La réquisition de logement de Duflot : du pipeau
En fait on n’appliquera pas la procédure d’urgence de l’ordonnance de 1945 mais la loi de 1998, complexe et longue et dont application ne prendra pas effet avant 2014 (pour les logements de particuliers); reste les bâtiments publics mais il faudrait les aménager et là encore, il faudra des années. D’ici là Duflot risque d’avoir quitté le gouvernement la question des logements d’urgence rangée dans un placard. «L’ordonnance de 1945 était faite pour remédier à une situation d’urgence. La loi de 1998 rend la procédure plus pérenne et plus efficace», estime l’avocat. C’est à cette dernière loi que Cécile Duflot se réfère. Au grand dam de l’association Droit au Logement (DAL) qui juge la procédure issue de l’ordonnance de 1945 plus rapide et moins contraignante. Le bâtiment visé doit avoir été inoccupé depuis 18 mois, et même 12 mois quand la loi Duflot aura été promulguée. Avant de procéder à la réquisition, le préfet – décisionnaire – doit s’assurer par un inventaire que l’appartement est bel est bien inoccupé. «Les agents chargés de l’inventaire ont accès à la consommation d’eau, de gaz, d’électricité du bâtiment, et peuvent exiger des renseignements auprès des services fiscaux», explique Yves Claisse, avocat en droit public chez Claisse & associés. C’est à ce type d’inventaire qu’ont procédé récemment les préfectures de Paris, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côtes d’Azur. La décision de réquisition doit ensuite être notifiée au propriétaire, qui a deux mois pour y répondre. «S‘il est malin, il peut allonger ce délai en faisant valoir son intention de mettre fin à la vacance, ou en présentant un devis de travaux», précise l’avocat. Avec la loi Duflot, les travaux annoncés par le propriétaire peuvent être réalisés dans un délai de deux ans. Cécile Duflot l’a reconnu au micro d’Europe 1: la réquisition est «une procédure longue». Outre le délai incompressible de deux mois après la notification au propriétaire, le gestionnaire doit souvent, une fois les bâtiments réquisitionnés, réaliser des travaux pour les rendre propres à l’habitation. S’il s’agit de créer des hébergements collectifs, il faudra par exemple installer des équipements sanitaires en conséquence, s’il s’agit de bureaux, les transformer… Puis sélectionner les futurs habitants. Autant d’étapes qui prennent du temps. «Les bâtiments réquisitionnés actuellement ne seront pas habitables cet hiver», estime Yves Claisse. Les associations qui luttent contre le mal-logement réclament pour la plupart une réquisition des logements vacants. C’est le cas des collectifs Droit au Logement (DAL) et Jeudi Noir, ou encore de la fondation Abbé Pierre. Ces associations mettent en évidence que des logements manquent alors que d’autres sont inoccupés. «Il faut faire feu de tout bois», justifie Patrick Doutreligne, directeur général de la Fondation Abbé Pierre. Pour l’association, qui prône avant tout des mesures plus structurelles, il s’agit d’un «outil qui peut contribuer, dans un temps limité, à lutter contre le mal-logement en offrant un nombre de logements limité. Quelques dizaines ou quelques centaines tout au plus. Mais ce n’est pas une politique du logement». Un avis partagé par Julien Damon, professeur à Sciences Po et auteur de «La Question SDF» aux Presses Universitaires de France. «C’est une mesure essentiellement symbolique», estime-t-il. De surcroît «rarement efficace», car les logements vacants ne sont pas forcément situés dans les zones où le logement manque, et la procédure coûte cher. «L’Etat doit avant tout mettre à disposition son patrimoine», juge Julien Damon.