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Nouvelles techs :L’intelligence artificielle est-elle vraiment créative ?

Nouvelles techs :L’intelligence artificielle est-elle vraiment créative ?

Par
Chloe Preece
Associate Professor in Marketing, ESCP Business School

Hafize Çelik
PhD candidate in management, University of Bath dans The Conversation

Les ordinateurs peuvent-ils être créatifs ? Alors que les outils d’intelligence artificielle (IA) générative tels que ChatGPT, Midjourney, Dall-E, pour ne citer qu’eux, font depuis peu beaucoup parler d’eux, de nouvelles questions se posent : la créativité est-elle l’apanage de l’être humain ?

C’est la question que soulèvent quelques avancées récentes et remarquables dans le domaine de l’IA générative : par exemple, une œuvre d’art créée par une IA, Le portrait d’Edmond de Belamy, a été vendue aux enchères par la maison de vente Christie’s en 2018 pour la somme de 432 500 dollars, soit presque 45 fois son estimation la plus élevée. Cette œuvre d’art a été créée par un réseau antagoniste génératif alimenté par un ensemble de données de quelque 15 000 portraits couvrant six siècles.

De même, plusieurs producteurs de musique, à l’instar d’Alex Da Kid, nommé aux Grammy Awards, ont utilisé l’IA (en l’occurrence Watson d’IBM, dès 2016) pour produire des « hits » et alimenter leur processus créatif. Wayne McGregor, chorégraphe et metteur en scène primé, utilise quant à lui l’IA pour faire naître de nouveaux mouvements dans ses créations.

Dans les cas cités ci-dessus, il y a toujours un être humain à la barre, chargé de la curation, c’est-à-dire de la sélection des résultats de l’IA en fonction de sa propre vision, qui conserve ainsi la paternité de l’œuvre. Pourtant, le générateur d’images Dall-E, par exemple, est capable de produire des images inédites sur n’importe quel thème en seulement quelques secondes.

Grâce au modèle de diffusion, qui consiste à rassembler d’énormes ensembles de données pour entraîner l’IA, celle-ci est désormais capable de transposer du texte en images inédites ou d’improviser une mélodie dans le style de n’importe quel compositeur, créant ainsi un nouveau contenu qui ressemble aux données d’entraînement, tout en étant différent.

Dans ce cas, la question de la paternité peut s’avérer plus complexe. À qui l’œuvre est-elle attribuable ? À l’algorithme ? Aux milliers d’artistes dont les œuvres ont été récupérées pour produire l’image ? Au prompteur qui a réussi à décrire le style, la référence, le sujet, l’éclairage, le point de vue et même l’émotion suscitée ?

Pour répondre à ces questions, il faut revenir sur une éternelle question : qu’est-ce que la créativité ?

Selon Margaret Boden, professeure de recherche en sciences cognitives à l’Université du Sussex, il existe trois types de créativité : la créativité combinatoire, exploratoire et transformationnelle. La créativité combinatoire associe des idées familières. La créativité exploratoire génère de nouvelles idées en explorant des « espaces conceptuels structurés », c’est-à-dire que l’on modifie légèrement un mode de pensée reconnu en explorant son contenu, ses limites et son potentiel. Ces deux types de créativité ne sont pas très éloignés de la production d’œuvres d’art par des algorithmes d’IA générative : on crée de nouvelles œuvres dans le même style que des millions d’autres à partir de données d’apprentissage, on parle alors de « créativité synthétique ».

La créativité transformationnelle, en revanche, consiste à générer des idées qui dépassent les structures et les styles existants pour en créer de nouveaux, tout à fait inédits. Elle est au cœur des débats actuels sur l’IA en ce qui concerne l’utilisation équitable et les droits d’auteur. Il s’agit d’un domaine juridique encore très peu exploré. Il faudra donc attendre la décision des tribunaux pour en savoir plus.

Les processus créatifs de l’IA se caractérisent avant tout par leur dimension systématique. Ils ne sont pas spontanés, contrairement aux processus créatifs de l’homme. L’IA est programmée pour traiter les informations d’une manière bien définie dans le but d’obtenir des résultats particuliers de manière prévisible, même s’ils sont souvent inattendus.

