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Limites du multilatéralisme de Joe Biden

Limites du multilatéralisme de Joe Biden  

 

Le président des Etats-Unis entend d’un côté lutter contre la crise climatique et de l’autre promouvoir les valeurs démocratiques, analyse l’économiste Kemal Dervis dans une tribune au « Monde ».(extrait)

 

Tribune.

En avril, le président américain Joe Biden a réuni 40 dirigeants mondiaux pour un sommet virtuel sur la lutte contre la crise climatique. Parmi ceux-ci, il y avait des représentants des principaux pays émetteurs, tels que le président russe Vladimir Poutine et le président chinois Xi Jinping, ainsi que des chefs d’Etat particulièrement vulnérables aux effets du changement climatique. Des dirigeants de la société civile et des entreprises y ont également participé. M. Biden et de nombreux autres participants ont annoncé des politiques plus ambitieuses en vue du sommet des Nations unies sur le changement climatique (COP26) en novembre.

Les 9 et 10 décembre, Biden remplira une promesse préélectorale en organisant un autre rassemblement virtuel, baptisé « Sommet pour la démocratie ». Bien que les détails n’aient pas encore été divulgués, la réunion se concentrera sur « la défense contre l’autoritarisme, la lutte contre la corruption et la promotion du respect des droits humains ». M. Biden invitera à nouveau des responsables de gouvernements, de la société civile et du secteur privé.

Les objectifs des deux sommets illustrent des aspects très différents de la coopération multilatérale. La réduction des émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre le changement climatique est l’archétype du bien public mondial (BPM), entraînant des avantages à la fois non rivaux et non exclusifs. Leur accumulation dans un pays ne diminue pas les avantages pour les autres, et personne ne peut en être exclu une fois qu’ils sont fournis.

Cela donne généralement lieu à un problème de passager clandestin, car chaque pays est incité à minimiser ses propres coûts pour fournir le BPM et à compter, à la place, sur les contributions des autres. Récemment, les nouvelles technologies permettant d’obtenir des avantages économiques nets d’une transformation verte ont réduit le problème, mais ne l’ont pas éliminé. Une coopération mondiale est par conséquent nécessaire pour y remédier.

En revanche, la démocratie et les droits de l’homme, bien qu’ils puissent générer des externalités positives, ne rentrent pas dans cette définition du bien public mondial, parce que leurs avantages bénéficient presque uniquement aux citoyens des pays qui les pratiquent. Atteindre les objectifs du sommet de Biden sur la démocratie dépendra donc beaucoup plus de valeurs communes et partagées.

Alors que la coopération sur les BPM peut se dérouler de manière pragmatique avec une participation mondiale, la coopération basée sur les valeurs et les croyances, elle, implique le défi de déterminer quels gouvernements peuvent être éligibles. Poutine et Xi Jinping ne seront vraisemblablement pas invités en décembre, car ils pratiquent et revendiquent des valeurs différentes de celles des démocraties libérales.

« Bâtir un multilatéralisme plus solidaire face au Covid »….. un appel tardif !

 

 « Bâtir un multilatéralisme plus solidaire face au Covid »….. un appel tardif !

Dans une tribune au « Monde », la chancelière allemande, les présidents français et sénégalais, les dirigeants de l’Union européenne et des Nations Unies appellent à un renforcement de la coopération internationale pour lutter contre la pandémie.

Tribune. Le 8 septembre 2000, 189 pays signaient la déclaration du Millénaire, dessinant les principes de la coopération internationale pour une nouvelle ère de progrès autour d’objectifs communs. Au sortir de la guerre froide, nous avions confiance dans notre capacité à bâtir un ordre multilatéral qui permette de faire face aux grands enjeux de l’époque, comme la faim et l’extrême pauvreté, la dégradation de l’environnement, les maladies et les chocs économiques, et de prévenir les conflits. Au mois de septembre 2015, tous les pays ont de nouveau pris l’engagement de relever ensemble les défis mondiaux par l’intermédiaire du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Notre monde a connu des évolutions contradictoires, conduisant à une augmentation de la richesse à l’échelle planétaire tandis que dans le même temps, les inégalités persistaient ou s’accentuaient. La démocratie a gagné du terrain en parallèle à la résurgence du nationalisme et du protectionnisme. Au cours des dernières décennies, deux crises majeures ont bouleversé nos sociétés et fragilisé nos cadres d’action communs, semant le doute sur notre capacité à surmonter les chocs, à lutter contre leurs causes structurelles et à garantir un avenir meilleur aux générations futures. Elles nous ont également rappelé à quel point nos destins sont liés.

