Archive pour le Tag '«L’idéologie'

SNCF: Les conséquences de l’idéologie de la gréviculture dans les syndicats

SNCF: Les conséquences de l’idéologie de la gréviculture dans les syndicats

Il est clair que si on voulait tuer une entreprise déjà malade qu’on ne s’y prendrait pas autrement. La perspective de grève à Noël témoigne de l’anarchie sociale qui règne dans l’entreprise. Ce n’est en effet pas la première fois que des cheminots participent à la démolition du service public ferroviaire.

Cette fois cependant la situation est inédite puisqu’il s’agit d’un collectif anonyme de contrôleurs couverts par des préavis de grève de Sud rail et de la CGT qui pourtant n’appellent pas formellement aux arrêts de travail.

Bref, l’action syndicale est livrée à l’irresponsabilité totale et à l’hypocrisie. Interrogés sur les chaînes d’information, des initiateurs de ce mouvement des contrôleurs ont refusé de donner leur nom et d’apparaître au motif qu’ils n’étaient pas élus. Un motif évidemment inadmissible car il n’est pas nécessaire d’être élu pour engager un mouvement syndical. Il faut tout simplement appartenir à un syndicat déclaré ayant compétence, responsabilité et représentativité pour lancer et organiser un mouvement social.

Depuis des années l’anarchie syndicale s’installe à la SNCF en particulier depuis qu’a été reconnu comme syndicat les révolutionnaires de papier de « Sud rail ». Un syndical davantage préoccupé de la lutte anti capitaliste, anti-impérialiste que de la satisfaction des salariés. Partout ce syndicat encourage la révolte y compris pour des motifs complètement anecdotiques et ridicules.

La SNCF est en quelque sorte prise en otage et choisie comme terrain de lutte révolutionnaire. De quoi évidemment sourire si l’affaire n’était pas aussi grave. Bien à l’abri derrière des emplois assurés, il paraît relativement confortable de jouer au révolutionnaire payé par l’État.

Ce type d’action discrédite un service public déjà bien malade. Et c’est en raison du laxisme généralisé dans cette entreprise où progressivement les différentes activités se sont rétrécies comme peau de chagrin voire ont disparu.

On a d’abord supprimé le transport express des colis, puis ensuite la messagerie ( Sernam), la plupart des petites lignes mais aussi des trains inter cités largement déficitaires. Ne parlons pas du trafic par wagons complets réduit à pas grand-chose puisque la plupart des triages ont été fermés faute de trafic. Ne reste que la longue distance et les TGV menacés eux aussi maintenant par la concurrence. Heureusement, demeure l’activité du transport urbain en région parisienne mais avec une qualité de service épouvantable. Les villes qui envisageraient de créer des RER auraient sans doute intérêt à réfléchir avant de contracter avec la SNCF.

Compte tenu de l’intérêt stratégique que représente le rail, il serait urgent de décider d’une commission d’enquête sur le fonctionnement invraisemblable de cette entreprise ( et cela en dépit du soutien financier de l’État)

Assemblée nationale: Le retour de l’idéologie…. ou de la démagogie ?

Assemblée nationale: Le retour de l’idéologie…. ou de la démagogie ?

 

Le sociologue Etienne Ollion analyse, dans un entretien au « Monde », ces premières semaines de discussions au Palais-Bourbon à la suite des élections législatives du mois de juin, qui marquent un tournant dans la recomposition politique.

 

Le sociologue propose une lecture assez complaisante des débats à l’assemblée nationale en considérant que le retour de l’idéologie dans l’hémicycle constitue un progrès démocratique. Peut-être une certaine confusion entre idéologie et démagogie. Un seul exemple,  l’absence totale d’analyse des facteurs d’augmentation de l’inflation et donc des politiques sociales pour mieux faire face. Sans parler du côté guignol de certains affrontements.  NDLR

 

La tribune

 

L’Assemblée nationale est-elle redevenue le théâtre de la vie politique française ? Entre fragmentation et imprévisibilité, brouillage des lignes idéologiques et tentatives de réinvention de l’image de marque des formations, le sociologue au CNRS Etienne Ollion, spécialiste de la vie parlementaire, a pour ses travaux enquêté pendant des années à l’Assemblée.

Après cette session extraordinaire, quels constats tirez-vous des débats qui se sont déroulés au Palais-Bourbon, dans ce contexte d’absence de majorité absolue pour Emmanuel Macron ?

