Urbanisme- Transformer les villes …Mais pas les mettre à la campagne !
Un plaidoyer sur la ville durable qui dégage quand même un certain parfums de lobby qui ne conçoit l’aménagement qu’autour de l’urbanisation notamment via les métropoles. Bref, la défense du concept de croissance endogène .
Pierre-André de Chalendar est PDG du groupe Saint-Gobain, leader mondial des matériaux de construction. Il passera la main à son successeur, Benoit Bazin, le 1er juillet.
Engagé depuis longtemps dans la lutte contre le réchauffement climatique, il vient de publier Le défi urbain, retrouver le désir de vivre en ville (Odile Jacob), un plaidoyer pour une ville durable, que les acteurs du bâtiment doivent contribuer à construire.
Les villes ont été rattrapées par leurs défauts avec la pandémie, et leurs habitants les ont quittées. Vous continuez pourtant de croire en leur avenir. Pourquoi ?
Il n’y a pas eu d’exode urbain en tant que tel. Les gens se sont plutôt questionnés sur leur départ. La crise, agissant comme un révélateur et un accélérateur, a interrogé la densité urbaine, la suroccupation des logements, le partage de l’espace… L’inégalité face au logement n’a jamais été aussi criante. La Covid a aussi renforcé ce sentiment commun à toutes les époques : les pandémies se répandent plus vite dans les villes. Tout cela a créé un sentiment d’anxiété. Des gens sont allés se confiner hors des villes, mais ce sont plutôt les heureux du système. La ville a toujours été un lieu de désir. C’est la fête, les relations, le commerce, la richesse, la culture, la vie. Ce n’est qu’à partir du XIXe siècle et de la révolution industrielle qu’elle a été associée à la pollution. Les villes ne représentent aujourd’hui que 2 % de la surface de la planète, mais près de 70 % des émissions de gaz à effet de serre. Alors que le processus d’urbanisation ne va faire que progresser, elles vont avoir un rôle à jouer dans la lutte contre le changement climatique. Et si on veut qu’elles redeviennent un lieu de désir, il faut les transformer.
Le modèle des villes de demain est-il celui de ces villes nouvelles, connectées, mieux organisées et économes en ressources qui poussent en Corée ou en Chine ?
Je ne crois pas. On ne peut pas créer à partir de rien. Dans les villes nouvelles construites à travers le monde, seul l’exemple de Saint-Pétersbourg peut s’apparenter à une réussite. Brasilia, la capitale du Brésil, n’a pas très bien vieilli. Le pire, ce sont les villes nouvelles du général de Gaulle, construites le long des lignes de RER : Marne-la-Vallée, Evry, Cergy-Pontoise, Corbeil-Essonnes… Pourquoi ? Parce qu’elles ont été conçues comme des satellites de Paris. Il leur manquait des attributs. Ce modèle ne fonctionne pas. Il faut au contraire imaginer des villes où toutes les fonctions essentielles sont accessibles rapidement, dans l’esprit de la « ville du quart d’heure » de l’urbaniste Carlos Moreno. Le concept de métropoles ne va pas disparaître, mais elles doivent contenir plusieurs centres pour éviter ce phénomène de ghettoïsation qu’on a provoqué depuis 40 ans dans les grandes villes françaises. La ville doit retrouver une certaine mixité, renouer avec le végétal… Le bâtiment a un grand rôle à jouer dans ce nouveau paradigme, et on l’a constaté avec la croissance de nos activités de rénovation dès la fin du premier confinement.
« Il s’agira de penser à la déconstruction des bâtiments dès leur construction. En d’autres termes, les bâtiments deviendront des banques de matériaux »
Comment l’expliquez-vous ?
Le confinement a contraint les gens à passer beaucoup plus de temps dans leur logement. Leur rapport à l’habitat a radicalement changé. Maisons et appartements ne sont plus seulement des espaces de vie, mais de travail. Ce qui demande une nouvelle organisation de l’espace et fait naître un besoin de modularité… La période s’est aussi révélée propice à l’épargne. Résultat, c’est le plein boom pour Saint-Gobain, alimenté par un mouvement de fond. Dans beaucoup de pays, les gouvernements ont fait de la rénovation énergétique une part importante des plans de relance. Les moyens que chacun va consacrer à son logement vont aller croissant avec la généralisation du télétravail.
