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Mercosur : un accord anachronique ?

Mercosur : un accord anachronique ?

L’accord UE-Mercosur pourrait créer de nouveaux risques et dépendances susceptibles d’obérer notre capacité d’adaptation au changement climatique. Par Eric Muraille, Philippe Naccache et Julien Pillot (Inseec Grande Ecole, Groupe Omnes Education) dans « La Tibune ». 

( Notons cependant que cet accord fait l’objet d’analyses assez divergentes de la part des acteurs mais aussi des experts NDLR) 

 

La signature du traité commercial UE-Mercosur a une fois de plus permis de mesurer les divergences entre les États membres de l’UE. Mais surtout, cette signature démontre l’incapacité de la Commission européenne à intégrer les conséquences du dérèglement climatique dans sa stratégie tant politique qu’économique. Cette incapacité obère considérablement les possibilités d’adaptation de l’UE et de ses populations.

De la COP29 sur le climat, à la COP16 sur la biodiversité en passant par la COP16 sur la désertification, les échecs à répétition doivent nous amener à considérer l’impasse dans laquelle se trouve la politique internationale, alors que prévalent désormais, de façon parfaitement assumée, les intérêts particuliers des États – fussent-ils de court terme. Qui peut encore croire que dans une telle situation de blocage, et alors que Donald Trump – dont le climato-scepticisme n’est pas feint – s’apprête à présider de nouveau à la destinée de la 2e puissance émettrice de CO2 du Monde, que les objectifs des accords de Paris seront tenus ? Chaque jour qui passe, le scénario d’un réchauffement planétaire de +4°C par rapport à l’ère préindustrielle prend un peu plus d’ampleur.

Dans ce Nouveau monde, certains pays du Sud, en particulier l’Inde, les pays du Sahel, ou le bassin amazonien, feront face à des conditions climatiques extrêmes. En conséquence, il est à prévoir un effondrement des rendements agricoles, un phénomène connu pour favoriser l’émergence de conflits sociaux et internationaux.  Or, ces pays sont d’autant plus vulnérables au changement climatique qu’on les sait pourvus d’une gouvernance jugée fragile.

Certes, l’accord UE-Mercosur n’est pas inintéressant sur le court terme. Il devrait entrainer une baisse des prix agricoles au profit des consommateurs européens, et ouvrir de nouveaux débouchés à nos entreprises sur les marchés sud-américains fortement convoités par la Chine. Cependant, l’absence de prise en compte des risques climatiques susmentionnés par la Commission européenne pourrait, à terme, s’avérer préjudiciable à l’UE.

Le premier piège est de créer une dépendance alimentaire de l’UE envers une région dont, nous l’avons souligné, les rendements agricoles ont toutes les chances de décroitre dans les prochaines décennies. Un effet qui se trouvera amplifié par les difficultés similaires que connaîtront des zones aussi densément peuplées que l’Inde ou les pays du Sahel. Ces tensions affecteront les marchés alimentaires et sont pour le moins préoccupantes.

Le deuxième découle de l’augmentation du trafic maritime transocéanique induit par l’accord UE-Mercosur. L’accroissement des émissions de CO2 n’est pas l’unique problème. L’UE devrait également s’inquiéter d’une possible volatilité des prix des biens alimentaires faisant suite aux variations de prix des hydrocarbures, mais aussi à des conflits nationaux ou internationaux ou encore en cas de pandémies.

Le troisième résulte de la concurrence accrue entre les agriculteurs européens et sud-américains qui pourrait les inciter à se spécialiser pour pousser leurs avantages comparatifs, là où les recommandations scientifiques associent la résilience au changement climatique à une nécessaire diversification de l’agriculture. De plus, cette concurrence accrue a toutes les chances d’accroitre à outrance l’industrialisation de l’agriculture, et avec elle les méga-modèles productivistes aux conséquences sur la santé humaine et des écosystèmes de mieux en mieux documentés. Côté sud-américain, comment ne pas penser que l’augmentation de la demande en terre cultivable va encore accélérer la déforestation du bassin amazonien, augmenter les émissions, réduire les puits de carbone naturel, et perturber le régime des pluies… pourtant indispensable aux productions agricoles du sud de ce bassin ?

Aboutissement d’un processus initié il y a 20 ans – dans un Monde encore largement sourd aux conséquences du changement climatique – l’accord UE-Mercosur ne semble pas compatible avec les engagements de l’UE en matière de soutenabilité et de réduction des émissions de GES. Au contraire, il pourrait faire naître de nouvelles dépendances envers une zone instable politiquement et particulièrement exposée au changement climatique. Quel funeste projet que cette Europe, qui dispose pourtant de nombreux atouts géographiques, technologiques et économiques, soit à ce point incapable de penser sa stratégie d’adaptation au dérèglement climatique en étant le dernier grand acteur institutionnel à promouvoir un libre-échangisme intensif et dérégulé qui, à périmètre technologique constant, semble de plus en plus anachronique.

Accord UE-Mercosur : quels avantages ?

Accord UE-Mercosur : quels avantages ?

 

L’accord n’est pas parfait, mais aucun accord ne l’est. Il contient en revanche de nombreux aspects positifs pour les pays de l’UE, aussi bien du point de vue économique qu’en termes de protection de l’environnement. Il peut également avoir une utilité réelle en termes politiques, l’Amérique du Sud étant largement travaillée par les influences américaine et chinoise.

 

 

par  Associate Professor of Law, IESEG School of Management, Univ. Lille, CNRS, UMR 9221 – LEM – Lille Économie Management, IÉSEG School of Management

Le 6 décembre 2024, après 25 ans de négociations prolongées, l’Union européenne et le Marché commun du Sud (Mercosur) ont conclu un accord de libre-échange (ALE) historique. Ce texte n’est pas encore finalisé, car il doit être ratifié par tous les pays membres du Mercosur et par une majorité des pays membres de l’UE. La France est l’un des opposants les plus déterminés à cet accord, et cherche à former une coalition de blocage avec d’autres membres de l’UE, dont la Pologne. Ainsi, un jeu complexe d’alliances a commencé, avec une issue incertaine. La réticence de certains pays de l’UE, comme la France, est-elle justifiée, du point de vue économique et du point de vue de la realpolitik ?

Le Mercosur est un bloc régional créé par le Traité d’Asunción en 1991 par l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. Le Venezuela était membre à part entière jusqu’en 2017, lorsqu’il a été suspendu indéfiniment pour violation de la « clause démocratique » du Mercosur. La Bolivie, qui a ratifié son adhésion en juillet 2024, ne fait pas partie de l’ALE pour le moment.

Le Mercosur couvre une superficie de près de 15 millions de km2, compte 300 millions d’habitants et constitue la 5e économie mondiale. Institutionnellement, le Mercosur est moins développé que l’UE, avec un degré d’intégration politique moindre. Sur le plan économique, il s’agit d’une union douanière, et non d’un marché pleinement intégré.

L’accord couvre non seulement le commerce des biens, mais aussi celui des services et des commandes publiques, ainsi que la propriété intellectuelle, et inclut des clauses visant à protéger l’environnement et les droits humains. En 2023, l’UE était le deuxième partenaire commercial du Mercosur pour les biens, représentant 16,9 % du commerce total du Mercosur, après la Chine et devant les États-Unis. L’UE a exporté pour 55,7 milliards d’euros de biens vers le Mercosur, tandis que les exportations du Mercosur vers l’UE ont totalisé 53,7 milliards d’euros.

Les principales exportations du Mercosur vers l’UE comprenaient des produits minéraux (29,6 %), des produits alimentaires, des boissons et du tabac (19,2 %), et des produits végétaux (17,9 %). À l’inverse, les principales exportations de l’UE vers le Mercosur étaient des machines et appareils (26,7 %), des produits chimiques et pharmaceutiques (25 %) et des équipements de transport (11,9 %). En 2022, l’UE a exporté pour 28,2 milliards d’euros de services vers le Mercosur, tandis que le Mercosur a exporté pour 12,3 milliards d’euros de services vers l’UE. De plus, l’investissement accumulé de l’UE dans le Mercosur est passé de 130 milliards d’euros en 2000 à 384,7 milliards d’euros en 2022. Actuellement, le Mercosur impose des tarifs d’importation plus élevés que l’UE, avec un tarif moyen situé entre 10 et 12 %, mais susceptible, pour certains biens, d’atteindre jusqu’à 35 %. Il impose également une multitude d’autres frais et taxes à l’importation.