On assiste clairement à une « ré-idéologisation » des débats à l’Assemblée nationale. Dire qu’il y a un retour de l’idéologie, ça ne veut pas dire qu’on parle de manière purement théorique ou déconnectée de la réalité. J’entends idéologie au sens de corpus d’idées constitué, établi. On l’a bien vu lors de débats pour savoir s’il fallait une prime ou une hausse de salaire pendant l’examen de la loi pouvoir d’achat, ou sur le rachat des RTT. A chaque fois, c’est une vision du travail, de la protection sociale, du rôle de l’Etat qui était en jeu.

Cela existait bien sûr avant, mais ce qui m’a frappé, c’est qu’on a vu bien plus de liens entre une mesure précise et ce que les parlementaires d’un camp ou de l’autre considèrent être sa signification politique. C’est quelque chose qui avait moins cours depuis plusieurs décennies, et certainement pendant la précédente législature (2017-2022), où on faisait de la politique moins sur le mode des idées qu’en invoquant le « bon sens » ou la raison technique.

Gestion de l’eau : «Laisser faire la nature, c’est de l’idéologie»( FNSEA)

Gestion de l’eau : «Laisser faire la nature, c’est de l’idéologie»( FNSEA)

 

 

Dans une interview au JDD, Christiane Lambert rappelle qu’un stockage «intelligent» de l’eau est nécessaire pour faire face aux épisodes de sécheresse.

Lors  d’un déplacement dans les Alpes-de-Haute-Provence avec des agriculteurs touchés par la sécheresse, Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, a rappelé que « l’eau potable, c’est 20 % des prélèvements de la consommation. Les usages agricoles, c’est le double ».« Nous avons déjà réduit de 30 % nos besoins en eau », lui répond Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. Pour le JDD, la syndicaliste fait un bilan de la situation et met en lumière les moyens déjà mis en oeuvre par les agriculteurs contre la sécheresse historique qui touche la France.

« Beaucoup de cultures sont en train de brûler, les prairies jaunissent et les animaux qui cherchent à se nourrir abîment la terre en la grattant. Le manque de fourrage va toucher toute la France et tous les élevages : bovins, ovins, caprins et les chevaux. Le maïs a moins d’épis et des grains plus petits. Sur mon exploitation, nous n’en aurons pas assez pour nourrir nos porcs. Le calendrier des récoles a changé quasiment partout. Beaucoup ont déjà fini les moissons qui ne devaient pas commencer avant des semaines. Les vendanges vont démarrer dans certains vignobles avec trois semaines d’avance. Tous les travaux deviennent pénibles pour les agriculteurs qui travaillent dans des bâtiments et sous serre, ou pour ceux qui doivent récolter à haute intensité pour éviter que les fruits ou les légumes ne se perdent. Avec la chaleur, la production a beaucoup mûri et se conserve moins bien. Il a fallu mettre le turbo, travailler quinze heures par jour, d’autant que comme l’Espagne a été touchée par le gel et l’Italie par la sécheresse, l’Europe manque de fruits. Il y a des places à prendre pour les producteurs français sur les marchés allemands ou britanniques. »

« Il est très difficile de garantir entre 22 à 28 degrés dans certains bâtiments. La température est même montée à 37-38 degrés dans les plus anciens qui ne sont pas équipés de systèmes de rafraîchissement. Nous déployons des solutions depuis dix ans. Nous avons intégré dans les constructions neuves des éléments qui favorisent le rafraîchissement des animaux, comme des rideaux d’eau. Nous sommes au travail pour améliorer les choses. Les producteurs laitiers, par exemple, ont trouvé des solutions pour réduire de 15 % leur empreinte carbone en optimisant la gestion des troupeaux. Celle du litre de lait a baissé de 23 % en quinze ans. Mais il faut savoir qu’un élevage qui ferme ne rouvre jamais. Les aider est un enjeu de résilience. Moins de producteurs signifient des prix plus élevés. Nous ne voulons pas que la précarité alimentaire progresse. »

 

Vous sentez-vous visés par les efforts de réduction de consommation demandés à l’ensemble de la population ?


