Le Sénat durcit les restrictions au droit du sol à Mayotte, optant pour imposer un délai d’un an de résidence à un parent pour que son enfant obtienne la nationalité française.
La proposition de loi, élaborée avant le passage du cyclone Chido en décembre, entend renforcer une dérogation spécifique à Mayotte, qui impose depuis 2018 aux enfants nés dans l’archipel d’avoir un parent résidant régulièrement sur le sol français depuis au moins trois mois au moment de la naissance, pour obtenir plus tard la nationalité française.
Le Sénat a choisi d’étendre ce délai à un an, un choix partagé par le gouvernement. Des orientations combattues par la gauche.
Restriction du droit du sol votée à Mayotte et étudiée ailleurs
Les députés ont adopté, avec 162 pour 93 contre, la proposition de loi du député LR Philippe Gosselin prévoyant de restreindre le droit du sol à Mayotte. Un texte visant à durcir les conditions d’accès au droit du sol afin de freiner «la pression migratoire et démographique exceptionnelle» qui s’exerce sur l’archipel.
Les élus LFI n’ont pas manqué d’inventivité pour faire du chahut afin d’essayer de faire capoter la proposition de loi.
La question et par ailleurs évoquée pour d’autres territoires d’outre-mer et de façon plus générale pour l’ensemble du territoire. En clair la question est posée de savoir si le droit du sang ne va pas se substituer au droit du sol ou si l’accès au droit du sol ne sera pas de plus en plus restrictif.
Les députés ont adopté, avec 162 pour 93 contre, la proposition de loi du député LR Philippe Gosselin prévoyant de restreindre le droit du sol à Mayotte. Un texte visant à durcir les conditions d’accès au droit du sol afin de freiner «la pression migratoire et démographique exceptionnelle» qui s’exerce sur l’archipel.
Les élus LFI n’ont pas manqué d’inventivité pour faire du chahut afin d’essayer essayer de faire capoter la proposition de loi.
Une tribune commune de Bruno Retailleau, Manuel Valls, et Gerard Darmanin pour préciser les conditions de reconstruction de Mayotte.
« Pour reconstruire durablement le territoire français meurtri par le cyclone Chido, il est nécessaire de joindre à la mobilisation des pouvoirs publics une lutte efficace contre l’immigration clandestine et une augmentation significative des moyens d’action, avancent les ministres de l’Intérieur, des Outre-mer et des Armées.
À Mayotte, ce territoire français meurtri par le cyclone Chido, nos trois ministères, de l’Intérieur, des Outre-mer et des Armées, comme tous les autres, sont entièrement mobilisés pour venir en aide aux populations éprouvées. Militaires, policiers, personnels de la sécurité civile ou de l’administration préfectorale : tous ont immédiatement été engagés pour répondre à l’urgence humanitaire. Mais tous, aussi, ont constaté cette terrible réalité, qu’il nous faut regarder en face : dans cette tragédie, les désordres migratoires ont tout aggravé. Car les « bangas », ces bidonvilles de tôles où s’est concentrée l’immigration clandestine, ont été littéralement soufflés par le cyclone. »
Cohn-Bendit met les pieds dans le plat de la gauche bobo et considère qu’effectivement il est impératif de freiner l’immigration pour éviter un remplacement progressif de la population. De quoi susciter évidemment les cris d’orfraie de cette gauche coupée des réalités est toujours prête à soutenir les positions les plus irréalistes et les plus invraisemblables.
L’ancien leader de 68, ex député européen, ancien leader des écolos a jugé que la «situation» sur l’archipel de l’Océan indien est «exceptionnelle» en matière migratoire. «Il ne faut pas discuter le problème idéologiquement, il faut voir Mayotte, ce n’est pas la France, il ne faut pas confondre», affirme-t-il bien que le département ultramarin soit rattaché à l’Hexagone depuis le XIXe siècle.
Devant l’ampleur des défis régalien et sécuritaire, Daniel Cohn-Bendit va même plus loin. Et exhorte, en reprenant les thèses qu’il combattait il y a encore peu, à «freiner et rendre impossible cette immigration qui est un grand bouleversement, un grand remplacement de la population.» «Je ne suis pas aveugle», a-t-il martelé en mettant en exergue la tribune des ministres Bruno Retailleau (Intérieur), Manuel Valls (Outre-mer) et Sébastien Lecornu (Armées) publiée quelques heures plus tôt dans Le Figaro, qui appellent à l’unisson à une «fermeté migratoire» .
Mayotte : reconstruction en deux ans, la promesse bidon !
La promesse Bayrou de reconstruire Mayotte en deux ans est bien entendu complètement illusoire. C’est l’annonce d’un responsable politique sans doute en survie et qui trace des objectifs qu’il ne pourra lui-même mettre en œuvre. Ainsi il pourra toujours reporter la responsabilité sur ces oppositions qui sont nombreuses.
La première observation ,c’est ne pourra pas reconstruire un territoire qui ne l’a jamais été vraiment puisque que composé d’urbanisme classique mais aussi et surtout de plus d’un tiers de bidonvilles qui ne cessent de se développer.
De la même manière, envisager l’interdiction des bidonvilles relève de la démagogie. Aujourd’hui plus d’un tiers des habitants de Mayotte résident dans ces bidonvilles certes avec une majorité d’étrangers mais aussi avec des Mahorais trop pauvres pour accéder à des logements en dur.
Le problème est en effet social, sociétal et financier. 75 à 80 % de la population ( chiffre approximatif puisqu’on n’a pas les moyens de recenser de façon précise) vivent sous le seuil de pauvreté soit moins de 1100 € par mois. Mayotte est le département le plus pauvre de France mais le pouvoir d’achat est encore supérieur de sept à 10 fois celui des Comores indépendantes voisines ou encore des pays africains proches. D’où cette attirance pour le niveau de vie du département français des Comores , pour ses équipements et la couverture sociale.
L’attirance est telle que plus de la moitié de la population est étrangère et se renforce chaque jour pas seulement des immigrés des Comores indépendantes mais aussi de l’Afrique, par exemple du Congo, du Burundi, Rwanda, de différents pays des Grands Lacs.
Le bidonville est dans nombre de ces pays africains la banlieue qui cerne les grandes agglomérations. On voit mal comment on pourrait interdire l’immigration sauvage à Mayotte quand on est même pas capable de contrôler une frontière interne en Europe terrestre ou maritime où les moyens sont pourtant autrement importants.
Au mieux, le fameux plan de reconstruction de Bayrou pourrait se limiter à l’installation de 10 à 15 000 logements provisoires, ce qui sera un progrès mais pas vraiment la réponse globale nécessaire. Il faudrait aussi intégrer le développement économique autonome. C’est à peine si 30 % de la population disposent d’un emploi et l’ensemble de l’île dépend près de 80 % des finances publiques de la France.
Enfin la France ne dispose pas aujourd’hui de la solidité et de la stabilité politique nécessaire pour engager des travaux et des transformations pour laquelle d’ailleurs elle n’a pas le premier sou.
En tournant les talons face à un enseignant critique, Élisabeth Borne et les autres ministres ont bien montré leur perplexité face à un problème complexe qui les dépasse.
Mayotte, petite île de l’océan Indien, symbolise à elle seule la collision brutale entre histoire coloniale, fractures sociales et désastres environnementaux. Département français depuis 2011, elle est un territoire en crise, où la misère humaine et les catastrophes naturelles s’entrelacent dans une spirale infernale. Les événements récents – séismes, tornades, montée des eaux – ne sont que la face visible d’un effondrement plus global. Ils révèlent une vulnérabilité accumulée sur des décennies, amplifiée par des promesses non tenues, des inégalités criantes et une gestion déconnectée des réalités locales.
par Bernard Kalaora Professeur honoraire, Université de Picardie Jules Verne (UPJV) dans The Conversation
En 1974, Mayotte se sépare des Comores à l’issue d’un référendum où les Mahorais choisissent de rester français. Ce choix, né du désir d’échapper à l’instabilité politique des Comores indépendantes, place l’île dans une situation paradoxale : elle devient un territoire français entouré de voisins économiquement fragiles. Cette appartenance à la République française, vue comme une chance à l’époque, isole Mayotte de son propre environnement géographique et culturel. Rapidement, cette singularité engendre des tensions avec les autres îles de l’archipel, notamment l’île comorienne d’Anjouan, d’où proviennent chaque année des milliers de migrants.