Selon l’UE, l’ALE proposé créera la plus grande zone de libre-échange au monde, englobant 700 millions de consommateurs, bénéficiant à 60 000 entreprises européennes, dont 30 000 PME, avec des économies estimées à 4 milliards d’euros en tarifs.

L’analyse économique du droit (AED) nous rappelle qu’aucune décision juridique, telle que la signature d’un ALE, n’est neutre. Chaque modification des règles du jeu entraîne un changement dans les schémas d’incitation et de désincitation des acteurs, créant ainsi des gagnants et des perdants.

Ce qui importe, du point de vue d’un ALE, c’est que les gains de l’accord dépassent ses coûts pour toutes les parties impliquées agrégées. Ainsi, le critère, pour l’AED, est l’efficacité. Un résultat efficient au sens de Pareto est, en termes simples, un résultat dans lequel, après une réallocation des ressources (par exemple, due à la signature d’un ALE), au moins une partie est mieux lotie sans qu’une autre soit moins bien lotie.

En raison de l’impossibilité quasi totale d’atteindre de tels résultats dans le monde réel, les économistes préfèrent une autre notion d’efficacité, l’efficacité de Kaldor-Hicks, selon laquelle les gains de la réallocation des ressources dépassent les pertes et, en principe, les gagnants peuvent compenser les perdants. Mais voici le hic : l’efficacité de Kaldor-Hicks stipule que les gagnants peuvent compenser les perdants, pas qu’ils doivent le faire. L’économie, en particulier l’économie néoclassique, ne se soucie pas de la distribution ou de la redistribution. Mais c’est pour cela que la politique existe, qui, par exemple, à travers des politiques publiques redistributives financées par les impôts, peut compenser les « perdants ».Anticipant et espérant dissiper les préoccupations de certains secteurs concernant l’ALE, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a déclaré le 6 décembre 2024 :

« Il s’agit d’un accord gagnant-gagnant, qui apportera des avantages significatifs aux consommateurs et aux entreprises des deux parties. (…) Nous avons écouté les préoccupations de nos agriculteurs et nous en avons tenu compte. Cet accord prévoit des garanties solides pour protéger vos moyens de subsistance. L’accord UE-Mercosur est le plus important jamais négocié en ce qui concerne la protection des produits alimentaires et des boissons de l’UE. Plus de 350 produits de l’UE sont désormais protégés par une indication géographique. En outre, nos normes européennes en matière de santé et d’alimentation demeurent intangibles. Les exportateurs du Mercosur devront respecter strictement ces normes pour accéder au marché de l’UE. Telle est la réalité d’un accord qui permettra aux entreprises de l’UE d’économiser 4 milliards d’euros de droits à l’exportation par an. »

En d’autres termes, la représentante de l’UE affirme non seulement que, d’un point de vue du coûts-bénéfices, l’ALE est bénéfique pour l’UE et ses membres, mais aussi que les « perdants » présumés ne devraient pas trop s’inquiéter. Selon les détracteurs du texte, ses conséquences seront désastreuses pour les agriculteurs de l’UE et l’environnement. Examinons ce que comprend le texte pour y voir plus clair.

En ce qui concerne les exportations de l’UE vers le Mercosur, les producteurs bénéficient de la suppression des droits de douane élevés sur les exportations agroalimentaires de l’UE (par exemple, vins, fromages, huile d’olive, etc.). Par ailleurs, afin de donner aux agriculteurs de l’UE le temps de s’adapter, un chronogramme de libéralisation commerciale a été établi. Pour certains produits agricoles en provenance du Mercosur, les droits d’importation vers l’Europe ne seront supprimés que dans sept à dix ans. D’autres produits, tels que le bioéthanol, le bœuf et la volaille, sont soumis à des quotas.

Tous les produits importés dans l’UE doivent respecter les normes sanitaires et phytosanitaires, même si les normes de production peuvent différer entre les pays tiers et les pays de l’UE. Par exemple, les OGM interdits dans l’UE ne peuvent pas être importés, les denrées alimentaires importées doivent respecter les limites de résidus de pesticides fixées par l’UE, et, depuis une directive de 1981, il est interdit d’importer des viandes dont la croissance a été stimulée par des hormones.

La version 2024 de l’ALE ne se concentre pas uniquement sur le commerce, mais met également l’accent sur les questions environnementales, sociales et de droits de l’homme, incarnant un modèle de « nouveau régionalisme » qui oblige les États membres du Mercosur à élever leurs normes dans ces domaines, ce qui pourrait affecter leurs avantages concurrentiels en raison de l’augmentation des coûts. De plus, une nouvelle annexe au chapitre sur le développement durable comprend des engagements à promouvoir l’autonomisation des femmes, développer des chaînes d’approvisionnement durables, en particulier dans les secteurs de l’énergie et de la transition vertes, encourager le commerce de produits durables qui préservent la biodiversité et soutiennent les moyens de subsistance des populations autochtones, réaffirmer les engagements de l’OIT avec un accent sur la lutte contre le travail des enfants, et coopérer avec et soutenir les pays du Mercosur dans la mise en œuvre du règlement de l’UE sur la déforestation. Les parties sont convenues de mettre en œuvre des mesures pour arrêter la déforestation d’ici à 2030, marquant la première fois que les pays du Mercosur prennent un engagement juridique individuel pour mettre fin à la déforestation.

La violation d’un élément essentiel de l’ALE, tel que la lutte contre la déforestation, permet à toute partie de prendre des mesures appropriées, y compris la suspension totale ou partielle de l’accord. De plus, l’UE a demandé l’inclusion de l’Accord de Paris sur le changement climatique comme nouvel élément essentiel de l’accord UE-Mercosur, permettant la suspension de l’accord si une partie se retire de l’Accord de Paris ou ne le respecte pas de bonne foi.

L’ALE stipule que 357 indications géographiques (IG) de l’UE, dont 64 IG françaises pour les produits alimentaires, les vins et les spiritueux, seront protégées dans la région du Mercosur à un niveau comparable à celui de l’UE. Cela représente une amélioration significative par rapport au niveau de protection actuel et marque le plus grand nombre d’IG jamais protégées dans un ALE de l’UE. La protection des IG associées aux produits alimentaires, vins et spiritueux de l’UE renforce l’avantage concurrentiel des producteurs européens. De plus, comme les producteurs locaux en Argentine et au Brésil utilisent actuellement des noms tels que Roquefort ou Cognac (et sa traduction au portugais, conhaque) pour les fromages et les spiritueux produits localement, après la ratification de l’ALE, ils devront cesser d’utiliser ces IG dans les sept ans suivant l’entrée en vigueur de l’accord.

L’opposition de plusieurs pays de l’UE à l’ALE se fait au nom des intérêts de leurs secteurs agricoles. Il est vrai que le secteur agricole de l’UE fait face à de nombreux défis, mais l’ALE n’en est pas la cause ; il ne fait que mettre en évidence les faiblesses existantes.

Dans des pays comme la France, le pourcentage de travailleurs agricoles diminue d’année en année, ne représentant que 1,5 % de l’emploi total en 2019. Dans son œuvre la plus récente, le sociologue Jérôme Fourquet suggère qu’en 2030, cette proportion sera réduite de moitié. Sans minimiser les difficultés du secteur agricole, il est possible de suggérer que ses problèmes ne sont pas causés par la concurrence étrangère ; ils ont des racines plus profondes. Bloquer un accord largement bénéfique au nom de la défense d’un secteur petit et en déclin est-il justifié ? Bien sûr, les agriculteurs devraient être soutenus pour devenir plus compétitifs et innovants. À cette fin, des pays comme la France et la Pologne devraient investir dans l’innovation de leurs secteurs agricoles.