On entend partout qu’il faut changer de modèle mais nous, cela fait dix ans qu’on s’adapte. Il n’y a pas de climatosceptiques en agriculture. Nous avons déjà réduit de 30 % nos besoins en eau. Dans beaucoup de départements, comme ceux qui comptent des productions des végétaux spécifiques, des pépinières ou des cultures de semence, les agriculteurs n’ont pas le choix : ils ont besoin d’eau. Mais au global, 5 % seulement des agriculteurs sont irrigants. Dans ma commune sur 13 producteurs, un seul arrose. Et comme je le rappelle souvent : une tomate, c’est 90 % d’eau. L’eau des agriculteurs sert à nourrir les hommes.

 Au niveau de l’exécutif, vous estimez-vous soutenu ?

L’année dernière, nous avons travaillé dans le cadre du Varenne de l’eau et du changement climatique. Nous venions de connaître une période de gel historique. Il fallait se mettre autour de la table. Trois mille personnes ont été consultées. Et comme à chaque fois qu’une grande consultation est lancée, les agriculteurs se sont engagés. Certaines personnes n’ont pas voulu y prendre part… Nous avons l’habitude. Les gens veulent une alimentation de proximité mais pas qu’un élevage s’installe à côté de chez eux. Une des mesures prioritaires portait sur la mise en place d’un dispositif d’assurance récolte. Elle a été votée par les parlementaires en mars. Nous travaillons pour qu’elle soit applicable dès 1er janvier 2023. Ce serait une sacrée performance ; 30 % seulement des agriculteurs sont assurés.

Laisser faire la nature c’est bien, beau et bon, mais c’est de l’idéologie

Où en est-on du problème de stockage de l’eau que vous soulevez depuis longtemps ?


Un délégué interministériel a été nommé pour lever les freins sur certains dossiers. Il a une liste de 23, prêts à sortir. Certains remontent à plus de quinze ans, ne sont toujours pas réglés, alors que certaines zones connaissent une quatrième année de sécheresse. Stocker de l’eau intelligemment est une priorité. Laisser faire la nature c’est bien, beau et bon, mais c’est de l’idéologie. La situation climatique que nous connaissons nécessite une gestion humaine du problème. Sans stockage artificiel, certains qui n’ont pas accès à l’eau vont se retrouver condamnés à faire des cultures non irriguées. Ca sera blé, blé, blé. Et la monoculture, on sait à quoi ça peut mener.

Contre les poisons de l’idéologie : Favoriser la découverte

Contre les poisons de l’idéologie : Favoriser la découverte

Catherine Bréchignac, secrétaire perpétuelle honoraire de l’Académie des sciences, ambassadrice déléguée à la science, à la technologie et à l’innovation et présidente du comité scientifique de la Revue politique et parlementaire estime que la découverte peut être le contre-poison de l’idéologie et de l’intoxication intellectuelle (dans la Tribune)

 

Avec la pandémie qui s’est installée sur le monde, la science n’a jamais été aussi présente dans nos vies. Près de 8 Français sur 10 (79%) estiment que la science est porteuse d’espoir pour l’avenir, rapporte 3M, une entreprise internationale d’innovation. Mais la fraude, la théorie du complot, les faux experts mettent à mal l’intégrité scientifique. Pourquoi ce comportement ambivalent de la société vis-à-vis de la science ? Parce que les scientifiques sont sortis des murs de leurs laboratoires, et s’ils poursuivent toujours les débats entre spécialistes au sein de cénacles adaptés pour que progresse la connaissance, ces chercheurs, avec leurs qualités et leurs défauts, dans leur dialogue avec la société, enjolivent ou noircissent les enjeux de leur recherche. Leurs propos sont alors déformés par le tam-tam numérique, amplifiés par les médias, ils provoquent du trouble dans les esprits.

