Archive pour le Tag 'Mitterrand'

Macron: Comme Mitterrand instrumentaliser l’extrême droite

Macron: Comme Mitterrand instrumentaliser l’extrême droite

« Jupitérien » par sa vision d’une présidence incarnée et verticale, Emmanuel Macron s’assume comme l’héritier de son lointain prédécesseur socialiste et de sa conception du pouvoir, analyse, dans une tribune au « Monde », l’historien de la presse Alexis Lévrier.

 

Sur son programme Macron  laisse assez indifférent une très grosse majorité de Français par contre comme Mitterrand il pourra compter sur le rejet de l’extrême droite pour assurer sa victoire. Le rejet des autres comme principal soutien ! De quoi fragiliser la légitimité. NDLR

 

Tribune.

Lancée quelques jours après l’invasion de l’Ukraine, la campagne du candidat Emmanuel Macron ne ressemble évidemment à celle d’aucun président en exercice sous la Ve République. Mais cette situation internationale inédite n’a fait que conforter le chef de l’Etat dans sa pratique du pouvoir comme dans ses choix de communication. Plus que jamais, au moment de s’élancer vers un second mandat, il apparaît ainsi comme l’héritier assumé de François Mitterrand : la référence est même théâtralisée, puisque le président a choisi d’entrer en campagne, comme son prédécesseur en 1988, en publiant une lettre aux Français dans la presse régionale. Surtout, il s’est, lui aussi, déclaré au dernier moment et a tout mis en œuvre pour enjamber l’élection, en limitant autant que possible ses apparitions.

 

De manière plus générale, cette campagne éclair, en surplomb, apparaît comme l’aboutissement d’un quinquennat durant lequel Emmanuel Macron n’a cessé de s’inspirer du premier président socialiste et de sa conception du pouvoir. La dénomination « Jupiter » elle-même, qu’il a revendiquée en 2016 pour théoriser son attachement à une présidence incarnée et verticale, est du reste un emprunt direct à François Mitterrand et à son principal conseiller en communication, Jacques Pilhan.

En toute logique, ce quinquennat « jupitérien » se termine donc comme il a commencé : par une maîtrise extrême de l’image et une raréfaction de la parole du président. Mais un autre lien, moins assumé celui-là, unit le chef de l’Etat à son lointain devancier : mitterrandien, Emmanuel Macron l’a aussi été pendant cinq ans dans sa volonté d’instrumentaliser la place de l’extrême droite dans les médias. Dès le début de son premier septennat, François Mitterrand avait en effet usé de toute son influence pour que le Front National soit davantage représenté à la radio et à la télévision. Comme en témoignent des échanges de courriers officiels en juin 1982, le président était même intervenu auprès de son ministre de la communication, au nom de « l’obligation de pluralisme », pour que Jean-Marie Le Pen soit désormais invité par les chaînes de télévision.

Avant même son élection en 2017, Emmanuel Macron a, lui aussi, noué des liens paradoxaux avec la droite radicale par médias interposés. Des passerelles avec les médias du groupe Bolloré et avec Eric Zemmour ont ainsi été construites dès le début du quinquennat. Le chef de l’Etat a également cultivé des rapports singuliers avec l’équipe de l’hebdomadaire Valeurs actuelles, dont la ligne éditoriale se situe pourtant à l’opposé de ses propres convictions : après avoir reçu à l’Elysée une partie de la rédaction en avril 2019, il a accordé, quelques mois plus tard, dans des conditions privilégiées, un entretien particulièrement complaisant à Louis de Raguenel [rédacteur en chef du journal].

«Mitterrand a tué la gauche » (Michel Onfray)

« Mitterrand a tué la gauche »  (Michel Onfray)

Le philosophe Michel Onfray  dresse dans une interview au Figaro un bilan accablant de celui qui réalisa le plus long mandat d’un président sous la Ve République. Il date aussi de son exercice du pouvoir la naissance d’un fascisme de gauche, qui se traduit aujourd’hui par l’arrivée de l’intersectionnalité dans la sphère de la pensée.

Quarante ans après, quelles leçons tirez-vous des deux mandats de Mitterrand à l’Élysée?

