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Epidémies: l’effet papillon du massacre des espaces naturels

Epidémies: l’effet papillon du massacre des espaces naturels

 

 

La  disparition des espaces naturels favorise bien l’émergence de nouvelles maladies infectieuses avec un effet papillon. Un  papier du Monde de Raphaël Proust  

 

Le coronavirus est-il une « punition » de la Nature ? Au plus fort du confinement, les écologistes de toutes obédiences ont voulu voir dans la pandémie la conséquence de la prédation des êtres humains sur l’environnement. La déforestation a notamment été pointée du doigt pour son rôle dans la diffusion du SARS-CoV-2, le virus responsable du Covid-19. Qu’en est-il vraiment ? Si les conditions exactes de son apparition ne sont toujours pas connues avec certitude, la communauté scientifique est parvenue rapidement à un consensus sur l’origine probable de la maladie.

Celle-ci est très vraisemblablement une zoonose, c’est-à-dire qu’elle s’est transmise de l’animal à l’homme à travers un vecteur qui n’a pas encore été identifié. Même si la chauve-souris ou le désormais fameux pangolin sont régulièrement cités… Le phénomène n’a rien d’exceptionnel : des cas de zoonose sont documentés depuis le néolithique, époque de l’apparition de l’élevage et des premiers animaux domestiques avec qui la promiscuité a favorisé l’échange d’agents pathogènes entre espèces. Des maladies comme la tuberculose ou la rage en sont des exemples bien connus.

L’ONG de défense de l’environnement Greenpeace a d’ailleurs reconnu que « dans le cas précis de l’épidémie de Covid-19, le lien avec la destruction d’un écosystème n’est pas avéré ». Difficile voire impossible, dans l’état actuel des connaissances, de lier l’apparition et la diffusion de la pandémie à des activités humaines en particulier. Il apparaît en revanche que la disparition des habitats sauvages, notamment les rares forêts primaires qui ont résisté à l’exploitation économique, est bien un facteur qui favorise l’émergence des épidémies.

Si la déforestation ne suffit donc pas à expliquer l’apparition d’épidémies, elle semble être associée à leur plus grande fréquence constatée depuis le milieu du XXe siècle

Cohabitation forcée. Des études ont notamment démontré la relation entre la perte d’espaces forestiers fermés et la diffusion récente du virus Ebola en Afrique centrale et de l’Ouest. Selon l’hypothèse de départ, la fragmentation voire la disparition des surfaces boisées augmente non seulement les interactions avec les espèces animales chassées de leur habitat et tentés de se rapprocher des zones d’activité humaine pour leur survie, mais elle pourrait également accélérer la propagation des agents pathogènes initialement cantonnés à leur biome d’origine. Si la déforestation ne suffit donc pas à expliquer l’apparition d’épidémies, elle semble être associée à leur plus grande fréquence constatée depuis le milieu du XXe siècle.

Ces maladies infectieuses émergentes « ont augmenté de manière significative au fil du temps » et, surtout, « sont dominées par les zoonoses » à près de 60 % alors que « la majorité d’entre elles (71,8 %) proviennent de la faune sauvage », observaient en 2008 les auteurs d’une étude sur les tendances globales de ces nouvelles maladies publiée dans la revue Nature. C’est la cohabitation forcée de plusieurs espèces dans des espaces de plus en plus réduits qui pourraient expliquer en partie ce phénomène. Avec, en bout de chaîne, une humanité de 7 milliards et demi de personnes, sans compter les milliards d’animaux domestiques qui concentrent l’essentiel des virus zoonotiques, à l’image des grippes porcines de ces vingt dernières années.

Regain de la déforestation. Malgré ces faits inquiétants, et bien que le lien direct entre déforestation et pandémie de coronavirus ne puisse à ce stade être établi avec certitude, les forêts tropicales ont continué à perdre du terrain ces derniers mois. L’ONG WWF a notamment tiré la sonnette d’alarme au mois de juin avec ce chiffre préoccupant : 150 % d’arbres coupés en plus au mois de mars, pour près de 645 000 hectares au total. « La recherche du profit n’est pas la seule explication à la destruction de l’environnement durant la pandémie de Covid-19. Dans de nombreux endroits, la baisse des revenus a plongé les populations dans une situation difficile », souligne l’organisation de défense de la biodiversité.

