire national David Cormand sous les applaudissements. Son objectif, « passer d’un parti qui était avant tout lanceur d’alerte, à un parti qui s’organise pour conquérir le pouvoir ». !!!!

Edouard Philippe : « le néant politique » Mélenchon, qui déraille encore !

Edouard Philippe : « le néant politique » Mélenchon qui déraille encore  »

Mélenchon fait t son cirque en multipliant l’insulte et les caricatures à l’égard du président de la république et du gouvernement. Ils parlent de coup de force institutionnelle, de dérive monarchique, de président pharaon, de néant  politique pour le Premier ministre. Bref la même sémantique outrancière et populiste que Marine Le Pen histoire d’attirer l’attention des médias. Et ça marche ; la preuve ; on n’en parle. Mais ses excès notamment verbaux finiront par lasser tout le monde. De ce point de vue la première décision révolutionnaire des insoumis de ne pas porter la cravate à l’assemblée paraît assez désuète. Dans le JDD, l’ex-candidat à la présidentielle dénonce « un coup de force institutionnel » du Président et sa « pratique pharaonique » du pouvoir. Il revient aussi sur le rassemblement auquel il participera lundi soir place de la République à Paris, un « symbole », selon lui, alors qu’Emmanuel Macron sera à Versailles.Philippe « n’a plus d’autres choix que de baisser la tête » Jean-Luc Mélenchon estime aussi qu’Edouard Philippe « est un homme seul » qui a été « piégé » par Emmanuel Macron. Il « n’a plus d’autres choix que de baisser la tête et de dire oui », « il vient d’être réduit au néant politique », estime-t-il. « Selon la Constitution, le Premier ministre dirige et conduit la politique de la nation. Là, le voilà rabaissé devant tout le Parlement au rang de ‘collaborateur’ que Sarkozy voulait pour Fillon ». Jean-Luc Mélenchon évoque dans le JDD l’opposition « globale et frontale » qu’il souhaite incarner. « Nous serons une opposition qui argumente et propose afin de convaincre. Le pays nous écoutera », annonce-t-il. La fin du bruit et de la fureur, de l’opposition tempétueuse? « J’assume le bruit et la fureur comme stratégie pour l’élection de 2012. Mais je suis passé à autre chose depuis longtemps. Dire non à la monarchie, et argumenter, ce serait tempétueux? À ce compte-là, quand Jean-Baptiste Drouet arrête la fuite de Louis XVI à Varennes, ce serait une impolitesse et une brutalité! ». Une comparaison complètement décalée et finalement assez insignifiante.

« PCF, la mort et le néant » : (Mélenchon)

« PCF, la mort et le néant » : (Mélenchon)

La guerre succède à une lune de miel entre le parti communiste et Mélenchon qui ne fait pas dans la dentelle dans un SMS type Poutine ou Trump de gauche. C’est Le Canard enchaîné qui a révélé le message en question, soulignant qu’il avait été envoyé le 4 mai, soit quelques jours avant l’annonce officielle de l’échec des négociations pour les législatives. « Vous créez la confusion dans tout le pays en vous appropriant mon portrait et mon nom sans parler du logo Front de Gauche ! Bravo l’identité communiste ! Tout ça pour après des mois d’injures et manœuvres pour (sic) saboter ma campagne. Et vous recommencez ! Vous êtes la mort et le néant. Dix mois pour me ‘soutenir’, dix minutes pour soutenir Macron. Sans oublier les accords que vous ne respectez pas. J’en ai assez. Je vais donc annoncer notre rupture politique dès mon retour à Paris. Et je vais dire pourquoi. »

Hollande : retour vers le néant

Hollande : retour vers le néant

 

 

On aura sans doute mal à dire ce qui a caractérisé de manière positive le quinquennat de François Hollande hormis peut-être ce slogan malheureux d’inversion de la courbe  du chômage. Déjà au départ une escroquerie statistique et finalement à l’arrivée un échec total. D’une certaine manière,  Hollande issu du néant y retourne. On oubliera vite ce président inconsistant incapable d’orienter et de trancher. Une sorte de capitaine de bateau ivre. L’énarque sans réelle conviction politique et animé seulement de la volonté de  pouvoir incarne le parti socialiste qui n’a jamais représenté les couches populaires et dont la direction est composée quasi exclusivement de petit-bourgeois essentiellement anciens fonctionnaires et/ou  diplômés hypothétiques instituts d’études politiques. Macro devra évidemment changer sur le fond comme sur la forme s’il ne veut pas connaître le destin de François Hollande.  S’il a donné des indices sur ses premiers gestes – coup de téléphone à la chancelière allemande Angela Merkel, visite aux soldats en opération extérieure -, Emmanuel Macron a d’ores et déjà prédit une rupture avec l’ère du « président normal ». L’ancien conseiller de François Hollande, qui occupait un bureau sous les toits du palais, veut être un chef d’Etat « jupitérien » – qui dirige sans s’occuper de tout, éloigné du temps médiatique. Dans une France que la crise morale et économique a mise à fleur de peau, un ami de François Hollande alerte le prochain locataire de l’Elysée contre le gros temps à venir. « L’Elysée, c’est un autre monde. Un battement d’aile de papillon et c’est la tornade, immédiatement. Les choses insignifiantes deviennent énormes : il pleut, ta cravate est de travers, tu prends la foudre, tout est signe du destin ! A partir de 20h01 dimanche, à chaque seconde, il sera regardé de façon différente », prévient-il. François Hollande un peu hors seul en a fait les frais. Il s’en mord les doigts  Une ministre juge que François Hollande vit mal son crépuscule élyséen. « Il ne va pas bien, il occupe le terrain, ça n’a pas de sens. On a la sensation qu’il s’en va avec l’idée de revenir, un peu comme Sarkozy. Il essaiera peut-être d’avoir un poste à l’international avec le soutien de Macron… »




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