Les environnementalistes devraient eux aussi accueillir l’accord favorablement. Il n’est peut-être pas parfait – aucun traité ne l’est –, mais il répond aux préoccupations qui étaient restées sans réponse en 2019, en élevant les normes des pays du Mercosur en matière de protection de l’environnement. De plus, si l’ALE n’est pas ratifié, les pays du Mercosur manqueront de fortes incitations à réduire la déforestation, à lutter contre le changement climatique ou à améliorer les normes du travail. Lorsqu’il s’agit de solutions concrètes, nous devons éviter de tomber dans le piège du sophisme de Nirvana, qui consiste à comparer des solutions réelles, bien qu’imparfaites, avec des solutions parfaites, mais irréalistes.

Depuis 2019, lorsque l’accord « en principe » a été signé, la situation géopolitique a changé, mettant l’UE sous une pression croissante. La guerre russo-ukrainienne a non seulement rapproché le spectre de la guerre, mais a également privé les États membres de l’UE de sources d’énergie bon marché. L’élection récente aux États-Unisde Donald Trump a elle aussi sans doute pesé sur la décision de l’UE de conclure l’accord avec le Mercosur. Le futur président américain ne fait pas mystère de sa volonté de renforcer les politiques protectionnistes, ainsi que de désarmer le système commercial multilatéral.

La Chine est actuellement l’un des principaux investisseurs en Amérique latine. Les entreprises chinoises ont acquis des entreprises de pays du Mercosur dans des secteurs stratégiques, tels que l’alimentation, les minéraux, la communication et les infrastructures. Contrairement à l’approche basée sur les droits de l’UE, la manière chinoise de faire des affaires en Amérique latine n’inclut pas de préoccupations sociales ou environnementales et se fait en secret. L’ALE peut permettre aux entreprises de l’UE de défier la domination de la Chine dans la région.

De plus, l’ALE pourrait être un mouvement stratégique pour déstabiliser le bloc BRICS, qui s’est récemment élargi et inclut désormais le Brésil. Bien que les objectifs du bloc BRICS restent quelque peu vagues, il est souvent perçu comme une alternative à l’influence occidentale.

De plus, l’ALE permet à l’UE d’accéder à certains des métaux critiques dont elle a désespérément besoin pour la transition énergétique et pour atteindre son « Pacte vert pour l’Europe ». L’Argentine possède de grandes réserves de lithium, étant l’un des trois pays du soi-disant Triangle du Lithium, qui détient collectivement environ 44 millions de tonnes de lithium, représentant près de 43 % des réserves mondiales. Le Brésil possède l’une des plus grandes réserves de matières premières critiques (CRM, selon son acronyme en anglais) au monde, y compris le graphite, les terres rares et le phosphate. L’accès à ces dépôts aiderait à diversifier les chaînes d’approvisionnement en CRM de l’Europe et à réduire la dépendance à la Chine.

Si, comme l’a suggéré Alan Rouquié, l’Amérique latine est « l’extrême Occident », en étendant les relations commerciales et de coopération avec les pays du Mercosur, l’UE pourrait étendre son influence dans la région à un moment où elle devient un acteur minoritaire et solitaire sur la scène internationale.

Economie- Mercosur : la présidente de l’UE profite du flottement européen

Economie- Mercosur : la présidente de l’UE profite du flottement européen

La présidente de la commission européenne Van der Layen, a annoncé l’adhésion de l’Europe au traité commercial Mercosur avec l’Amérique du Sud. Pour cela, elle a profité sans doute du flottement européen qui se caractérise actuellement par l’absence d’un gouvernement allemand et l’incapacité en France à trouver une majorité parlementaire.

 

Pour faire passer la pilule, elle annonce l’existence de mesures miroir qui veilleraient à ne pas de ne pas porter atteint aux conditions de concurrence et le respect de l’environnement. Des clauses tout à fait théoriques car évidemment pratiquement invérifiables.

Il s’agit d’un coup de poker politique qui sert surtout les intérêts de l’Allemagne actuellement en difficulté pour sa production industrielle exportée. L’affaire est cependant encore loin d’être bouclée car il faudra l’accord formel de 65 % des Européens représentés, l’accord aussi du Parlement européen et peut-être même des parlements nationaux.

Pas de doute cependant que cette orientation de la commission européenne va encore contribuer à détériorer le climat social déjà tendu chez les agriculteurs.

Mercosur : la présidente profite du flottement européen

Mercosur : la présidente profite du flottement européen

La présidente de la commission européenne Van der Layen, a annoncé l’adhésion de l’Europe au traité commercial Mercosur avec l’Amérique du Sud. Pour cela, elle a profité sans doute du flottement européen qui se caractérise actuellement par l’absence d’un gouvernement allemand et l’incapacité en France à trouver une majorité parlementaire.

 

Pour faire passer la pilule, elle annonce l’existence de mesures miroir qui veilleraient à ne pas de ne pas porter atteint aux conditions de concurrence et le respect de l’environnement. Des clauses tout à fait théoriques car évidemment pratiquement invérifiables.

Il s’agit d’un coup de poker politique qui sert surtout les intérêts de l’Allemagne actuellement en difficulté pour sa production industrielle exportée. L’affaire est cependant encore loin d’être bouclée car il faudra l’accord formel de 65 % des Européens représentés, l’accord aussi du Parlement européen et peut-être même des parlements nationaux.

Pas de doute cependant que cette orientation de la commission européenne va encore contribuer à détériorer le climat social déjà tendu chez les agriculteurs.

Mercosur : l’Italie également contre

Mercosur : l’Italie également contre

L’Italie, comme la France, estime que « les conditions ne sont pas réunies pour souscrire le texte actuel de l’accord d’association UE-Mercosur ». Rome demande « l’apport de mesures concrètes et efficaces pour prendre en compte les préoccupations du secteur agricole européen ».
« En confirmant que l’approfondissement des relations avec les pays du Mercosur doit continuer à représenter une priorité stratégique pour l’Union européenne ainsi que pour l’Italie, tant au niveau politique qu’économique et industriel, le gouvernement italien estime que les conditions ne sont pas réunies pour souscrire le texte actuel de l’accord d’association UE-Mercosur, et que la signature ne peut avoir lieu que sous la condition d’une protection et d’une compensation adéquates en cas de déséquilibres dans le secteur agricole », précisent ces sources, citées par La Stampa.

« L’éventuel feu vert italien à la signature de l’accord par l’Union européenne reste donc conditionné à l’apport de mesures concrètes et efficaces pour prendre en compte les préoccupations du secteur agricole européen. La souveraineté alimentaire européenne, tout comme les avantages objectifs dus au renforcement des marchés, reste un objectif stratégique du gouvernement italien », concluent-elles.

La France a en effet déjà réussi à rallier il y a quelques jours la Pologne. Avec le non de l’Italie et une abstention de la Belgique -où le Parlement de la région Bruxelles s’est exprimé contre l’accord en 2020, et le gouvernement et le Parlement de Wallonie ont pris position contre le traité au début de novembre 2024-, le Conseil ne parviendrait pas à obtenir la majorité qualifiée requise (14 pays réunissant 65% des votes).

 

Mercosur: les enjeux

Mercosur: les enjeux

 

L’accord UE-Mercosur cristallise les tensions entre ambitions économiques et exigences écologiques. S’il a le potentiel de renforcer la position stratégique de l’Europe, il risque également de fragiliser son « soft power », fondé sur la puissance normative, la durabilité et la capacité à protéger ses secteurs stratégiques ainsi que ses standards environnementaux. Par Véronique Chabourine, Analyse « soft power » dans  » la Tribune ».

Le 26 novembre, l’Assemblée nationale a marqué son opposition au traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, avec un vote consultatif nettement défavorable (484 voix contre 70). Ce scrutin, bien que non contraignant pour le gouvernement, marque un signal politique fort, aligné sur les préoccupations d’autres États membres comme la Pologne et l’Italie. Signé en 2019, cet accord reflète les tensions entre commerce et environnement.