 

Je n’ai pas eu besoin de quarante années pour comprendre ce que j’avais déjà saisi en mars 1983: François Mitterrand vient de l’extrême droite, ce qui lui a permis de faire carrière, de ses jeunes années, avant-guerre et guerre comprise, à sa conversion opportuniste au socialisme dès qu’il a compris que, pour parvenir au pouvoir, dans la configuration de la Constitution de 1958 et de l’élection du président de la République au suffrage universel direct, il lui fallait obtenir deux choses: droitiser, sinon fasciser le général de Gaulle, ce qui fut fait avec son pamphlet Le Coup d’État permanent (1964), puis se retrouver en face de lui comme le seul opposant de gauche, dès lors séduire le peuple de gauche en s’emparant de ce qui deviendra le Parti socialiste et réaliser l’union de la gauche qui le portera au pouvoir.

 

Le philosophe souligne surtout qu’une fois parvenu au pouvoir, il gouverne vingt-deux mois à gauche et, face à sa gestion catastrophique opère un virage à droite qui va tuer la gauche.

 

Tapie : une affaire qui dure grâce à Mitterrand, Sarkozy et Macron

Tapie : une affaire qui dure grâce à Mitterrand, Sarkozy et Macron

 

 

On pourrait éventuellement s’étonner qu’une affaire comme celle de tapie s’éternise autant si on ne prenait pas en compte la dimension politique. Il y a en effet 25 ans que cette histoire a commencé. D’abord avec Mitterrand qui a fait pression sur le Crédit Lyonnais afin que ce dernier accorde le financement nécessaire au rachat d’Adidas par Tapie. Sans ce financement, ce rachat était complètement impossible. Quand Adidas a été revendu pour rembourser notamment les dettes que devait Tapie au crédit lyonnais, Tapie s’est estimé lésé. Il a donc engagé des procédures judiciaires contre le crédit lyonnais. Des procédures qui ont duré des années sans résultat pour Tapie. Jusqu’au jour où Tapie a persuadé le gouvernement de mettre en place un tribunal arbitral très spécial qui a jugé qu’il fallait accorder ces 400 millions dont 45 pour préjudice moral ! Il faut préciser qu’à  un moment proche de la gauche, et même ministre, tapie  s’est fortement rapproché de Sarkozy et lui a même apporté son soutien. D’où la pression de Sarkozy sur sa ministre des finances de l’époque, Christine Lagarde, pour aller dans le sens de ce tribunal arbitral très spécial… (Dont l’un des membres était un proche de Sarkozy) pour accorder vite fait, bien fait les 400 millions. Mais d’autres procédures ont démontré que c’est 400 millions justifiaient  de l’accusation de fraude. Aujourd’hui c’est Macon qui est au pouvoir et ce n’est sans doute pas un hasard non plus si tapie  ne manque pas de complimenter l’intéressé sur le bien-fondé de sa politique. Par ailleurs Macron est pour le moins empêtré aussi dans cette affaire. Si  mis en examen avaient été condamnés alors  c’est l’état même qui était remis en cause. Inévitablement on aurait fait  des liens avec Sarkozy (qui lui aussi ne cesse de complimenter Macron sans doute en raison de ses affaires en cours). Christine Lagarde récemment nommée présidente  de la BCE aurait à nouveau subi le feu des critiques. Il en est de même pour le président de la très stratégiques entreprise mondiales Orange (alors directeur du cabinet de Christine Lagarde). Mais l’affaire n’est sans doute pas terminé mais on espère que le feuilleton pourra durer encore des mois et des années pour finir comme souvent ….en eau de boudin

Valls : héritier ou bâtard de Mitterrand

Valls : héritier ou bâtard de Mitterrand

 

 

