Environnement et croissance : pour un développement économique maîtrisé
Gaël Perdriau, maire LR de Saint-Etienne, président de Saint-Etienne Métropole et vice-président Les Républicains, estime dans cette tribune que le développement durable est « un levier économique » qui « permet de cultiver l’excellence ». La preuve sans doute que la problématique environnementale traverse maintenant tous les partis mais que le souci d’équilibre entre l’économie et l’écologie doit être prise en compte (tribune dans le JDD)
« La crise sanitaire a mis en évidence la stratégique fragilité environnementale de notre société et donc, partant, le besoin vital de repenser, en profondeur, nos modèles économique, social, culturel, sociétal voire politique. Nous ne pouvons pas ignorer ce qui a eu lieu. En même temps, nous devons nous méfier de la tentation d’un «Grand soir environnemental» qui permettrait de prendre un «nouveau départ» en rejetant, en bloc, l’héritage du passé. Un refus de la modernité qui serait préjudiciable et nous conduirait à une régression sociale explosive politiquement. Nous devons construire la société du jour d’après dans une rupture maîtrisée et progressive avec celle du «jour d’avant ».
Exercice extrêmement délicat et qui concerne chaque citoyen. D’ailleurs, à ce sujet, n’oublions pas, que la Convention Citoyenne sur le Climat a rendu une copie comportant 149 propositions touchant à toutes les sphères de la vie (déplacements, production, agriculture, éducation, logement etc.) et que 146 d’entre elles ont été retenues par le président de la République.
Depuis quelques jours on peut douter de la sincérité de l’exécutif à conduire cette transition écologique dont la France a si besoin
Tout va pour le mieux, puisque la prise de conscience se double d’une réflexion, tant promise, qui débouche sur des actions concrètes. Même le ministre de l’économie déclare, le 26 juillet dernier, que la relance sera nécessairement verte. Tout va bien! N’est-ce pas? Non, car depuis quelques jours on peut douter de la sincérité de l’exécutif à conduire cette transition écologique dont la France a si besoin et pour laquelle elle dispose d’atouts pouvant le rendre exemplaire. En effet, le tout nouveau ministre de l’Agriculture, secondé par sa collègue à la Transition écologique, Madame Pompili, vient d’autoriser à nouveau, le recours aux néonicotinoïdes, les trop célèbres insecticides « tueurs d’abeilles ».
Une décision qui soulève une tempête de protestations jusque y compris dans les rangs de LREM. Le plus surprenant étant que le ministre, ayant interdit, en 2016, ces pesticides, était… Madame Pompili! Comment voulez-vous que l’on prête un quelconque crédit, après un tel reniement, aux actions de ce ministre? Comment voulez-vous éviter les interrogations légitimes des citoyens qui ne comprennent plus rien à des politiques publiques conduites uniquement pour satisfaire les plans de carrière des uns et des autres?
Tout ceci, se déroulant sur fond de restitution des travaux de la convention citoyenne sur le climat qui affiche, comme ambition le fait de permettre à chacun d’accéder à une alimentation saine, durable et de qualité respectueuse du climat, des écosystèmes et de la biodiversité. Pour remplir cet objectif, il est proposé que les pesticides et autres insecticides soient interdits d’ici 2040.
Des travaux accueillis avec enthousiasme par le président de la République qui veut afficher son souci environnemental. Depuis 2017, Emmanuel Macron, hélas, a pris la très mauvaise habitude d’affirmer tout et de faire son contraire. Que sont devenus les grands plans de lutte contre la pauvreté ou la dépendance? Cette décision rejoint donc la longue liste des reniements et autres projets tombés aux oubliettes qui caractérisent la présidence d’Emmanuel Macron.
Certes, il reste 20 ans pour éventuellement adopter un texte législatif interdisant ces produits dans l’agriculture, mais il faut bien avouer que commencer par les autoriser au lieu d’en limiter l’utilisation n’augure rien de bon pour les citoyens. En revanche, pour les bilans comptables de certaines entreprises…
Désormais, en France, tout se passe comme si l’environnement était pris en otage entre le cynisme d’un exécutif à la recherche d’un second souffle et des écologistes dont les premiers pas, dans les communes conquises le 28 juin dernier, laissent à craindre qu’ils soient guidés par une idéologie et non le pragmatisme dont l’environnement a besoin.
Nous devons mettre en œuvre une écologie qui ne soit pas strictement punitive. Certes, la sanction s’avère utile car, pour parler familièrement, la « peur du gendarme », dans certaines circonstances, s’avère utile et indispensable. Pour autant, nous devons construire à long terme en gérant la rareté, voire la pénurie des ressources. C’est en cela que l’économie et le développement durable ne sont pas antinomiques. Dans un monde où les ressources deviennent de plus en plus rares comment oublier que le but premier de la science économique est de gérer la rareté? Ce qui n’exclut, nullement, de faire des profits à condition qu’ils soient maîtrisés.
Oui, le développement durable est aussi un formidable levier de prospérité économique en ce qu’il permet de « cultiver » l’excellence et de s’interroger sur la capacité à produire plus ou autant avec une diminution des ressources. C’est cette démarche que j’ai adopté, en 2014, à Saint-Etienne Métropole afin de renforcer la transition écologique en matière de déplacements, de solarisation, de méthanisation, de rénovation urbaine ou encore de qualité énergétique des logements. Nous avons investi plus de 250 millions d’euros en six ans et nous n’allons pas relâcher notre effort d’ici 2026.
Cette vision positive a permis de mobiliser, localement, tous les acteurs économiques, sociaux, de l’enseignement supérieur et associatifs pour donner un contenu concret à cette excellence environnementale. Cet effort peut, doit, être généralisé à la France entière.
. Certes, c’est exigeant, donc difficile, mais comment demander des comportements vertueux si les délais octroyés sont excessivement longs? L’exemple des pesticides est, à ce sujet, extrêmement clair. En agissant de la sorte, l’exécutif ne fait que légitimer les positions extrêmes de cette écologie punitive qui empêche, par exemple, la ville de Rennes d’accueillir le grand départ du Tour de France, en 2021, pour des motifs dont la pertinence environnementale prête à discussion.
Construire une autre société suppose que l’on replace au centre des politiques publiques, l’homme. Cela suppose aussi, ce préalable indispensable de sortie d’une logique purement financière pour retrouver celle fondée sur l’économie et le social à la condition expresse de retrouver, aussi, le chemin du long terme. Entre les adeptes de la croissance et leurs opposants, arque boutés, sur la décroissance, nous devons proposer le projet d’une croissance économique maîtrisée, au service du progrès social, et compatible avec l’évolution des ressources de la planète. »