Avec ses 260 millions de consommateurs, le Mercosur (regroupant le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay) représente une zone géographique cruciale pour l’Union européenne. L’accord vise à éliminer progressivement les droits de douane sur une large gamme de produits, à ouvrir l’accès aux marchés publics et à simplifier les conditions d’exportation pour les entreprises européennes. En 2023, l’UE réalise 22% de ses importations depuis la Chine et 18% de ses exportations vers les États-Unis. En comparaison, les échanges avec le Mercosur représentent environ 40 milliards d’euros par an, soit 1% du commerce total de l’Union européenne. La suppression prévue de 4 milliards d’euros de droits de douane pourrait renforcer ces flux commerciaux. Pour la France, qui exporte chaque année environ 3 milliards d’euros vers le Mercosur, cet accord constitue une opportunité économique significative.

L’une des critiques majeures adressées à cet accord porte sur ses effets attendus sur l’agriculture. Les éleveurs français craignent une concurrence déloyale de la part des produits sud-américains, notamment la viande bovine et le sucre, souvent produits selon des normes environnementales et sanitaires moins strictes qu’en Europe. Malgré des importations contingentées, elles pourraient accroître la pression sur un secteur déjà fragilisé par des crises et une concurrence intra-européenne. L’accord prévoit, par exemple, l’introduction d’un quota de 99.000 tonnes de viande bovine à droits de douane réduits, ce qui pourrait entraîner une augmentation des importations agricoles européennes depuis le Mercosur de 20 à 30%.

Au-delà des considérations commerciales, l’accord Mercosur pose de sérieux enjeux environnementaux. La déforestation en Amazonie, accélérée par l’expansion agricole, compromet les écosystèmes mondiaux et les engagements climatiques de l’UE. Bien que le traité interdise l’importation de produits non conformes aux normes européennes, il reste vague sur les mécanismes de contrôle et de vérification à la frontière. La mise en œuvre de « clauses miroirs » exigeant des pays exportateurs qu’ils respectent des normes européennes se heurte à la réalité des écarts de production entre l’UE et le Mercosur. La directive européenne contre la déforestation importée, prévue pour 2025, pourrait partiellement atténuer ces risques. Si l’accord UE-Mercosur venait à être ratifié, les importations agricoles européennes depuis le Mercosur pourraient augmenter notamment sur la viande bovine. Selon la Fondation pour la Nature et l’Homme, les exportations pourraient accélérer la déforestation de 5% par an pendant six ans.

Dans un contexte de tensions commerciales et de retour du protectionnisme, le Mercosur constitue également un outil stratégique pour l’UE. Face à la montée de la Chine en Amérique latine et au retour de Donald Trump marqué par un protectionnisme accru, cet accord représente un enjeu stratégique pour l’Europe. Toutefois, cette ambition devra être équilibrée par une responsabilité environnementale accrue et une attention particulière aux intérêts des secteurs économiques les plus exposés.

Renforcer le « soft power » européen sans compromettre ses valeurs

Le traité du Mercosur soulève des interrogations fondamentales quant à la capacité de l’Union européenne à concilier croissance économique, autonomie stratégique et respect de ses valeurs. Aujourd’hui, l’Union européenne dispose d’atouts uniques : elle est la troisième économie mondiale avec un poids de 17,4% du PIB mondial, derrière les États-Unis et la Chine, et elle s’impose comme une puissance normative. Dans le classement 2024 du « soft power », l’UE confirme sa position de leader sur le pilier Sustainable Future, qui évalue les contributions des États à un avenir durable. Cinq pays européens figurent dans les dix premiers avec respectivement l’Allemagne (2e), la Suède (4e), les Pays-Bas (6e), la Finlande (8e) et le Danemark (10e). Le Pacte vert avec son objectif à 2030 est un levier majeur d’influence. Il exporte des normes ambitieuses et positionne l’Europe comme une référence pour les politiques climatiques mondiales. L’UE n’a pas seulement construit une influence normative sur la scène mondiale, mais a aussi aligné ses objectifs de durabilité avec sa puissance économique. Bien que moins dominante sur le pilier Business and Trade, l’Europe conserve une influence notable avec l’Allemagne (4e), la France (7e) et la Suède (9) dans le top 10. En 2023, avec 17,4% du PIB mondial et un marché unique de 447 millions de consommateurs, l’Europe reste un acteur clé du commerce international.

Selon les projections, le traité du Mercosur apporterait un gain de 0,1% à 0,3% du PIB européen par an. Ces chiffres soulignent l’importance de voir cet accord comme un outil stratégique plutôt qu’un moteur de croissance économique. Conformément au cadre défini par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en 2017, cet accord pourrait être qualifié d’accord mixte.  Cela signifie qu’il couvre à la fois des compétences exclusives de l’UE (volet commercial) et des compétences partagées avec les États membres (normes environnementales, sociales et protection des investissements). Si cette nature mixte est confirmée, l’accord devra être ratifié par les 27, et la France pourrait exercer son droit de véto si l’accord ne correspond toujours pas à ses exigences clés — respect des engagements climatiques de l’Accord de Paris, clauses miroirs et protection de l’agriculture française — si la Commission européenne venait à scinder l’accord en deux volets dont un purement commercial, pour contourner un éventuel véto, la France et d’autres pays opposés devront envisager des stratégies de contestation, notamment par une mobilisation politique, des alliances et potentiellement des recours juridiques.

Le Mercosur est un test clé pour l’Union européenne, qui doit concilier ambitions économiques et « soft power ».

Mercosur : les enjeux

Mercosur : les enjeux

484 voix pour et 70 contre. Tel est le score obtenu par la déclaration du gouvernement français s’opposant à la signature du traité contre le Mercosur. C’est dire que les accords de commerce international sont critiqués. Parallèlement, le futur président des États-Unis, Donald Trump, a redit son intention de relever les droits de douane dans les échanges avec plusieurs pays, à commencer par ses voisins mexicains et canadiens. Charlotte Emlinger, économiste au Cepii, décrypte le contenu du Traité et les enjeux qu’il contient dans The Conversation. .


Quand on parle de l’accord signé avec le Mercosur, on parle d’un traité de libre-échange. Mais que désigne-t-on par ce terme ?

Nous parlons d’accords préférentiels de commerce ou d’accords de libre-échange. Ce sont des accords bi ou multi-latéraux qui ont pour finalité de réduire réciproquement les droits de douane pour favoriser le commerce entre les zones. Derrière cette idée générale, il faut savoir qu’il existe des types d’accords très différents avec des clauses spécifiques et des niveaux d’intégration variés. Par exemple, l’Union européenne, au départ, est un accord de libre échange pour la circulation de l’acier et du charbon entre la France et l’Allemagne.

L’accord entre l’UE et le Mercosur a pour objectif de réduire les droits de douane et de favoriser l’accès au marché pour les produits de chacun. On y trouve aussi des dispositions sur l’accès aux marchés publics, des dispositions sur les services… Par ailleurs, dans le cadre des produits sensibles comme la viande bovine, la volaille ou le sucre dont il est beaucoup question, les droits de douane ne sont pas supprimés mais juste réduits dans le cadre de quotas, donc avec des effets relativement limités. L’idée qu’on ouvrirait complètement les frontières aux produits « made in Mercosur » est complètement fausse.

 

Ce sont des négociations très longues pour aboutir à un accord et plus encore à sa ratification. Quel était le contexte au commencement de la négociation ?