En mal de voix, Manuel Valls ne cesse de gauchiser  son discours. L’ancien premier ministre est en effet menacé aujourd’hui d’être dépassé par Montebourg et Hamon pour la primaire de la gauche. Du coup, il invoque le souvenir des grands ancêtres et se déclare même héritiers de François Mitterrand lequel effectivement a toujours réussi à maintenir une unité idéologique factice au sein du parti socialiste. Ce qui est loin d’être le cas dans le PS actuellement qui navigue entre cryptocommunisme, social-démocratie et social- libéralisme. Manuel Valls n’a rien fait pour entretenir la confusion, il a même voulu débarrasser le parti socialiste de ses gauchistes. En outre, sa pratique de premier ministre s’est largement éloignée de l’utopie socialiste. Sur le fond, les divergences sont considérables. Sur la forme Valls a joué la carte de l’autoritarisme. Du coup Emmanuel Valls doit ramer pour espérer représenter les vertus socialistes traditionnelles. D’où cette référence surprenante à François Mitterrand dont il ne serait certainement pas l’héritier mais plutôt le bâtard car il lui manque cette habileté machiavélique et sans doute l’intelligence de l’ancien président de la république. Manuel Valls, qui s’emploie à « gauchiser » son discours au nom du rassemblement après avoir ferraillé contre l’aile gauche du Parti socialiste durant le quinquennat, s a déclaré s’inscrire dans un héritage en forme d’auberge espagnole de « François Mitterrand, Pierre Mauroy, Michel Rocard, Lionel Jospin, la gauche qui assume les responsabilités malgré les difficultés, fait changer les choses. ». Le problème c’est que Manuel vache ne parvient pas à se dépêtrer de ses contradictions entre d’une part le bilan de sa gestion comme premier ministre et des promesses nettement gauchisées. Par exemple le candidat souhaite désormais limiter son recours aux seuls textes budgétaires et a affirmé jeudi soir sur France 2 que son utilisation – par six fois alors qu’il était à Matignon – lui avait été « imposée » par les frondeurs socialistes. « On a beaucoup souffert du 49-3. Même en tant que membres du gouvernement, on a beaucoup souffert. Tout le travail positif qu’on faisait à côté était étouffé par les manifestations, par les protestations », a-t-elle lâché. Yannick Jadot, candidat écologiste à la présidentielle, a fustigé à ce propos en Manuel Valls un « Docteur Jekyll et Mister Hyde ». « Je ne suis pas sûr que ça renforce la crédibilité de la parole politique aujourd’hui », a-t-il dit sur France 3. Selon un sondage Ifop pour Le Journal du Dimanche, l’avance de Manuel Valls sur ses concurrents se réduit, notamment sur Arnaud Montebourg qui le battrait dans l’hypothèse d’un duel au second tour. Les sympathisants de gauche sont 36% (-9 par rapport à décembre) à souhaiter l’investiture de Manuel Valls, contre 24% (-1) celle d’Arnaud Montebourg et 21% (+7) celle de Benoît Hamon. La primaire se déroule les 22 et 29 janvier prochains. Le premier des quatre débats est prévu jeudi soir. « Il s’agira de voir si cette primaire est utile au rassemblement de la gauche ou si elle ne change rien à ce qui est le paysage éclaté de la gauche », a déclaré Benoît Hamon dimanche dans « Questions politiques » sur franceinfo-France Inter-Le Monde. « Si on passe le cap des deux millions, on se donne l’assise à partir de laquelle le vainqueur ou la ‘vainqueure’ aura de la force politique », a-t-il ajouté, espérant une participation supérieure à deux millions. Le PS table sur 1,5 à 2 millions de participants. Arnaud Montebourg a présenté samedi ses voeux aux Français, dans son fief de Saône-et-Loire, en se revendiquant de la « France du travail » et « des territoires », critiquant en creux Benoît Hamon et sa proposition de revenu universel.

Hollande est-il encore de gauche……. Comme Mitterrand !

Hollande est-il encore de gauche……. Comme Mitterrand !