L’intégration comme département, survenue en 2011, devait marquer une nouvelle ère pour Mayotte. Les Mahorais espéraient voir leur île se développer et accéder à des droits égaux à ceux des métropolitains c’est-à-dire que s’y applique pleinement les lois françaises et européennes, à la différence d’une collectivité territoriale. Mais cette départementalisation s’est révélée un leurre. La croissance fulgurante de la population, (76 000 habitants en 1991, 300 000 habitants en 2023), dépasse largement la capacité des infrastructures et des services publics à répondre aux exigences, tout en exacerbant l’obsolescence des équipements, faute d’entretien.
L’éducation, en particulier, est le symbole de cet échec. Avec des classes surchargées, des enseignants en sous-effectifs et des écoles délabrées, le système scolaire est incapable de répondre aux besoins d’une jeunesse nombreuse et en quête d’avenir. Cet effondrement du système éducatif alimente un sentiment d’abandon et de mépris parmi les Mahorais. Ils constatent chaque jour que la promesse d’égalité républicaine reste une illusion.
Les infrastructures sanitaires et sociales sont tout aussi défaillantes. Les femmes comoriennes qui bravent les flots pour accoucher à Mayotte afin que leurs enfants acquièrent la nationalité française, contribuent à une pression démographique croissante. Mais ces enfants, bien que nés sur le sol français, grandissent souvent dans des conditions indignes. Ils alimentent les bidonvilles, des espaces d’exclusion où se forment des bandes de jeunes livrés à eux-mêmes, vecteurs de violences et d’émeutes récurrentes. À leur majorité, en vertu du droit du sol, ces enfants peuvent acquérir la nationalité française.
La colère gronde dans une population qui se sent méprisée, prise en étau entre un État central distant et des besoins locaux criants. Mais ce mépris ne se limite pas aux politiques sociales : il se manifeste aussi dans la gestion de l’environnement. Mayotte est une île en pleine dégradation écologique, où les bidonvilles, sans réseaux d’assainissement, rejettent leurs déchets dans une mer polluée, comme j’ai pu l’étudier dans le cadre d’une mission pour l’association Littocean. La destruction des mangroves (due à un développement urbain incontrôlé et au changement climatique) et en conséquence des récifs coralliens, essentiels pour limiter l’érosion et les submersions marines, témoigne de l’incapacité à relier environnement et développement.
À cela s’ajoute un paradoxe criant : tandis que les populations locales luttent pour survivre, des moyens considérables sont mobilisés pour protéger l’écosystème marin par le biais du parc naturel de Mayotte. Ce parc, destiné à préserver la biodiversité exceptionnelle des récifs coralliens, devient un symbole d’une gestion technocratique déconnectée des réalités humaines. Les Mahorais, exclus de ce projet, perçoivent cette conservation comme une nouvelle forme de colonialisme : une « colonisation bleue » où la priorité est donnée à la nature, administrée par l’État français, au détriment des habitants. Ce fossé entre la préservation de l’environnement et les besoins des communautés accentue le sentiment d’abandon et l’idée que Mayotte n’est qu’un territoire périphérique, instrumentalisé pour des objectifs extérieurs et géopolitiques, traité comme une colonie et non comme un territoire français à part entière.
Dans ce contexte, le changement climatique agit comme un catalyseur. Il intensifie les phénomènes naturels extrêmes, tels que les cyclones ou les sécheresses, et exacerbe les inégalités. L’élévation du niveau de la mer menace directement les habitations précaires situées sur les littoraux, tandis que les ressources en eau, déjà insuffisantes, s’amenuisent. Les catastrophes naturelles se multiplient, mais elles ne sont pas de simples fatalités : elles frappent un territoire déjà fragilisé, où chaque événement climatique devient un désastre humain par manque de préparation.
Face à cette accumulation de crises, c’est le rapport au temps qui interroge. À Mayotte, l’idée même d’un avenir semble inatteignable. Les Mahorais vivent dans un présent sans repères, où les mêmes drames – émeutes, violences, destructions – se répètent sans fin. François Hartog, dans sa réflexion sur le présentisme, décrit cet état où le passé perd sa valeur, où le futur est inconcevable, et où seul le présent s’impose, figé dans l’urgence et l’incapacité d’anticiper.
Mayotte incarne cette temporalité brisée. L’île n’a pas de nostalgie d’un âge d’or, car son histoire est marquée par des fractures successives : colonisation, séparation des Comores, départementalisation ratée. Elle n’a pas non plus de projet d’avenir, car les conditions de vie, les inégalités et les crises structurelles la maintiennent dans un état d’urgence permanent. Ce présentisme exacerbé renforce le sentiment d’impuissance, rendant impossible toute perspective de reconstruction ou de progrès.
La situation actuelle de Mayotte peut être qualifiée d’hypercriticité : un état où les tensions sociales, politiques et environnementales atteignent un point de rupture, où chaque élément, même mineur, peut précipiter un effondrement global.
Ce terme désigne non seulement l’accumulation des vulnérabilités, mais aussi l’incapacité à s’en extraire. L’hypercriticité, c’est l’impossibilité de penser au-delà de l’urgence, l’incapacité de construire des ponts entre les crises pour trouver des solutions globales. À Mayotte, cet état est visible dans chaque aspect de la vie : dans l’école qui échoue à offrir un avenir, dans les bidonvilles qui s’étendent, dans la mer qui rejette les déchets de l’île et engloutit peu à peu ses côtes, dans l’accès à l’eau et à un environnement sain, dans la pression démographique et ses conséquences écologiques.
Cette crise révèle une conjonction inédite entre deux histoires : celle, humaine, de la globalisation, avec ses migrations, ses inégalités et ses fractures coloniales ; et celle, planétaire, d’une Terre abîmée par la dégradation accélérée des écosystèmes. Comme l’explique Dipesh Chakrabarty dans _Une planète, plusieurs mondes_, ce croisement marque une rupture : à Mayotte, cette rencontre s’incarne dans une « planète des pauvres », où les damnés de la Terre subissent de plein fouet l’amplification de ces dynamiques destructrices. Ici, les vulnérabilités humaines et écologiques se confondent dans un cycle sans précédent, soulignant la nouveauté tragique de cette crise.
Toutefois, l’hypercriticité peut aussi être un point de départ. Elle force à regarder en face l’ampleur des problèmes et à repenser radicalement les relations entre les hommes, leur territoire et leur futur. Si Mayotte continue sur cette voie, elle risque de devenir un archétype de l’effondrement insulaire, un avertissement pour d’autres territoires. Mais si elle parvient à dépasser ce présentisme, à prendre en compte l’histoire passée, à s’attaquer aux urgences présentes tout en imaginant un avenir collectif mettant en avant la double identité mahoraise française et comorienne pour en faire un exemple d’hybridité culturelle réussie, elle pourrait, paradoxalement, transformer sa fragilité en force, en inventant un modèle résilient face aux défis du XXIe siècle. Le temps, à Mayotte, n’a pas encore retrouvé son cours, mais il n’est pas trop tard pour le remettre en mouvement.
Mayotte : » reconstruction en deux ans », une promesse de coiffeur !
La promesse Bayrou de reconstruire Mayotte en deux ans est bien entendu complètement illusoire. C’est l’annonce d’un responsable politique sans doute en survie et qui trace des objectifs qu’il ne pourra lui-même mettre en œuvre. Ainsi il pourra toujours reporter la responsabilité sur les oppositions qui sont aussi nombreuses que variées.
