Archive pour le Tag 'modes'

Articuler modes de production et transition écologique

Articuler modes de production et transition écologique

 

Dominique Méda, sociologue : « Il est essentiel d’anticiper et d’accompagner les transformations des modes de production de la transition écologique » ( dans Le Monde)

Dominique Méda,Professeure de sociologie à l’Université Paris Dauphine-PSL et présidente de l’Institut Veblen

Les travailleurs n’ont pas tort de craindre les conséquences des politiques environnementales, il faut donc restructurer l’industrie en évitant les erreurs commises pour la sidérurgie ou le textile dans les années 1970-1980, explique la sociologue dans sa chronique.

Les mouvements de colère contre les mesures environnementales, largement soutenus par des partis politiques qui aiment répéter que la France ne représenterait que 1 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales, se multiplient et touchent désormais des catégories professionnelles et sociales de plus en plus nombreuses. Le risque est grand de voir le Pacte vert européen, qui n’était pourtant pas parfait et méritait d’être complété, largement détricoté à la suite des élections de juin alors que les nouvelles du front climatique sont de plus en plus alarmantes. Cette remise en cause, qu’elle prenne ou non des formes protestataires, est très souvent liée à la question de l’emploi et aux craintes légitimes que suscitent les transformations des modes de production exigées par la lutte contre le changement climatique et en faveur de la santé des populations.

C’est la raison pour laquelle il est essentiel d’anticiper et d’accompagner ces transformations. La notion de transition « juste » sert précisément à souligner que celles-ci ne doivent pas se faire au détriment de ceux qui travaillent dans les secteurs appelés à être restructurés, mais que le processus doit être piloté de manière à amortir ou à éviter les chocs, ce qui suppose une vision à long terme, des institutions spécifiques et des moyens.

Nous n’avons pas su, dans les années 1970 et 1980, accompagner sérieusement les restructurations du textile et de la sidérurgie, pas plus que celles des décennies suivantes. Une étude du Centre d’études prospectives et d’informations internationales d’Axelle Arquié et Thomas Grjebine, parue en mars, rappelle fort utilement qu’entre 1997 et 2019, celles-ci s’étaient traduites par « un fort coût individuel en termes d’emploi et de salaire » et que les plans sociaux mis en œuvre n’avaient notamment pas permis une réallocation de main-d’œuvre bénéfique à l’économie locale. Et ce, « contrairement à l’hypothèse de la destruction créatrice » pourtant chère à beaucoup de nos économistes.

Pourquoi les travailleurs des secteurs et entreprises menacés de restructuration ne résisteraient-ils pas de toutes leurs forces à un processus qui risque de leur faire perdre leur emploi et d’aggraver leurs conditions de vie ?
Mais les choses sont peut-être en train de changer. S’il ne s’était pratiquement rien passé en la matière depuis le plan de programmation des emplois et des compétences rendu au gouvernement par [l’ancienne présidente du Medef] Laurence Parisot en 2019, le secrétariat général à la planification écologique a publié en février une estimation du nombre d’emplois susceptibles d’être supprimés et créés par la transition écologique et a lancé des COP régionales destinées à préciser et à enrichir celle-ci (« Stratégie emplois et compétences pour la planification écologique »). Cette importante avancée devra être prolongée par une cartographie précise des compétences actuellement mobilisées et de celles à développer, mais aussi par des décisions claires concernant les productions que nous souhaitons conserver ou relocaliser.

 

Guerre en Ukraine : un révélateur de certains modes de vie

Guerre en Ukraine : un révélateur de certains modes de vie

Le politiste Bruno Villalba considère, dans un entretien au « Monde », que la guerre en Ukraine agit comme un « révélateur » du lien entre nos modes de vie et leurs conséquences sur les équilibres planétaires.

 

Bruno Villalba est professeur de science politique à l’école AgroParisTech, membre du laboratoire de recherches Printemps, où il travaille sur les effets des contraintes écologiques sur l’organisation de la démocratie. Il a dirigé (avec Luc Semal) Sobriété énergétique. Contraintes matérielles, équité sociale, perspectives institutionnelles (Quæ, 2018).

Comment analysez-vous les appels à modérer la température des logements, au nom du refus de financer la guerre de la Russie en Ukraine ?

Cette réaction traduit une prise de conscience bienvenue que notre mode de vie contribue à financer les bombes qui pleuvent sur les Ukrainiens. Cette guerre agit comme un révélateur du lien tangible entre nos actes quotidiens – la température de nos appartements, la vitesse de nos déplacements, notre niveau de consommation – et leurs conséquences sur des familles qui fuient la guerre ou, ailleurs, le réchauffement climatique.

Mais cette prise de conscience doit être nuancée. Si nous sommes prêts collectivement à faire un effort de solidarité, très vite se pose la question du pouvoir d’achat, qui reste en tête des motivations des intentions de vote à la présidentielle. La stabilité du prix de l’essence à la pompe demeure aussi une priorité pour nos gouvernants.

