Lufthansa, modèle pour Air France ?
La plus grosse compagnie d’Europe, avec 30 milliards d’euros de chiffre d’affaires, connaît les mêmes maux qu’Air France : des coûts trop élevés face à la concurrence des compagnies du Golfe et des low cost. Chez elle aussi, l’affrontement avec les pilotes a été brutal : 13 mouvements de grève en dix-huit mois pour une perte sèche de 300 millions d’euros. Côté Lufthansa, le plan de restructuration s’est déployé à la vitesse d’une attaque de la Mannschaft. La direction a d’ailleurs baptisé son plan « 7-1″, en référence à la victoire historique de son équipe nationale de football contre le Brésil lors de la dernière Coupe du monde. Plus inspirant que les petits noms choisis par Air France pour ses plans de restructuration : Transform 2015 et Perform 2020. Pilotes et direction d’Air France se sont enfin assis autour de la même table, vendredi, pour renouer le dialogue. Les premiers semblent disposés à faire des efforts, les autres à apaiser les tensions. Le résultat reste une perte de temps considérable face au grand concurrent historique du ciel européen, l’allemand Lufthansa. Pour Lufthansa l’ offensive commerciale est programmée début novembre : les premiers appareils aux couleurs d’Eurowings, la filiale low cost, se déploieront dans toute l’Europe. Dans la foulée décolleront des vols à prix cassés vers Bangkok, Dubai ou les Caraïbes. La nouvelle compagnie sera même implantée en France, dans pas moins de huit aéroports, d’où elle proposera 24 destinations. Lufthansa va-t-elle réussir là où Air France a échoué : bâtir, rapidement, un géant européen des airs susceptible de rivaliser avec Ryanair et Easyjet sur un marché du low cost qu’elle regardait de haut? Il y a un an, Air France renonçait à ses ambitions pour Transavia Europe face à la colère de ses pilotes, et ferraille toujours avec eux pour réduire ses coûts d’exploitation. Comme en France, le conflit entre pilotes et direction s’est envenimé autour d’une question moins technique et plus stratégique : le développement d’une filiale low cost au sein du groupe. Lufthansa n’a eu aucun état d’âme pour lancer Eurowings. Face à la fronde de ses navigants, la direction a porté l’affaire devant les tribunaux. Résultat : les pilotes sont interdits de grève depuis le 8 septembre. « Nous étudions actuellement la façon de réagir au verdict de la cour de Francfort », explique au JDD Markus Wahl, porte-parole du Vereinigung Cockpit, principal syndicat de pilotes. En attendant, Eurowings va lancer les 100 avions de sa flotte en recrutant de nouveaux pilotes. « Nous avons déjà reçu 1.900 candidatures », assure la compagnie qui, au 1er novembre, va déménager à Vienne, en Autriche, loin de l’état-major de Francfort. Deux filiales du groupe vont aussi prendre leur indépendance et lui être rattachées : le fret et la restauration à bord. Des activités qu’Air France a bien du mal à mettre à l’équilibre. « Etre géré de façon autonome devrait permettre à Eurowings de se développer plus vite », a justifié Carsten Spohr, le patron du groupe, qui s’est aussi attelé à réduire les échelons hiérarchiques, pour gagner en « agilité », et à faire 500 millions d’euros d’économies par an. L’autre grand projet de Lufthansa consiste à aller décrocher le label « cinq étoiles » dont se targue une poignée seulement de compagnies dans le monde, dont Qatar Airways ou Singapore Airlines, mais aucune européenne. Elle a déjà investi 1,5 milliard d’euros dans sa montée en gamme avec, depuis trois ans, la rénovation de sa classe éco, la création de sièges premium éco et surtout une nouvelle classe affaires. À la fin de l’automne, ses 106 appareils long-courriers auront été relookés. Là encore, l’allemand a pris une longueur d’avance.