Assemblée nationale : une majorité …..d’irresponsables
Y aura-t-il encore un gouvernement à Noël ? Michel Barnier a choisi le registre de la boutade, cette semaine, lors du congrès des maires : « C’est assez motivant de se dire qu’on peut partir demain matin. » Sans doute l’instinct politique du Damoclès de Matignon lui fait-il pressentir la possible – d’aucuns diront probable – chute de son gouvernement en décembre à la suite d’une motion de censure votée par la gauche et le RN.
par Bruno Jeudy, directeur délégué de la rédaction Le TribuneLe Premier ministre ne peut compter sur la responsabilité d’une classe politique si prompte à la critique et à la sédition. La définition du mot « responsable » que donnent les académiciens dans la 9e édition de leur dictionnaire, « qui répond de ses actes, les assume et en supporte les conséquences », ne manque pas d’interpeller les observateurs des partis et de leur attitude à l’Assemblée nationale. En effet, Insoumis, RN ainsi que – plus surprenant – macronistes et LR multiplient les lignes rouges à qui mieux mieux autour du budget.
Jean-Luc Mélenchon, pourfendeur de la Ve République, dont il s’est accommodé durant les années Mitterrand et Jospin, pense trouver avec une nouvelle crise politique qu’engendrerait la censure du gouvernement la justification d’une VIe République et… une rampe de lancement pour 2027. Cette impatience d’en découdre a gagné le RN. Alors que Marine Le Pen, depuis le mois de septembre, observait une bienveillante neutralité, les réquisitions dans le procès des assistants parlementaires ont bouleversé la donne. La pétition lancée pour soutenir la cheffe du RN – qui aurait recueilli 100 000 signatures – montre que la base est chauffée à blanc. Avec la tournée promotionnelle de son livre, Jordan Bardella se place déjà en recours en cas d’inéligibilité de la leader frontiste. Il deviendrait, tel Iznogoud, calife après la disqualification de Mme Le Pen.
Si les extrêmes sont gagnés par le désir de renverser le gouvernement, ils ne sont pas les seuls à alimenter ce climat délétère. Les sénateurs LR, en proposant sept heures annuelles de travail supplémentaire sans rémunération, et Laurent Wauquiez, en surjouant le rôle du défenseur du pouvoir d’achat des retraités, ne facilitent pas la tâche de Michel Barnier. Mais ce sont surtout les amis de Gabriel Attal qui semblent donner raison à Talleyrand lorsqu’il remarquait que « le meilleur moyen de renverser un gouvernement, c’est d’en faire partie ». Pas un jour sans que l’hôte de Matignon ne doive rappeler à la discipline gouvernementale des ministres frondeurs à l’image d’Antoine Armand, peu économe de ses provocations !
Dès lors, la France est menacée de se trouver sans budget dans quelques semaines et de sombrer dans une crise financière. L’entretien entre Marine Le Pen et Michel Barnier ce lundi sera décisif. Notre nation a-t-elle les moyens de connaître une nouvelle période d’incertitude et de flottement au moment où le chômage repart à la hausse et où les conflits sociaux se multiplient ? Aux responsables politiques d’en prendre conscience et de se rappeler les propos du philosophe et historien Hippolyte Taine : « Si mauvais que soit un gouvernement, il y a quelque chose de pire, c’est la suppression du gouvernement. »