Le concept d’économie circulaire est au cœur de votre conception de la ville durable. Dans le bâtiment, il reste de gros progrès à faire : seuls 30 % des déchets du secteur sont recyclés…
Le secteur de la construction représente 40 % des déchets en volume dans le monde. C’est considérable. Utiliser des matériaux recyclés permet de pallier le problème car ils réduisent beaucoup les émissions de gaz à effet de serre. Chez Saint-Gobain, le verre ou le gypse de la plaque de plâtre, sont par exemple recyclables à l’infini. On aimerait avoir plus de ces matériaux, mais le problème réside dans leur collecte. Des progrès sont à faire, ils prendront beaucoup de temps : il s’agira de penser à la déconstruction des bâtiments dès leur construction. En d’autres termes, les bâtiments deviendront des banques de matériaux. Il faut donc organiser des écosystèmes et une filière pour récupérer et recycler ces matériaux. La tour Saint-Gobain, à la Défense, a par exemple été construite sur un ancien bâtiment qu’on a démantelé en récupérant le plus de pièces possible. Ça coûte plus cher, mais cela va dans le sens de l’histoire.
Vous avez publié, en novembre 2020 une feuille de route visant la neutralité carbone en 2050. N’est ce pas utopique pour une industrie qui consomme beaucoup d’énergie ?
L’industrie est régulièrement pointée du doigt pour son empreinte carbone et le rôle qu’elle joue dans le réchauffement climatique. Elle est peut-être le problème, mais elle est surtout la solution. 2050, ça peut paraître loin, mais dans l’industrie, c’est quasiment demain. Il faut qu’on soit capable dès 2030 d’éco-produire nos solutions dans les usines appropriées. On va dépenser environ 100 millions d’euros par an d’ici à 2030 pour parvenir à nos objectifs et trouver comment on va faire. Car tout dépendra du mix énergétique des années à venir, la part qu’y prendront l’hydrogène vert, la biomasse… Ce « zéro carbone net », c’est beaucoup plus qu’un idéal. En 2019, c’était une « aspiration », comme disent les Américains, mais aujourd’hui c’est un objectif réaliste. On a récemment lancé notre première usine de plaque de plâtre zéro carbone en Norvège. Le pays possède de nombreux barrages hydroélectriques qui produisent de l’électricité verte pas chère. Si ces objectifs ne sont pas contraignants comme peut l’être le statut d’entreprise à mission, les rémunérations variables de 2 500 cadres pourront être touchées si ceux à court terme ne sont pas atteints. Je suis assez confiant dans notre capacité à concrétiser nos ambitions. En revanche, on ne pourra pas tout faire tout seul. Les Etats doivent mettre la main à pâte.
« Un certain nombre de nos propositions ont été retenues dans le projet de loi Climat, qui reste bien fait et réalisable. Les sujets majeurs restent ceux de la lisibilité des aides, et de la dédramatisation de la rénovation énergétique »
Depuis une dizaine d’années, les gouvernements français ont échoué à atteindre leurs objectifs en matière de rénovation énergétique. Comment passer à la vitesse supérieure ?
Les précédents objectifs étaient trop ambitieux. J’ai eu la chance de participer à une task force consacrée à la rénovation énergétique des bâtiments en juin et juillet 2020, à la demande de la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon. Un certain nombre de nos propositions ont été retenues dans le projet de loi Climat, qui reste bien fait et réalisable. Les sujets majeurs restent ceux de la lisibilité des aides, et de la dédramatisation de la rénovation énergétique. Le gouvernement a franchi une grande étape en acceptant de rénover ses bâtiments publics. En plus de donner l’exemple, il va faire des économies sur le long terme.
Quel bilan tirez-vous de vos dix années à la tête de Saint-Gobain ?