Pour progresser deux conditions sont nécessaires : la découverte, et la création. La création consiste à produire quelque chose de nouveau à partir de données préexistantes. L’homme seul ne crée pas ex nihilo l’impensable, il ne fait pas sortir du néant ce qui n’existe pas. Il transfère une idée d’un domaine à un autre, et pour ce faire, utilise son intuition qui balaye avec fulgurance les savoirs acquis. Dans le domaine de l’art, ce transfert d’idées surprend lorsqu’il n’a pas été mis en relation auparavant, il surprend, il dérange souvent par son caractère insolite, comme dans le mouvement surréaliste. Gilles Deleuze, lors d’une conférence sur qu’est-ce que l’acte de création ? explique devant les étudiants de la FEMIS que le créateur est celui qui sait agencer « une série de petits morceaux dont la connexion n’est pas prédéterminée ». C’est ce nouvel agencement qui crée l’œuvre, et cet agencement lorsqu’il est régit par la combinatoire peut engendrer une infinité d’œuvres. Tel est le cas de ce groupe français littéraire qui créa au début du XXème siècle l’Oulipo et la littérature combinatoire, qui permit à Raymond Queneau d’écrire Cent mille milliards de poèmes. Dans le domaine des sciences, le transfert de concept d’un domaine vers un autre est souvent très productif. C’est le cas du biomimétisme, un processus créatif entre la biologie et la technique, par le transfert de connaissances issues de modèles biologiques pour créer de nouveaux objets, ou de nouveaux procédés. Structuration, déstructuration pour permettre une reconstruction, l’homme, avec son intuition, son imagination, sa mémoire, ses connaissances, remodèle la substance matérielle ou intellectuelle pour engendrer une invention aux conséquences parfois dangereuses, avec ou sans préméditation, qui sont un terreau favorable pour infiltrer la peur.

Imagination, intuition, création ne suffisent pas pour sortir des savoirs acquis. Seule la découverte provoque une rupture de pensée. Les grandes découvertes sont très rares. Elles provoquent des séismes dans la réflexion. La grande découverte du 20ème siècle fut celle de l’atome entrainant avec elle celle du monde quantique, au comportement souvent contre intuitif. Mais ces découvertes resteraient stériles si l’homme ne créaient pas des concepts pour les comprendre, c’est cet ensemble découvertes-créations qui nous permet de dialoguer avec le monde qui nous entoure comme le langage permet le dialogue entre les humains. La démarche scientifique devient alors l’outil indispensable qui permet de faire progresser la science au sens de la confrontation entre l’expérience ou l’observation et la théorie créée par l’homme. La démarche scientifique mise à jour pour la physique par Galilée a permis aussi à la chimie de devenir ce que nous appelons aujourd’hui une science exacte. C’est Lavoisier dans « Méthode de nomenclature chimique » publié en 1787 qui devant le nombre de substances connues qui ne cessaient d’être découvertes à l’époque, établit la première classification méthodique des éléments. Observer, accumuler des données, faire des synthèses, créer des langages et établir des lois pour expliquer les faits expérimentaux tout en cherchant s’il n’existe pas un contre-exemple qui contredit la loi, fut la méthode qui nous permit d’appréhender le monde qui nous entoure d’une manière conceptuelle et synthétique. Ceci présente en outre l’avantage de minimiser la place qu’occuperait la mémorisation d’un grand nombre d’observations dans notre cerveau.

Mais aujourd’hui, il semble que le chaos s’installe dans la pensée collective de nos sociétés. Quelques cohortes de personnes refusent cet équipage fécond entre découverte et création, revendiquant l’arrêt du progrès. Serait-ce le retour à l’obscurantisme, où l’émotionnel l’emporte sur le rationnel, où les peurs bondissent de l’ombre pour inhiber l’action, où l’esprit critique est étouffé, où les gourous surgissent d’on ne sait où pour donner des explications qui n’en sont pas. Idéologie, harcèlement intellectuel, sont les fléaux qui nous menacent aujourd’hui contre lesquels il faut raison garder.

Combattre l’idéologie woke

Combattre  l’idéologie woke 

 

A l’occasion du lancement de son cercle de réflexion Laboratoire de la République, le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, en détaille les objectifs. Il est destiné à insuffler des idées dans la campagne de la majorité, notamment sur la laïcité.(Interview Le Monde)

Quelle est l’ambition du Laboratoire de la République ?

Lorsque l’on dit « Vive la République », on ne sait pas toujours ce qu’il y a derrière cette invocation. Le cercle que je lance veut montrer le caractère concret de ce contenu, notamment en direction de la jeunesse. Notre société affronte trois grands défis : écologique, technologique et géopolitique. Je veux faire la démonstration que, sur ces trois enjeux, l’idée républicaine peut apporter des réponses. Il s’agit ensuite de penser des politiques publiques pour l’incarner. En travaillant à partir des quatre adjectifs que donne notre Constitution à la République : démocratique, sociale, indivisible, laïque.

Comment va-t-il fonctionner ?