Depuis les années 90, l’Union européenne est engagée dans la négociation d’accords commerciaux avec plusieurs pays. L’UE est d’ailleurs la zone qui a signé le plus d’accords dans le monde (Japon Afrique du Sud Canada…). Dans ce contexte, le cas du Mercosur est intéressant, parce qu’il s’agit d’une zone très vaste, qui est très protégée avec des droits de douane jusque-là très élevés pour les produits industriels, comme les automobiles, les produits pharmaceutiques, les machines-outils, la chimie mais aussi certains produits comme les vins ou les fromages. Un tel accord est très logique dans une démarche de recherche de marchés d’extension pour vendre les biens produits dans l’Union européenne. Car il s’agit d’un vaste marché, avec une classe moyenne en forte croissance…

Les critiques de l’accord expliquent qu’on aurait sacrifié l’agriculture au bénéfice de l’industrie. Quelle part de vérité y a-t-il dans cette affirmation ?

Dans un accord commercial, on trouve toujours des gagnants et des perdants de part et d’autre. Quand on négocie, on ne peut pas gagner sur tous les tableaux en même temps, c’est du donnant donnant. Il existe toujours des secteurs qui profitent davantage de la signature de l’accord que d’autres. En l’espèce, nos secteurs offensifs sont les produits manufacturés et les services où la France est très compétitive.

Mais de là à dire, que l’agriculture serait purement et simplement sacrifiée est faux. Les producteurs de vins et de fromages ont tout à y gagner. Dans le Traité, on trouve aussi des dispositions sur les indications géographiques (IG) qui peuvent profiter aux agriculteurs. En effet, l’UE insère dans les accords la protection de listes d’IG, ce qui favorise les exportations de ces produits. Cette protection des IG dans les accords commerciaux comme dans le CETA (accord avec le Canada) permet aux producteurs de vendre leurs produits plus chers, par exemple dans le secteur des fromages

Globalement, dire comme on l’entend que l’Union européenne aurait fait trop de concessions sur l’accès aux produits sensibles est très exagéré. Les réductions de droits de douane sur les produits agricoles sont très faibles et les importations restent contingentées. On parle d’importations de viande de bœuf qui représentent 1,2 % de la consommation européenne.

Dans les débats actuels, on évoque peu la présence très importante d’industriels français, par exemple dans l’industrie automobile, dans les pays du Mercosur. ce n’est pourtant pas neutre…

Aujourd’hui, les droits de douane sur l’automobile dans le Mercosur atteignent 30 %, ce qui est rédhibitoire et empêche les producteurs européens d’exporter vers cette zone. Ces droits de douane incitent plutôt les industriels étrangers à s’installer sur place pour ne pas payer les droits de douane. On parle alors de « tarif jumping ». Il serait tentant de dire alors que l’accord avec le MERCOSUR ne va rien changer puisque les constructeurs européens produisent et vendent déjà dans ces pays. C’est plus complexe. En effet, tout n’est pas produit sur place et les pays du MERCOSUR importent des composants automobiles qui pourront être importés sans droits de douane. On peut aussi imaginer que le traité favorisera l’exportation de nouveaux produits comme les voitures électriques.

Par ailleurs, quand vous produisez du champagne ou du fromage, vous ne pouvez pas faire du « tarif jumping » en vous installant au Brésil ou en Argentine. La baisse des tarifs douaniers a alors un intérêt pour rendre vos produits plus compétitifs sur le marché de destination.

On parle beaucoup de clauses miroirs. De quoi s’agit-il ?

La notion de clause miroir suppose qu’on demande aux pays qui exportent vers chez nous les mêmes contraintes que celles imposées à nos producteurs. Cela relève un peu du fantasme : les pays ne commercent pas pour avoir la même législation !

Ceci étant rappelé, je voudrais préciser quelques points sur les normes, car là-aussi tout ce qu’on n’entend n’est pas exact. Dans le cadre du Mercosur, il n’est pas question de réduire les normes sur les produits importés, ce sujet n’est pas inclus dans l’accord. Non, on ne va pas massivement importer du bœuf aux hormones demain, ces produits sont toujours interdits sur le marché européen. En revanche, il est exact que les contrôles aux frontières ne sont pas toujours efficaces. Il n’est pas simple de détecter certains résidus de pesticides, par exemple.

Un test n’étant pas suffisant pour vérifier si le bœuf importé n’a pas été produit avec des hormones, une vraie traçabilité des produits est nécessaire. Le vrai enjeu est donc de renforcer les contrôles à la frontière pour être sûrs du respect des normes sur le marché européen. Ce sujet est d’autant plus important quand on signe un accord avec des partenaires commerciaux dont les standards sont très éloignés des nôtres, comme les pays du MERCOSUR. Il n’est cependant pas lié spécifiquement à l’accord avec ces pays.

Le sujet des clauses miroirs est aussi lié aux questions environnementales. Nous demandons beaucoup à nos producteurs sur ce sujet, ce qui n’est pas le cas des pays du MERCOSUR. Il serait extrêmement difficile d’imposer ces mêmes contraintes aux agriculteurs de ces pays, il faudrait pouvoir aller contrôler chaque ferme argentine ou brésilienne pour voir si elle applique bien la même régulation environnementale qu’en Europe, car le respect de ces mesures (protection des haies, de la biodiversité, des cours d’eau) n’est pas lié à un produit en particulier et ne peut pas s’observer à la frontière.

Faut-il en conclure que le traité ne pose aucun problème ?

Non. Les importations supplémentaires de bœuf, même si elles sont faibles, peuvent déstabiliser un marché déjà fragile. Sur le principe, demander à nos producteurs de respecter des contraintes que les exportateurs n’auront pas est par ailleurs difficile. La colère des éleveurs est compréhensible, voire légitime. C’est un secteur économiquement très fragile qui a récemment dû faire face à de nombreux problèmes, zoonoses, intempéries…

Toutefois, la concurrence potentielle avec les producteurs du MERCOSUR n’est pas vraiment le problème, et l’accord est surtout un symbole fédérateur pour le secteur. Beaucoup d’agriculteurs se plaignent plutôt de la concurrence intra-européenne, car les contraintes environnementales n’étant pas les mêmes partout.

Quel sens a ce type d’accords internationaux quand, le reste du temps, on parle de délocalisations, de circuits courts, de souveraineté, notamment en matière d’alimentation ?

Ces accords reposent sur la notion d’avantages comparatifs mis en évidence par David Ricardo. Je pense que ce sera pertinent aussi longtemps qu’il existera des différences climatiques, des écarts dans le coût de la main-d’œuvre, des différences de spécialisation d’un pays à l’autre. Une grande critique contre le commerce international concerne la dimension écologique du transport. Là encore, il y a beaucoup d’idées fausses qui circulent. Non, le transport de marchandises n’est pas ce qui produit le plus d’émissions. Sur les circuits courts, mieux vaut manger une tomate produite au Maroc et livrée en camion qu’une tomate produite sous serre en Bretagne.

En revanche, le traité avec le Mercosur passe à côté d’un vrai sujet : la déforestation qui est loin d’être mineure quand on parle de commercer avec des pays où se trouve l’Amazonie. L’Union européenne a finalement repoussé sa directive contre la déforestation importée qui devait s’appliquer en décembre 2024. Cette directive avait pour objectif d’interdire les importations d’un certain nombre de produits (bœuf, cacao, caoutchouc, café…) s’ils venaient de zones déforestées. Sa mise en application devrait permettre de réduire en partie les effets négatifs de l’accord avec le MERCOSUR sur les forêts, si elle s’applique, comme prévu, fin 2025.

Les débats actuels s’inscrivent à un moment particulier où Donald Trump a prévenu que la mise en place de droits de douane sera une de ces premières mesures. Est-ce la fin du mouvement de libéralisation des échanges entamé dans les années 80 90 ?

La remise en question du commerce international vient du fait que nous évoluons dans un univers géopolitique incertain. Il existe de fortes tensions et le commerce est utilisé comme moyen de faire la guerre autrement. Il y a cette idée que produire chez soi, c’est moins dépendre des autres, dont les intentions ne nous sont pas toujours connues. Pour revenir à l’accord avec le MERCOSUR, cet accord est aussi le moyen pour l’Union européenne de se garantir un accès à certains minerais critiques dont elle a grandement besoin pour continuer à innover. Augmenter le commerce avec ces pays serait aussi un moyen d’y contrer l’influence de la Chine. Le sujet est aussi géopolitique.