J’ai eu deux fils conducteurs : devenir la référence de l’habitat, et d’un habitat durable. Historiquement, Saint-Gobain est une entreprise de matériaux et de produits. Tout mon travail a été de passer d’une culture produit à une culture client. La dernière étape a été de changer l’organisation du groupe dans le cadre de notre plan de transformation Transform & Grow, pour fonctionner par pays, pour les métiers locaux de la construction. Il y a encore du travail. Le deuxième point, celui de la durabilité, ne coulait pas de source en 2007. Quand j’ai commencé à travailler sur ces questions, j’étais tout seul avec mon directeur du développement durable. Aujourd’hui, tout le monde est impliqué. Grâce à la nouvelle génération, et aux investisseurs. Depuis deux ans, l’intérêt pour le sujet est exponentiel. Lors de la présentation de nos résultats en mars, 40 % des questions des actionnaires portaient sur des sujets ESG. Tout cela me rend plus optimiste. Il est en train de se passer des choses et le groupe doit rester en avance sur ces sujets.
Comment mettre l’intelligence artificielle à grande échelle (Mohit Joshi)
Comment mettre l’intelligence artificielle à grande échelle (Mohit Joshi)
Mohit Joshi, Président d’Infosys explique comment mettre en œuvre l’IA à grande échelle: les entreprises doivent prendre soin de leurs talents internes, mettre l’éthique au premier plan et développer une stratégie à l’échelle de l’entreprise pour la technologie sur toute la chaîne de valeur( chronique de la Tribune)
Nous sommes fermement ancrés dans la cinquième révolution industrielle, une révolution basée sur l’intelligence artificielle (IA). Tout a commencé par l’ordinateur central, puis les ordinateurs personnels dans les années 1980, suivis par Internet, et enfin l’agilité et la puissance du cloud computing dans les années 2010. Cette cinquième vague informatique sera la plus retentissante à ce jour, avec des capacités qui promettent toujours plus d’initiatives et d’exploration humaines.
Toutefois, un problème se pose. Bien que l’IA soit adaptée aux entreprises, nombre d’entre elles ne parviennent pas à en tirer pleinement profit. L’innovation est tellement rapide que les entreprises n’arrivent pas à suivre le rythme. En 2015, les chercheurs ont publié 10.000 articles scientifiques sur l’IA. En 2019, ce chiffre est passé à 25 000 rien qu’aux États-Unis. Pour de nombreux dirigeants, cette situation est inquiétante, surtout lorsqu’on sait qu’une bonne utilisation de l’IA devrait améliorer les bénéfices de l’entreprise de 38 % et permettrait d’offrir 14 000 milliards de dollars de valeur ajouté aux entreprises d’ici 2035.
Il serait donc judicieux que les entreprises à la traîne tirent les enseignements des organisations plus avancées en matière d’IA. Dans notre étude, nous avons découvert que les leaders en matière d’IA plaçaient la technologie au cœur de leur activité et de leurs modèles d’exploitation. Ils l’utilisent pour découvrir, démocratiser et réduire les risques inhérents à l’utilisation de l’IA. Pour ces entreprises, l’IA fait partie intégrante de leur ADN et leur permet de proposer de meilleurs produits, d’améliorer l’expérience client et d’obtenir davantage de valeur ajoutée auprès de leur écosystème de partenaires.
À l’inverse, les entreprises ayant pris du retard utilisent principalement l’IA pour améliorer l’efficacité plutôt que pour changer la façon dont l’entreprise gagne de l’argent. Pour prendre une longueur d’avance, ces entreprises doivent requalifier les employés, s’assurer que l’adoption de l’IA n’est pas fragmentée, développer des cadres éthiques et de gouvernance solide, et informer les dirigeants des risques et opportunités liés à l’adoption de l’IA. Cela permettrait d’augmenter les marges opérationnelles d’au moins 3 %. Pour une entreprise de services financiers dont les revenus s’élèvent à 10 milliards de dollars, cela équivaut à 300 millions de dollars supplémentaires de revenus, ce qui n’est pas négligeable.
