Nouvelle-Calédonie :Avenir économique et politique lié
L’ancien ministre de l’Outre-mer, président de la Fedom, estime que les dégâts économiques liés à la crise actuelle seront considérables. Il appelle à une solution politique durable et redoute le statu quo. ( dans les Echos)
Vous êtes sur place en Nouvelle-Calédonie depuis une semaine, vous attendiez-vous à de telles violences ?
Personne ne s’attendait à l’explosion survenue dans la nuit de lundi à mardi. L’atmosphère était tendue depuis le mouvement déclenché par la CCAT (Cellule de coordination des actions de terrain), marqué par une manifestation importante le 8 mai dernier à Nouméa et depuis, des barrages filtrants et des pneus incendiés le long des routes, mais les choses paraissaient sous contrôle. Là, les organisations indépendantistes elles-mêmes ont été débordées par les actions menées visiblement par des personnes plus jeunes.
Les dégâts économiques sont-ils importants ?
Oui, car beaucoup d’entreprises et de commerces ont été pris pour cibles. Ce qui frappe le plus, c’est qu’au-delà des pillages, qui sont des événements graves mais malgré tout relativement fréquents, il y a eu également des incendies avec une volonté de destruction de l’outil économique. Ça, c’est nouveau et inquiétant. Les chefs d’entreprise ici sont très marqués par cette violence, qui aura de lourdes conséquences sur l’activité et l’emploi. Il y a des dégâts sur les docks, dans les centres commerciaux. Il va également y avoir un enjeu important sur la prise en charge de ces dégradations par les assurances. Un concessionnaire a eu une centaine de voitures neuves brûlées. Le président de la Chambre de commerce et d’industrie devait par précaution rester sur le site de son organisation mardi soir…
La situation économique de l’île était, en effet, déjà globalement dégradée. L’activité dans le BTP se tasse. Les recettes fiscales sont en recul de 8 % au premier trimestre, et les marges des entreprises sont sous pression. Résultat, les finances locales et les régimes sociaux souffrent de plus en plus et sont tenus à bout de bras par l’Etat.
Et il y a bien sûr la crise du secteur du nickel, aussi bien pour l’activité minière que pour les trois usines de transformation dont la situation financière est tendue. Le refus des indépendantistes du « pacte nickel » proposé par le gouvernement, avec à la clé des subventions pour compenser le coût de l’énergie et des investissements importants dans le système électrique, bloque toute solution. Des milliers de personnes risquent de perdre leur emploi en cas de banqueroute.
Comment sortir de ces blocages et relancer l’économie de l’île ?
Le message de la Fedom, c’est de dire que les avenirs politique et économique de l’île sont intimement liés. Il existe des possibilités de développement économique, mais elles sont conditionnées à la stabilité politique de la Nouvelle-Calédonie. Les chefs d’entreprise ont besoin de visibilité et d’un climat de confiance. Les violences de lundi démolissent cette confiance.
Faut-il se donner plus de temps et retarder le vote de la réforme constitutionnelle sur l’évolution du corps électoral ?
Nous souhaitons que l’ordre soit rétabli et que le texte aille au bout de son parcours parlementaire. Des nuits supplémentaires de débat à l’Assemblée risqueraient surtout de conduire à de nouvelles nuits de pillages et d’incendies. Le statu quo ne serait pas une solution, car il n’y aurait ni avenir politique ni avenir économique. Bien sûr qu’il faut se donner du temps, mais vingt-cinq ans ont passé depuis les accords de Nouméa, il y a eu trois référendums, et le monde économique ne peut pas attendre vingt-cinq ans de plus qu’émergent des solutions politiques durables. Cela passe notamment par le dégel du corps électoral.