 

Mercosur: une majorité de l’Assemblée nationale contre

Mercosur: une majorité de l’Assemblée nationale contre

 

L’Assemblée nationale a approuvé mardi à une large majorité (484 voix contre 70) la position du gouvernement sur le projet d’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur, à savoir un refus «en l’état» de cet accord considéré comme néfaste à l’agriculture française. Un vote du Sénat sur le même sujet est attendu mercredi.
«Dans les conditions actuelles», ce projet d’accord entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) ne garantit pas des «conditions de concurrence loyales pour nos agriculteurs», a souligné devant les députés la ministre de l’Agriculture Annie Genevard. Pendant le long débat consacré à ce sujet inflammable, tous les groupes politiques, sans exception, ont exprimé leur rejet de l’accord commercial, mais avec des nuances.
La France n’est en tout cas plus seule dans son refus: le gouvernement polonais a adopté mardi une résolution proclamant que Varsovie n’accepterait pas l’accord «sous cette forme», notamment en raison de «l’inquiétude pour les agriculteurs polonais et la sécurité alimentaire». «Des actions diplomatiques sont en cours pour constituer une minorité qui empêchera l’entrée en vigueur de l’accord», a souligné le vice-premier ministre Wladyslaw Kosiniak-Kamysz.

Mercosur: les inquiétudes légitimes

Mercosur: les inquiétudes légitimes

Pour La Tribune Dimanche, la présidente du Parlement européen revient sur ces discussions mais aussi sur le retour de Trump à la Maison-Blanche, l’escalade en Ukraine et la nouvelle Commission européenne.

 Après vos entretiens avec Michel Barnier, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, pensez-vous qu’un accord sur le traité avec le Mercosur puisse être trouvé  ?

ROBERTA METSOLA - Nous avons évoqué les inquiétudes qui subsistent, en particulier dans le secteur agricole français. Elles sont légitimes et doivent être entendues. Il est crucial de prendre le temps d’y répondre totalement. J’ai l’espoir que l’on parvienne à une solution équilibrée qui à la fois protège les intérêts de nos agriculteurs, en particulier dans les branches les plus exposées, et débloque de nouvelles opportunités pour nos entreprises. Nous désengager du commerce international nous priverait d’une occasion d’exporter nos valeurs et nos normes. Si nous ne nous impliquons pas, d’autres le feront à notre place. Cela vaut pour l’Amérique latine mais aussi pour d’autres régions, comme l’Afrique.

Comment parvenir à un consensus sur cet accord  ?

Il y a plusieurs pistes. Mais que l’accord soit scindé ou non, qu’il y ait ou pas un vote à la majorité sur le texte, on ne doit pas isoler des États membres. Parce qu’on ne peut pas dire à un pays désemparé par le déclin d’un secteur et qui se sent abandonné  : « Désolé, mais on ne vous écoutera pas  ! »

Le Parlement français vote sur ce sujet la semaine prochaine. Est-ce une bonne idée  ?

En tant que parlementaire, je pousserai toujours pour que les décisions et les négociations passent par le Parlement. Or, sous le précédent gouvernement, l’Assemblée nationale a été exclue de beaucoup de décisions. Prenez les plans de relance et de résilience votés pendant la crise sanitaire  : dans les pays où les Parlements nationaux ont été contournés, nous avons eu de gros problèmes car les gouvernements avaient amassé des pouvoirs fiscaux et budgétaires normalement dévolus aux Parlements.

Nous désengager du commerce international nous priverait d’une occasion d’exporter nos valeurs et nos normes.

 

Donald Trump, de son côté, a promis d’augmenter les droits de douane. Comment l’anticiper  ?

Les États-Unis et l’Europe sont les premiers partenaires commerciaux l’un de l’autre. Une guerre commerciale ne bénéficiera donc à personne. Elle nuira autant au consommateur européen qu’au consommateur américain. En 2022, nous avons été naïfs d’imaginer que l’Inflation Reduction Act [programme d'investissements massifs lancé par Joe Biden aux États-Unis] se cantonnerait à de simples mesures de soutien à la transition écologique. Notre réaction à l’époque aurait pu être plus forte, nous aurions pu être mieux préparés. Désormais, nous devons renoncer à cette posture consistant à attendre l’élection américaine pour réagir. On doit agir, indépendamment de ce résultat. Nous avons aujourd’hui l’occasion, avec ce nouveau Parlement élu, avec une nouvelle administration, de regagner en cohérence et de réduire notre vulnérabilité.

C’est-à-dire  ?

Par exemple, dans nos relations avec la Chine, on ne peut pas faire entendre 27 voix différentes comme c’est le cas aujourd’hui. Pour acquérir cette cohérence, il faut un leadership fort. Nous allons donc travailler sans attendre, avec la Commission et le Conseil, pour aligner nos positions. Si nous montrons que nous sommes capables de tenir sur nos deux jambes, de nous focaliser sur nos priorités et notre compétitivité, nous deviendrons immédiatement plus forts et nous pourrons parler aux Américains d’égal à égal.

À nous tous, chacun dans son rôle. Le mien, c’est de parler à mon homologue aux États-Unis, le président de la Chambre des représentants. Je l’ai déjà fait au G7 de Vérone. Il y aura d’autres occasions prochainement. L’idée est de trouver des terrains d’entente, plutôt que regarder les sujets sur lesquels nous ne serons pas d’accord.

 

Approuvez-vous la décision de Joe Biden d’autoriser l’Ukraine à frapper des cibles militaires en Russie avec des missiles longue portée  ?

On ne peut pas espérer obtenir une désescalade en restant silencieux et inactifs. Cette décision est donc bienvenue. Elle permet notamment d’empêcher la destruction des infrastructures énergétiques ukrainiennes. Maintenant, il faut savoir si elle peut être étendue aux armes livrées par l’Union européenne. En Allemagne, cela reste encore un grand point d’interrogation. Mais j’ai été rassurée cette semaine par la position commune de plusieurs ministres des Affaires étrangères européens (allemand, français, polonais, italien et britannique) qui rappelaient le triste anniversaire des mille jours de guerre. Les mots étaient forts et sont allés au-delà des traditionnelles platitudes de solidarité.

 

Cela n’empêche pas l’Europe de rester divisée sur l’Ukraine…

Oui, mais si on m’avait dit en 2022 que nous allions réunir l’unanimité sur tous les paquets de sanctions décidés depuis, je ne l’aurais pas cru. Je préfère me focaliser là-dessus. Et puis j’espère encore possible le déblocage de la Facilité européenne pour la paix [fonds d'aide à l'Ukraine d'un montant de 6,6 milliards d'euros actuellement bloqué par un veto hongrois].

Toute initiative montrant que nous négocions sur l’Ukraine sans impliquer Kiev serait une erreur.

 

L’appel d’Olaf Scholz à Vladimir Poutine la semaine dernière était-il utile  ?

On ne peut pas dire que ça ait très bien marché et que le but ait été atteint. Toute initiative montrant que nous négocions sur l’Ukraine sans impliquer Kiev directement serait une erreur.

Donald Trump pourrait pourtant ignorer les avis de Kiev et des Européens en  négociant directement un cessez-le-feu avec Vladimir Poutine…

C’est une chose à laquelle nous devons être attentifs. Par ailleurs, l’Union européenne a investi massivement pour soutenir l’Ukraine. Est-ce suffisant  ? Sans doute pas. Mais cette aide militaire et financière me donne l’espoir que l’on puisse trouver un terrain d’entente avec les États-Unis au sein de l’Otan. En tout cas, le discours que l’on entendait il y a huit ans et qui disait « l’UE ne dépense pas assez et les États-Unis supportent seuls le fardeau » ne peut plus avoir cours.

Les auditions de la nouvelle Commission ont donné lieu à des tensions rarement vues au Parlement. Est-ce dû à une reconfiguration des équilibres politiques et à l’influence grandissante des mouvements nationalistes et d’extrême droite  ?