La première observation , ‘est ne pourra pas reconstruire un territoire qui ne l’a jamais été vraiment puisque que composé d’urbanisme classique mais aussi et surtout de plus d’un tiers de bidonvilles qui ne cessent de se développer.
De la même manière, envisager l’interdiction des bidonvilles relève de la démagogie. Aujourd’hui plus d’un tiers des habitants de Mayotte résident dans ces bidonvilles certes avec une majorité d’étrangers mais aussi avec des Mahorais trop pauvres pour accéder à des logements en dur.
Le problème est en effet social, sociétal et financier. 75 à 80 % de la population ( chiffre approximatif puisqu’on n’a pas les moyens de recenser de façon précise) vivent sous le seuil de pauvreté soit moins de 1100 € par mois. Mayotte est le département le plus pauvre de France mais le pouvoir d’achat est encore supérieur de sept à 10 fois celui des Comores indépendantes voisines ou encore des pays africains proches. D’où cette attirance pour le niveau de vie du département français des Comores , pour ses équipements et la couverture sociale.
L’attirance est telle que plus de la moitié de la population est étrangère et se renforce chaque jour pas seulement des immigrés des Comores indépendantes mais aussi de l’Afrique, par exemple du Congo, du Burundi, Rwanda, de différents pays des Grands Lacs.
Le bidonville est dans nombre de ces pays africains la banlieue qui cerne les grandes agglomérations. On voit mal comment on pourrait interdire l’immigration sauvage à Mayotte quand on est même pas capable de contrôler une frontière interne en Europe terrestre ou maritime où les moyens sont pourtant autrement importants.
Au mieux, le fameux plan de reconstruction de Bayrou pourrait se limiter à l’installation de 10 à 15 000 logements provisoires, ce qui sera un progrès mais pas vraiment la réponse globale nécessaire. Il faudrait aussi intégrer le développement économique autonome. C’est à peine si 30 % de la population disposent d’un emploi et l’ensemble de l’île dépend près de 80 % des finances publiques de la France.
Enfin la France ne dispose pas aujourd’hui de la solidité et de la stabilité politique nécessaire pour engager des travaux et des transformations pour laquelle d’ailleurs elle n’a pas le premier sou.
En tournant les talons face à un enseignant critique, Élisabeth Borne et les autres ministres ont bien montré leur perplexité face à un problème complexe qui les dépasse.
Mayotte : la reconstruction en deux ans, une promesse de coiffeur !
La promesse Bayrou de reconstruire Mayotte en deux ans est bien entendu complètement illusoire. C’est l’annonce d’un responsable politique sans doute en survie et qui trace des objectifs qu’il ne pourra lui-même mettre en œuvre. Ainsi il pourra toujours reporter la responsabilité sur les oppositions qui sont aussi nombreuses que variées.
La première observation , ‘est ne pourra pas reconstruire un territoire qui ne l’a jamais été vraiment puisque que composé d’urbanisme classique mais aussi et surtout de plus d’un tiers de bidonvilles qui ne cessent de se développer.
De la même manière, envisager l’interdiction des bidonvilles relève de la démagogie. Aujourd’hui plus d’un tiers des habitants de Mayotte résident dans ces bidonvilles certes avec une majorité d’étrangers mais aussi avec des Mahorais trop pauvres pour accéder à des logements en dur.
Le problème est en effet social, sociétal et financier. 75 à 80 % de la population ( chiffre approximatif puisqu’on n’a pas les moyens de recenser de façon précise) vivent sous le seuil de pauvreté soit moins de 1100 € par mois. Mayotte est le département le plus pauvre de France mais le pouvoir d’achat est encore supérieur de sept à 10 fois celui des Comores indépendantes voisines ou encore des pays africains proches. D’où cette attirance pour le niveau de vie du département français des Comores , pour ses équipements et la couverture sociale.
L’attirance est telle que plus de la moitié de la population est étrangère et se renforce chaque jour pas seulement des immigrés des Comores indépendantes mais aussi de l’Afrique, par exemple du Congo, du Burundi, Rwanda, de différents pays des Grands Lacs.
Le bidonville est dans nombre de ces pays africains la banlieue qui cerne les grandes agglomérations. On voit mal comment on pourrait interdire l’immigration sauvage à Mayotte quand on est même pas capable de contrôler une frontière interne en Europe terrestre ou maritime où les moyens sont pourtant autrement importants.
Au mieux, le fameux plan de reconstruction de Bayrou pourrait se limiter à l’installation de 10 à 15 000 logements provisoires, ce qui sera un progrès mais pas vraiment la réponse globale nécessaire. Il faudrait aussi intégrer le développement économique autonome. C’est à peine si 30 % de la population disposent d’un emploi et l’ensemble de l’île dépend près de 80 % des finances publiques de la France.
Enfin la France ne dispose pas aujourd’hui de la solidité et de la stabilité politique nécessaire pour engager des travaux et des transformations pour laquelle d’ailleurs elle n’a pas le premier sou.
En tournant les talons face à un enseignant critique, Élisabeth Borne et les autres ministres ont bien montré leur perplexité face à un problème complexe qui les dépasse.
Bayrou à Mayotte : la reconstruction en deux ans, une promesse de coiffeur !
La promesse Bayrou de reconstruire Mayotte en deux ans est bien entendu complètement illusoire. C’est l’annonce d’un responsable politique sans doute en survie et qui trace des objectifs qu’il ne pourra lui-même mettre en œuvre. Ainsi il pourra toujours reporter la responsabilité sur les oppositions qui sont aussi nombreuses que variées.
La première observation , ‘est ne pourra pas reconstruire un territoire qui ne l’a jamais été vraiment puisque que composé d’urbanisme classique mais aussi et surtout de plus d’un tiers de bidonvilles qui ne cessent de se développer.
De la même manière, envisager l’interdiction des bidonvilles relève de la démagogie. Aujourd’hui plus d’un tiers des habitants de Mayotte résident dans ces bidonvilles certes avec une majorité d’étrangers mais aussi avec des Mahorais trop pauvres pour accéder à des logements en dur.
Le problème est en effet social, sociétal et financier. 75 à 80 % de la population ( chiffre approximatif puisqu’on n’a pas les moyens de recenser de façon précise) vivent sous le seuil de pauvreté soit moins de 1100 € par mois. Mayotte est le département le plus pauvre de France mais le pouvoir d’achat est encore supérieur de sept à 10 fois celui des Comores indépendantes voisines ou encore des pays africains proches. D’où cette attirance pour le niveau de vie du département français des Comores , pour ses équipements et la couverture sociale.
L’attirance est telle que plus de la moitié de la population est étrangère et se renforce chaque jour pas seulement des immigrés des Comores indépendantes mais aussi de l’Afrique, par exemple du Congo, du Burundi, Rwanda, de différents pays des Grands Lacs.
Le bidonville est dans nombre de ces pays africains la banlieue qui cerne les grandes agglomérations. On voit mal comment on pourrait interdire l’immigration sauvage à Mayotte quand on est même pas capable de contrôler une frontière interne en Europe terrestre ou maritime où les moyens sont pourtant autrement importants.
Au mieux, le fameux plan de reconstruction de Bayrou pourrait se limiter à l’installation de 10 à 15 000 logements provisoires, ce qui sera un progrès mais pas vraiment la réponse globale nécessaire. Il faudrait aussi intégrer le développement économique autonome. C’est à peine si 30 % de la population disposent d’un emploi et l’ensemble de l’île dépend près de 80 % des finances publiques de la France.
Enfin la France ne dispose pas aujourd’hui de la solidité et de la stabilité politique nécessaire pour engager des travaux et des transformations pour laquelle d’ailleurs elle n’a pas le premier sou.
En tournant les talons face à un enseignant critique, Élisabeth Borne et les autres ministres ont bien montré leur perplexité face à un problème complexe qui les dépasse.
Analysant le démantèlement récent des bidonvilles à Mayotte, la politiste Laurie Servières met en lumière l’incapacité de l’État français à gérer la question de l’habitat informel autrement que par la violence dans le site « Metropolitics ».