Pour préparer l’avenir, nous devons apporter des réponses inédites et ambitieuses aux crises les plus graves. La crise que nous traversons actuellement peut, nous en sommes convaincus, être l’occasion de forger un nouveau consensus au service d’un ordre international fondé sur le multilatéralisme et l’état de droit grâce à une coopération efficace, à la solidarité et à la concertation. Dans cet esprit, nous sommes déterminés à travailler ensemble avec les Nations unies, les organisations régionales, les enceintes internationales comme le G7 et le G20 et des coalitions ad hoc pour relever les défis mondiaux d’aujourd’hui et de demain.

Etendre l’accès aux tests, aux traitements et aux vaccins

L’urgence est d’abord sanitaire. La crise du Covid-19 met à l’épreuve la solidarité internationale comme jamais auparavant. Elle nous a rappelé une évidence : face à une pandémie, la chaîne de notre sécurité sanitaire est aussi solide que son maillon le plus faible. Partout, le Covid-19 menace la population et l’économie.

Cette pandémie exige une réponse internationale forte et concertée pour étendre rapidement l’accès aux tests, aux traitements et aux vaccins, étant entendu qu’une large couverture vaccinale est un bien public mondial qui doit être accessible à tous à un prix abordable. A cet égard, nous apportons notre soutien plein et entier à l’accélérateur « ACT », dispositif inédit lancé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et les partenaires du G20 en avril 2020 pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre le Covid-19.

Multilatéralisme ou bilatéralisme ? (Mehdi Abbas)

Multilatéralisme ou bilatéralisme ?  (Mehdi Abbas)

Mehdi Abbas, Université Grenoble Alpes, analyse les contradictions entre bilatéralisme et multilatéralisme

 

« Les dernières décisions de politique commerciale prises par l’administration Trump de taxer les importations européennes et chinoises vers les États-Unis suscitent inquiétudes et réprobations. Elles s’agrègent aux attaques contre le multilatéralisme à l’ONU, sur le climat, en matière de sécurité collective et, bien entendu, commercial.

À ce niveau, les États-Unis ne sont pas les seuls à avoir érodé le système commercial multilatéral. L’UE est en effet la championne en matière d’accords commerciaux bilatéraux, préférentiels et régionaux, ces « termites » (J. Bhagwati) qui n’ont eu de cesse de saper l’édifice multilatéral.

Face à la montée des tensions et au retour des logiques agressives de défense des intérêts nationaux beaucoup d’observateurs en appellent aux vertus du multilatéralisme, bien entendu rénové pour tenir compte des réalités nouvelles de l’économie internationale, et de proposer des solutions plus ou moins infaisables.

Au-delà de l’aspect formel d’une coopération à trois et plus, qu’en est-il réellement du multilatéralisme économique et de l’idéal de coopération à laquelle ils renverraient ?

Le multilatéralisme commercial prend forme dans la réforme de la politique commerciale américaine de 1934 entreprise par l’administration Roosevelt. Le Reciprocal Trade Agreement Act constitue, avant toute chose, une tentative d’élargissement des exportations américaines fondée sur une norme de réciprocité dans l’échange.

Ainsi, c’est en utilisant le bilatéralisme que les États-Unis entendent contrecarrer la tendance au repli des nations sur leurs Empires à l’époque. Cette démarche sera au cœur de la mort-née Organisation internationale du commerce, puis du GATT. Ils auront, pour se faire, le souci de construire un édifice fondé sur le droit, certes du plus fort, mais sur le droit tout de même !

Ce que l’on présente comme le parangon de la coopération internationale est avant toute chose un projet américain de reconstruire les relations économiques internationales conformément à leurs intérêts et permettant la sortie, sans risques majeurs pour les États-Unis, d’une économie de guerre en état de surproduction. Un projet dont la finalité était d’articuler besoin de reconstruction en Europe et en Asie à la nécessité de redéploiement de l’appareil industriel américain.

Ce projet trouve son origine dans les premières discussions, entamées dès 1941, américano-britanniques (l’économie qui « se sait et se veut dominante » et celle qui « ne peut se déshabituer de l’être » pour reprendre les mots de F. Perroux). Ces discussions portaient sur les conditions d’octroi d’une aide américaine à l’effort de guerre britannique. Après la Charte de l’Atlantique proclamée par Roosevelt (1941) et la Déclaration des Alliés (1942), les discussions portent sur l’ordre économique d’après-guerre.

Elles aboutissent à l’Accord d’aide économique mutuelle (Mutual Aid Agreement) signé le 23 février 1942 dans lequel figure l’Article VII. L’originalité de cet article – qui contient l’ADN de l’ensemble de l’architecture de Bretton Woods – est de poser que les contreparties des contributions américaines ne consisteront pas en des remboursements ou à l’imposition de conditions contraignantes (le précédent catastrophique du Traité de Versailles est dans toutes les mémoires). Les contreparties sont définies en termes d’engagements normatifs en matière de politique commerciale.