La mobilisation des moyens de l’Etat dans la lutte contre la pandémie de coronavirus a nui à la lutte contre les coupes illégales

En Amazonie brésilienne, la situation déjà critique a encore été aggravée avec un regain de la déforestation de presque 60 % par rapport à 2019 pour les mois d’avril et de mai. Comme en Indonésie, autre pays très frappé par le recul des forêts, la mobilisation des moyens de l’Etat dans la lutte contre la pandémie de coronavirus a nui à la lutte contre les coupes illégales, moins prioritaire au regard de la situation sanitaire. La police environnementale brésilienne réduit ses patrouilles à la portion congrue et les ONG locales dénoncent un abandon total des contrôles, augmentant de fait l’impunité des coupeurs d’arbres.

De nombreux experts craignent désormais un retour des incendies qui avaient déjà ravagé l’Amazonie l’année dernière et donné lieu à une polémique mondiale. Et ce, alors que le pays bataille toujours contre l’épidémie de Covid-19 qui y a fait près de 100 000 victimes. Le président Jair Bolsonaro a lui même été testé positif après avoir minoré pendant des mois la maladie qu’il qualifiait alors de « petite grippe »…

Des parcs naturels menacés

Des parcs naturels menacés

 

En 40 ans,  de l’ordre de 50% des espèces animales ont disparu, c’est le cas par exemple des oiseaux ; la destruction de la faune suit ce processus de destruction ou plutôt constitue un facteur explicatif du phénomène précédent. En cause des zones dites protégées qui sont agressées par l’activité humaine dans les pays en développement et dans les pays riches ;  exemple l’ implantation d’éolienne destructrices d’insectes et d’oiseaux près des parcs naturel. Globalement,  Un tiers de la superficie des espaces protégés pour préserver la faune et la flore est menacée par l’activité humaine, écrivent des scientifiques dans la dernière livraison de la revue Science, parue jeudi. “Six millions de km2 – soit 32,8% – des aires protégées sont soumis à une intense pression humaine”, soulignent ces chercheurs de l’Université du Queensland en Australie. Ces menaces découlent de la construction de routes, de villes, de fermes et de lignes ferroviaires, observent-ils. Les zones les plus à risque sont les mangroves, les forêts méditerranéennes et certaines prairies et savanes. James Watson, professeur à l’Université du Queensland et l’un des auteurs de l’étude, s’est dit “stupéfait” par le constat. “Les gouvernements affirment que ces zones sont protégées pour le bien de la nature alors qu’en réalité, elles ne le sont pas”, déclare-t-il. A titre d’exemples, l’étude publie des images satellite attestant du développement de la ville de Kamianets-Podilskyi, au sein d’un parc naturel en Ukraine, des routes sillonnant le part national de Mikumi en Tanzanie ou des fermes et autres bâtiments construits dans le parc national de Dadohaehaesang en Corée du Sud. En 2010, près de 200 pays se sont engagés à sanctuariser au moins 17% de la surface terrestre dans des espaces protégés d’ici 2020 afin de protéger les animaux et végétaux de la pollution, de la déforestation ou du changement climatique. Au total, d’après les Etats, la superficie des zones protégées a à peu près doublé depuis le début des années 1990 et représente aujourd’hui 15% de la surface terrestre, grâce à plus de 200.000 espaces préservés.

Des grands sites naturels en danger par l’exploitation minière et pétrolière (Unesco)

Des grands sites naturels en danger par l’exploitation minière et pétrolière (Unesco)

L’Unesco et le WWF ont fait les comptes : sur 170 sites naturels classés 70 sont sous la menace d’une marée noire, d’une pollution de forages pétroliers, gaziers mais aussi des rejets des mines.   Chaque année, 5.000 bateaux chargés de bauxite très toxique passent au-dessus de la grande barrière de corail au nord-est de l’Australie. Bientôt, ils seront 2.000 de plus par an tant les mines de charbon dans la région se développent. Une menace croissante pour cet écosystème unique au monde classé au patrimoine mondial de l’Humanité. Aux Etats-Unis, le Grand Canyon et ses réserves d’uranium sont toujours l’objet de convoitises de la part des entreprises du secteur. Certaines grandes entreprises françaises, comme Areva, se sont engagées à ne pas aller exploiter des ressources dans les sites classés. Mais le WWF reste vigilant. Total, par exemple, a toujours une concession pétrolière à proximité du parc des Virunga (République démocratique du Congo), le plus vieux parc naturel du continent dans la région des Grands Lacs. Une zone unique où se trouvent les derniers gorilles d’Afrique.  L’ONG rappelle que ces sites attirent beaucoup de touristes et demande aux investisseurs d’être vigilants.




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