101e département français depuis l’année 2011, Mayotte est incontestablement aussi le plus pauvre. En 2020, l’INSEE estimait que 77 % de ses habitants vivaient sous le seuil de pauvreté. De la déscolarisation au mal-logement, en passant par l’insécurité alimentaire ou l’accès insuffisant à l’eau, l’île affiche des résultats alarmants, en matière de développement et de protection sociale. Pourtant, c’est au prisme d’une approche essentiellement sécuritaire et militaire que le ministère de l’Intérieur, sollicité de longue date par certains élus mahorais, a décidé d’intervenir en avril 2023. Avec l’envoi de plus de 500 représentants des forces de l’ordre et une opération « Wuambushu » aux connotations guerrières non dissimulées (en mahorais, ce terme signifie « reprise »), il s’est lancé dans un âpre combat contre trois ennemis identifiés : la délinquance organisée, l’habitat informel et l’immigration incontrôlée. C’est sur le deuxième enjeu que porte cet article, car il fait de l’opération Wuambushu l’exemple le plus récent (mais aussi le plus massif et médiatisé) de réponse publique à une problématique complexe et qui déborde largement du cas mahorais : la question des bidonvilles. L’analyse de la composante d’éradication de l’habitat précaire de cette intervention sert ainsi de porte d’entrée à une réflexion plus large sur le traitement de cette question épineuse par les acteurs gouvernementaux français.
À Mayotte, une grande partie de la population réside dans des bidonvilles, que l’on appelle, sur place, des « bangas ». En 2017, 38 % des logements de l’île étaient construits en tôles et 37 % de l’habitat en dur ne bénéficiait pas du confort sanitaire de base. Loin de constituer une spécificité mahoraise, la production d’habitat informel apparaît dans de nombreux pays comme une des principales modalités de logement pour des populations à faibles revenus. Si elle s’accompagne souvent de risques (sanitaires, géologiques, climatiques, sociaux, etc.) et de conditions précaires d’existence (accès aux services urbains déficient, constructions hors normes, surpeuplement), elle offre une solution alternative à des millions de familles, dans un contexte de pénurie généralisée de logement abordable.
Historiquement, pourtant, la production informelle d’habitat s’est heurtée à l’hostilité des riverains et des gouvernements, qui n’ont cessé de stigmatiser les bidonvilles et leurs habitants. Tout au long du XXe siècle, la réponse des autorités à la formation et à l’expansion de ces quartiers a oscillé entre deux types de comportements : le laissez-faire, caractérisée par une tolérance tacite, ponctuelle et relative (car de fréquentes « descentes » policières pouvaient tout de même être menées) ; « l’éradication » ou délogement, consistant à expulser les habitants au prétexte de leur statut foncier irrégulier, souvent en détruisant derrière eux les habitations pour empêcher leur retour. Les travaux des historiens (de Almeida Abreu et Le Clerre 1994 ; Gonçalves Soares 2010 ; Vorms 2012) ont documenté la brutalité des opérations de démolition au bulldozer lancées dans certaines villes au début du siècle dernier, dont on semble aujourd’hui retrouver de tardives et très problématiques répliques dans les « décasages » à Mayotte.
Le recours à de telles pratiques a pourtant beaucoup reculé, depuis le milieu du XXe siècle, résultat des avancées normatives obtenues sur la scène multilatérale et de la diffusion progressive de nouveaux modèles d’intervention, fondés sur la reconnaissance et l’amélioration des quartiers autoproduits. À partir des années 1970, l’émergence d’un débat international sur ce qu’on a appelé au départ « les établissements humains » a permis d’enclencher un mouvement de remise en question des modalités violentes d’intervention dans les bidonvilles. Condamnées pour les graves violations des droits humains qu’elles pouvaient générer, les politiques d’éradication ont aussi été pointées du doigt pour leur inefficacité, au regard de leur tendance à « disperser » l’habitat informel. De plus en plus impopulaires, elles ont même fait l’objet d’une mise au ban par certaines organisations internationales, soit par la création de normes spécifiques, soit par l’introduction de clauses de « non-éviction » dans les accords de coopération financière. L’avancée de la recherche a permis la reconnaissance progressive des causes profondes de la production d’habitat informel, réhabilitant celle-ci, sinon comme solution, du moins comme réponse à une demande de logements abordables insatisfaite par les marchés et gouvernements (Deboulet 2016). Des rencontres et discussions multilatérales ont enfin permis d’ancrer dans le droit international des principes fondamentaux de « non-éviction » et de droit au sol et au logement.
À partir des années 1990, forte de son expérience sur ces questions et de celle de ses experts, mondialement reconnus, la France s’est positionnée à l’avant-garde de ces débats. Très proactive lors des rencontres onusiennes Habitat II, en 1996, et Habitat III, en 2016, elle s’est prononcée en faveur de l’inscription dans le Nouvel Agenda Urbain du droit à la ville, un concept forgé par le philosophe français Henri Lefebvre. Moins de dix ans après, les images des démolitions massives de bidonvilles à Mayotte semblent pourtant questionner sa propre compréhension et mise en application d’un urbanisme vertueux et inclusif.
Contradictions françaises et exception mahoraise
À en croire Estelle Youssouffa, députée de la première circonscription mahoraise, la loi française défendrait un principe d’application différenciée du droit à la ville, à l’aune du statut des personnes. Et quand, au micro de France Inter, on l’interroge sur la possibilité ou non de reloger tous les habitants de bidonvilles de l’île, la députée rétorque :
Non. Non non, parce qu’en fait, là, dans votre question, ça sous-entend que, parce qu’on occupe illégalement un terrain et qu’on est dans un bidonville, on a droit au relogement. Non, si vous êtes en situation régulière et que vous êtes français, vous avez droit à un relogement temporaire, c’est la loi. [Ce n’]est pas un relogement permanent, c’est un relogement temporaire. Et pour les personnes qui sont en situation régulière ou français[es]. Donc une grande partie des habitants dans les bidonvilles à Mayotte sont des étrangers en situation irrégulière : ils ont vocation à être expulsés et c’est l’application du droit.
Deux distinctions font jour dans cette citation. La première, entre les propriétaires et les squatteurs, aboutit à faire de l’accès à la ville un droit payant, conditionné à des facteurs socio-économiques. Un urbanisme d’élite, en somme, que dénoncent plusieurs acteurs associatifs et militants à Mayotte. « Le souci de l’État est de chasser les pauvres de Mayotte. C’est indigne de la France, les maisons en tôle », dénonce Daniel Gros, le référent local de la Ligue des droits de l’Homme.
La seconde distinction, centrée sur le critère de nationalité, implique de n’accorder qu’aux « vrais français » (et résidents réguliers) la possibilité de bénéficier d’un relogement. Un filtrage assez surprenant, au regard de la reconnaissance désormais très large du droit au relogement sur la scène internationale, mais qui a fait la triste renommée de la France au cours des dernières années. Des expulsions répétées de migrants à Calais à celles, plus récentes, du quartier de La Chapelle à Paris, le non-relogement des étrangers semble désormais correspondre à la norme, au pays des droits de l’homme.
Dans ce contexte français déjà particulier, il faut savoir qu’à Mayotte un régime juridique encore plus particulier s’applique en matière de régulation de l’habitat informel. Depuis la loi ELAN de 2018, ce département « bénéficie », avec la Guyane, d’un statut exceptionnel qui permet au préfet de décider de la destruction des bidonvilles qui menaceraient « la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique ».
En métropole et sur le reste du territoire français, une enquête préalable doit être menée pour justifier l’adoption de mesures d’expulsion : le droit qui s’applique à Mayotte s’inscrit donc dans un régime juridique ad hoc, qui n’est pas sans rappeler « l’état d’exception » du philosophe Agamben (2003). C’est d’ailleurs cette « exception » mahoraise qui a finalement permis à l’opération Wuambushu d’avoir lieu, alors qu’une décision de justice avait, en première instance, déclaré son interdiction.