Pour la première fois dans l’histoire du capitalisme, les conditions des échanges internationaux sont régies par des textes, proposés par l’économie dominante et ratifiés par les autres États. Il en sera de même concernant le système des paiements, le système de financement et de reconstruction, autant de dispositifs de financement des débouchés.

Le multilatéralisme est, en fait, l’internationalisation des intérêts et préférences états-uniennes dans un contexte de reconstruction d’un monde en ruine où une économie concentre la quasi-totalité des ressources nécessaires à cette reconstruction.

Les théories de la stabilité hégémonique ou du leadership stratégique ou bienveillant offrent une explication, voire une justification ou légitimation, à la domination américaine. Elles nous rappellent cette vieille réalité qui traverse toute l’œuvre de F. Braudel, I. Wallerstein ou P. Bairoch, l’économie dominante est toujours favorable au libre-échange et au multilatéralisme, ce qu’avaient, en des termes plus économiques, très bien analysés A. Smith, K. Marx et F. List.

À cela s’ajoute le pragmatisme de la diplomatie économique, désormais multilatérale, des États-Unis. L’échec de l’OIC en offre un exemple en matière d’organisation des échanges internationaux. C’est ce même pragmatisme qui fera que, confronté à la pénurie de dollars, les États-Unis vont, par une simple lettre en 1947, s’engager à acheter et à vendre de l’or au taux de 35$ de l’once, officialisant le fait que le système monétaire international est concrètement un « système dont l’étalon était le dollar » (Denizet), et surtout qu’il fonctionne plus grâce à cette lettre qu’aux statuts du FMI.

De même, la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) va très vite changer de nature face à l’ampleur de la reconstruction européenne qui sera, par ailleurs, à l’origine du lancement du Plan Marshall (1948).

Il faudrait également mentionner le rôle tenu par la guerre de Corée dans la relance de l’économie américaine (qui connaissait un sérieux ralentissement économique en 1949) et, bien plus que le Plan Dodge, ses effets sur le développement du Japon qui comprend rapidement l’intérêt pour sa croissance et sa participation à la globalisation.

Schéma qui se reproduira plus tard durant la guerre du Vietnam dont on oublie qu’elle est à l’origine du développement du conteneur, vecteur déterminant de la mondialisation bien plus que les développements successifs de la théorie du libre-échange et autres formalisations des économistes. Avec la guerre du Vietnam la conteneurisation s’étend à l’Asie-Pacifique (Japon, Taiwan, Hong Kong, Singapour et Australie).

Ces dernières années sont marquées par une évolution des rapports de richesse et de puissance dans l’économie mondiale. Cette dernière est désormais moins asymétrique qu’en 1944 (Bretton Woods) ou 1995 (création de l’OMC). Simultanément, les États-Unis prennent conscience des contradictions sociales et économiques de plus de cinq décennies d’une globalisation, qu’ils ont eux-mêmes initiée.

La capacité des États-Unis – et du G7 – à multilatéraliser leurs préférences s’est amoindrie. Outre ce nouvel équilibre en gestation, il manque une vision ou un projet tel que celui porté par l’administration Roosevelt et son Secrétaire d’État Cordell Hull ; un projet, qui chaque fois que cela était nécessaire, s’est adapté de façon ad hoc aux contraintes tant internes que systémiques.

Paradoxalement, il est possible de considérer que pour la première fois, l’économie mondiale est multilatérale. C’est-à-dire que les pays sont, collectivement, mis face à la responsabilité, voire la nécessité, d’élaborer des règles communes, partagées et acceptées, régissant les relations économiques internationales.

Il s’agit, par conséquent, d’innover en matière de construction de règles, de faire place à l’hétérogénéité des préférences et des intérêts ; au pluralisme juridiques ; de re-hiérarchiser les valeurs autour desquelles se construisent les régimes internationaux et de rénover les principes d’ordre des rapports économiques et politiques internationaux.

Il s’agit d’élaborer des actions concertées, de trouver de nouveaux principes de solidarité internationale, d’élaborer des mécanismes de compensation internationale, bref construire une économie mondiale praticable (workable global economy). Ni le marché, ni la concurrence ne sont en mesure de le faire, la tâche est gigantesque d’autant que « la tragédie est aujourd’hui collective » (A. Camus).

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Par Mehdi Abbas, Maître de conférence, Université Grenoble Alpes

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation

 

« Avec Trump, le mercantilisme remplace le multilatéralisme »

« Avec Trump, le mercantilisme remplace le  multilatéralisme »

Pour La Tribune, Corinne Vadcar analyste senior à la CCI Paris Ile-de-France revient sur les enjeux de cette décision.

