L’ exercice physiques pour lutter contre l’obésité
Le surpoids et l’obésité touchent aujourd’hui en France près d’une personne sur deux et ils continuent à progresser, quels que soient l’âge et le milieu social. Le surpoids est défini par un indice de masse corporelle (IMC) supérieur ou égal à 25 et l’obésité par un IMC supérieur ou égal à 30 (à noter que l’IMC est calculé en faisant le rapport du poids sur la taille au carré). L’excès de poids induit un fardeau sur la santé puisqu’il est responsable de nombreuses complications comme l’hypertension artérielle, le diabète, la dyslipidémie… Ces pathologies associées à l’obésité diminuent l’espérance de vie en bonne santé et exposent à une mortalité prématurée.
par Cédric Moro
Directeur de Recherche, Inserm dans The conversation
L’activité physique, en prévention des complications de l’obésité
Il est maintenant largement admis que l’activité physique protège contre ces pathologies. Depuis 2016, les médecins peuvent également prescrire l’activité physique sur ordonnance comme thérapie de prévention et traitement d’un certain nombre de maladies chroniques non transmissibles, dont l’obésité et le diabète.
Une expertise collective de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), restituée en 2019 au ministère des sports, recommande que l’activité physique soit prescrite en première intention, avant tout traitement médicamenteux, dans le traitement de l’obésité et de ses complications.
Les bénéfices de la pratique d’une activité physique l’emportent sans conteste sur les risques encourus, quel que soit l’âge et l’état de santé des personnes. D’après les données de la cohorte « Aerobics Center Longitudinal Study » (suivi longitudinal de 6,4 ans), quand la condition physique s’améliore, la mortalité diminue.
De manière chiffrée, cette étude explique qu’une augmentation de condition physique de 1 équivalent métabolique (ou 1 MET pour « metabolic equivalent of task »), qui correspond à une dépense d’énergie au repos assis, est associée à une diminution de 15 % de la mortalité, toutes causes confondues, et à une diminution de 19 % de la mortalité cardiovasculaire.
La prescription d’exercices physiques améliore également le statut métabolique des personnes en situation de surpoids et d’obésité en diminuant la pression artérielle, le « mauvais » cholestérol et la glycémie. Chez les personnes en situation d’obésité et de diabète, l’activité physique (150 minutes par semaine) entraîne une baisse de la mortalité entre 30 % et 40 %, toutes causes confondues, et une baisse de la mortalité cardiovasculaire entre 25 % et 40 %.
L’activité physique prescrite seule ne semble pas suffisante pour induire une perte de poids significative, en raison d’une compensation par la prise alimentaire. Cependant, en association avec une restriction calorique, l’activité physique potentialise la perte de poids et facilite le maintien à long terme de la perte de poids.
Une étude préconise que les programmes d’activité physique devraient mettre l’accent sur la diminution du tour de taille, qui reflète la masse grasse viscérale, plutôt que le poids.
Les programmes d’activité physique destinés aux personnes en situation d’obésité doivent mettre l’accent sur la diminution du tour de taille, qui reflète la masse grasse viscérale, plutôt que sur le poids.
Et des données des méta-analyses (analyses systématiques combinant les résultats de dizaines d’études randomisées contrôlées) indiquent par ailleurs que des exercices de type aérobie ou d’endurance modérés à intenses (type randonnée, marche nordique, course à pied, vélo, aquagym…) continus, ou par intervalle de haute intensité, diminuent le tour de taille et la quantité de graisse viscérale.
Les programmes combinant des exercices de type aérobie et de résistance ou renforcement musculaire (type squat, développé couché, rameur, l’appareil de musculation appelé presse…) pratiqués en alternance, c’est-à-dire sur des jours différents, apportent des bénéfices maximaux chez les personnes en situation d’obésité et de diabète, en augmentant la force musculaire et en améliorant l’équilibre glycémique (c’est-à-dire en diminuant l’hémoglobine glyquée).
(L’hémoglobine glyquée, ou HbA1c, est le reflet d’une glycémie moyenne sur 2 ou 3 mois et un marqueur du risque de complication du diabète à long terme, ndlr).
