La France plaide contre l’exploitation minière des fonds marins
Lors de la réunion annuelle des 168 Etats membres de l’Assemblée de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), à Kingston, en Jamaïque,, le secrétaire d’Etat français à la Mer, Hervé Berville, a défendu la position de la France, fermement opposée à l’extraction de minerais dans les fonds marins.
Nous ne pouvons pas et nous ne devons pas nous lancer dans une activité industrielle nouvelle alors que nous ne sommes pas encore capables d’en mesurer pleinement les conséquences, et donc de prendre le risque de dommages irréversibles pour nos écosystèmes marins.
« Notre responsabilité est immense et aucun d’entre nous ici dans cette salle ne pourra dire qu’il ignorait l’effondrement de la biodiversité marine, l’élévation du niveau de la mer ou encore l’augmentation brutale de la température des océans », a-t-il lancé.
La France fait partie de la vingtaine de pays qui réclament désormais un moratoire, une « pause de précaution », avant la possible extraction du nickel, cobalt ou cuivre que recèlent des fonds marins riches d’une biodiversité encore largement méconnue. Mais lors de cette réunion, débutée lundi, les pays membres n’ont pas su s’accorder sur la nécessité de débattre de cette question « Nous avons le devoir de débattre de ces sujets fondamentaux dans cette assemblée », a insisté Hervé Berville, rejoint dans sa demande par d’autres pays comme le Chili et le Costa Rica.
une pétition contre des ONG
Alors que s’ouvre ce lundi la réunion de l’Autorité internationale des fonds marins en Jamaïque, des ONG demandent à protéger urgemment cet espace fragile face aux exploitations commerciales qui menacent la biodiversité et la lutte contre le changement climatique.
La porte est ouverte à l’exploitation minière des grands fonds, sans normes ni réglementation (code minier), et ce alors que les connaissances scientifiques relatives aux grands fonds et aux impacts de l’exploitation minière sont loin d’être suffisantes pour permettre une prise de décision fondée sur des données probantes. Cette nouvelle menace se télescope de manière cynique avec la récente adoption aux Nations Unies d’un traité pour la protection de la haute mer, censé protéger ces espaces si fragiles.
Dès aujourd’hui, une entreprise peut demander à l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) une licence provisoire d’exploitation commerciale des grands fonds. Cette aberration, rendue possible par une faille dans les procédures de l’AIFM, intervient alors que les négociations sur le cadre réglementaire de ces activités n’ont pas encore abouti.
Les entreprises minières, la canadienne The Metal Company en tête, se frottent les mains et pourraient bien imposer l’exploitation de ce patrimoine commun à toute l’humanité au mépris de l’esprit du multilatéralisme et alors que, face à l’ampleur de la menace, un nombre grandissant d’Etats, de citoyens mais aussi de banques, d’entreprises, d’associations de pêcheurs, d’ ONG et de scientifiques s’élèvent pour demander un moratoire sur l’exploitation minière des grands fonds marins.
C’est une phase d’incertitude qui s’ouvre aujourd’hui et qui pourrait mettre en péril la crédibilité d’une institution internationale supposée garantir la protection du milieu marin. En effet, quel crédit attribuer à des Etats qui, d’un côté, s’engagent à protéger l’Océan dans le cadre du tout nouveau traité pour la protection de la haute mer, et de l’autre octroient un droit de destruction des abysses ? De même, qu’attendre de la conférence des Nations Unies sur les océans qui se tiendra à Nice en 2025, où la question d’un moratoire sur l’exploitation des grands fonds sera un sujet central, si en parallèle, des « bulldozers » raclent les plaines abyssales en quête de nickel, de cuivre ou de cobalt ?
Une nouvelle menace pèse désormais sur l’océan mais rien n’est inéluctable.
Une nouvelle menace pèse désormais sur l’Océan mais rien n’est inéluctable. Aujourd’hui s’ouvre la réunion de l’AIFM à Kingston, en Jamaïque, et les Etats membre de son Assemblée peuvent adopter une politique générale pour un moratoire sur l’exploitation minière, répondant ainsi aux engagements internationaux visant à protéger les grands fonds, à maintenir, restaurer ou améliorer la santé des écosystèmes et la résilience des océans, à stopper et inverser la perte de biodiversité et à lutter contre le changement climatique.