La plupart des talents en science des données se tournant vers les grandes entreprises technologiques, les entreprises de services financiers leaders en matière d’IA se démarquent par leur capacité à requalifier la main d’œuvre. Elles utilisent des plateformes numériques et des outils d’auto-modélisation pour garantir un apprentissage permanent. C’est crucial. Il est maintenant temps pour les entreprises de former leurs talents internes, c’est-à-dire ces employés qui connaissent parfaitement l’entreprise et qui peuvent repérer les cas d’utilisation pertinents pour l’IA plus rapidement que les nouveaux embauchés.
Il est également essentiel de réunir les équipes sous un seul et même cadre d’IA au sein de toute l’entreprise. En effet, des opérations d’IA réussies peuvent accroître les marges opérationnelles d’au moins 6 % (ce qui représente 600 millions de dollars supplémentaires pour une entreprise dont les revenus s’élèvent à 10 milliards de dollars). Ces entreprises visionnaires s’assurent généralement que les équipes commerciales, financières et technologiques travaillent ensemble sur les projets d’IA tout au long du cycle de vie de l’IA, le plus souvent via un centre d’excellence. Les employés sont formés plus rapidement, les bons processus de gestion des changements sont regroupés afin que les solutions d’IA évoluent rapidement du stade de pilote au stade du déploiement et que l’IA au sein de l’entreprise soit en mesure de répondre aux attentes.
Pour obtenir des résultats et développer l’intelligence à grande échelle, il est nécessaire de développer une vision globale de l’IA d’entreprise qui repose sur des plateformes d’IA professionnelles. En outre, en tirant profit du produit visionnaire, du domaine et de conseils d’experts, les entreprises sont assurées d’obtenir des bénéfices exponentiels au fil du temps.
Des cadres d’IA éthiques et de gouvernance solide doivent être établis dès le départ. Cela permet de garantir des déploiements d’IA justes, équitables et impartiaux. Nous avons constaté que ces entreprises qui ont défini ces cadres surpassent d’au moins 25 % les entreprises retardataires sur un certain nombre d’indicateurs de performance clés de l’entreprise. Toutefois, il n’est pas toujours évident d’éliminer toute déformation inconsciente de ces données. C’est ici que le mandat organisationnel pour des solutions d’IA efficaces et explicables intervient.
Les employés qui utilisent l’IA en back office ou avec les clients doivent rapidement être informés des pratiques éthiques. Les algorithmes d’apprentissage automatique doivent être en mesure d’expliquer les décisions qu’ils prennent, de façon à ce qu’elles soient comprises par les autorités d’IA, notamment les régulateurs. Sans ce pilier d’IA, des éthiques d’IA imparfaites peuvent ruiner la réputation d’une entreprise financière en un instant, auprès des partenaires et des consommateurs.
Enfin, les leaders de l’IA doivent connaître l’impact des technologies sur un certain nombre d’aspects, notamment le modèle commercial, les employés, les partenaires, les clients et la société dans son ensemble. De nombreux dirigeants rencontrent des difficultés dans ces domaines et n’ont qu’une vague idée de la façon dont l’IA peut améliorer les marges et leur permettre de devancer la concurrence. Si 2020 est l’année de l’IA, alors cela doit également être l’année au cours de laquelle les dirigeants des entreprises financières commencent leur apprentissage de l’IA.
L’IA étant présente dans tous les aspects de notre vie, le temps est venu pour les entreprises d’accélérer le mouvement vers des statuts d’IA visionnaires. De l’IA normatif utilisé dans les stratégies de fonds de roulement et la réduction du risque opérationnel au traitement du langage naturel utilisé pour extraire les attributs sensibles des contrats, les applications innovantes de l’IA améliorent les entreprises de services financiers et leur permettent d’être plus rapides et plus agiles.
Pour mettre en œuvre l’IA à grande échelle, les entreprises de services financiers doivent prendre soin de leurs talents internes, mettre l’éthique au premier plan et développer une stratégie à l’échelle de l’entreprise pour la technologie sur toute la chaîne de valeur. Ce faisant, nos clients seront les annonciateurs de la cinquième révolution industrielle.