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Mobilisations Sociales : quelles suites ?

Mobilisations Sociales : quelles suites ?

par
Michel Wieviorka
Sociologue, membre Centre d’analyse et d’intervention sociologiques (CADIS, EHSS-CNRS), Auteurs historiques The Conversation France

La réforme des retraites voulue par le président Macron, pour faire sens, aurait dû venir à l’issue d’une co-production avec les partenaires sociaux de transformations relatives au travail. Après, et non avant. Une large consultation du gouvernement avec les acteurs concernés par le travail aurait certainement autorisé une présentation plus convaincante d’une loi sur les retraites. La place, le sens, le contenu du travail, ce qu’il signifie du point de vue collectif, comme pour chaque individu, appelaient en amont attention et profondeur de vue. Le pouvoir l’a compris trop tard : Emmanuel Macron proposant a posteriori une vaste réflexion sur la question du travail.

Et maintenant ?

La contestation, même si elle a pu trouver un espace au sein d’entreprises ou de certains secteurs comme l’Éducation nationale n’a été qu’accessoirement l’occasion d’un conflit direct du mouvement syndical avec les directions d’entreprise.

Déjà avec les « gilets jaunes », apparus en novembre 2018, la protestation sociale se jouait en dehors des lieux de travail, avec même indifférence ou hostilité vis-à-vis des syndicats. Avec le refus de la loi de réformes des retraites, il y a bien eu ici et là action sur ces lieux. Mais pour contribuer à l’arrêt du pays et de fait à un début de paralysie dans le pétrole, le ramassage des ordures ménagères ou les transports publics, plus que pour s’affirmer face aux employeurs. Le patronat s’est montré peu loquace, et absent dans le débat sur la loi de réforme, à laquelle il était plutôt favorable ; il ne s’est guère mis en avant.

Or c’est là où l’on travaille que se jouent les relations qui confèrent son sens à l’action syndicale. Il y a là un paradoxe. Il a fallu les accords de Grenelle, en 1968, pour que le droit à la section syndicale d’entreprise, revendication-phare de la CFDT, soit acquis, puis entériné par la loi en décembre 1968.

Or lorsque le président Emmanuel Macron veut bien concéder un rôle au syndicalisme, c’est à ce seul niveau de l’entreprise, et de plus en l’y affaiblissant, on l’a vu avec les ordonnances du 22 septembre 2017 réduisant le nombre de représentants du personnel. Ainsi, une conquête des syndicats est devenue l’horizon où les enferme un chef de l’État qui proscrit pour eux tout rôle d’interlocuteur national, y compris en disqualifiant les branches professionnelles.

Pendant un siècle et demi, le travail a été pensé sous deux angles, celui de l’émancipation et de la créativité, et celui de l’aliénation et de l’exploitation. Il a été au fondement de rapports dits de production, que l’action syndicale et politique de gauche mettait en cause sur un mode réformiste ou révolutionnaire. C’est en tant que travailleurs que se dressaient des acteurs porteurs de projets allant jusqu’à en appeler à l’accès au pouvoir d’État au moins en partie d’en bas, depuis l’usine, ou les bureaux, pour tenter de s’élever au niveau politique et institutionnel et à celui de l’État.

Associé à l’injustice, à des privations de droits, au manque ou à la perte de sens, à des atteintes à l’intégrité physique et morale des ouvriers, le travail dans le passé a fondé des logiques de résistance et de reconnaissance, alimenté des contre-projets, des utopies, l’appel ardent à un autre monde. L’acteur se définissait comme un travailleur concerné aussi bien par des enjeux modestes que par la contestation de l’organisation sociale et politique, et de la division du travail ; par des demandes limitées mais aussi des visées relatives à l’investissement, à la formation, ou à la culture. Le bon syndicaliste était celui qui savait passer des unes aux autres.

Le travail a été indissociable de projets de renversement de la domination, de rejet de l’aliénation, de refus de l’exploitation et d’accès au pouvoir, et la figure du travailleur a pu incarner les mythes liés à ces projets. Puis d’immenses transformations ont marqué l’entrée dans une ère post-industrielle, de communication.

Féminisme, débats éthiques portant sur la procréation ou sur la fin de vie : des conflits inédits ou renouvelés mettent directement en jeu la personne singulière, dans son intimité, ses relations interpersonnelles, sexuelles, familiales, et dans ce qui touche à la vie et à la mort. Le travail est concerné, qu’il s’agisse par exemple de l’égalité des femmes et des hommes, ou de questions de harcèlement.