Voilà peut-être la différence fondamentale entre les artistes et l’IA : alors que les artistes sont tournés vers eux-mêmes et vers le produit, l’IA est très axée sur le consommateur et orientée par le marché – l’art que l’on obtient, c’est celui que l’on a demandé mais pas forcément celui dont on a besoin.

Pour l’instant, il semblerait que l’IA générative fonctionne mieux lorsque l’humain intervient dans le processus. La créativité synthétique de l’IA pourrait alors servir de catalyseur pour stimuler la créativité humaine, en la nourrissant plutôt qu’en la supplantant.

Comme souvent, tout le battage médiatique sur le potentiel disruptif de ces outils dépasse la réalité. De fait, l’histoire de l’art nous montre que la technologie a rarement écarté radicalement l’homme des œuvres qu’il souhaitait réaliser.

Prenons l’exemple de l’appareil photo. À l’époque, on craignait qu’il n’entraîne la disparition des peintres portraitistes. Dès lors, quelles sont les implications commerciales du recours à la créativité synthétique de l’IA ?

La créativité synthétique à la demande, telle qu’elle est actuellement générée par l’IA, constitue sans conteste une aubaine pour les entreprises et le marketing. Voici quelques exemples récents :

Publicité et IA : le groupe de communication Ogilvy Paris a utilisé Dall-E pour créer une version IA du tableau La laitière de Vermeer pour les yaourts Nestlé ;

La Laitière de Nestlé (2022).
Design de mobilier et IA : les designers Kartell, Philippe Starck et Autodesk ont recouru à l’IA pour créer la première chaise conçue à l’aide de l’IA pour une fabrication plus durable ;

Stylisme et IA : le service de stylisme Stitch Fix a utilisé l’IA pour réaliser des visuels personnalisés de vêtements en fonction des préférences des clients, telles que la couleur, le tissu et le style.

Il existe une infinité de possibilités d’utilisation, et celles-ci requièrent une autre forme de créativité : la curation. Il existe ce qu’on appelle dans le jargon des « hallucinations de l’IA », c’est-à-dire des inepties créées par l’IA. C’est là que l’humain intervient : il doit donner du sens, c’est-à-dire exprimer des concepts, des idées et des vérités, et non se contenter de satisfaire les sens. Le travail de curation est donc indispensable car il consiste à opérer des choix et à élaborer une vision unifiée et attrayante. À l’heure actuelle, l’IA n’est pas encore capable de rivaliser avec l’humain sur cette dimension.

L’intelligence artificielle :le bâton et la carotte

L’intelligence artificielle :le bâton et la carotte.
Par David Lacombled, président de La villa numeris. (dans l’Opinion. )

Les solutions d’intelligence artificielle (IA) suscitent la curiosité et provoquent la sidération, hésitant entre engouement, craintes et méfiance. Les programmes se sont pourtant immiscés à bas bruit dans nos vies quotidiennes au point d’en faciliter les tâches les plus usuelles à force de répétition et de comparaison, voire de mimétisme, dessinant un trajet idéal sur un plan ou encore prescrivant une série sur une plateforme de vidéos. De nouvelles versions des IA, dites génératives, ont fait une entrée spectaculaire dans l’espace public avec la montée en puissance de ChatGPT et beaucoup d’autres lui emboîtant le pas. Telle une révélation, la fiction se fait de plus en en plus réelle.

Les envahisseurs sont là. Et il faudrait donc les encadrer, les réguler, au plus vite. D’autant plus qu’aucun des mastodontes en présence n’est européen. Face à l’inconnu, la protection relève du réflexe de Pavlov. Si l’Europe a su se distinguer dans ses textes de loi par la protection des droits fondamentaux des citoyens, elle se doit de montrer que la croissance économique par la prise en main de nouvelles technologies et le respect des consommateurs sont compatibles. A trop vite les encadrer, les entrepreneurs risquent de se détourner de leur intention, voire de leur territoire. Face aux défis, encouragement et prise de hauteur sont nécessaires pour disposer d’une vision globale, économique comme sociétale.