Êtes-vous encore de gauche ? C’est la question qui a été posée à trois reprises à François Hollande lequel a éprouvé quelques difficultés à se positionner. Pas étonnant Hollande n’est sans doute pas plus de gauche que ne l’était Mitterrand. Certes l’affichage, surtout pendant les campagnes électorales et très marquée à gauche (Mitterrand voulait en finir avec le capitalisme, Hollande avec la finance) mais une fois au pouvoir un président socialiste ne fait pas grand-chose de différent par rapport un président de droite. Une problématique qui explique largement la montée du front national. Certes, il reste le totem des valeurs derrière lesquels on s’abrite mais pour mieux masquer l’absence de prise en considération des réalités socio-économiques et sociétales. Par ailleurs Hollande-comme Mitterrand -est un oligarque qui a toujours vécu de la politique et  coupé des  réalités concrètes de ceux  qu’il est sensé représenter. D’une certaine manière, Hollande- comme Mitterrand- illustre bien le détournement d’objet social du parti socialiste qui aujourd’hui ne se situe ni à droite ni à gauche mais plutôt nulle part. En cause surtout une sociologie des principaux responsables qui ne peut justifier d’aucune représentativité des couches sociales supposées défendues par le parti socialiste. Pas étonnant si Hollande a éprouvé autant de difficultés à dire s’il était toujours de gauche. Première tentative de réponse: «Je suis président de la République, je représente tous les Français.» Relance du journaliste: «Etes-vous de gauche?» Deuxième ébauche de réponse: «Mon parcours, ma vie, mon engagement, mes choix sont toujours ceux qui permettent de respecter l’égalité, la dignité humaine et le progrès.» Ce n’est qu’à la troisième question que M. Hollande concédera, finalement, que «toute [sa] vie est une vie d’un homme qui s’est engagé à gauche et qui le reste». Et de poursuivre: «Je suis toujours engagé comme je l’ai été mais je ne suis plus un militant.» Contesté par une partie des électeurs depuis qu’il a accédé à la présidence de la République, 2012, François Hollande conclut : «Je suis le président de la République française qui doit agir en fonction de ses propres valeurs, de ses propres engagements, pour le bien du pays et en n’oubliant rien de ce que je suis, de ce que j’ai fait et de ce que je ferai demain, parce que mon engagement n’a pas changé.»

PS : une trahison des valeurs depuis Mitterrand

PS : une trahison des valeurs depuis Mitterrand

La défaite du PS aux régionales s’inscrit dans un long processus de dégénérescence d’un parti qui progressivement a abandonné toutes ses valeurs et qui peut être considéré aujourd’hui comme une formation politique de centre-droit d’orientation libérale. Le début du processus a commencé dès la création du PS et sa prise en main par Mitterrand. Le parti socialiste créé notamment à la suite des assises du socialisme s’est débarrassé immédiatement des couches sociologiques populaires (militants d’associations, syndicalistes, ouvriers, employés du privé, agriculteurs, petits chef d’entreprise). La direction a été appropriée par des vieux routiers de la politique, par des technocrates, des bourgeois et autres arrivistes. Aujourd’hui pour l’essentiel ce sont encore de hauts fonctionnaires souvent issus de familles bourgeoises qui dirigent le parti avec quelques autres oligarques qui font carrière dans la politique. Autant dire une sociologie peu représentative de la population. Hollande, Valls, Fabius, Macron sont  des exemples du mode de reproduction des élites au PS. Pour s’attirer les voix de gauche  lors des campagnes le PS a toujours affiché des positions à la fois gauchistes et démagogiques. Mais à chaque fois en situation de pouvoir il a abandonné ses propres orientations pour faire finalement une politique sociale libérale. Les rares fois où le PS au pouvoir a voulu prendre des mesures de gauche il s’est lamentablement planté par son incapacité à articuler problématiques sociales et problématiques économiques (dernier exemple catastrophique : les 35 heures). Finalement le PS s’inscrit dans la trajectoire de la SFIO et  aura le même destin, c’est-à-dire la disparition. Une disparition inévitable dans la mesure où la soif de pouvoir des apparatchiks a fait office de ligne idéologique. Aucun leader du PS ( hormis Rocard) n’a été capable de définir un contenu au concept de social-démocratie et du coup le parti a fait en permanence le grand écart entre des discours gauchistes est une pratique libérale par ailleurs souvent malheureuse dans sa mise en œuvre. Mitterrand a trahi, Hollande a trahi, son éventuel successeur type Valls  trahira de la même façon. En cause surtout : l’ignorance qu’ils ont du milieu dont il se revendique.