Dans le cas de l’obésité et du diabète, les programmes devraient viser des volumes de 2,5h d’activité physique modérée à intense par semaine pour obtenir les meilleurs bénéfices sur la santé. Des études récentes indiquent également que la période de la journée pendant laquelle l’exercice physique est pratiqué influencerait les bénéfices en santé. Un exercice pratiqué le matin favoriserait la perte de poids tandis qu’un exercice pratiqué l’après-midi serait favorable pour l’équilibre glycémique.
L’activité physique induit des adaptations facilitant la mobilisation des graisses (processus appelé lipolyse) par les tissus adipeux et leur utilisation (processus appelé oxydation lipidique) par les muscles locomoteurs. Notre équipe a montré que l’entraînement en endurance améliore la sensibilité du tissu adipeux aux principales hormones lipolytiques (ce sont les hormones de dégradation des lipides, comme les catécholamines et le peptide atrial natriurétique) et restaure en partie les défauts de lipolyse, c’est-à-dire les difficultés à mobiliser les graisses chez des sujets en surpoids ou obèses.
L’exercice physique est connu de longue date pour stimuler l’utilisation des graisses (lipides) par les muscles. Ce phénomène s’observe chez des individus entraînés en endurance par rapport à des personnes non entraînées, ainsi que chez des individus en situation d’obésité soumis à un programme d’entraînement en endurance de deux mois, à raison de trois séances par semaine.
En résumé, l’activité physique peut être utilisée comme un traitement efficace de l’obésité et de ses complications. Une pratique régulière de 30 minutes à 1 heure d’activité physique par jour confère de très nombreux bénéfices en santé et prolonge l’espérance de vie en bonne santé.
Comment lutter contre la résistance aux antibiotiques
Comment lutter contre la résistance aux antibiotiques
Pariac
Maître de Conférences en Microbiologie, Université de Caen Normandie
Eliette Riboulet-Bisson
Maître de Conférences en Microbiologie, Université de Caen Normandie dans The conversation
S’il y a une chose que la pandémie de Covid-19 nous a apprise, c’est que les virus ne connaissent pas les frontières… Ni aucun microbe, d’ailleurs : avec plus de 30 millions de vols d’avion par an, soit plus de 80 000 par jour, les déplacements de l’être humain et le transport de marchandises sont autant de moyens de dissémination des bactéries, champignons, parasites et autres virus – y compris de ceux qui provoquent des maladies. Si soigner les infections virales n’est pas facile, car il n’existe pas de traitement universel, les choses sont différentes en ce qui concerne les bactéries. Nous disposons en effet, depuis les années 1940, de traitements accessibles et souvent efficaces contre la grande majorité d’entre elles : les antibiotiques, des substances d’origine naturelle, semi-synthétiques ou synthétiques. Malheureusement, aujourd’hui on craint que cette efficacité ne soit bientôt reléguée au rang de beau souvenir. En effet, l’utilisation excessive et non adaptée des antibiotiques, conjuguée aux formidables capacités évolutives des bactéries, a mené au développement de souches résistantes à ces médicaments. Plus grave, cette « antibiorésistance » se répand, car les bactéries sont capables de s’échanger les gènes qui leur permettent de se débarrasser des antibiotiques. Et ce, même quand elles appartiennent à des espèces différentes !
En 2002, les pouvoirs publics et la Caisse nationale d’assurance maladie tentaient de sensibiliser les Français à la gravité de la situation. Si le slogan martelé alors (« Les antibiotiques, c’est pas automatique ») est entré dans toutes les têtes, les choses ne se sont pas améliorées pour autant, bien au contraire. Au point qu’en 2018 le ministère de la Santé proposait un nouveau slogan : « Les antibiotiques sont précieux, utilisons-les mieux ». Aujourd’hui, l’Organisation mondiale de la santé elle-même tire la sonnette d’alarme, appelant les chercheurs du monde entier à engager des recherches pour améliorer les traitements existants et, surtout, en mettre au point de nouveaux.
