« Je méprise la classe politique française »( Michael O’Leary)
Michael O’Leary, PDG de la compagnie low cost Ryanair se lâche à propos de la France dans une interview du JDD.
Pourquoi dites-vous avoir fait économiser 10 milliards d’euros l’an dernier au consommateur européen ?
Le calcul est simple : notre billet est en moyenne à 46 euros quand il faut compter environ 170 euros pour un vol courte distance à l’intérieur de l’Europe. Chaque passager de Ryanair a donc fait une économie potentielle de 120 euros. Comme nous avons transporté 90 millions de passagers l’an dernier, vous avez votre résultat. Si l’on compare avec Air France, dont le billet moyen est proche de 300 euros, les économies sont plus importantes encore. Je parle bien sûr des vols opérés les jours où leurs pilotes ne sont pas en grève!
En tirant les prix au maximum vers le bas, ne faites-vous pas des économies aussi sur la sécurité?
Si c’était le cas, la compagnie ne fêterait sûrement pas cette année son trentième anniversaire. Nous avons toujours été irréprochables sur ce sujet. La première raison est que nos avions sont neufs. L’âge moyen de notre flotte est de 5 ans et va être ramené à 4 ans l’an prochain grâce à la livraison de nouveaux appareils. Nous allons porter à 380 avions notre flotte d’ici à huit ans. Elle grossit de 10% par an en fonction du programme de livraison de Boeing. C’est un rythme qui nous va très bien. J’aimerais aussi acheter des Airbus, mais on n’a jamais réussi à se mettre d’accord sur les prix.
Pour obtenir des billets à 46 euros en moyenne, il faut quand même couper les coûts quelque part, non?
Comment un supermarché peut-il vendre du papier toilette à un prix, et un autre, trois rues plus loin, deux fois moins cher? Tout est question de volume. Nous avons réalisé l’an dernier 800 millions de bénéfices. Faire payer les billets au prix fort n’a jamais été une garantie de davantage de sécurité.
On a souvent remis en question les salaires et les conditions de travail de vos salariés…
Nous avons actuellement 300 pilotes et près d’un millier d’hôtesses et de stewards sur une liste d’attente qui veulent travailler pour nous. Toutes les choses que l’on entend sur Ryanair sont des inepties. Beaucoup de compagnies comme Air France suppriment des emplois. Nous, nous en créons, nous augmentons les salaires et nous payons nos cotisations retraite.
Pensez-vous pouvoir desservir un jour Orly ou Roissy?
Roissy, jamais. Ils n’ont pas besoin des passagers que nous pouvons leur amener. C’est pareil avec les autres grands hubs européens comme Francfort ou Londres Heathrow. Et comme Orly est géré par le même groupe que Roissy, cela me semble difficile, et surtout encore très cher. On va rester à Beauvais. Ce qui est dommage c’est que, avec Air France, dont la seule stratégie est de nourrir son hub de Charles-de-Gaulle, je ne vois pas comment les aéroports régionaux français vont pouvoir se développer…
Être absent de Roissy et d’Orly ne vous condamne-t-il pas à moins de croissance en France que dans le reste de l’Europe?
Nous opérons aujourd’hui depuis 31 aéroports en France, notre cinquième marché. Pour accélérer, il faudrait que nous ayons une base en France, pouvoir y localiser du personnel et des avions.
C’est ce qu’a fait EasyJet, qui est justement devant vous en France…
Mais qui veut employer des salariés en France? Vous avez vu la fiscalité, le droit du travail? Nous avons du personnel en Espagne, Italie, Allemagne, mais pas chez vous à cause de cette folie administrative… Ou, plus exactement, nous en avons à Marseille, mais seulement six mois par an, en emplois saisonniers, pour ne pas tomber sous le coup de la législation.
Vos pratiques vous ont valu d’être condamné par la justice française. Vous trouvez que c’est du harcèlement?
Tout a été fait contre nous : des enquêtes, des procès, des recours au niveau de l’Union européenne pour des questions de concurrence. Je ne vois pas pourquoi on doit payer des impôts dans le pays où on travaille et pas dans le pays du groupe qui vous emploie. L’Europe est pourtant un marché ouvert à la libre circulation des travailleurs… Il n’y a qu’en France où c’est comme ça. Voilà pourquoi le modèle Air France est cassé. Tant mieux pour la concurrence!
«Dans cinq ans, Ryanair en numéro 1, EasyJet deuxième»
Que pensez-vous justement du redressement qu’Air France a engagé?
Je ne crois pas à la stratégie qui est menée. Comme Lufthansa, pendant des années, Air France a fait payer un maximum sur les vols long-courrier pour financer les pertes sur les vols domestiques. Avec la concurrence des compagnies du Golfe et américaines, Air France ne peut plus compter sur le long-courrier comme vache à lait. Et va devoir fermer des vols.
Vous ne craignez pas le développement de sa low cost Transavia?
Pas quand je vois comment la compagnie a dû faire marche arrière face à la colère de ses pilotes…
Ni celui de Hop, sa marque court et moyen-courrier?
Pfff…
Comment voyez-vous le marché européen dans cinq ans?
Comme aujourd’hui : Ryanair en numéro 1, EasyJet deuxième, et Lufthansa, IAG (groupe British Airways) et Air France derrière. Le seul changement, c’est que ces trois-là auront une part significative de leur capital détenue par des compagnies du Golfe. C’est déjà le cas avec IAG, dont Qatar Airways a pris 10% en début d’année…
Et pourquoi pas dans la vôtre?
Ils ne sont pas intéressés par des compagnies low cost sur le moyen-courrier.
Etihad Airways a bien racheté Air Berlin ou Darwin…
Oui, mais elles perdaient de l’argent, ce qui n’est pas notre cas.
Que doit faire, selon vous, le patron d’Air France?
Vendre KLM et fermer les lignes qui perdent de l’argent. D’ailleurs, Air France ne fait rien pour développer KLM. Ils sont plutôt en compétition l’un contre l’autre. C’est pour ça que les Néerlandais ne sont pas contents. Et je céderais 20 ou 25% du capital d’Air France à une compagnie du Golfe.
Et vous, que pouvez-vous améliorer chez Ryanair par rapport à EasyJet notamment?
Nous avons fait des efforts, ces dernières années, pour être plus proches de nos clients. Nous avons mis en place des offres tarifaires pour les familles, les voyageurs d’affaires, un second sac à bord gratuit. Notre site Internet est plus sympa, notre application mobile mieux pensée. Et tout ça sans augmenter nos prix, contrairement à EasyJet qui n’est plus une compagnie low cost, juste moins chère qu’Air France.
Vous n’aimez pas la France ou vous aimez juste le French bashing?
J’adore la France et les Français. Je méprise juste sa classe politique qui détruit avec beaucoup d’application l’économie française en pensant qu’on peut répondre à la mondialisation par le protectionnisme. Regardez le nombre de jeunes talents français qui viennent travailler à Londres ou à Dublin. Si cela ne change pas, la France va vers la faillite.
Pensez-vous que vous auriez eu autant de succès dans un autre domaine que l’aérien?
Je ne suis pas trop mauvais dans l’aérien, mais j’ai surtout de la chance que cette industrie soit en pleine mutation. Si je travaillais pour Air France, je n’aurais sûrement pas autant de succès.