Un des motifs de cet arrêt judiciaire portait encore une fois sur la question du relogement : centrale dans le débat sur le traitement de bidonvilles, mais visiblement très secondaire dans la planification des « décasages » en chaîne qui ont eu lieu à Mayotte depuis le mois d’avril. Plusieurs associations françaises dénoncent à cet égard de graves manquements au respect des droits humains ; elles sont relayées par des médias internationaux scandalisés qui s’interrogent sur le sort des habitants des plus de 500 logements détruits depuis la fin avril 2023. Aux yeux du gouvernement, l’argument de la non-nationalité semble primer sur toute autre considération sociale et sur l’application du droit au relogement, pourtant mentionné dans la loi ELAN.
L’ensemble de ces éléments ne laisse d’interroger quant au bien-fondé de l’approche assumée par les autorités françaises à Mayotte. Pour autant, l’opération Wuambushu est-elle une réaction « exceptionnelle » de la part d’un État au pied du mur ou exprime-t-elle un trait plus fondamental de la politique française en matière de traitement de l’habitat informel ?
Penser le cas mahorais dans l’histoire longue du traitement des bidonvilles en France
Dans l’hexagone et depuis la parution de la circulaire du 25 janvier 2018 sur « la résorption des campements illicites et des bidonvilles », le traitement des questions d’habitat informel est l’affaire de la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement, DIHAL. Rattachée aux services du Premier ministre, celle-ci a pour mission d’accompagner les autorités locales et régionales dans la mise en œuvre de politiques préventives, vis-à-vis de ces espaces. Or la circulaire ne s’applique pas aux Outre-mer, administrés directement par la Direction générale aux Outre-mer, DGOM. Un véritable paradoxe institutionnel, quand la population d’un seul bidonville mahorais parvient déjà à dépasser celle de l’ensemble des bidonvilles de l’hexagone. Ce découpage administratif explique également le fait que les habitants des bidonvilles ultramarins ne soient pas répertoriés dans les recensements nationaux de l’habitat informel.
Si on le replace dans la trajectoire longue du traitement de l’habitat informel en France, le recours quasi systématique à l’expulsion à Mayotte depuis l’entrée en vigueur de la loi ELAN s’apparente à une « règle » plutôt qu’à une exception. À une poignée d’expérimentations près (généralement portées par des organisations de la société civile), le délogement a été un levier d’action privilégié face au développement ou à la persistance de l’habitat informel, dans l’hexagone comme en Outre-mer. En 2016, le Collectif national droits de l’Homme Romeurope faisait « le triste constat de la continuité d’une politique d’expulsions répétées des habitants des bidonvilles et des squats. »
À cet égard, la circulaire de 2018 a certes représenté une avancée en termes d’institutionnalisation de la réflexion sur la question des bidonvilles, mais elle n’a pas fondamentalement changé la donne sur le terrain des politiques publiques. Sous ses allures relativement compréhensives, la « mission bidonvilles » de la DIHAL continue d’ailleurs d’inscrire son action dans une perspective de « résorption », un terme où transparaît encore l’objectif d’éradication, à rebours de la vision d’amélioration ou d’intégration qui est désormais privilégiée dans le débat international.
Une autre constante du traitement de la question des bidonvilles en France, que l’on retrouve dans le cas de l’opération Wuambushu, a été son ethnicisation (Aguilera et Vitale 2015). À partir de la seconde moitié du XXe siècle, en effet, la thématique du mal-logement n’a cessé d’être abordée au prisme d’approches sécuritaires, souvent teintées de xénophobie. De l’importation du terme bidonville en métropole, après l’indépendance des colonies, à la culpabilisation à Mayotte d’un « envahisseur » comorien, en passant par trente années de « question rom » à Paris et dans tout l’hexagone (Aguilera 2020) : l’habitat informel a systématiquement été associé à des enjeux migratoires et des discours sur la délinquance présumée d’une population « externe », d’un ennemi non français. Les spécialistes s’accordent ainsi pour affirmer que la question des bidonvilles, en France, n’a jamais été pensée pour elle-même. Pour le politiste Thomas Aguilera (2020), cet impensé découle aussi de décisions et d’actions délibérées de la part des élites gouvernantes : « le ministère de l’Intérieur et les préfectures sont restés propriétaires de l’enjeu, empêchant explicitement les ministères du Logement ou des Affaires sociales de s’en saisir ». La violence de l’opération Wuambushu et des décisions assumées au cours des derniers mois par le binôme Gérald Darmanin (ministre de l’Intérieur) – Thierry Suquet (préfet de Mayotte) révèle aujourd’hui les implications de cette capture et de la faiblesse du dispositif français en matière de traitement des enjeux d’habitat informel et précaire.
Bayrou à Mayotte : reconstruction en deux ans, la promesse de coiffeur !
La promesse Bayrou de reconstruire Mayotte en deux ans est bien entendu complètement illusoire. C’est l’annonce d’un responsable politique sans doute en survie et qui trace des objectifs qu’il ne pourra lui-même mettre en œuvre. Ainsi il pourra toujours reporter la responsabilité sur ces oppositions qui sont nombreuses.
La première observation ,c’est ne pourra pas reconstruire un territoire qui ne l’a jamais été vraiment puisque que composé d’urbanisme classique mais aussi et surtout de plus d’un tiers de bidonvilles qui ne cessent de se développer.
De la même manière, envisager l’interdiction des bidonvilles relève de la démagogie. Aujourd’hui plus d’un tiers des habitants de Mayotte résident dans ces bidonvilles certes avec une majorité d’étrangers mais aussi avec des Mahorais trop pauvres pour accéder à des logements en dur.
Le problème est en effet social, sociétal et financier. 75 à 80 % de la population ( chiffre approximatif puisqu’on n’a pas les moyens de recenser de façon précise) vivent sous le seuil de pauvreté soit moins de 1100 € par mois. Mayotte est le département le plus pauvre de France mais le pouvoir d’achat est encore supérieur de sept à 10 fois celui des Comores indépendantes voisines ou encore des pays africains proches. D’où cette attirance pour le niveau de vie du département français des Comores , pour ses équipements et la couverture sociale.
L’attirance est telle que plus de la moitié de la population est étrangère et se renforce chaque jour pas seulement des immigrés des Comores indépendantes mais aussi de l’Afrique, par exemple du Congo, du Burundi, Rwanda, de différents pays des Grands Lacs.
Le bidonville est dans nombre de ces pays africains la banlieue qui cerne les grandes agglomérations. On voit mal comment on pourrait interdire l’immigration sauvage à Mayotte quand on est même pas capable de contrôler une frontière interne en Europe terrestre ou maritime où les moyens sont pourtant autrement importants.
Au mieux, le fameux plan de reconstruction de Bayrou pourrait se limiter à l’installation de 10 à 15 000 logements provisoires, ce qui sera un progrès mais pas vraiment la réponse globale nécessaire. Il faudrait aussi intégrer le développement économique autonome. C’est à peine si 30 % de la population disposent d’un emploi et l’ensemble de l’île dépend près de 80 % des finances publiques de la France.
Enfin la France ne dispose pas aujourd’hui de la solidité et de la stabilité politique nécessaire pour engager des travaux et des transformations pour laquelle d’ailleurs elle n’a pas le premier sou.
En tournant les talons face à un enseignant critique, Élisabeth Borne et les autres ministres ont bien montré leur perplexité face à un problème complexe qui les dépasse.
Mayotte : reconstruction deux ans, la promesse de coiffeur de Bayrou
La promesse Bayrou de reconstruire Mayotte en deux ans est bien entendus complètement illusoires. C’est l’annonce d’un responsable politique sans doute en survie et qui tracent des objectifs qu’il ne pourra lui-même mettre en œuvre. Ainsi pourra toujours reporter la responsabilité sur ces oppositions qui sont nombreuses.
