Macron balayé comme Matteo Renzi ?
C’est le risque que court Macron d’après l’ ancien conseiller politique de Renzi, Giuliano da Empoli, dans une tribune au « Monde ».
Tribune
Quelques années avant Emmanuel Macron, l’Europe a connu un autre leader politique, jeune et charismatique, issu de la gauche modérée, qui avait promis de transformer son pays en une « start-up nation » à la pointe de l’innovation européenne. Il s’appelait Matteo Renzi et il a gouverné l’Italie pendant presque trois ans, introduisant des réformes sans précédent dans le monde du travail et de l’administration publique, avant d’être balayé par une vague nationale-populiste elle aussi sans précédent.
Aujourd’hui, l’Italie est gouvernée par une coalition instable dirigée par le Mouvement 5 étoiles, et le Matteo de loin le plus populaire de la scène politique italienne s’appelle Salvini. Renzi est, quant à lui, honni par une large majorité de l’opinion publique et son nouveau parti ne dépasse pas les 5 % dans les sondages.
Le cas italien a ses particularités mais les analogies entre le parcours de Macron et celui de Renzi sont suffisamment fortes pour conseiller au président de la République française de méditer sur l’expérience de son malheureux précurseur transalpin. Selon moi, au moins cinq enseignements – qui signalent les erreurs à ne pas commettre – peuvent être tirés de cette expérience.
Le premier porte sur « la réforme de trop » : celle qui permet aux mécontents de la gauche et à ceux de la droite de s’unir contre le pouvoir en place. Macron a été porté par la vague d’une demande de renouvellement qu’il a tenté de satisfaire en lançant des réformes pendant la première partie de son mandat. Chacune de ces réformes a suscité des oppositions, mais, en hommage au principe latin divide et impera (« diviser pour régner »), dans un premier temps, le président a eu l’habileté de maintenir ces oppositions divisées.
Comme la réforme de la Constitution qui a provoqué la chute de Renzi, la réforme des retraites était prévue de longue date et fait partie d’un dessin d’ensemble, mais elle risque d’être la réforme de trop si elle permet aux mécontents de tous les bords, de l’extrême droite à l’extrême gauche, de dépasser leurs divisions pour s’unir contre le chef de l’Etat.
Le deuxième enseignement est que parler de méritocratie et d’opportunités ne suffit pas. Comme Matteo Renzi, Emmanuel Macron est un personnage ambitieux qui a atteint jeune les sommets de l’Etat grâce à ses capacités et à son goût du risque. Pour cette raison, il croit fortement en la nécessité d’offrir à tous les mêmes opportunités, mais il oublie parfois de parler à tous ceux qui, plus que la possibilité de se transformer, demandent simplement du respect pour ce qu’ils sont. La majorité d’entre eux sait que les politiques ne peuvent résoudre tous leurs problèmes, mais elle attend qu’ils fassent avant tout l’effort de les comprendre et qu’ils manifestent un minimum d’empathie à leur égard. »