Deux décennies après les premiers cris d’alarme, où en est-on vraiment ? Quelles sont les stratégies mises en place pour lutter contre l’antibiorésistance ?
En 1928, Alexander Flemming découvre par hasard la pénicilline. Mais ce n’est que dans les années 1940, par le travail d’Howard Walter Florey et Ernst Boris Chain, que sa production industrielle sera mise en place. Et changera le cours de l’histoire : Ces médicaments « miracles » ont ainsi ajouté en moyenne 20 ans à l’espérance de vie à travers le monde. Suivront 20 années de découvertes sensationnelles durant lesquelles la majorité des antibiotiques encore utilisés aujourd’hui sont découverts.
Le problème est que les bactéries s’adaptent et développent des mécanismes de résistance contre chaque nouvel antibiotique découvert et utilisé. Les antibiotiques agissent au niveau de divers composants de la cellule bactérienne : la membrane, l’ADN, etc. Malheureusement, il arrive que certaines bactéries acquièrent une résistance à ces molécules. Diverses mutations peuvent par exemple leur permettre d’acquérir la capacité de détruire un antibiotique donné, de le rejeter dans le milieu extérieur, ou encore modifier sa cible initiale pour le rendre inopérant.
Au fil des années, la multiplication de ces stratégies de défense a résulté en un nombre croissant de bactéries résistantes, voire multirésistantes à des traitements jusque-là efficaces – entraînant chaque jour plus de décès.
Dans un premier temps, le grand nombre de molécules découvertes a permis de pallier ce problème. Mais dans le courant des années 1970, les travaux académiques se sont peu à peu détournés de la recherche de nouveaux antibiotiques. Les chimistes travaillant pour l’industrie pharmaceutique continueront à produire de nouvelles générations d’antibiotiques, en modifiant des antibiotiques connus, afin de cibler les bactéries résistantes.
L’avènement de l’ère de la génomique, la science des génomes, qui a pour objet l’étude de l’ADN notamment, a soulevé de grands espoirs. Malheureusement, malgré les efforts et investissements des grands laboratoires pharmaceutiques, aucun nouveau traitement efficace n’émergera. À leur tour, les grands groupes pharmaceutiques désertent ce domaine de recherche… Les départs successifs des chercheurs académiciens et de l’industrie se traduiront par 30 années blanches en termes de développement thérapeutique.
Conséquence : aujourd’hui, la menace d’une impasse thérapeutique, dans laquelle les bactéries finiraient par résister à tous les antibiotiques connus, n’est plus une vue de l’esprit…
À la fin des années 2000, les principaux freins au développement de nouveaux antibiotiques sont bien identifiés : outre le fait que la mise au point de nouvelles molécules représente un défi scientifique compliqué, les exigences réglementaires, coûteuses, rebutent les investisseurs, et ce d’autant plus que le marché est défaillant.
Publications, rapports d’experts et journalistes exhortent à cette période les pouvoirs publics et les grandes institutions à inscrire la crise de la résistance aux antimicrobiens en haut de leurs agendas. À force de persuasion, le sujet finit enfin par s’imposer comme une préoccupation mondiale. En 2016, l’Assemblée des Nations-Unies, se penche sur la question de l’antibiorésistance. Une victoire, car c’est seulement la quatrième fois depuis sa création que cette organisation se consacre à un thème relevant de la santé !
Des discussions et propositions sont faites afin d’établir des exigences réglementaires éthiquement et scientifiquement plus adaptées. Des modèles pionniers de financement (suédois ou anglais) sont proposés pour dynamiser ce marché défaillant et attirer à nouveau les grandes compagnies dans la course à l’armement contre les bactéries.
Signe que la mesure du problème a été prise, en septembre 2021, le rapport des ministres de la Santé du G20 affirme clairement le besoin de continuer à innover dans le domaine. Si tout n’est pas réglé, de grandes avancées ont été obtenues cette dernière décennie pour pallier deux des freins majeurs de la lutte contre l’antibiorésistance. Mais si les freins administratifs et financiers se sont desserrés, les défis scientifiques restent encore à relever.