La première observation c’est ne pourra pas reconstruire un territoire qui ne l’a jamais été vraiment puisque que composé d’urbanisme classique mais aussi et surtout de plus d’un tiers de bidonvilles qui ne cessent de se développer.
De la même manière envisager l’interdiction des bidonvilles relève de la démagogie. Aujourd’hui plus d’un tiers des habitants de Mayotte résident dans ces bidonvilles certes avec une majorité d’étrangers mais aussi avec des Mahorais trop pauvres pour accéder à des logements en dur.
Le problème est en effet social, sociétal et financier. 75 à 80 % de la population ( chiffre approximatif puisqu’on n’a pas les moyens de recenser de façon précise) vivent sous le seuil de pauvreté soit moins de 1100 € par mois. Mayotte est le département le plus pauvre de France mais le pouvoir d’achat est encore supérieur de sept à 10 fois celui des Comores indépendantes voisines ou encore des pays africains proches. D’où cette attirance pour le niveau de vie du département français des Comores , pour ses équipements et la couverture sociale.
L’attirance est telle que plus de la moitié de la population est étrangère et se renforce chaque jour pas seulement des immigrés des Comores indépendantes mais aussi de l’Afrique, par exemple du Congo, du Burundi, Rwanda, de différents pays des Grands Lacs.
Le bidonville est dans nombre de ces pays africains la banlieue qui cerne les grandes agglomérations. On voit mal comment on pourrait interdire l’immigration sauvage à Mayotte quand on est même pas capable de contrôler une frontière interne en Europe terrestre ou maritime où les moyens sont pourtant autrement importants.
Au mieux, le fameux plan de reconstruction de Bayrou pourrait se limiter à l’installation de 10 à 15 000 logements provisoires, ce qui sera un progrès mais pas vraiment la réponse globale nécessaire. Il faudrait aussi intégrer le développement économique autonome. C’est à peine si 30 % de la population disposent d’un emploi et l’ensemble de l’île dépend près de 80 % des finances publiques de la France.
Enfin la France ne dispose pas aujourd’hui de la solidité et de la stabilité politique nécessaire pour engager des travaux et des transformations pour laquelle d’ailleurs elle n’a pas le premier sou.
En tournant les talons face à un enseignant critique, Élisabeth Barnes les autres ministres ont bien montré leur perplexité face à un problème complexe qui les dépasse.
Analysant le démantèlement récent des bidonvilles à Mayotte, la politiste Laurie Servières met en lumière l’incapacité de l’État français à gérer la question de l’habitat informel autrement que par la violence dans le site « Metropolitics ».
101e département français depuis l’année 2011, Mayotte est incontestablement aussi le plus pauvre. En 2020, l’INSEE estimait que 77 % de ses habitants vivaient sous le seuil de pauvreté. De la déscolarisation au mal-logement, en passant par l’insécurité alimentaire ou l’accès insuffisant à l’eau, l’île affiche des résultats alarmants, en matière de développement et de protection sociale. Pourtant, c’est au prisme d’une approche essentiellement sécuritaire et militaire que le ministère de l’Intérieur, sollicité de longue date par certains élus mahorais, a décidé d’intervenir en avril 2023. Avec l’envoi de plus de 500 représentants des forces de l’ordre et une opération « Wuambushu » aux connotations guerrières non dissimulées (en mahorais, ce terme signifie « reprise »), il s’est lancé dans un âpre combat contre trois ennemis identifiés : la délinquance organisée, l’habitat informel et l’immigration incontrôlée. C’est sur le deuxième enjeu que porte cet article, car il fait de l’opération Wuambushu l’exemple le plus récent (mais aussi le plus massif et médiatisé) de réponse publique à une problématique complexe et qui déborde largement du cas mahorais : la question des bidonvilles. L’analyse de la composante d’éradication de l’habitat précaire de cette intervention sert ainsi de porte d’entrée à une réflexion plus large sur le traitement de cette question épineuse par les acteurs gouvernementaux français.
À Mayotte, une grande partie de la population réside dans des bidonvilles, que l’on appelle, sur place, des « bangas ». En 2017, 38 % des logements de l’île étaient construits en tôles et 37 % de l’habitat en dur ne bénéficiait pas du confort sanitaire de base. Loin de constituer une spécificité mahoraise, la production d’habitat informel apparaît dans de nombreux pays comme une des principales modalités de logement pour des populations à faibles revenus. Si elle s’accompagne souvent de risques (sanitaires, géologiques, climatiques, sociaux, etc.) et de conditions précaires d’existence (accès aux services urbains déficient, constructions hors normes, surpeuplement), elle offre une solution alternative à des millions de familles, dans un contexte de pénurie généralisée de logement abordable.
Historiquement, pourtant, la production informelle d’habitat s’est heurtée à l’hostilité des riverains et des gouvernements, qui n’ont cessé de stigmatiser les bidonvilles et leurs habitants. Tout au long du XXe siècle, la réponse des autorités à la formation et à l’expansion de ces quartiers a oscillé entre deux types de comportements : le laissez-faire, caractérisée par une tolérance tacite, ponctuelle et relative (car de fréquentes « descentes » policières pouvaient tout de même être menées) ; « l’éradication » ou délogement, consistant à expulser les habitants au prétexte de leur statut foncier irrégulier, souvent en détruisant derrière eux les habitations pour empêcher leur retour. Les travaux des historiens (de Almeida Abreu et Le Clerre 1994 ; Gonçalves Soares 2010 ; Vorms 2012) ont documenté la brutalité des opérations de démolition au bulldozer lancées dans certaines villes au début du siècle dernier, dont on semble aujourd’hui retrouver de tardives et très problématiques répliques dans les « décasages » à Mayotte.
Le recours à de telles pratiques a pourtant beaucoup reculé, depuis le milieu du XXe siècle, résultat des avancées normatives obtenues sur la scène multilatérale et de la diffusion progressive de nouveaux modèles d’intervention, fondés sur la reconnaissance et l’amélioration des quartiers autoproduits. À partir des années 1970, l’émergence d’un débat international sur ce qu’on a appelé au départ « les établissements humains » a permis d’enclencher un mouvement de remise en question des modalités violentes d’intervention dans les bidonvilles. Condamnées pour les graves violations des droits humains qu’elles pouvaient générer, les politiques d’éradication ont aussi été pointées du doigt pour leur inefficacité, au regard de leur tendance à « disperser » l’habitat informel. De plus en plus impopulaires, elles ont même fait l’objet d’une mise au ban par certaines organisations internationales, soit par la création de normes spécifiques, soit par l’introduction de clauses de « non-éviction » dans les accords de coopération financière. L’avancée de la recherche a permis la reconnaissance progressive des causes profondes de la production d’habitat informel, réhabilitant celle-ci, sinon comme solution, du moins comme réponse à une demande de logements abordables insatisfaite par les marchés et gouvernements (Deboulet 2016). Des rencontres et discussions multilatérales ont enfin permis d’ancrer dans le droit international des principes fondamentaux de « non-éviction » et de droit au sol et au logement.
À partir des années 1990, forte de son expérience sur ces questions et de celle de ses experts, mondialement reconnus, la France s’est positionnée à l’avant-garde de ces débats. Très proactive lors des rencontres onusiennes Habitat II, en 1996, et Habitat III, en 2016, elle s’est prononcée en faveur de l’inscription dans le Nouvel Agenda Urbain du droit à la ville, un concept forgé par le philosophe français Henri Lefebvre. Moins de dix ans après, les images des démolitions massives de bidonvilles à Mayotte semblent pourtant questionner sa propre compréhension et mise en application d’un urbanisme vertueux et inclusif.
