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Les limites d’une politique monétaire (Marie-Hélène Duprat )

Les limites d’une politique monétaire (Marie-Hélène Duprat )

 

Dans un article du monde Marie-Hélène Duprat, conseillère auprès du chef économiste de la Société Générale, souligne les limites de la politique monétaire

 

« Huit ans après l’éclatement de la crise financière, les économies occidentales sont toujours placées sous perfusion monétaire. Lorsque la crise a éclaté, les grandes banques centrales ont abaissé leurs taux directeurs à zéro ou quasiment zéro, avant de se tourner vers des outils de moins en moins conventionnels, tels que l’assouplissement quantitatif et les taux d’intérêt négatifs. Les taux négatifs – ultime avatar des mesures monétaires non orthodoxes – sont aujourd’hui pratiqués par les banques centrales du Danemark, de la Suède, de la Suisse, du Japon et de la zone euro. Quel bilan peut-on aujourd’hui tirer de l’action des autorités monétaires? Un bilan en vérité mitigé : la politique monétaire a réussi à stabiliser le crédit, mais elle a échoué à véritablement favoriser la croissance et à relancer l’inflation. Si les politiques monétaires ultra-accommodantes mises en oeuvre par les grandes banques centrales se sont révélées indispensables pour freiner la contraction de l’activité économique et éviter une spirale déflationniste, elles n’en sont pas moins clairement insuffisantes. Insuffisantes, car, dans une économie excessivement endettée, même un taux d’intérêt nul ne suffit pas à relancer l’emprunt et les dépenses, les agents économiques étant plus soucieux d’apurer leurs dettes. D’où un déficit chronique de la demande dans l’économie. Pour corriger une insuffisance de la demande, le remède habituellement déployé est une baisse des taux directeurs de la banque centrale. Le problème, c’est que les taux d’intérêt nominaux ne peuvent pas être réduits substantiellement en dessous de zéro car le public peut bénéficier d’un taux de rendement nul en détenant des encaisses monétaires.  Lorsque les taux directeurs sont à leur valeur plancher (zéro ou légèrement en dessous de zéro), la monnaie créée est épongée par la thésaurisation au lieu d’être dépensée ou investie : l’économie est alors dans la « trappe à liquidité » théorisée par Keynes. Depuis 2008, la majorité des économies développées ont basculé dans la trappe à liquidité. Dans une telle situation, l’économie a besoin, soit de taux d’intérêt nominaux très nettement négatifs, ce qui n’est pas possible, compte tenu de la borne inférieure des taux, soit d’anticipations d’inflation nettement plus élevées, ce que les banques centrales ont jusqu’alors échoué à créer. Il est vrai que faire remonter les anticipations d’inflation dans une économie très endettée piégée dans une trappe à liquidité relève de la gageure. La réalité est que la politique monétaire ne peut pas, à elle seule, tout régler. Et aujourd’hui, il existe un risque réel que, si la politique monétaire seule continue de supporter tout le poids de la relance, les coûts marginaux l’emportent sur les bénéfices marginaux attendus. Car l’hyperrelance monétaire a des coûts : prise excessive de risques par des investisseurs en quête de rendements (d’où le risque de bulles spéculatives), érosion des marges bancaires, baisse des revenus de l’épargne, pour n’en citer que les principaux. Les travaux théoriques suggèrent qu’une fois la borne inférieure zéro sur les taux atteinte, l’intervention politique la plus efficace est une politique budgétaire expansionniste pour créer un choc de demande positif. Aussi, outre les nécessaires réformes structurelles, une relance de l’investissement public (dans les infrastructures et l’éducation notamment) pourrait être aujourd’hui judicieuse pour remédier à court terme à l’insuffisance de la demande privée, tout en contribuant à une croissance potentielle à long terme plus forte sans laquelle il serait illusoire d’imaginer que les dettes accumulées seront honorées. Des investissements publics financés par la création monétaire (la « monnaie-hélicoptère ») seraient contraires au Traité européen, mais qu’importe lorsque les Etats peuvent emprunter à long terme à des taux dérisoires, voire négatifs. »




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