Prix du livre politique à Fréderic Mitterrand

Prix du livre politique à Fréderic Mitterrand

On peut aimer ou non Frédéric Mitterrand mais au moins il ne manque pas d’humour et de recul sur le monde politique et ses turpitudes. Cette année, le prix du livre politique a été décerné à Frédéric Mitterrand pour La récréation, aux éditions Robert Laffont. Une sorte de journal intime du pouvoir, lorsqu’il était ministre sous Nicolas Sarkozy. « Avec le recul, ce qui m’a plu dans cette aventure c’est d’avoir pu sauter dans la cage aux lions et observer leur férocité, leurs grognements et leurs faiblesses. Ce fut à la fois dangereux, excitant et amusant car je n’étais pas dompteur de profession mais aussi bien décidé à ne pas me faire manger. J’ai reçu pas mal de coups de griffes mais j’en suis quand même sorti sain et sauf« , note-t-il. Chaque année, la Journée du livre politique rassemble plus d’un millier de visiteurs, d’auteurs et de personnalités politiques. Le prix du livre politique est décerné par un jury de 30 journalistes (directeurs ou rédacteurs en chef des services politiques des grands médias nationaux).

Tapie : scandale d’Etat de Mitterrand à Sarkozy

 Tapie : scandale d’Etat de Mitterrand à Sarkozy

Laurent Mauduit*

 

Mis en difficulté avec l’affaire Cahuzac, les socialistes ont trouvé avec le scandale Tapie une opportunité de contre-attaque pour dénoncer l’affairisme qui avait cours sous le précédent quinquennat. En chœur, tous les hiérarques de la Rue de Solferino dénoncent donc à qui mieux mieux cette « affaire d’Etat ».  Ils se font un malin plaisir de souligner qu’elle va nécessairement éclabousser Nicolas Sarkozy, à l’origine des instructions qui ont conduit au désormais célèbre arbitrage et aux 403 millions d’euros perçus sans doute indûment par Bernard Tapie.  Au risque de jouer les rabat-joie, il faut pourtant dire les choses telles qu’elles sont : les dignitaires socialistes n’ont aucune raison de tirer la couverture à eux et de s’attirer les mérites de ce spectaculaire épilogue judiciaire qui est en train de se jouer, avec la mise en examen de l’un des arbitres pour «escroquerie en bande organisée».  D’abord parce qu’ils n’ont pas joué les premiers rôles dans la bataille pour que la vérité finisse par émerger – le président du MoDem, François Bayrou, a manifesté une pugnacité autrement plus remarquable. Et puis, surtout, les socialistes ont une part de responsabilité dans cette histoire stupéfiante, qu’il est opportun de ne pas oublier.  En quelque sorte, Bernard Tapie fait le pont entre les aspects les plus sombres du mitterrandisme et les traits les plus saillants du sarkozysme. Ou, si l’on préfère, c’est un formidable révélateur de l’affairisme qui avait cours sous le premier, et qui s’est encore accentué sous le second. L’histoire de Bernard Tapie peut en effet se résumer à ce sidérant raccourci : le scandale, c’est sous François Mitterrand qu’il a commencé, et c’est sous Nicolas Sarkozy qu’il s’est achevé.  Sa bonne fortune, c’est, de fait, sous le second septennat de François Mitterrand que Bernard Tapie a commencé à la connaître. D’abord parce que les socialistes ont pris à l’époque la responsabilité de le présenter sous les traits d’un entrepreneur modèle, au point de faire de lui un ministre, alors qu’il n’était qu’un aventurier sans trop de scrupule de la vie financière, jouant en permanence sur le registre du populisme.  Mais il y a encore beaucoup plus grave que cela. C’est que Bernard Tapie a tiré financièrement avantage de cette courte échelle que lui ont faite les socialistes. L’homme d’affaires se présente en effet souvent en victime et fait valoir qu’il aurait été floué par le Crédit lyonnais lors de la revente du groupe Adidas, mais la vérité est tout autre. S’il n’avait pas été protégé par François Mitterrand, il n’aurait jamais profité des bonnes grâces du Crédit lyonnais, qui était à l’époque une banque nationalisée.

