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2020, la fin d’un monde ?( Michel Santi)

2020, la fin d’un monde ?( Michel Santi)

Pour Michel Santi, économiste,  l’effondrement de la république de Weimar présida à un tournant décisif de l’histoire européenne, voire mondiale. Il doit servir de leçon, même près d’un siècle plus tard. Par Michel Santi, économiste (*). ( chronique de la tribune)

 

 

« Le 28 mars 1930, Hindenburg, le président de la république de Weimar, nomma Heinrich Brüning chancelier. Ce dernier – en pleine «Grande Dépression» – réduisit les dépenses publiques de près de 15 points de PIB, baissa le salaire des fonctionnaires, augmenta les impôts principalement sur les classes défavorisées qui furent les plus touchées, sabra généreusement dans la couverture et dans la protection sociales, limita drastiquement l’accès à l’assurance-chômage.

À l’orée de 1933, les ravages furent d’autant plus dévastateurs que la dépense publique n’atteignait d’ores et déjà que 30% du PIB allemand en 1928. Insécurité et précarité économiques de la classe moyenne, à un moment géopolitique charnière, furent dès lors le pain quotidien d’une population qui subit une exclusion et une marginalisation progressives alors qu’elle était désespérément en besoin de protection.

Le refus borné des politiques en place d’adopter une politique d’expansion et de reflation fut donc le déclencheur d’une redistribution politique intérieure où les plus défavorisés se tournèrent vers le communisme, tandis que ceux qui avaient le plus à perdre des augmentations d’impôts et des réductions des dépenses publiques se convertirent au nazisme.

Confrontée à leurs partis traditionnels n’ayant que l’austérité comme doctrine et que l’ordolibéralisme comme horizon, la classe moyenne allemande accueillit à cœur joie le démantèlement de la République de Weimar et la strangulation de leur démocratie par un parti nazi s’étant engagé à la remettre au travail sans regarder à la dépense.

Voilà comment périt le premier régime démocratique allemand, sous le poids d’une rigueur indifférenciée qui aura eu des conséquences politiques que nul n’avait prévu ni planifié, et ce en dépit d’une vie associative, culturelle et politique pourtant bouillonnantes à l’époque. L’État allemand abandonna ses concitoyens, resta hiératique face à la souffrance humaine, aveugle face aux inégalités choquantes, en une période où son intervention – critique – aurait pu tirer des millions de la misère.

 

L’austérité et les crises financières ont donc des effets pervers indéniables sur l’activité économique dans un environnement – toujours actuel en 2020 – où banques, entreprises, consommation, dépenses publiques, couverture sociale sont interconnectés et où leur mauvaise combinaison se traduit en chocs économiques et en catastrophes politiques. La crise intense que nous traversons actuellement aura donc des répercussions incalculables sur les générations à venir.

À plus court terme, elle rebattra les cartes structurelles de bien des nations occidentales qui verront un bouleversement de leurs structures politiques. Nous avons beaucoup à apprendre de la liquéfaction de Weimar, elle-même née sous l’impulsion du grand Max Weber.

Prenons donc conscience, aujourd’hui, que nous avons bel et bien quitté sa vision moderniste – à Weber – et que, dans ce nouveau monde post wébérien qui est désormais le nôtre, fera émerger des femmes et des hommes dits « providentiels », charismatiques, autoritaires et hyperpolitisés. »

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(*) Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d’Art Trading & Finance.
Il vient de publier «Fauteuil 37» préfacé par Edgar Morin
Sa page Facebook et son fil Twitter.