Environnement, changement climatique : d’autres sujets percutent la sphère professionnelle quand il s’agit par exemple de produire sans polluer.

La place du travail en est relativisée, il cesse d’accompagner des visées historiques ou politiques. Arrêtons d’en parler comme dans le passé, et d’y voir l’identité de ceux qui seraient le sel de la terre : c’est fini. Mais sans accepter tout ce qui l’évacue et conduit à parler de « fin du travail » comme dans le livre de Jeremy Rifkin qui porte ce titre (1996).

Parler du travail, c’est savoir que les « travailleurs » veulent du temps libre, en vacances, durant la retraite, c’est évoquer sa pénibilité, les injustices et les inégalités qu’il accompagne, les rémunérations insuffisantes qui le rétribuent.

Ce peut aussi consister à demander l’élargissement du cadre du dialogue social, malmené avec le président Macron, à œuvrer pour plus de droits sociaux. Ne plus rêver d’une société des travailleurs, qui parviendraient en tant que tels au pouvoir, au contrôle de la production, de l’accumulation, et des orientations principales de la vie collective ne devrait pas empêcher de revendiquer une participation au pouvoir et à la décision, au niveau de l’entreprise comme à celui de la vie générale du pays.

Trois voies se dessinent

Les grandes centrales syndicales annoncent en mai 2023 des dizaines de milliers de nouveaux adhérents.

Il y a là un point essentiel. Si les travailleurs en tant que tels désirent obtenir des avancées sociales, il leur faut effectivement se mobiliser par le bas, sur le terrain, là où se jouent les relations de travail et où, sans qu’on puisse comparer l’action contemporaine aux espoirs passés du mouvement ouvrier, au temps de sa splendeur, des changements considérables peuvent résulter de leur engagement.

En fait, trois voies principales dessinent aujourd’hui un avenir possible pour la poursuite du mouvement. La première est politique, et vaine vu la déliquescence de la vie parlementaire et partisane* ; elle ne peut qu’osciller entre radicalité sans perspective – c’est plutôt le cas avec la France Insoumise – et combinaisons politiciennes peu glorieuses, du type de celles ayant échoué entre le pouvoir et les Républicains pour le vote de la loi de réforme des retraites.

La deuxième est celle d’une violence plus ou moins étrangère à l’action syndicale : elle substitue au débat sur le fond des polémiques relatives à ses responsables et acteurs, policiers et black blocs notamment.

La troisième est sociale, syndicale. La lutte sur les retraites s’est jouée à un niveau national, dans l’attente d’un traitement politique de la demande d’abandon du passage de 62 à 64 ans de l’âge légal de la retraite.

La mobilisation pourrait se prolonger durablement, avec des résultats peut-être moins visibles, car plus diversifiés, mais peut-être bien plus encore durables et importants en exigeant que s’élargisse et se transforme le paysage du travail au sein des entreprises privées comme du secteur public.

Conditions de travail, de son organisation, qui pourrait devenir bien plus participative, cogestion, prise en charge de thèmes sociétaux forts : l’espace des améliorations possibles est immense.

Le syndicalisme pourrait trouver là de quoi poursuivre sa relance, et à partir de là, mener des combats généraux. Le pouvoir politique y trouverait une certaine crédibilité dans l’opinion, la fin d’une séquence où il est apparu brutal et sourd. Une telle évolution ne réglerait évidemment pas tous les problèmes, qu’il s’agisse de l’engagement, notamment des jeunes, sur des enjeux d’une autre nature, hors travail, ou des carences d’une gauche qui ne peut assurer le traitement politique du social. Mais elle serait une contribution décisive à la relance générale de la vie démocratique.

Le moment est venu pour les secteurs réformistes du syndicalisme de faire valoir d’importantes exigences pour modifier en profondeur, de bas en haut, et d’abord en bas, le système social français, et pour accentuer la dynamique qu’a mise en branle la contestation de la loi de réforme des retraites. Cette voie offre d’autres alternatives au système politique actuel ou à la tentation d’une radicalité plus ou moins violente.

Réforme des retraites : nouvelles mobilisations le 11 mars, et le 15 mars

Réforme des retraites : nouvelles mobilisations le 11 marset le 15 mars

Les organisations syndicales annoncent de nouvelles mobilisations pour le 11 et le 15 mars.

