La culture , meilleure arme contre contre l’islamisme
Par Ghaleb Bencheikh, président de la Fondation pour l’islam de France (FIF) dans l’Opinion.
Si la prospérité révèle nos vices et l’adversité nos vertus, alors le beau et le bon qu’il y a en l’homme devront se manifester car des crises éprouvent notre humanité et notre nation. A la crise sanitaire qui nous endeuille et nous affaiblit s’ajoute une autre, sécuritaire, qui nous afflige, nous interroge et appelle notre dénonciation, notre engagement et notre union. La sécurité et le renseignement sont les premiers leviers par lesquels la nation répond et se protège assurément.
La République est également attendue sur le temps long, celui de l’éducation et de la culture, seules à même d’assécher le terreau du salafisme et de tarir les sources de l’islamisme radical. C’est la raison d’être de la Fondation de l’Islam de France (FIF), institution laïque, reconnue d’utilité publique, et de son ambitieux programme éducatif et culturel pour promouvoir un Islam d’intelligence, de beauté, de progrès arrimé à la République.
Face aux carapaces identitaires rivales qui, en chiens de faïence, tétanisent régulièrement médias et réseaux sociaux et fragmentent toujours plus l’opinion, l’action de la FIF doit être poursuivie et amplement développée. A la clé, l’édification d’un Islam bien ancré dans la société française et la déconstruction des préjugés, en montrant notamment les liens intimes et étroits qui lient la France et l’Islam. C’est la vocation de la FIF d’être le fer de lance de cette transformation humaniste et universelle face à toutes les dérives mettant à mal nos valeurs et notre unité nationale.
« Cause nationale ». Comment opérer cette transformation ? En déclarant la lutte contre l’idéologie djihadiste « cause nationale » tout en investissant massivement les champs de l’éducation et de la culture. Aussi, la Fondation met-elle toutes ses forces pour dirimer les « contre-projets de société » salafistes. Elle offre pour ce faire d’autres clés de lecture ainsi que des contenus positifs éveillant la raison et le sens critique. Ce travail de démantèlement des pièges fondamentalistes est complété et décuplé par une vision programmatique et une prospective stratégique.
Plusieurs chantiers d’envergure constituent le cœur de cette action :
— La mise en œuvre de l’institut académique d’islamologie appliquée, appelé de ses vœux par le Président Macron, se veut un espace d’études et d’innovation qui aiguiseront l’entendement et mettront en pratique la batterie de disciplines des sciences de l’homme et de la société. L’institut préparera, entre autres, à « l’intelligence de la laïcité et de la foi » des imams ; ils seront ainsi riches d’un savoir dual : théologique et civique. L’institut formera également les ministres du culte, les médiateurs du fait religieux et de la laïcité et les autres professionnels dont les acteurs sociaux et les services publics ont tant besoin.
— Le développement de l’« ingénierie éducative » initiée par la FIF via les multiples productions audiovisuelles destinées à disséquer les « contre-projets de société » de la sphère salafiste. Trois critères caractérisent cette palette didactique : aucune question n’est taboue ; un traitement direct clair et intelligible ; la connaissance comme arme de dissuasion massive. Au cœur du dispositif, des médias, fers de lance de l’offensive émancipatrice : Web TV et Web radios éducatives, voulues d’envergure, afin de porter et de faire résonner la gamme des contenus positifs élaborés par la FIF. Ces médias en appui au campus numérique, « Lumières d’Islam », président au perfectionnement continu de ces contenus confrontés au réel et à la mesure des résultats. Sur un autre plan, le projet d’édification de lycées dotés d’internats, sous contrat d’association avec l’Etat, offrira une issue à la jeunesse tentée par la délinquance ou l’islamisme.
— La réalisation d’expositions relatives à l’imprégnation civilisationnelle de l’Islam en Europe et en particulier en France.
Sédimentation. La France est une réalité stratifiée : des histoires, des rêves, des représentations et des politiques s’y sont déposés au fil du temps, y sont restés et se sont transfigurés. Cette grande sédimentation crée des proximités, souvent fructueuses, à l’origine d’hybridations créatrices et de mélanges interrogatifs. Ces rencontres ont quelquefois induit des oppositions et des confrontations, mais le génie du peuple français a su transcender ces frictions, les a surmontées et converties en gisements de possibles et chances nouvelles.
L’Islam comme réalité séculaire dans notre pays aura à se séculariser ; il fait partie depuis le second Empire de ces ferments venus catalyser l’alchimie nationale par les tributs du sang, de la sueur et des larmes. Ce faisant, il éprouve ses propres capacités à l’interaction positive et à la réactivation de ses humanités conjuguées avec l’humanisme des Lumières. L’Islam interroge aussi sa place dans la nation, cette « religion de France » aura à trouver dans la République un ciel clément pour se réinventer, libérer les consciences et entrer de plain-pied dans la modernité.
Ghaleb Bencheikh est islamologue, président de la Fondation pour l’Islam de France depuis décembre 2018, membre du Conseil des sages de la laïcité et président de la Conférence mondiale des religions pour la paix en France.