Moscovici : la politique du ni-ni
« Il n’est pas question de relâcher en quoi que ce soit l’effort de réduction des dépenses », a déclaré le ministre de l’Economie Pierre Moscovici dans un entretien à l’AFP. « Il n’y aura pas de surajustement structurel, pas de plan d’austérité, pas d’objectif impérieux de satisfaire à un chiffre », a-t-il poursuivi. « Le sérieux budgétaire oui, l’austérité non », a-t-il dit. La Commission européenne a annoncé vendredi qu’elle octroyait à la France un délai de deux ans pour atteindre son objectif de ramener ses déficits publics sous les 3%, ce que Paris a salué comme un « changement de doctrine », une évolution « fondamentale » en faveur de la croissance, mais qui n’a pas été très bien perçue par les conservateurs et les libéraux au pouvoir en Allemagne. »Nous sommes en train d’inventer un nouveau chemin entre réduction des déficits et croissance, cela nous donne le temps de mettre nos réformes à l’oeuvre », a estimé le ministre français. A Berlin, si le gouvernement allemand, traditionnel défenseur de la rigueur budgétaire, est resté neutre, plusieurs hommes politiques de la coalition au pouvoir n’ont pas apprécié la décision bruxelloise. « C’est le mauvais signal. Je ne constate pas que la France entreprenne des réformes. Allonger le délai, c’est simplement dire, continuez comme cela », a déclaré à l’hebdomadaire Focus Michael Stübgen, responsable des questions européennes du groupe parlementaire conservateur (CDU et son parti frère bavarois CSU). Pour le ministre français de l’Economie, ces réactions sont compréhensibles: « ils ont subi un recul idéologique », a-t-il dit. Mais « ce qui compte, c’est que le gouvernement allemand ait une approche pragmatique, et nous traitons avec le gouvernement allemand », a-t-il ajouté. Le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble a d’ailleurs défendu le choix de la Commission, rappelant que « le Pacte de stabilité (…) permet une certaine flexibilité » dans un entretien à paraître dans l’édition dominicale du quotidien Bild . Ce délai donné par Bruxelles à la France pour aller chercher quelques précieux points de croissance a aussi suscité une petite mise en garde de la Banque centrale européenne (BCE) contre un éventuel relâchement en Europe. »Bien sûr, il faut une stratégie de retour à la croissance collective », a déclaré sur France Inter un membre de son directoire, le Français Benoît Coeuré. Mais « ce n’est pas en créant de nouvelles dettes qu’on va résoudre le problème de la croissance en Europe ». Si l’effort français « s’atténue », obtenir le délai « n’aurait pas servi à grand chose ». Il faut respecter deux principes selon lui: « continuer à réduire les déficits », peut-être à différents rythmes selon les pays, et les réduire « d’une manière qui ramène la croissance ». La France a à coeur de rassurer ses partenaires à la veille d’une importante manifestation contre l’austérité organisée à Paris par l’extrême-gauche qui entend réaliser une démonstration de force, la veille du premier anniversaire de l’accession à l’Elysée de François Hollande, président à la peine. »C’est une manifestation de gauche sous un gouvernement de gauche, contre une politique sociale libérale et pour changer les institutions », résumait vendredi son principal promoteur, Jean-Luc Mélenchon pour qui « à 100.000 (manifestants) c’est un triomphe », et alors qu’un certain mécontentement face à l’austérité parcourt le sud de l’Europe. Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a défendu la chancelière allemande Angela Merkel face aux critiques venant de ces pays. »Ce qui se passe en France ou au Portugal, ce n’est pas la faute de Mme Merkel ou de l’Allemagne. Chacun devrait balayer devant sa porte », a dit M. Barroso dans un entretien à paraître dimanche.