Restitution des frises du Parthénon : La fin des musées
Les demandes récurrentes de restitution d’œuvres d’art au pays d’origine posent la question de l’existence même des musées qui généralement regroupent des œuvres d’art d’origine locale comme internationale. La restitution de ces œuvres d’art ferait sans doute disparaître nombre de musées sans parler des questions géopolitiques car les pays qui revendiquent ne sont pas toujours ceux qui existaient au moment des créations. Une sorte de recul de de l’universalisme culturel ratatiné dans ses frontières
Athènes réclame depuis près de quarante ans les œuvres d’art emportées par l’ambassadeur britannique Lord Elgin au XIXe siècle. Dans sa chronique, Michel Guerrin, rédacteur en chef au « Monde », explique en quoi ce différend est exemplaire du problème des restitutions.
Chronique.
Un comité de l’Unesco vient d’inviter le Royaume-Uni à restituer à la Grèce les frises du Parthénon. L’information a fait flop tant elle s’apparente à une ritournelle. Athènes, avec une ténacité qui force l’admiration, revendique ces marbres sculptés depuis quarante ans. Mais Londres ne cille pas, ni le vénérable British Museum, qui les expose. Alors pourquoi en parle-t-on ? Parce que ce conflit est fascinant. Il constitue un cas d’école. Il est exemplaire du problème, complexe et brûlant, des restitutions d’œuvres d’art en général.
Reprenons. En 1802, l’ambassadeur britannique Lord Elgin emporte une petite moitié des 160 mètres de la frise sculptée au Ve siècle av. J.-C. qui ceinturait le Parthénon, ce temple dédié à Athéna toisant Athènes. Comme il n’est pas aveugle, il ne prend pas les plus laides. Et comme il doit rentrer dans ses sous, il les revend à l’Angleterre.
Le conflit entre les deux pays est officiellement ouvert en 1983 par l’actrice Melina Mercouri, alors ministre socialiste grecque de la culture. Le pays entretient ensuite la flamme de la restitution. En pure perte, tant les arguments de chaque camp forment un dialogue de sourds.
Londres affirme que Lord Elgin négocia avec l’autorité compétente de l’époque, l’Empire ottoman, qui occupait alors la Grèce. Athènes répond que ledit empire ne représentait pas son peuple. Londres répète qu’Elgin agit en toute légalité. Athènes oppose des recherches récentes montrant que le diplomate n’obtint qu’un prêt, devenu un vol, certains parlant même de « pillage ». Le Royaume-Uni avance que les frises ont le statut de patrimoine commun de l’humanité et que le British Museum (6 millions de visiteurs par an) permet à tous de les admirer. Athènes rétorque que ces chefs-d’œuvre sont constitutifs de son identité.
« Musée lumineux » contre « prison obscure »
La Grèce estime encore que le Parthénon, amputé de ses frises, perd en compréhension. Elle reprend à sa façon la thèse du précurseur Antoine Quatremère de Quincy, qui, dans ses Lettres à Miranda (1796), écrit que les œuvres d’art appartiennent aux pays qui les ont vues naître, au nom du principe « diviser c’est détruire ». A cette thèse, le directeur du British Museum, Hartwig Fischer, répond, en 2019, au quotidien grec Ta Nea que la présentation des marbres en son musée est un « acte créatif ». C’est peu de dire qu’il a indigné.
Le dernier argument grec, de poids celui-ci, survient en 2009, quand le pays inaugure le très réussi Musée de l’Acropole, dessiné par l’architecte suisse Bernard Tschumi. Un étage entier reconstitue en taille réelle les quatre côtés du temple, avec les frises restées en Grèce. Celles de Londres sont remplacées par des moulages. En attendant leur retour…