Le président Macron a annoncé vouloir faire de la protection de l’Océan une priorité de son mandat . L’an dernier, l’annonce de la France en faveur d’une interdiction de l’exploitation minière des grands fonds a été une grande avancée. Nous demandons aujourd’hui au gouvernement de continuer à porter cette ambition et de tout faire pour la concrétiser, à l’Assemblée de l’AIFM, par l’adoption d’un moratoire contre l’exploitation des grands fonds. La réunion de l’Assemblée de cette année est une première étape cruciale d’une mobilisation inter-étatique qui, avec le leadership de la France, permettrait d’aboutir à un soutien massif de la communauté internationale à Nice, en 2025.
Les signataires :
André Abreu est directeur des Affaires Internationales à la Fondation Tara Océan.
Bernard Chevassus-au-Louis est président d’Humanité et Biodiversité.
Lamya Essemlali est présidente de Sea Shepherd France.
Jérôme Frignet est directeur des programmes de Greenpeace France.
Khaled Gaïji est président des Amis de la Terre France.
Philippe Garcia est président de l’association Défense des Milieux Aquatiques.
Antoine Gatet est président de France Nature Environnement.
Thibault Josse est chargé de mission pour l’Association Pleine Mer.
Armelle Jung est cheffe de projet pour Des Requins et Des Hommes.
Raphaëla le Gouvello est présidente d’honneur de RespectOcean.
Maud Lelièvre est présidente Comité français de l’UICN.
Sébastien Moncorps est directeur du Comité français de l’UICN.
Fabienne McLellan est directrice générale d’OceanCare.
Pascale Moehrle est directrice Exécutive d’Oceana Europe.
Francis Nativel est président de Eau et Rivières de Bretagne.
Claire Nouvian est directrice de Bloom.
Sian Owen est directrice de la Deep Sea Conservation Coalition.
Emmanuelle Périé-Bardout et Ghislain Bardout sont cofondateurs d’Under The Pole.
Loreley Picourt est directrice générale de la Plateforme Océan & Climat.
Geneviève Pons est directrice générale et Vice-présidente de l’institut Europe Jacques Delors.
Katherine Poujol est présidente de Gardez les Caps.
Steve Trent est directeur général d’Environmental Justice Foundation.
Patricia Ricard est présidente de l’Institut océanographique Paul Ricard.
Anne-Sophie Roux est représentante de Sustainable Ocean Alliance.
Sabine Roux de Bezieux est présidente de la Fondation de la Mer.
François Sarano est président fondateur de Longitude 181, La voix de l’Océan.
Nathalie Van Den Broeck est présidente de Surfrider Foundation Europe.
Dans la lutte contre le réchauffement, « la communauté internationale doit utiliser tous les outils à sa disposition. Les métaux critiques sont un outil qui peut nous aider », a renchéri le Premier ministre des îles Cook Mark Brown, appelant à une exploitation « responsable ». « Nous ne pouvons pas appeler cela une transition propre ou verte si elle se fait au prix de la biodiversité et de la nature », a répondu le représentant de Vanuatu, en faveur d’un moratoire.
ONG et scientifiques pointent du doigt les risques de destruction directe d’habitats et d’espèces, mais aussi de perturbation de la capacité de l’océan à absorber le carbone émis par les activités humaines. « Si on commence à altérer une zone, on a la quasi-certitude que l’ensemble de l’océan va finalement être altéré. Le problème, c’est qu’on ne sait pas en combien de temps et dans quelles conséquences », estime Pierre-Antoine Dessandier, biologiste marin à l’Ifremer.
« Avec des puissances majeures comme le Brésil et le Canada rejoignant le soutien pour le moratoire, des fissures apparaissent dans ce qui était jusqu’à présent une forteresse des intérêts de l’industrie », a déclaré à l’AFP Louisa Casson, de Greenpeace. « Une grande bataille se profile, mais le combat est engagé », a-t-elle ajouté.