 

On oublie trop souvent que Bernard Tapie n’a jamais engagé le moindre argent personnel – pas un seul centime - lors de sa prise de contrôle, en juillet 1990, du groupe Adidas : c’est la banque publique qui a financé l’opération, en lui faisant un prêt de 1,6 milliard de francs sur deux ans ; prêt que Bernard Tapie n’a jamais été capable de rembourser. Or, deux ans plus tard, après déjà bien des péripéties, si la banque, à l’époque dirigée par Jean-Yves Haberer, avait été un établissement normal ; si l’Elysée n’avait pas fait comprendre que Bernard Tapie était sous sa protection et allait bientôt redevenir ministre, l’histoire se serait arrêtée là.

Le Crédit lyonnais aurait fait jouer les nantissements dont il disposait sur les titres Adidas de Bernard Tapie, et il n’y aurait pas eu de litige commercial les années suivantes. Et il n’y aurait pas eu non plus d’arbitrage seize ans plus tard.

En somme, Bernard Tapie a profité d’un traitement de faveur indigne d’une démocratie, en 1992, parce qu’il était l’un des protégés de François Mitterrand. Et c’est grâce à cela, sans jamais avoir investi le moindre sou dans Adidas, qu’il a pu, longtemps après, intriguer dans les coulisses du pouvoir sarkozyste.

 

A bon droit, on peut donc juger sévèrement cette histoire d’arbitrage, dont Nicolas Sarkozy et Christine Lagarde ont pris l’initiative en 2007. Très sévèrement, surtout si la justice arrive à étayer ce qui est aujourd’hui sa suspicion, à savoir que toute la procédure n’a été, en réalité, qu’une invraisemblable «escroquerie», conduite par une «bande organisée» qui pourrait avoir des ramifications jusqu’à l’intérieur même de l’Etat.

Mais il ne faut donc pas perdre de vue que ce scandale trouve sa source dans d’autres dérives, celles qu’ont connues les socialistes au début des années 90. Epoque passablement glauque ! C’étaient les «années-fric», les années de «l’argent fou», éclaboussées par une cascade de scandales, du délit d’initiés de Pechiney-Triangle jusqu’aux détournements d’Elf.  De cette époque lointaine, où Bernard Tapie était le protégé de l’Elysée, il reste d’ailleurs des traces. Car, aujourd’hui encore, quelques socialistes lui sont restés fidèles et défendent sa cause. A commencer par le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, qui intrigue en permanence en sa faveur.  En quelque sorte, Bernard Tapie est un trait d’union entre deux époques détestables, où la démocratie était anémiée et l’affairisme, prospère. En sommes-nous vraiment sortis ?

* laurent.mauduit@mediapart.fr

 

Affaire Tapie : scandale d’Etat de Mitterrand à Sarkozy

Affaire Tapie : scandale d’Etat de Mitterrand à Sarkozy

Laurent Mauduit*

 