L’impuissance du politique (Michel Santi)

L’impuissance du politique (Michel Santi)

Ce que constate  Par Michel Santi, économiste,  depuis que la finance et le néolibéralisme  ont  pris le contrôle de nos vies (article de la Tribune)

 

 

« Comment ne pas se souvenir de la série télé britannique culte des années 1960, « Le Prisonnier », où une bulle gigantesque poursuivait frénétiquement le héros incarné par Patrick McGoohan ? Notre monde se retrouve aujourd’hui dans une situation similaire : nous sommes toutes et tous otages de bulles car la période en est chargée, et pas seulement de bulles spéculatives qui infectent les marchés. Rien de plus facile en effet que de distinguer la bulle qui enferme et qui isole nos responsables politiques, la bulle des salaires et des bonus des directions exécutives des grandes entreprises et du monde de la finance, la bulle du chômage des jeunes, et enfin, la bulle des inégalités. Tout comme la bulle qui poursuivait inlassablement le prisonnier de notre série télévisée, il semblerait bien qu’une malédiction similaire touche notre système financier car l’implosion d’une bulle déplace mécaniquement la fièvre spéculative sur un autre instrument ou sur un autre marché, qui gonfle alors pour former une autre bulle spéculative ! De fait, nous devons à l’essor sans précédent de la finance d’avoir progressivement perdu le contrôle sur nos vies. Ce n’est pas pour rien que Joseph Stiglitz s’interroge pour savoir si la vie d’un individu aujourd’hui dépend encore « de ses revenus ou de l’éducation donnée par ses parents » ?

Le diagnostic posé sur les déficits publics actuels, accusés d’être responsables de tous nos maux, élude donc volontairement les questionnements existentiels pour ne s’attacher et ne se déchaîner que sur des éléments de forme et sur les conséquences d’actions s’étant soldées par des dettes publiques. On oublie par exemple de rappeler que l’Espagne respectait jusqu’en 2008 les critères de Maastricht (consécration suprême de l’orthodoxie financière) et qu’elle était considérée comme un excellent élève de la zone euro. Comme on feint d’ignorer que la crise grecque fait partie d’une séquence initiée par la libéralisation du système financier mondial, dont la constitution de la zone euro constituait une étape supplémentaire.

Édifiée sur de telles fondations 100% néolibérales, l’Union européenne a en outre accentué de manière flagrante ce processus de dessaisir les États d’une majeure partie de leurs compétences et prérogatives afin d’être en mesure de compter et de peser (face à la Chine et aux États-Unis) dans cette bataille du capitalisme mondialisé.

Le reliquat de pouvoirs encore aux mains des États ayant été irrémédiablement perdu à la faveur de la crise internationale. Le résultat consiste aujourd’hui en une ruine où le politique ne peut pratiquement plus rien car il a été dépouillé de quasiment tous ses leviers.

Quand les marchés se rendront-ils compte que les économies budgétaires ne sont pas une stratégie crédible pour réduire les déficits publics ? C’est en effet le rôle de l’État dans l’économie qui est au cœur de ces solutions diamétralement opposées - voire antagonistes - entre les partisans de la rigueur budgétaire - donc d’un recul supplémentaire de l’État - et ceux qui tolèrent des déficits publics, considérés comme le prix à payer pour un État assumant son devoir d’arbitre et de régulateur.

Accepter les économies budgétaires ne revient pas seulement à rentrer dans les clous d’une orthodoxie financière et comptable tout aussi injustifiée que contre-productive en période de crise. C’est se résigner à rogner encore et toujours plus les prérogatives de l’État, donc les nôtres.

Souvenons-nous des paroles prémonitoires d’Aldous Huxley dans « Le Meilleur des mondes » :

« Soixante-deux mille quatre cents répétitions font une vérité. »

L’objectif réel étant évidemment une anorexie complète de l’État, qui se traduira mécaniquement en une boulimie du secteur privé, et d’abord de la finance. Il est donc à présent temps de reparler de Keynes qui concluait (en 1936) sa « Théorie générale » par un appel à la « socialisation » de l’investissement, affaire trop sérieuse pour la laisser du seul ressort des marchés financiers.

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(*) Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d’Art Trading & Finance.
Il vient de publier  »Fauteuil 37″, préfacé par Edgar Morin.
Sa page Facebook et son fil Twitter.

 




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