Contradictions françaises et exception mahoraise
À en croire Estelle Youssouffa, députée de la première circonscription mahoraise, la loi française défendrait un principe d’application différenciée du droit à la ville, à l’aune du statut des personnes. Et quand, au micro de France Inter, on l’interroge sur la possibilité ou non de reloger tous les habitants de bidonvilles de l’île, la députée rétorque :
Non. Non non, parce qu’en fait, là, dans votre question, ça sous-entend que, parce qu’on occupe illégalement un terrain et qu’on est dans un bidonville, on a droit au relogement. Non, si vous êtes en situation régulière et que vous êtes français, vous avez droit à un relogement temporaire, c’est la loi. [Ce n’]est pas un relogement permanent, c’est un relogement temporaire. Et pour les personnes qui sont en situation régulière ou français[es]. Donc une grande partie des habitants dans les bidonvilles à Mayotte sont des étrangers en situation irrégulière : ils ont vocation à être expulsés et c’est l’application du droit.
Deux distinctions font jour dans cette citation. La première, entre les propriétaires et les squatteurs, aboutit à faire de l’accès à la ville un droit payant, conditionné à des facteurs socio-économiques. Un urbanisme d’élite, en somme, que dénoncent plusieurs acteurs associatifs et militants à Mayotte. « Le souci de l’État est de chasser les pauvres de Mayotte. C’est indigne de la France, les maisons en tôle », dénonce Daniel Gros, le référent local de la Ligue des droits de l’Homme.
La seconde distinction, centrée sur le critère de nationalité, implique de n’accorder qu’aux « vrais français » (et résidents réguliers) la possibilité de bénéficier d’un relogement. Un filtrage assez surprenant, au regard de la reconnaissance désormais très large du droit au relogement sur la scène internationale, mais qui a fait la triste renommée de la France au cours des dernières années. Des expulsions répétées de migrants à Calais à celles, plus récentes, du quartier de La Chapelle à Paris, le non-relogement des étrangers semble désormais correspondre à la norme, au pays des droits de l’homme.
Dans ce contexte français déjà particulier, il faut savoir qu’à Mayotte un régime juridique encore plus particulier s’applique en matière de régulation de l’habitat informel. Depuis la loi ELAN de 2018, ce département « bénéficie », avec la Guyane, d’un statut exceptionnel qui permet au préfet de décider de la destruction des bidonvilles qui menaceraient « la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique ».
En métropole et sur le reste du territoire français, une enquête préalable doit être menée pour justifier l’adoption de mesures d’expulsion : le droit qui s’applique à Mayotte s’inscrit donc dans un régime juridique ad hoc, qui n’est pas sans rappeler « l’état d’exception » du philosophe Agamben (2003). C’est d’ailleurs cette « exception » mahoraise qui a finalement permis à l’opération Wuambushu d’avoir lieu, alors qu’une décision de justice avait, en première instance, déclaré son interdiction.
Un des motifs de cet arrêt judiciaire portait encore une fois sur la question du relogement : centrale dans le débat sur le traitement de bidonvilles, mais visiblement très secondaire dans la planification des « décasages » en chaîne qui ont eu lieu à Mayotte depuis le mois d’avril. Plusieurs associations françaises dénoncent à cet égard de graves manquements au respect des droits humains ; elles sont relayées par des médias internationaux scandalisés qui s’interrogent sur le sort des habitants des plus de 500 logements détruits depuis la fin avril 2023. Aux yeux du gouvernement, l’argument de la non-nationalité semble primer sur toute autre considération sociale et sur l’application du droit au relogement, pourtant mentionné dans la loi ELAN.
L’ensemble de ces éléments ne laisse d’interroger quant au bien-fondé de l’approche assumée par les autorités françaises à Mayotte. Pour autant, l’opération Wuambushu est-elle une réaction « exceptionnelle » de la part d’un État au pied du mur ou exprime-t-elle un trait plus fondamental de la politique française en matière de traitement de l’habitat informel ?
Penser le cas mahorais dans l’histoire longue du traitement des bidonvilles en France
Dans l’hexagone et depuis la parution de la circulaire du 25 janvier 2018 sur « la résorption des campements illicites et des bidonvilles », le traitement des questions d’habitat informel est l’affaire de la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement, DIHAL. Rattachée aux services du Premier ministre, celle-ci a pour mission d’accompagner les autorités locales et régionales dans la mise en œuvre de politiques préventives, vis-à-vis de ces espaces. Or la circulaire ne s’applique pas aux Outre-mer, administrés directement par la Direction générale aux Outre-mer, DGOM. Un véritable paradoxe institutionnel, quand la population d’un seul bidonville mahorais parvient déjà à dépasser celle de l’ensemble des bidonvilles de l’hexagone. Ce découpage administratif explique également le fait que les habitants des bidonvilles ultramarins ne soient pas répertoriés dans les recensements nationaux de l’habitat informel.
Si on le replace dans la trajectoire longue du traitement de l’habitat informel en France, le recours quasi systématique à l’expulsion à Mayotte depuis l’entrée en vigueur de la loi ELAN s’apparente à une « règle » plutôt qu’à une exception. À une poignée d’expérimentations près (généralement portées par des organisations de la société civile), le délogement a été un levier d’action privilégié face au développement ou à la persistance de l’habitat informel, dans l’hexagone comme en Outre-mer. En 2016, le Collectif national droits de l’Homme Romeurope faisait « le triste constat de la continuité d’une politique d’expulsions répétées des habitants des bidonvilles et des squats. »
À cet égard, la circulaire de 2018 a certes représenté une avancée en termes d’institutionnalisation de la réflexion sur la question des bidonvilles, mais elle n’a pas fondamentalement changé la donne sur le terrain des politiques publiques. Sous ses allures relativement compréhensives, la « mission bidonvilles » de la DIHAL continue d’ailleurs d’inscrire son action dans une perspective de « résorption », un terme où transparaît encore l’objectif d’éradication, à rebours de la vision d’amélioration ou d’intégration qui est désormais privilégiée dans le débat international.
Une autre constante du traitement de la question des bidonvilles en France, que l’on retrouve dans le cas de l’opération Wuambushu, a été son ethnicisation (Aguilera et Vitale 2015). À partir de la seconde moitié du XXe siècle, en effet, la thématique du mal-logement n’a cessé d’être abordée au prisme d’approches sécuritaires, souvent teintées de xénophobie. De l’importation du terme bidonville en métropole, après l’indépendance des colonies, à la culpabilisation à Mayotte d’un « envahisseur » comorien, en passant par trente années de « question rom » à Paris et dans tout l’hexagone (Aguilera 2020) : l’habitat informel a systématiquement été associé à des enjeux migratoires et des discours sur la délinquance présumée d’une population « externe », d’un ennemi non français. Les spécialistes s’accordent ainsi pour affirmer que la question des bidonvilles, en France, n’a jamais été pensée pour elle-même. Pour le politiste Thomas Aguilera (2020), cet impensé découle aussi de décisions et d’actions délibérées de la part des élites gouvernantes : « le ministère de l’Intérieur et les préfectures sont restés propriétaires de l’enjeu, empêchant explicitement les ministères du Logement ou des Affaires sociales de s’en saisir ». La violence de l’opération Wuambushu et des décisions assumées au cours des derniers mois par le binôme Gérald Darmanin (ministre de l’Intérieur) – Thierry Suquet (préfet de Mayotte) révèle aujourd’hui les implications de cette capture et de la faiblesse du dispositif français en matière de traitement des enjeux d’habitat informel et précaire.
Bibliographie
Agamben, G. 2003. État d’exception, Homo sacer II, Paris : Éditions du Seuil.
Aguilera, T. 2020. « Chapitre 9. À l’ombre du Grand Paris : l’impossible gouvernance métropolitaine des bidonvilles franciliens », in P. Le Galès (dir.), Gouverner la métropole parisienne. État, conflits, institutions, réseaux, Paris : Presses de Sciences Po, p. 249-278.
