Union européenne : réforme à minima de l’asile
Les ministres européens de l’Intérieur ont trouvé, jeudi 8 juin, un accord sur deux volets clés d’une réforme de la politique migratoire. Cette dernière prévoit un système de solidarité entre Etats membres dans la prise en charge des réfugiés et un examen accéléré des demandes d’asile de certains migrants aux frontières.
« Ce ne sont pas des décisions faciles pour tous ceux qui sont autour de la table, mais ce sont des décisions historiques », a salué la ministre allemande de l’Intérieur, Nancy Faeser. Ce feu vert ouvre ainsi la voie à des pourparlers avec le Parlement européen, en vue d’une adoption de la réforme avant les élections européennes de juin 2024.
La commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, s’est pour sa part réjouie d’une « étape très importante » pour le Pacte sur l’asile et la migration, présenté en septembre 2020. La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a salué une « percée », soulignant que son institution était prête à commencer les pourparlers. La Pologne et la Hongrie ont voté contre ces propositions, tandis que la Bulgarie, Malte, la Lituanie et la Slovaquie se sont abstenues, a appris l’AFP auprès de la présidence suédoise du Conseil de l’UE, qui a mené les longues et complexes négociations.
Première décision: l’accélération, à 12 semaines maximum, du traitement des demandes d’asile aux frontières extérieures de l’UE. But: refouler plus rapidement, vers leur pays d’origine ou des pays tiers jugés «sûrs», les demandeurs qui ne répondent pas aux critères pour recevoir la protection de l’Europe. Deuxième décision: les ministres se sont entendus sur un mécanisme de solidarité pour soulager les pays européens qui sont confrontés à des arrivées importantes de migrants.
Or, la vaste réforme est née d’un constat: le système de Dublin en vigueur aujourd’hui, qui veut notamment que les demandes d’asile soient traitées par le premier pays par lequel les migrants arrivent en Europe, est obsolète et inefficace. Aux premières loges, des pays méditerranéens comme l’Italie et la Grèce croulent sous les demandes.
Pour éviter de devoir récupérer des requérants qui tenteraient leur chance ailleurs, ces nations ont tendance à moins enregistrer les arrivées et à ne pas assumer leurs responsabilités. Et même à encourager les départs vers d’autres pays européens, parfois avec des mesures incitatives, comme des billets de bus payés.
Casse-tête politique sans fin. L’Allemagne s’est par exemple battue pour éviter que des requérants déboutés soient renvoyés vers des pays de transit «sûrs» avec lesquels ils n’ont aucun lien, alors que l’Italie cherche à l’inverse, par tous les moyens, à faciliter les expulsions. Résultat: selon la version du texte adopté jeudi, les différents Etats pourront chacun décider si un pays est «sûr» ou non. Ce qui laisse la porte ouverte à l’arbitraire. Et ne ressemble en rien à une harmonisation des pratiques.
Idem pour le principe de solidarité visant à assurer une répartition équitable des demandeurs d’asile. Là aussi un compromis a été arraché dans la douleur. Les Etats membres auront le choix: soit accueillir des requérants, après un premier tri aux frontières, et soulager ainsi les premiers pays d’arrivée, soit verser de l’argent dans un fonds commun pour aider ces pays.
Selon le texte, un minimum de 30 000 personnes devraient être relocalisées chaque année. Des quotas sont calculés pour chaque pays en fonction de différents critères. Ceux qui refusent de jouer le jeu devront s’acquitter de 20 000 euros pour chaque demandeur d’asile non relocalisé.
Ce n’est qu’avec ces compromis et ces garanties que l’Italie et la Grèce se sont ralliées à la réforme. La Pologne et la Hongrie ont, par contre, voté contre les propositions et plusieurs pays se sont abstenus: la Bulgarie, la Lituanie, la Slovaquie et Malte. Mais la majorité suffisait pour les faire passer. Vendredi, le premier ministre hongrois Viktor Orban a vociféré contre l’accord qu’il qualifie d’«inacceptable». Sur Facebook, il a accusé Bruxelles d’«abuser de son pouvoir» et de vouloir «relocaliser des migrants vers la Hongrie par la force».