Le Parlement européen votera mercredi sur la nouvelle Commission, ouvrant la voie à sa prise de fonctions le 1er décembre. C’est vrai que les majorités ont changé après les dernières élections européennes. Cela étant dit, lorsque l’on regarde l’élection du président de la Commission, la récente résolution sur l’Ukraine ou les auditions des commissaires, des majorités stables continuent à se former grâce à une approche consensuelle avec les groupes proeuropéens constructifs au centre. Et je ne vois pas cela changer.

Dans l’affaire des assistants parlementaires du RN jugée en ce moment, le préjudice pour le Parlement européen serait de 5  millions d’euros. Allez-vous récupérer cet argent  ?

Notre devoir est avant tout de veiller sur les intérêts financiers de l’UE et sur l’argent versé par les contribuables européens. Je ne commente pas un procès en cours, mais notre équipe juridique pense que la réputation du Parlement a été atteinte, financièrement mais aussi en matière de crédibilité. Nous allons donc nous battre pour qu’elle soit rétablie.

 

 

 

Modifier en profondeur le Mercosur (FNSEA)

Modifier en profondeur le Mercosur (FNSEA)
Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, exige que toutes les promesses qui ont été faites par le gouvernement soient tenues. Et il s’engage à se battre contre le traité de libre-échange en cours de conclusion. (interview dans La Tribune)

Dans un tout récent document que nous avons consulté, vous assurez que le gouvernement n’a honoré que 36% de ses promesses faites aux agriculteurs début 2024. Selon le ministère, ce taux atteint 67%. Pourquoi un tel écart d’évaluation ?

ARNAUD ROUSSEAU – Je ne connais pas les raisons qui poussent le ministère de l’Agriculture à une évaluation si différente de la nôtre. Mais nous tenons à rappeler à nos adhérents, au moment où ils repartent sur le terrain, nos revendications, ce qui a déjà été fait – car il faut reconnaître un certain nombre d’avancées -, ce qui demande encore quelques semaines et ce qui ne va pas encore assez vite.

Les temps législatifs, allongés par la dissolution de l’Assemblée nationale, expliquent une partie des promesses non tenues. Les agriculteurs veulent-ils s’affranchir du jeu démocratique ?

Évidemment non. Mais un certain nombre des promesses qui leur avaient été faites n’ont pas encore pris corps. Par exemple, le Premier ministre avait promis de reprendre la loi d’orientation agricole [mise en suspens par la dissolution] « sans délai ». Finalement, ce texte ne sera pas examiné au Sénat en séance publique avant mi-janvier. C’est certes le temps législatif. Mais les agriculteurs, qui attendent des décisions concrètes, ressentent un décalage entre la parole publique, le fonctionnement démocratique et la réalité de ce qu’ils vivent dans leurs exploitations. Notre mouvement a commencé en novembre 2023 : cela fait une année qu’on explique qu’on marche sur la tête ! Et l’été a été particulièrement difficile pour les producteurs de blé, les viticulteurs, les éleveurs, à cause de la météo et des épidémies. Sans compter que dans certaines Régions, comme l’Occitanie, les difficultés perdurent depuis des années. L’enjeu, c’est ce qu’on aura dans nos assiettes dans les vingt prochaines années !

Dans quel état d’esprit sont-ils aujourd’hui ?

Tout le monde partage le sentiment que les manifestations du printemps n’ont pas totalement donné les fruits espérés, et que le changement de logiciel qu’on demandait n’a pas été opéré. Mais l’agriculture n’est pas la même partout. Dans un certain nombre d’endroits, il y a plus de colère.

Une nouvelle mobilisation des agriculteurs commence lundi. Vous avez promis aux Français que le pays ne sera pas bloqué. Comment comptez-vous quand même vous faire entendre ?

Nous organiserons dans toute la France diverses actions dont l’objectif est d’interpeller l’opinion publique. Selon un tout récent sondage de l’Ifop, d’ailleurs, les Français nous soutiennent, c’est extrêmement réconfortant. Le premier volet de notre mobilisation sera très européen, contre une « Europe passoire ». Nous sommes ouverts aux échanges commerciaux, puisque l’agriculture française ne produit pas tout ce que la France consomme, et puisque nous voulons continuer d’exporter nos produits, dont nous sommes fiers. Mais nous demandons un cadre commun, une réciprocité des normes et des méthodes de production, ainsi que davantage de clarté pour le consommateur. C’est un combat vital pour nous, Bruxelles doit en prendre conscience.

En ce moment, on a besoin que le président de la République et le Premier ministre agissent de concert.

Une deuxième phase de la mobilisation portera sur des sujets plus nationaux, notamment sur les entraves à l’exercice du métier d’agriculteur : ils ne doivent pas être oubliés. Enfin, un troisième temps se focalisera sur le revenu, au moment où débuteront en France les négociations commerciales entre l’industrie agroalimentaire et la grande distribution. Nous voulons que la matière première agricole soit achetée au juste prix. Tout cela durera jusqu’à la mi-décembre, car les fêtes sont un moment de consommation des produits qui viennent de nos terroirs que nous ne voulons pas troubler.

Les manifestations des prochains jours vont viser notamment l’éventuelle conclusion d’un traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur. Des filières comme le lait et le vin, pour qui ce marché représente un important débouché, sont-elles sacrifiées à l’unité de l’agriculture ?

Non, nous ne sacrifions personne : ce n’est pas l’objectif d’un syndicat agricole. Nous nous opposons à la conclusion d’accords déséquilibrés susceptibles de détruire une partie de l’agriculture française, même lorsque, pour certaines filières, ils pourraient impliquer des avantages à court terme.

L’exécutif français se dit opposé au traité avec le Mercosur « en l’état ». Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

Si « en l’état » veut dire une menue modification, cela ne nous suffit pas. Nous demandons une modification en profondeur de la vision à la base du traité, qui ne respecte pas l’accord de Paris, la réciprocité des conditions de production, la traçabilité. Sans une telle remise en question, l’accord actuel ne sera pas acceptable, ni au G20 ni plus tard.

Michel Barnier est un ancien ministre de l’Agriculture et un négociateur reconnu. Qu’est-ce que cela change ?

Le fait que le Premier ministre connaisse très bien les sujets agricoles nationaux, le fonctionnement de Bruxelles et la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, est un atout évident. Mais sur le plan international, c’est le président de la République qui agit, et qui sera au G20. Il faut donc aussi qu’il puisse œuvrer. En ce moment, on a besoin que le président de la République et le Premier ministre agissent de concert, pour expliquer sur le plan international les raisons qui poussent la France à ne pas vouloir conclure cet accord, et sur le plan européen pour rallier d’autres pays.

Qu’impliquerait une conclusion du traité UE-Mercosur ?

Si on devait finalement perdre cette bataille, ce serait évidemment catastrophique. Nous avons la volonté ferme de l’emporter. Nous sommes toutefois lucides : nous ne gagnerons pas seuls. Nous avons besoin que les politiques se mobilisent, que l’opinion publique soit à nos côtés, que le gouvernement agisse. Et si l’Europe considère que, sans l’accord de Paris, elle peut continuer à avancer, cela renverra inévitablement l’idée que la France, qui était un pilier de la construction européenne, ne pèse plus à Bruxelles.

 

Le site du ministère de l’Agriculture consacre une page en particulier au suivi des promesses formulées au début de 2024 par le gouvernement Attal pour répondre à la colère des agriculteurs. Selon son plus récent bilan, daté du 13 septembre, les 70 engagements pris sont « en cours de déploiement » : 67% sont d’ores et déjà « faits », 19% sont « avancés » et 14% « engagés avec un planning précis ».

Mais la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), qui se concentre sur ce qui est « arrivé dans les cours de fermes » – ce qui déclasse par exemple tout projet de loi non encore approuvé -, propose une lecture bien différente. Dans un document que La Tribune a analysé, elle considère 36% des engagements « faits », 28% « en cours », 15% « partiellement faits » et 21% « pas faits ».

