Réformes Juppé : main de fer et gant de velours
Pour réduire le chômage de moitié à la Juppé contrairement à ses principaux concurrents Sarkozy et Fillon n’envisage pas de renverser la table. Pas de promesse de grand soir mais fermeté et pédagogie caractérise son programme. Une pédagogie cependant relative puisqu’il envisage de gouverner par ordonnance dès les premiers mois de son arrivée au pouvoir. Sur le fond, il veut diminuer les dépenses publiques de 20 milliards par an notamment en réduisant le nombre de fonctionnaires de 250 000, en réduisant les dépenses de sécu, en portant la durée du travail de 35 à 39 heures et en reportant l’âge de la retraite à 65 ans. L’objectif est de réduire la fiscalité pesant sur les entreprises afin de restaurer la compétitivité. En fait une stratégie de main de fer dans un gant de velours. Une différence notamment avec Sarkozy qui annonce des mesures fracassantes sur la forme mais finalement assez timide sur le fond. Juppé veut s’appuyer très rapidement sur la dynamique de son éventuelle élection pour réaliser les réformes essentielles avant que la contestation n’ait le temps de s’organiser. Alain Juppé, favori pour l’investiture présidentielle à droite, s’est engagé mardi à un taux de chômage à 5% en France à l’horizon 2022 s’il est élu en 2017, dans un programme centré sur l’entreprise qui supprimera notamment les 35 heures et allègera les charges patronales. Taxé de pusillanimité par ses principaux rivaux, notamment François Fillon qui prône un libéralisme thatchérien, l’ancien chef de gouvernement a dit refuser les « trois slogans ou deux formules qui prétendent renverser la table ou renouveler le genre humain ». Mais soucieux d’ »annoncer la couleur », une leçon tirée des grandes grèves de 1995 contre sa réforme des régimes spéciaux de retraite et de la Sécurité sociale, Alain Juppé a annoncé lors d’un discours à Paris et dans un livre à paraître mercredi, « Cinq ans pour l’emploi », qu’il appliquerait ses mesures par ordonnances, dans les six mois suivant son élection, à la tête d’un gouvernement de 10 à 12 ministres de plein exercice. Le maire de Bordeaux rejoint ses concurrents sur la réduction des dépenses publiques, dont il évalue la nécessité à 80 à 100 milliards d’euros sur cinq ans. Alain Juppé marque en revanche sa différence sur les 35 heures en prônant le retour des 39 heures comme référence légale dans le Code du travail. « S’il n’y a pas une sorte de butoir, il ne se passera rien », a-t-il justifié mardi soir. Les entreprises auront deux ans pour négocier, en fonction de leurs besoins, la durée de travail à 36, 37, 38 ou 39 heures « en augmentant proportionnellement les salaires ». En l’absence d’accord, la durée de référence de 39 heures s’appliquera. « Les heures supplémentaires entre 35 et 39 heures bénéficieront d’un mécanisme d’exonération fiscale et sociale », a-t-il précisé. Pour favoriser l’embauche, il propose de refondre les allègements de charges existants, dont le CICE, en un seul dispositif axé sur les bas salaires, un « zéro charge patronale » sur le smic dégressif jusqu’à 1,8 smic. Autre mesure phare, les cotisations famille seraient baissées de 10 milliards d’euros avec en contrepartie une augmentation d’un point de la TVA de 20% à 21%. Alain Juppé entend réhabiliter le CDI en inscrivant dans le contrat des motifs prédéterminés de rupture « adaptés à l’entreprise, encadrés par la loi et homologués par l’administration ». « Nous avons tout essayé, sauf ce qui marche partout ailleurs », a-t-il lancé. En matière fiscale, il envisage une imposition forfaitaire des plus-values dégressive en fonction de la durée de détention et qui descendra jusqu’à 25% (prélèvements sociaux inclus) au bout de six ans. Il table sur une baisse de 11 milliards d’euros de l’impôt sur les sociétés (IS) pour le faire converger vers la moyenne européenne (22%). Il serait ramené de 33,3% à 30% pour la grande majorité des entreprises. Alain Juppé s’est engagé à la suppression de solidarité sur la fortune (ISF) en 2018. Une loi de programmation fiscale serait votée à l’automne 2017 qui détaillerait les mesures fiscales sur cinq ans. Prudent sur les réductions d’impôts — qui fleurissent en ce printemps, a-t-il ironisé –, Alain Juppé a promis une baisse de deux milliards d’euros en faveur des familles via un relèvement du quotient familial de 1.500 à 2.500 par demi-part. Les cotisations des particuliers employeurs seraient par ailleurs allégées de 600 millions d’euros. Pour rendre les « baisses d’impôts crédibles et durables », le candidat vise un effort drastique sur la dépense publique. L’Etat donnera l’exemple à hauteur de 25 à 30 milliards d’euros en réduisant son périmètre d’intervention (les organismes et missions à supprimer seront précisés « pendant la campagne ») en baissant notamment le nombre de fonctionnaires de 250.000 et en instituant deux jours de carence. Les collectivités locales seront mises à contribution à hauteur de 10 à 15 milliards d’euros. Un effort de 50 milliards d’euros sera réalisé sur la Sécurité sociale en portant, notamment, progressivement l’âge de départ à la retraite à 65 ans entre 2018 et 2026. Sur la protection sociale, « je ne veux pas casser la baraque », a souligné Alain Juppé en allusion à François Fillon.
(Avec Reuters)