Uber : l’échec prévisible du médiateur
D’une certaine façon, l’échec du médiateur qui a tenté de trouver un compromis entre les positions d’Uber et les chauffeurs concernés était prévisible. On se demande bien pourquoi le gouvernement a choisi un ancien de la SNCF qui a aussi officié à la RATP et d’autres entreprises publiques pour tenter de résoudre un problème de politique des transports du privé. Sans doute uniquement parce que l’intéressé est un ancienne énarque. Il ne manquait pourtant pas d’économistes, d’universitaires ou d’experts professionnels compétents pour aborder cette problématique. Une problématique bien connue par ailleurs dans le secteur du transport de marchandises et qui a été en grande partie réglée. Dans ce secteur, certains opérateurs avaient aussi trouvé la martingale en reportant sur leur salarié les contraintes de financements de matériel et les contraintes fiscales et sociales. En clair, les chauffeurs de camions, comme les chauffeurs d’Uber se retrouvaient en situation de dépendance totale de leur donneur d’ordre. Dommage que la mémoire de la politique des transports ait été aussi vite oubliée. La mission de Jacques Rapoport s’est donc terminée avec la rencontre entre Uber et les six organisations qui représentent les chauffeurs de VTC. La filiale française du groupe américain a confirmé son intention d’aider les chauffeurs en difficulté. Dans les conclusions publiées sur son blog, le médiateur considère que c’est une « proposition satisfaisante », mais admet qu’elle ne répond pas aux demandes des chauffeurs qui réclament une baisse de la commission et une hausse du tarif minimum. Jean-Luc Albert, de l’association Actif-VTC, estime que « les raisons du conflit ne sont pas résolues ». Pour Sayah Baaroun (Unsa-VTC), c’est même un « enfumage total » et « la médiation n’a pas réussi son objectif ». Un constat que partage le médiateur lui-même, Jacques Rapoport. Sur son blog, l’ex-président de SNCF Réseaux reconnaît en effet « l’impossibilité » de réconcilier Uber et les organisations de VTC. « L’obtention d’un accord général reste inaccessible » à cause du « climat de défiance intense ». D’un côté, des chauffeurs « frustrés par [le] mode de décision unilatérale [d’Uber], notamment sur les tarifs et les déconnexions ». De l’autre, une entreprise privée qui veut maîtriser sa stratégie commerciale. Jacques Rapoport conclut finalement que selon lui, « les positions d’Uber et des associations de chauffeurs paraissent irréconciliables ». Avant de remettre son rapport à Alain Vidalies, ministre des Transports, Jacques Rapoport « recommande au gouvernement d’avoir une disposition législative sous le coude ». Il espère toutefois que le « législateur puisse intervenir en fixant un barème minimal ». Une solution cependant très partielle car elle ne résout pas la question de la dépendance économique totale.