Sous la houlette de sa Commission, l’Europe se dote d’un véritable arsenal pour défendre ses intérêts. DMA (Digital market act), DSA (Digital services act), SMA (Service marketing act), IA, Data, Data governance, Media, les actes communautaires se multiplient laissant entrevoir une accumulation de textes de loi et de normes, et à terme un élargissement, laissant craindre des chevauchements, des pouvoirs de régulation d’organismes qui ne demandent qu’à faire autorité.

Ainsi, dans la perspective de la transposition du texte sur l’intelligence artificielle, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), qui compte du haut de ses 45 ans parmi les plus anciennes autorités administratives indépendantes, pousse ses pions pour tenter de s’imposer demain comme celle qui devrait aussi réguler l’IA. Ici, la création d’un service de l’intelligence artificielle en ce début d’année, là une interview de sa présidente Marie-Laure Denis dans Le Figaro du 27 février 2023.
Nouveaux paradigmes. Le Conseil d’Etat l’y encourageait dans un rapport « pour un meilleur service public » dès le mois de septembre 2022. Cependant, rien n’est moins évident. Si la Cnil excelle dans le contrôle, elle n’est pas spécialement reconnue pour sa compréhension des enjeux économiques par les acteurs du secteur. Ces qualités sont pourtant nécessaires afin de construire un cadre de confiance propice à l’innovation et aux investissements qu’elle nécessite.

« C’est d’un régulateur ouvert au dialogue et ayant intégré les modèles de développement économique dont les entreprises en pointe sur l’IA auront le plus besoin »
L’approche européenne se fonde sur les risques de l’IA, qu’ils soient considérés comme minimaux, limités, élevés ou inacceptables. Commission et Parlement ne sont pas en phase sur le niveau de risque à réglementer — le plus haut pour la première que les parlementaires entendent élargir. Le texte ouvre néanmoins la voie à une supervision par une ou plusieurs autorités nationales en lien avec un comité européen de l’intelligence artificielle. Charge aux opérateurs de mettre en œuvre des solutions de gestion de la qualité et aux autorités de les accompagner, de les surveiller et de veiller à un développement équitable et concurrentiel du marché. Tant qu’à faire, autant confier la mise en œuvre des textes à l’organisation la plus à même d’en atteindre les objectifs. Face à de nouveaux paradigmes, des formes inédites de régulation restent à imaginer.

La Commission européenne elle-même encourage les éditeurs d’applications, dignes de confiance et n’étant pas à haut risque, à élaborer leur propre code de bonne conduite. Les consommateurs, d’une part, et les actionnaires, d’autre part, en sont les meilleurs garde-fous. Au-delà, les entreprises ont plus besoin d’être accompagnées que d’être corrigées.
Savoir-faire. C’est donc d’un régulateur ouvert au dialogue et ayant intégré les modèles de développement économique dont les entreprises en pointe sur l’IA auront le plus besoin. Soit que l’on choisisse une autorité qui a fait la preuve de son savoir-faire en la matière telle que l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) pour avoir déjà réussi à ouvrir avec succès le marché des télécommunications, soit que l’on innove non en créant une autorité supplémentaire mais en encourageant la coopération de celles qui existent. L’Arcom (ex-CSA) pourrait pour sa part légitimement se positionner sur les volets liés aux questions éthiques que l’IA pose.

Même s’il n’est plus dans l’Union européenne, le Royaume-Uni pourrait fournir un exemple précieux d’une innovation réglementaire. Ainsi, un Digital Regulatory Cooperation Forum réunit l’Autorité de la concurrence (CMA), le service de régulation de la protection des données personnelles (ICO), le régulateur de la communication et des télécommunications (Ofcom) et l’autorité des marchés financiers (FCA). De fait, tous les régulateurs intervenant dans le champ numérique offrent une approche réglementaire plus cohérente. Et donc lisible des entreprises.
Les organisations privées n’ont eu de cesse que de briser les silos pour favoriser la coopération, l’agilité et la réactivité au sein de leurs organisations. Ce sont autant de modèles dont la puissance publique devra également s’inspirer dans l’orchestration même de ses centres de pouvoirs au service de ses citoyens.

David Lacombled est président de La villa numeris.




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