Comment mettre au point de nouveaux antimicrobiens ? Peut-être en explorant d’autres pistes que les antibiotiques stricto sensu…
Il existe des alternatives aux antibiotiques. Parmi les pistes explorées, citons par exemple la phagothérapie, qui consiste à utiliser un ennemi naturel des bactéries pour les tuer, en l’occurrence les phages, des virus qui les infectent. La vaccination, ou le recours à des anticorps monoclonaux, constituent d’autres approches possibles. Ces traitements permettent de cibler un pathogène en particulier, ce qui, contrairement aux antibiotiques à large spectre, limite l’impact sur le microbiote de l’hôte et le risque d’émergence d’une résistance généralisée.
Mais les antibiotiques eux-mêmes n’ont sans doute pas dit leur dernier mot.
En sondant des environnements encore non étudiés, où pourraient vivre des organismes produisant des molécules inédites, on peut espérer découvrir de nouvelles classes d’antibiotiques. La plupart des antibiotiques sont en effet issus de molécules naturellement produites par d’autres microorganismes. Or on estime qu’à peine 1 % des microorganismes sont cultivables en laboratoire… c’est dire qu’on les connaît mal, sinon pas !
Pour accéder à la partie immergée de cet iceberg microbien, les chercheurs disposent depuis quelques années de nouvelles technologies, comme la métagénomique, qui permet d’analyser l’ensemble des génomes des organismes vivant dans des environnements donnés, ou l’isolation chip (iChip, « puce d’isolement »), un dispositif qui permet d’isoler des bactéries grâce à des membranes perméables puis de les replacer dans le milieu dont elles proviennent – le sol par exemple, afin qu’elles continuent à pousser dans les conditions qui leur conviennent.
Une autre stratégie est de contourner les stratégies de résistances des bactéries pour les rendre à nouveau vulnérables à des antibiotiques actuellement dépassés. La première étape est de trouver ce qui, chez une bactérie, lui donne sa résistance ; la deuxième est de les contrer. L’informatique permet aujourd’hui de parcourir les bases de données regroupant les médicaments existants, à la recherche d’un composé visant les cibles identifiées chez les bactéries. Ce composé, administré en complément de l’antibiotique, permettra le succès de celui-ci. L’Augmentin®, constitué d’Amoxicilline et d’acide clavulanique, est un exemple du succès de cette approche.
Le repositionnement de médicament ou la réévaluation de composés dont le développement a été arrêté sont aussi explorés. De nombreux composés abandonnés pourraient en effet susciter un regain d’intérêt grâce à l’évolution des méthodes de synthèse, par exemple. La daptomycine est un bon exemple : découvert au début des années 1980 dans une bactérie du sol et abandonné pendant 20 ans, il n’a été commercialisé qu’au début des années 2000, comme antibiotique de dernier recours contre les infections au staphylocoque doré. Il est devenu l’antibiotique intraveineux le plus rentable aux États-Unis…
Enfin, une autre piste est d’administrer des composés qui empêcheront le caractère pathogène de la bactérie (autrement dit, sa virulence) de s’exprimer. On parle alors d’« antivirulents ». Plutôt que d’éliminer la bactérie qui risque de causer une infection, cette approche privilégie la restauration d’un équilibre microbiote-hôte afin de moduler sa pathogénicité. Étant donné que les antivirulents exercent une faible pression de sélection naturelle, on espère que l’apparition de résistance à leur encontre sera limitée. Les premiers traitements liés à cette stratégie sont aujourd’hui en phase d’essai clinique.
Notre équipe de recherche s’appuie sur ces stratégies pour tenter de mettre au point de nouvelles solutions thérapeutiques, et ainsi contribuer à la lutte contre l’antibiorésistance. Une priorité, car les conséquences de cette pandémie silencieuse se feront sentir sur toute la planète : en 2016, la Banque mondiale avertissait que d’ici à 2050, la résistance aux antimicrobiens pourrait faire basculer 28,3 millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté et avoir sur le PIB mondial les mêmes effets que la crise de 2008, tandis que l’OMS estimait que sur la même période, elle pourrait entraîner 2,4 millions de morts rien que dans les pays à haut revenu.