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La Russie surtout humiliée par le démantèlement de l’URSS

La Russie surtout humiliée par le démantèlement de l’URSS

 

A la suite des propos d’Emmanuel Macron, le professeur de science politique Thomas Lindemann revient, dans une tribune au « Monde », sur le concept d’humiliation et ce qu’il signifie dans les relations internationales.

 

Les appels du président Macron à ne pas humilier la Russie, prononcés devant le Parlement européen de Strasbourg et plus récemment le 3 juin, ont suscité de vives polémiques, l’accusant en particulier de se tromper de victime. Au-delà de la critique moralisatrice, certains estiment aussi qu’éviter l’humiliation est contre-productif et susceptible de conforter les fantasmes de grandeur russe.

Si l’usage du concept d’humiliation par le président français peut être qualifié de flou, ses critiques se méprennent souvent en pensant que tout le conflit se joue sur le champ de bataille économique par des sanctions. La première erreur consiste à croire que l’humiliation est nécessairement subjective et, dans le cas de la Russie, inséparable d’ambitions impérialistes.

S’il est vrai que l’humiliation peut être définie comme un écart important entre l’image revendiquée par un protagoniste et celle qu’il reçoit en retour, elle se définit le plus souvent de manière intersubjective en tant que violation de standards de comportements prêtés à un certain type de protagoniste.

Pour savoir si la Russie a été dépréciée dans son rang, il faut se référer aux normes en vigueur dans le système international. Certains rites ont pour fonction de protéger la « face » des acteurs sur la scène internationale. Ainsi, si l’égalité de souveraineté proclamée est une fiction westphalienne, elle permet néanmoins aux acteurs même peu puissants de faire bonne figure sur la scène domestique. Dans les faits, l’ex-URSS a été déchue de son rang de manière vertigineuse pour une grande puissance après la guerre froide.

La Russie contemporaine n’exerce en effet pas de responsabilités à la hauteur de son potentiel de puissance. Sa position est rarement déterminante au sein du Conseil de sécurité des Nations unies : ainsi, des opérations militaires majeures telles que l’intervention au Kosovo (1999) et les guerres contre l’Irak (2003) et la Libye (2011) ont été décidées en traitant la Russie comme quantité négligeable.

En outre, l’élargissement de l’OTAN aux pays de l’Est, également acté sans concertation majeure avec la Russie, constitue un précédent historique. Pour la première fois, un pays s’est trouvé confronté à un ensemble dont le potentiel militaire lui était quinze fois supérieur. Le président Poutine ne cesse cependant d’affirmer que la Russie demeure une grande puissance et qu’elle possède – à la différence des Occidentaux – des qualités d’abnégation et de sacrifice, discours qui semble toujours populaire dans l’opinion publique.




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