Les organisations ont également annoncé qu’elles adresseraient un courrier au président Emmanuel Macron, afin d’être reçues « en urgence pour qu’il retire sa réforme ».

« Cela ne peut plus durer ». L’intersyn
dicale a demandé mardi 7 mars soir à être « reçue en urgence » par Emmanuel Macron « pour qu’il retire sa réforme » des retraites et a annoncé deux nouvelles journées de mobilisation samedi 11 mars et la semaine prochaine, le jour de la commission mixte paritaire (soit le 15 mars). « Le silence du président de la République constitue un grave problème démocratique », a dénoncé l’intersyndicale dans un communiqué, en précisant qu’elle « adressera un courrier » au chef de l’Etat afin qu’une rencontre soit organisée.

Réforme des retraites : de très fortes mobilisations en janvier

Réforme des retraites : de très fortes mobilisations en janvier


Contrairement aux habitudes, les syndicats ont pris le temps de la réflexion sur la stratégie à conduire pour contrer la réforme des retraites du gouvernement. Ils ont sans doute aussi tenu compte de leurs différentes appréciations concernant la nécessité d’une réforme et ses modalités. Pour l’instant, l’objectif est de construire une solide unité pour préparer de grandes grèves générales sans doute en janvier.

Des grèves qui seront largement soutenues par les syndicats des salariés des régimes spéciaux mais aussi par tous les salariés.

En effet pour diviser, le pouvoir a prévu d’appliquer la clause du grand-père aux régimes spéciaux ; en clair n’appliquer la réforme des retraites qu’aux nouveaux entrants alors que la réforme s’appliquera dès maintenant dans le privé pour les salariés nés à partir de 1961.

Une inégalité qui pourrait bien renforcer la mobilisation du privé d’autant que les fonctionnaires pourront être complètement exemptés. Bref on est loin de la réforme universelle et égalitaire.

Dans un communiqué commun, publié ce mardi, ils mettent en garde l’exécutif : « Les organisations sont comme la très grande majorité de la population, fermement opposées à tout recul de l’âge légal de départ en retraite comme à toute augmentation de la durée de cotisation ». Et de menacer : « Si le gouvernement demeurait arc-bouté sur son projet, il y aurait des mobilisations et grèves unitaires en janvier ». Ou encore « le gouvernement en s’entêtant, porterait l’entière responsabilité d’un conflit social majeur ».

Le climat général pourrait effectivement se détériorer car la conjoncture sociale est relativement inflammable notamment avec l’inflation qui tue le pouvoir d’achat. L’inflation sur les produits alimentaires, ainsi que sur les coûts de l’énergie ne cesse de grimper. Et ce n’est pas terminé : en janvier prochain, le gouvernement va réduire son soutien aux ménages, en supprimant par exemple la ristourne à la pompe, ou encore en limitant les effets du bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité.

Jusqu’alors les revendications portaient sur les salaires et les conditions de travail, mais la retraite, thème fédérateur par excellence, pourrait être l’étincelle qui met le feu aux poudres.
Surtout que le projet du gouvernement est ambitieux. La semaine dernière, Elisabeth Borne a fait savoir, dans un entretien au Parisien -Aujourd’hui en France, qu’elle souhaitait reculer l’âge de départ de 62 ans à 65 ans… Et ce pour dès la génération née en 1961. Sans compter que l’exécutif veut aller vite, et voir entrer en vigueur sa réforme dès l’été 2023. Il vise la présentation de son projet mi-décembre, pour un envoi au conseil d’Etat en fin d’année, une inscription en conseil des ministres en janvier, et une discussion parlementaire en début d’année.prix de l’énergie à 10 %, Comité d’entreprises etc… )

Il n’empêche, malgré le risque d’embrasement social que comporte ce projet de réforme, et le contexte dans lequel il va être présenté, le gouvernement se montre déterminé.
Selon plusieurs ministres : « il n’y a jamais de bons moments pour faire ce type de réformes ». Il en va, selon eux, de la réussite du quinquennat. « Emmanuel Macron doit transformer radicalement la société. Or, pour le pouvoir la réforme des retraites est la mère des réformes, c’est sans doute ce qui pourra seulement rester de la gestion de Macron mais cette réforme pourrait aussi être son tombeau.




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