Mis en difficulté avec l’affaire Cahuzac, les socialistes ont trouvé avec le scandale Tapie une opportunité de contre-attaque pour dénoncer l’affairisme qui avait cours sous le précédent quinquennat. En chœur, tous les hiérarques de la Rue de Solferino dénoncent donc à qui mieux mieux cette « affaire d’Etat ».  Ils se font un malin plaisir de souligner qu’elle va nécessairement éclabousser Nicolas Sarkozy, à l’origine des instructions qui ont conduit au désormais célèbre arbitrage et aux 403 millions d’euros perçus sans doute indûment par Bernard Tapie.  Au risque de jouer les rabat-joie, il faut pourtant dire les choses telles qu’elles sont : les dignitaires socialistes n’ont aucune raison de tirer la couverture à eux et de s’attirer les mérites de ce spectaculaire épilogue judiciaire qui est en train de se jouer, avec la mise en examen de l’un des arbitres pour «escroquerie en bande organisée».  D’abord parce qu’ils n’ont pas joué les premiers rôles dans la bataille pour que la vérité finisse par émerger – le président du MoDem, François Bayrou, a manifesté une pugnacité autrement plus remarquable. Et puis, surtout, les socialistes ont une part de responsabilité dans cette histoire stupéfiante, qu’il est opportun de ne pas oublier.  En quelque sorte, Bernard Tapie fait le pont entre les aspects les plus sombres du mitterrandisme et les traits les plus saillants du sarkozysme. Ou, si l’on préfère, c’est un formidable révélateur de l’affairisme qui avait cours sous le premier, et qui s’est encore accentué sous le second. L’histoire de Bernard Tapie peut en effet se résumer à ce sidérant raccourci : le scandale, c’est sous François Mitterrand qu’il a commencé, et c’est sous Nicolas Sarkozy qu’il s’est achevé.  Sa bonne fortune, c’est, de fait, sous le second septennat de François Mitterrand que Bernard Tapie a commencé à la connaître. D’abord parce que les socialistes ont pris à l’époque la responsabilité de le présenter sous les traits d’un entrepreneur modèle, au point de faire de lui un ministre, alors qu’il n’était qu’un aventurier sans trop de scrupule de la vie financière, jouant en permanence sur le registre du populisme.  Mais il y a encore beaucoup plus grave que cela. C’est que Bernard Tapie a tiré financièrement avantage de cette courte échelle que lui ont faite les socialistes. L’homme d’affaires se présente en effet souvent en victime et fait valoir qu’il aurait été floué par le Crédit lyonnais lors de la revente du groupe Adidas, mais la vérité est tout autre. S’il n’avait pas été protégé par François Mitterrand, il n’aurait jamais profité des bonnes grâces du Crédit lyonnais, qui était à l’époque une banque nationalisée.

 

On oublie trop souvent que Bernard Tapie n’a jamais engagé le moindre argent personnel – pas un seul centime - lors de sa prise de contrôle, en juillet 1990, du groupe Adidas : c’est la banque publique qui a financé l’opération, en lui faisant un prêt de 1,6 milliard de francs sur deux ans ; prêt que Bernard Tapie n’a jamais été capable de rembourser. Or, deux ans plus tard, après déjà bien des péripéties, si la banque, à l’époque dirigée par Jean-Yves Haberer, avait été un établissement normal ; si l’Elysée n’avait pas fait comprendre que Bernard Tapie était sous sa protection et allait bientôt redevenir ministre, l’histoire se serait arrêtée là.

Le Crédit lyonnais aurait fait jouer les nantissements dont il disposait sur les titres Adidas de Bernard Tapie, et il n’y aurait pas eu de litige commercial les années suivantes. Et il n’y aurait pas eu non plus d’arbitrage seize ans plus tard.

En somme, Bernard Tapie a profité d’un traitement de faveur indigne d’une démocratie, en 1992, parce qu’il était l’un des protégés de François Mitterrand. Et c’est grâce à cela, sans jamais avoir investi le moindre sou dans Adidas, qu’il a pu, longtemps après, intriguer dans les coulisses du pouvoir sarkozyste.

 

A bon droit, on peut donc juger sévèrement cette histoire d’arbitrage, dont Nicolas Sarkozy et Christine Lagarde ont pris l’initiative en 2007. Très sévèrement, surtout si la justice arrive à étayer ce qui est aujourd’hui sa suspicion, à savoir que toute la procédure n’a été, en réalité, qu’une invraisemblable «escroquerie», conduite par une «bande organisée» qui pourrait avoir des ramifications jusqu’à l’intérieur même de l’Etat.

Mais il ne faut donc pas perdre de vue que ce scandale trouve sa source dans d’autres dérives, celles qu’ont connues les socialistes au début des années 90. Epoque passablement glauque ! C’étaient les «années-fric», les années de «l’argent fou», éclaboussées par une cascade de scandales, du délit d’initiés de Pechiney-Triangle jusqu’aux détournements d’Elf.  De cette époque lointaine, où Bernard Tapie était le protégé de l’Elysée, il reste d’ailleurs des traces. Car, aujourd’hui encore, quelques socialistes lui sont restés fidèles et défendent sa cause. A commencer par le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, qui intrigue en permanence en sa faveur.  En quelque sorte, Bernard Tapie est un trait d’union entre deux époques détestables, où la démocratie était anémiée et l’affairisme, prospère. En sommes-nous vraiment sortis ?

* laurent.mauduit@mediapart.fr

 




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