Tout cela témoigne d’une forme de dissociation entre le constat et les actes. Il est regrettable que la plupart des appels à baisser la température de nos chauffages négligent la notion de justice sociale. Tout le monde ne va pas souffrir de la même façon de la crise énergétique qui s’annonce.

Nombreux sont ceux qui dénoncent une « sobriété subie », parce qu’ils vivent aujourd’hui dans la précarité. Que leur répondez-vous ?

La justice sociale est une question centrale quand on parle de sobriété, comme on l’a vu lors du mouvement des « gilets jaunes ». Les mesures de sobriété doivent être pensées en tenant compte des inégalités. Faire peser des politiques d’économie d’énergie sur les catégories sociales qui sont déjà en situation de sobriété contrainte sur le plan de la mobilité, de la consommation ou de l’énergie n’est pas tenable.

A l’inverse, l’idée, largement partagée dans la classe politique, que la productivité pourrait résoudre les inégalités sociales est un leurre, car elle se heurte aux limites planétaires. Maintenir l’idée d’un « rattrapage pour tous » grâce à la relance, c’est faire de fausses promesses qu’on ne pourra pas tenir durablement, parce que le stock de ressources est fini. Et c’est encore plus vrai si on raisonne à l’échelle de la planète. Il y a plutôt un travail de péréquation à établir pour accéder à un bien-être équitablement partagé.

Salaire : de nouveaux modes de rémunération ?

 

Salaire : de nouveaux modes de rémunération ?

 

Fabien Lucron, qui travaille dans un cabinet spécialisé dans la rémunération variable, suggère aux chefs d’entreprise, dans une tribune au « Monde », de recourir à ce dispositif pour répondre aux demandes générales d’augmentation des salaires.

 

Tribune.

 

Après de longs mois de pandémie, le contexte économique moribond a laissé place à une situation économique nouvelle : retour de l’inflation, hausse des cours de l’énergie, problèmes d’approvisionnement, voire pénuries. Parallèlement, sur le marché de l’emploi, la reprise économique est marquée par une baisse du chômage, mais avec une forte tension sur l’embauche, notamment celle des profils techniques et des cadres.

La réponse politique du gouvernement est claire : les entreprises sont appelées à augmenter les salaires pour préserver le pouvoir d’achat et renforcer l’attractivité des entreprises qui peinent à recruter. Les branches sont, quant à elles, attendues pour négocier en tenant compte d’une reprise de l’activité économique au niveau d’avant crise.

Dans ce contexte, tous les indicateurs concordent pour que les demandes des salariés soient exigeantes. Les négociations annuelles obligatoires 2022 promettent d’être tendues !

Contrairement aux idées reçues, les dispositifs variables peuvent s’appliquer à presque tous les postes, dès lors qu’il est possible de mesurer une performance ou de l’évaluer

En effet, la perspective d’une augmentation généralisée peut faire peur aux entreprises par son coût mécaniquement important, pour une efficacité difficile à mesurer, tant en matière de rétention des talents que de capacité à les attirer. Il est plus que jamais l’heure de s’intéresser à des dispositifs encore sous-utilisés par les entreprises.

A la différence du salaire fixe, qui rémunère la tenue de poste, les compétences et expériences acquises, la rémunération variable récompense une performance attendue par l’entreprise. Elle est donc par nature différenciante, car elle rétribue ceux qui ont contribué réellement à la performance.

Elle est efficace si l’on s’assure que les modalités de cette rémunération sont équitables. Cela suppose donc de trouver les bons indicateurs, de s’assurer qu’ils sont bien disponibles en temps voulu et fiables. Cela suppose aussi d’avoir fixé les objectifs en tenant compte du potentiel de chacun permettant ainsi de donner à toutes et à tous les mêmes chances de gagner la prime proposée.

Contrairement aux idées reçues, ces dispositifs variables peuvent s’appliquer à presque tous les postes, dès lors qu’il est possible de mesurer une performance ou de l’évaluer. Aujourd’hui, les entreprises du secteur de la logistique demandent, elles aussi, de déployer des plans de rémunération variable à destination de préparateurs de commandes et de caristes. L’objectif poursuivi est de motiver les salariés à donner le meilleur d’eux-mêmes. Cela permet de libérer des budgets conséquents sous réserve d’un objectif atteint. La rentabilité pour l’entreprise est ainsi améliorée et le coût de l’enveloppe en partie absorbé.

 » Entreprises : vers une mutation des modes de financement ?  »

  •  » Entreprises : vers une mutation des modes de financement »
  • Les entreprises se retrouvent face à des banques au taquet de leur prise de risque, constate dans une interview à l’Opinion Grégoire de Blignières, en charge du conseil en financement chez Mazars.