Mayotte, petite île de l’océan Indien, symbolise à elle seule la collision brutale entre histoire coloniale, fractures sociales et désastres environnementaux. Département français depuis 2011, elle est un territoire en crise, où la misère humaine et les catastrophes naturelles s’entrelacent dans une spirale infernale. Les événements récents – séismes, tornades, montée des eaux – ne sont que la face visible d’un effondrement plus global. Ils révèlent une vulnérabilité accumulée sur des décennies, amplifiée par des promesses non tenues, des inégalités criantes et une gestion déconnectée des réalités locales.
par Bernard Kalaora Professeur honoraire, Université de Picardie Jules Verne (UPJV) dans The Conversation
En 1974, Mayotte se sépare des Comores à l’issue d’un référendum où les Mahorais choisissent de rester français. Ce choix, né du désir d’échapper à l’instabilité politique des Comores indépendantes, place l’île dans une situation paradoxale : elle devient un territoire français entouré de voisins économiquement fragiles. Cette appartenance à la République française, vue comme une chance à l’époque, isole Mayotte de son propre environnement géographique et culturel. Rapidement, cette singularité engendre des tensions avec les autres îles de l’archipel, notamment l’île comorienne d’Anjouan, d’où proviennent chaque année des milliers de migrants.
L’intégration comme département, survenue en 2011, devait marquer une nouvelle ère pour Mayotte. Les Mahorais espéraient voir leur île se développer et accéder à des droits égaux à ceux des métropolitains c’est-à-dire que s’y applique pleinement les lois françaises et européennes, à la différence d’une collectivité territoriale. Mais cette départementalisation s’est révélée un leurre. La croissance fulgurante de la population, (76 000 habitants en 1991, 300 000 habitants en 2023), dépasse largement la capacité des infrastructures et des services publics à répondre aux exigences, tout en exacerbant l’obsolescence des équipements, faute d’entretien.
L’éducation, en particulier, est le symbole de cet échec. Avec des classes surchargées, des enseignants en sous-effectifs et des écoles délabrées, le système scolaire est incapable de répondre aux besoins d’une jeunesse nombreuse et en quête d’avenir. Cet effondrement du système éducatif alimente un sentiment d’abandon et de mépris parmi les Mahorais. Ils constatent chaque jour que la promesse d’égalité républicaine reste une illusion.
Les infrastructures sanitaires et sociales sont tout aussi défaillantes. Les femmes comoriennes qui bravent les flots pour accoucher à Mayotte afin que leurs enfants acquièrent la nationalité française, contribuent à une pression démographique croissante. Mais ces enfants, bien que nés sur le sol français, grandissent souvent dans des conditions indignes. Ils alimentent les bidonvilles, des espaces d’exclusion où se forment des bandes de jeunes livrés à eux-mêmes, vecteurs de violences et d’émeutes récurrentes. À leur majorité, en vertu du droit du sol, ces enfants peuvent acquérir la nationalité française.
La colère gronde dans une population qui se sent méprisée, prise en étau entre un État central distant et des besoins locaux criants. Mais ce mépris ne se limite pas aux politiques sociales : il se manifeste aussi dans la gestion de l’environnement. Mayotte est une île en pleine dégradation écologique, où les bidonvilles, sans réseaux d’assainissement, rejettent leurs déchets dans une mer polluée, comme j’ai pu l’étudier dans le cadre d’une mission pour l’association Littocean. La destruction des mangroves (due à un développement urbain incontrôlé et au changement climatique) et en conséquence des récifs coralliens, essentiels pour limiter l’érosion et les submersions marines, témoigne de l’incapacité à relier environnement et développement.
À cela s’ajoute un paradoxe criant : tandis que les populations locales luttent pour survivre, des moyens considérables sont mobilisés pour protéger l’écosystème marin par le biais du parc naturel de Mayotte. Ce parc, destiné à préserver la biodiversité exceptionnelle des récifs coralliens, devient un symbole d’une gestion technocratique déconnectée des réalités humaines. Les Mahorais, exclus de ce projet, perçoivent cette conservation comme une nouvelle forme de colonialisme : une « colonisation bleue » où la priorité est donnée à la nature, administrée par l’État français, au détriment des habitants. Ce fossé entre la préservation de l’environnement et les besoins des communautés accentue le sentiment d’abandon et l’idée que Mayotte n’est qu’un territoire périphérique, instrumentalisé pour des objectifs extérieurs et géopolitiques, traité comme une colonie et non comme un territoire français à part entière.
Dans ce contexte, le changement climatique agit comme un catalyseur. Il intensifie les phénomènes naturels extrêmes, tels que les cyclones ou les sécheresses, et exacerbe les inégalités. L’élévation du niveau de la mer menace directement les habitations précaires situées sur les littoraux, tandis que les ressources en eau, déjà insuffisantes, s’amenuisent. Les catastrophes naturelles se multiplient, mais elles ne sont pas de simples fatalités : elles frappent un territoire déjà fragilisé, où chaque événement climatique devient un désastre humain par manque de préparation.
Face à cette accumulation de crises, c’est le rapport au temps qui interroge. À Mayotte, l’idée même d’un avenir semble inatteignable. Les Mahorais vivent dans un présent sans repères, où les mêmes drames – émeutes, violences, destructions – se répètent sans fin. François Hartog, dans sa réflexion sur le présentisme, décrit cet état où le passé perd sa valeur, où le futur est inconcevable, et où seul le présent s’impose, figé dans l’urgence et l’incapacité d’anticiper.
Mayotte incarne cette temporalité brisée. L’île n’a pas de nostalgie d’un âge d’or, car son histoire est marquée par des fractures successives : colonisation, séparation des Comores, départementalisation ratée. Elle n’a pas non plus de projet d’avenir, car les conditions de vie, les inégalités et les crises structurelles la maintiennent dans un état d’urgence permanent. Ce présentisme exacerbé renforce le sentiment d’impuissance, rendant impossible toute perspective de reconstruction ou de progrès.
La situation actuelle de Mayotte peut être qualifiée d’hypercriticité : un état où les tensions sociales, politiques et environnementales atteignent un point de rupture, où chaque élément, même mineur, peut précipiter un effondrement global.
Ce terme désigne non seulement l’accumulation des vulnérabilités, mais aussi l’incapacité à s’en extraire. L’hypercriticité, c’est l’impossibilité de penser au-delà de l’urgence, l’incapacité de construire des ponts entre les crises pour trouver des solutions globales. À Mayotte, cet état est visible dans chaque aspect de la vie : dans l’école qui échoue à offrir un avenir, dans les bidonvilles qui s’étendent, dans la mer qui rejette les déchets de l’île et engloutit peu à peu ses côtes, dans l’accès à l’eau et à un environnement sain, dans la pression démographique et ses conséquences écologiques.
Cette crise révèle une conjonction inédite entre deux histoires : celle, humaine, de la globalisation, avec ses migrations, ses inégalités et ses fractures coloniales ; et celle, planétaire, d’une Terre abîmée par la dégradation accélérée des écosystèmes. Comme l’explique Dipesh Chakrabarty dans _Une planète, plusieurs mondes_, ce croisement marque une rupture : à Mayotte, cette rencontre s’incarne dans une « planète des pauvres », où les damnés de la Terre subissent de plein fouet l’amplification de ces dynamiques destructrices. Ici, les vulnérabilités humaines et écologiques se confondent dans un cycle sans précédent, soulignant la nouveauté tragique de cette crise.
Toutefois, l’hypercriticité peut aussi être un point de départ. Elle force à regarder en face l’ampleur des problèmes et à repenser radicalement les relations entre les hommes, leur territoire et leur futur. Si Mayotte continue sur cette voie, elle risque de devenir un archétype de l’effondrement insulaire, un avertissement pour d’autres territoires. Mais si elle parvient à dépasser ce présentisme, à prendre en compte l’histoire passée, à s’attaquer aux urgences présentes tout en imaginant un avenir collectif mettant en avant la double identité mahoraise française et comorienne pour en faire un exemple d’hybridité culturelle réussie, elle pourrait, paradoxalement, transformer sa fragilité en force, en inventant un modèle résilient face aux défis du XXIe siècle. Le temps, à Mayotte, n’a pas encore retrouvé son cours, mais il n’est pas trop tard pour le remettre en mouvement.