Quelles pourraient être les conséquences directes des décisions de Donald Trump sur le commerce international ?

CORINNE VADCAR - A court terme, la première conséquence est que l’Union européenne vient de déposer un recours auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). La seconde conséquence est que la Commission européenne pourrait aussi mettre en place des taxes supplémentaires sur certains produits comme les Harley-Davidson, le bourbon, les produits agricoles ou des produits issus de l’industrie sidérurgique. Dans tous les cas, la décision américaine est à replacer dans un contexte politique qui est la perspective des élections de mi-mandat en novembre prochain.

A moyen terme, la guerre commerciale pourrait avoir un impact structurel et géographique sur le commerce mondial. L’expérience du passé permet de se faire une idée. Sous le mandat de George Bush fils, des entreprises américaines ont parfois importé des produits qui contenaient de l’acier au lieu d’importer des matériaux bruts, ce qui leur permettait d’échapper aux surtaxes sur l’acier. Par ailleurs, les entreprises européennes, notamment allemandes, qui exportent de l’acier outre-Atlantique, pourraient rechercher d’autres marchés. Dans tous les cas, les mesures douanières américaines et les contre-mesures européennes devraient entraîner une réorganisation des flux de commerce (« trade diversion »).

A plus long terme, la croissance du commerce international pourrait ralentir. L’attitude américaine va à l’encontre des règles de l’OMC. Cette situation peut clairement générer de l’incertitude et de l’attentisme des deux côtés de l’Atlantique. Les Etats-Unis étant le premier partenaire commercial de l’Union européenne, on peut supposer qu’il va y avoir, à un moment donné, une baisse des échanges entre les deux puissances économiques.

Dans quelle mesure le pouvoir d’achat des Européens et les entreprises européennes pourraient-ils être touchés ?

En ce qui concerne les produits américains qui seraient ciblés par les Européens, il devrait y avoir peu d’impact sur le consommateur. Il ne s’agit pas de produits stratégiques et les Européens ont la possibilité de se reporter sur d’autres produits.

En revanche, il pourrait y avoir des conséquences indirectes via le ralentissement de l’activité des entreprises dans les secteurs liés aux produits soumis aux taxes américaines et européennes. Au regard du volume d’échanges d’aluminium et d’acier entre les États-Unis et l’Europe, il faut, cependant, relativiser ces conséquences. Du côté de l’industrie automobile, l’enquête actuellement menée aux États-Unis pourrait, en revanche, avoir un impact plus significatif si elle aboutit d’ici à quelques temps.

Que pensez-vous des ripostes annoncées par l’Europe ou le Canada ?

Les ripostes européennes s’inscrivent avant tout dans un cadre légal, celui de l’OMC. Elles sont la réponse aux mesures unilatérales de Donald Trump, décidées au nom de la sécurité nationale et considérées comme abusives par Bruxelles. Le fait de vouloir entamer une procédure pour régler un différend devant l’OMC est une démarche qui respecte la légalité. Les mesures de rétorsion de l’Union européenne s’inscrivent dans le respect des règles juridiques du multilatéralisme commercial.

A court terme, il y a peu de chances que Donald Trump revienne sur sa décision sachant qu’il y a la perspective des élections. Mais qui sait ? Il y a quelques jours, le président américain est venu au secours du fabricant chinois de téléphonie ZTE alors que celui-ci était menacé par les sanctions américaines.

L’administration Trump est-elle favorable au libre-échange malgré ces différentes décisions ?

L’administration américaine est favorable au libre-échange dans la mesure où celui-ci est gagnant pour les États-Unis. Pendant des années, on a vu se construire un système international qui allait dans le sens de l’intérêt collectif. Avec leur dernière décision, les Américains s’éloignent de cette construction. Les États-Unis ne veulent plus d’un jeu gagnant/gagnant mais d’un jeu gagnant/perdant pour réduire leur déficit commercial.

Les États-Unis prennent-ils vraiment des risques vis-à-vis des règles de l’OMC ?

Les risques sont limités dans la mesure où les procédures pour régler les différends à l’OMC sont très longues. Il apparaît que le chef d’État américain veut passer outre les règles du multilatéralisme. Avec la politique commerciale de Donald Trump, le mercantilisme devient la règle au détriment du multilatéralisme, ce qui pourrait accentuer les déséquilibres sur la scène internationale. On est dans des jeux de puissance de la part de la Chine et des États-Unis qui peuvent refermer l’âge d’or du multilatéralisme comme garant de la stabilité mondiale.




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