  • Au cours des derniers mois, les banques ont distribué plus de 120 milliards d’euros de prêts garantis par l’Etat (PGE) à quelque 600 000 entreprises. Ce dispositif est, pour l’heure, prolongé jusqu’à l’été 2021 et ses modalités de remboursement évoluent encore.
  • En quoi les prêts garantis par l’Etat (PGE) ont-ils fortement déstabilisé l’équilibre rendement-risque des banques ?
  • Bien que les PGE soient garantis jusqu’à 90 % par l’Etat, l’exposition des banques s’est sensiblement accrue : d’une part en matière de volume, compte tenu de l’augmentation de l’endettement financier des entreprises (+ 15 points de PIB en six mois), mais surtout en termes de risque. Et pour cause, les 10 % non garantis par l’Etat représentent la tranche marginale de financement la plus risquée. Par ailleurs, en s’endettant pour combler leurs pertes opérationnelles, les entreprises ont vu leur profil de crédit se détériorer sensiblement, en témoignent les vagues de dégradation des notations financières effectuées par les agences de rating. N’oublions pas que, rapporté au PIB, les sociétés non financières de l’hexagone figurent, selon la Banque de France parmi les plus endettées au monde, avec un ratio de 85 %. A cela s’ajoute le fait que ces financements additionnels permis par le PGE ne sont pas rémunérateurs pour les banques, les taux appliqués ne couvrant que les coûts de la garantie et ceux de gestion. En d’autres termes, non seulement les banques font face à une augmentation sensible de leur exposition au risque, mais aussi à une baisse marginale de la rémunération de ce risque. Le principe fondamental de la finance, à savoir l’équilibre du couple rendement-risque, est bouleversé.
    • C’est grave ?
    • La multiplication des défaillances des entreprises — dont le taux a doublé en un an — a naturellement augmenté la prise de risque des banques au point de dégrader la qualité de leurs actifs et de les fragiliser. Cette situation critique devrait se pérenniser, l’année 2021 s’annonce difficile pour le secteur bancaire. Tout cela aura une incidence sur la relation entreprises-banques. Ces dernières n’auront d’autre choix que de rationaliser leurs coûts, donc en l’espèce leurs risques.
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C’est-à-dire ?

  • Compte tenu des contraintes réglementaires, la détérioration de la qualité de crédit des entreprises entraîne mécaniquement une baisse drastique de la rentabilité des banques, qui doivent augmenter leurs fonds propres à due concurrence. A une échelle plus globale et pour maintenir un niveau de rentabilité raisonnable, les banques ont tout intérêt à se désengager des clients les plus risqués et, au cas par cas, à encadrer plus strictement les crédits accordés et à augmenter leurs marges. Cet encadrement, s’il est mal calibré au départ, peut rapidement entraver le développement de l’entreprise emprunteuse. Quant aux marges, on observe déjà sans surprise leur hausse sensible, bien au-delà des paliers habituellement observés dans les grilles indexées sur le niveau de risque de certains crédits.
    • Finalement qui est piégé, la banque ou l’entreprise ?
    • Personne n’est piégé. La relation entre une banque et une entreprise est avant tout commerciale. Le problème est que cette relation est aujourd’hui déséquilibrée puisque, à conditions de crédit équivalentes, le risque porté par les banques a augmenté. Ce déséquilibre va se résorber petit à petit. Quelle que soit la méthode utilisée (crédits plus encadrés, hausse du coût de l’emprunt…), le rééquilibrage passe par une meilleure rémunération du risque associé à la dette, ou par une diminution de la prise de risque.
      • Cette situation va-t-elle impacter la reprise économique attendue l’an prochain ?
      • Tôt ou tard les entreprises vont devoir repartir, ou accélérer. Certaines d’entre elles ont déjà redémarré. Pour cela, il leur faut des moyens pour financer leur croissance. Or, elles se retrouvent face à des banques qui arrivent au taquet de leur prise de risque. Elles vont devoir diversifier leurs sources de financement pour pouvoir se relancer. Il existe plusieurs solutions : la recapitalisation, puisque des fonds propres supplémentaires permettent d’alléger le risque de crédit, ou la diversification de ce risque crédit, c’est-à-dire de leurs dettes, ce qui permettra cette fois d’alléger le risque porté par la banque. Des outils existent (fonds de dette privée, financements adossés, dette cotée, etc.). Les investisseurs institutionnels et privés sont prêts à répondre aux nouveaux besoins des entreprises et à les accompagner sur le long terme. De nombreuses poches sont allouées à ces types de financements, avec 15 % de croissance annuelle attendue sur le private equity dans les cinq prochaines années et 11 % pour les fonds de dette privée. La clé du succès réside en un savant dosage entre, d’un côté, fonds propres et endettement, et de l’autre, financements bancaires et financements désintermédiés.

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