 

Mercosur : 600 parlementaires français disent non

Mercosur : 600 parlementaires français disent non

 

 

L’accord actuel ne respecte pas les critères démocratiques, économiques, environnementaux et sociaux fixés par l’Assemblée nationale et le Sénat, estiment 622 élus d’horizons politiques divers, dans une tribune au « Monde », rédigée à l’initiative du sénateur (Les Ecologistes) Yannick Jadot.
Madame la Présidente de la Commission européenne, vous vous apprêtez dans les prochaines semaines à soumettre l’accord d’association entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur à l’approbation du Conseil et du Parlement européens. Nous, parlementaires français au Sénat, à l’Assemblée nationale et au Parlement européen, souhaitons vous rappeler l’opposition très large et transpartisane que nos assemblées ont formellement exprimée vis-à-vis de cet accord.

Les résolutions adoptées à l’Assemblée nationale en 2023 et au Sénat en 2024 stipulent en effet que les conditions démocratiques, économiques, environnementales et sociales ne sont pas réunies pour la conclusion et l’adoption d’un accord avec le Mercosur. Nos assemblées rappellent que la France a posé trois conditions à la signature de l’accord, à savoir : ne pas augmenter la déforestation importée dans l’UE, mettre l’accord en conformité avec l’accord de Paris sur le climat (2015) et instaurer des mesures miroirs en matière sanitaire et environnementale.

A l’évidence, ces conditions ne sont pas satisfaites. Depuis le lancement des négociations UE-Mercosur en 1999, c’est une surface équivalente à la péninsule ibérique qui a été déforestée en Amazonie. C’est maintenant le Cerrado voisin qui est massivement touché. Nous le savons, cette déforestation, qui contribue massivement aux émissions de gaz à effet de serre et à l’effondrement de la biodiversité, est principalement liée au changement d’usage des terres pour l’élevage bovin et la production de soja. Cet accord commercial est donc incompatible avec l’accord de Paris.

En outre, la quantité de pesticides épandue est de 6 kilos par hectare (kg/ha) au Brésil, contre 3,6 kg/ha en France. Et sur le demi-millier de pesticides utilisés au Brésil ou en Argentine, près de 150 sont interdits en Europe parce que dangereux ! De même, les pays du Mercosur utilisent encore largement des activateurs de croissance pour l’élevage, comme les antibiotiques, tout aussi interdits en Europe. Un tel fossé dans les normes environnementales, sanitaires et de bien-être animal présente un risque sanitaire sérieux pour les consommateurs européens.

Mercosur : un accord contre l’avis de la France

Mercosur : un accord contre l’avis de la France

Selon le média Politico, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur – la Communauté économique des pays d’Amérique du Sud -, en négociation depuis des années, et auquel plusieurs filières agricoles sont farouchement opposées, pourrait être rapidement adopté au sein des 27. Alors que s’est tenue, les 7 et 9 octobre derniers, une réunion des négociateurs en chef UE-Mercosur à Brasilia, un compromis aurait été proposé à la France, qui, jusqu’à présent, s’y est opposée en raison du risque de voir affluer des tonnes de viandes sud-américaines faisant concurrence aux éleveurs français. Il s’agirait de la mise en place d’un fonds de compensation à destination des agriculteurs pénalisés par la mise en oeuvre du traité commercial.

 

Bruxelles se montrerait ainsi peu à l’écoute des vraies préoccupations dans les campagnes. « Nous sommes devant un combat existentiel pour l’agriculture : d’un côté, on continue d’imposer aux agriculteurs français tout un tas de normes sur l’environnement, et, de l’autre, on considère que ce n’est pas un problème d’importer de la nourriture produite avec des moyens interdits en Europe qui ne respectent pas nos critères et standards de qualité ! », explique Arnaud Rousseau.

 

Mercosur: Macron pour un nouveau texte

Mercosur: Macron pour un nouveau texte 

En visite au Brésil, le président de la république français a réitéré son opposition à l’accord d’échange Mercosur. Il fonde essentiellement son hostilité à cet accord sur l’insuffisance de prise en charge des dimensions environnementales. La vérité c’est qu’il est sans doute encore davantage opposé aux aspects agricoles mais que la problématique environnementale est davantage vendable au Brésil. Et pour se sortir d’une situation compliquée, Macron propose un nouveau texte. Une manière de se sortir du piège du Mercosur actuel soutenu par le Brésil mais aussi en Europe notamment par l’Allemagne.

 

Le président français a plus d’une fois affirmé son opposition à cet accord commercial dont les règles ne sont à ses yeux pas «homogènes» avec les règles européennes. Le projet de traité, dont les discussions ont commencé en 1999, entend supprimer la majorité des droits de douane entre les deux zones en créant un espace de plus de 700 millions de consommateurs.

Après un accord politique en 2019, l’opposition de plusieurs pays dont la France a bloqué son adoption définitive, une opposition qui s’est renforcée avec la crise agricole qui sévit en Europe.

 

Accord de libre-échange en vue entre l’Europe et les pays du Mercosur

Accord de libre-échange en vue entre l’Europe et les pays du Mercosur

Alors que l’actualité est largement occupée depuis des semaines et des mois par des grandes questions géopolitiques portant par exemple sur la guerre en Ukraine ou la situation en Palestine, discrètement la commission européenne avance concernant les relations avec les pays du Mercosur. En fait, on est tout près d’un accord de libre-échange entre l’Europe et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay). Des pays dont les productions vont sans doute perturber gravement l’agriculture européenne content tenu notamment de sa productivité mais aussi de normes environnementales et de santé très différentes.

La présidence espagnole de l’UE espère conclure «dans les deux semaines», mais la France estime qu’on est «encore loin» d’avoir obtenu les garanties nécessaires.

Le sujet controversé a fait l’objet de discussions entre les Vingt-Sept, lundi, à Bruxelles. «Les discussions techniques sont mûres pour un soutien politique», a estimé Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission, en charge du commerce. Pourtant, un consensus semble encore très incertain à ce stade.

Dans le camp des réfractaires, la France traîne toujours les pieds et cherche à gagner du temps en réclamant des garanties sur les mesures accompagnant la mise en œuvre d’un tel accord, en particulier sur le respect de l’environnement.

La France contre un accord commercial UE-Mercosur

La France contre un accord commercial UE-Mercosur

 

Officiellement,  la France justifie son désaccord sur le projet union économique –Mercosur pour des questions environnementales qu’on comprendra. Ceci étant , les motifs sont aussi purement commerciaux car les conditions de concurrence entre les pays du Mercosur et l’union économique sont complètement déséquilibrées. Pour parler clair en Amérique latine les règles sociales, fiscales et environnementales sont à peu près inexistantes dans la pratique. Se posent  aussi de graves questions sanitaires dans la mesure où les pays américains concernés utilisent encore des substances chimiques dans certaines sont interdits depuis des dizaines d’années en Europe et en France.

 

Citant l’impact potentiel de cet accord sur la déforestation en Amérique latine ainsi que le “niveau d’ambition insuffisant” pour amener les pays du Mercosur à prendre davantage en compte le changement climatique, “le gouvernement en conclut que ces éléments confortent la position de la France de s’opposer au projet d’accord d’association en l’état”.

“Il en va de la cohérence des engagements environnementaux de notre pays et de l’Europe”, a tweeté le Premier ministre Jean Castex, auquel le rapport a été remis ce vendredi.

Au-delà de ces préoccupations sur la déforestation et le changement climatique, le gouvernement français exige qu’un futur accord avec le Mercosur permette de garantir que “les produits agroalimentaires importés bénéficiant d’un accès préférentiel au marché de l’Union européenne respectent bien, de droit et de fait, les normes sanitaires et environnementales” de l’UE.

“En l’état, les choses sont claires, c’est NON au Mercosur”, a écrit sur Twitter le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie. “Sans améliorations sur la lutte contre la déforestation, la reconnaissance du travail de nos agriculteurs et le respect de nos normes, la France s’oppose et continuera à s’opposer au projet d’accord.”

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