Ce n’est pas un parti politique, ni un mouvement, mais un cercle de réflexion et d’action. Il aura vocation à être utile dans la campagne présidentielle et, plus généralement, dans le débat d’idées. J’y invite des gens d’horizons différents, comme Elisabeth Badinter, qui incarne un féminisme républicain opposé à la guerre des sexes ; ou Rachel Khan, figure d’une lutte antiraciste indifférente à la couleur de peau. Une centaine de parlementaires y participeront également ; et un certain nombre d’experts, invités à s’exprimer sur une plate-forme en ligne. Le dépassement du clivage gauche-droite est au cœur de l’approche républicaine.

Vous avez déjà créé un Conseil des sages de la laïcité. Il y a désormais un comité interministériel sur la laïcité, et, au ministère de l’intérieur, un bureau de la laïcité. Qu’est-ce que ce Laboratoire peut vous permettre de faire de plus ?

Ce n’est pas une instance institutionnelle, mais un cercle de réflexion indépendant de mes fonctions de ministre de l’éducation ; de plus, le sujet de la laïcité est loin d’être le seul sujet. Je veux qu’il implique la jeunesse en lui donnant des raisons de s’engager pour des causes qui lui sont chères. Nous inciterons les jeunes à ouvrir des antennes dans les universités, mais nous parlerons aussi à la jeunesse rurale et des banlieues.

Ce cercle, vous en faites aussi un moyen de contrer la diffusion de certaines luttes identitaires venues des Etats-Unis…

Ce n’est pas le seul sujet du Laboratoire. C’est vrai que la République est aux antipodes du « wokisme ». Aux Etats-Unis, cette idéologie a pu amener, par réaction, Donald Trump au pouvoir, et la France et sa jeunesse doivent échapper à ça. Le Laboratoire aura une vision républicaine opposée à cette doctrine qui fragmente et divise, et a conquis certains milieux politiques, médiatiques et académiques en proposant un logiciel victimaire au détriment des fondements démocratiques de notre société.

Société- La guerre de l’idéologie victimaire

Société- La guerre de l’idéologie victimaire

 

« Je suis encore un peu sous le choc. » Nahema Hanafi, maîtresse de conférences en histoire moderne à l’université d’Angers, ne s’est toujours pas remise de la déferlante de haine qu’elle a reçue sur les réseaux sociaux, à la suite de la publication dans Le Point, début février, d’une tribune fustigeant violemment son ouvrage, L’Arnaque à la nigériane. Spams, rapports postcoloniaux et banditisme social (Editions Anacharsis, 2020). Dans ce livre, la chercheuse analyse les discours des « brouteurs », ces cyberescrocs africains qui se font passer pour d’accortes jeunes femmes dans le but de soutirer de l’argent à des Occidentaux crédules. Ces truands, explique-t-elle au terme d’une étude de terrain, « ont un discours décolonial ; ils expliquent qu’ils “volent aux Blancs” pour réparer les dommages de la colonisation ».

Mais pour l’auteur de la tribune dans Le Point, Hubert Heckmann, maître de conférences en littérature du Moyen Age à Rouen et membre d’un récent Observatoire du décolonialisme, son ouvrage fait « l’éloge d’un système criminel » et tombe dans « la grille de lecture décoloniale [qui] inverse les rapports entre victimes et coupables ». La tribune de M. Heckmann, relayée par les sphères d’extrême droite, a valu à Mme Hanafi menaces et attaques racistes. Son université lui a accordé la protection fonctionnelle et elle a déposé plainte.

« Je regrette et je condamne évidemment cette situation. On appelle au calme, et on condamne évidemment aussi l’extrême droite », justifie le cofondateur de l’Observatoire du décolonialisme, Xavier-Laurent Salvador, professeur de linguistique à Paris-XIII. Mais l’épisode illustre les tensions qui traversent depuis des mois les milieux universitaires, opposant chercheurs qui travaillent sur des concepts tels que les études de genre, les questions coloniales ou les phénomènes de racisme systémique, et ceux qui estiment que ces travaux sont inutiles, militants, voire dangereux, car participant d’un repli identitaire.

Non à l’idéologie victimaire en tout genre

Non  à la victimisation en tout genre

« Vouloir que l’autre nous reconnaisse, c’est avouer que nous ne pouvons exister par nous-mêmes. Cette victimisation est une fuite pour ne pas faire soi-même le travail de sa propre construction », affirme Sylvie Charpinet lectrice du Monde. .

Je suis une femme, mais avant tout, je suis une personne, un corps, un cerveau, une âme et le plus important est que tout fonctionne correctement. J’ai décidé de prendre la plume pour dire « stop » à tous ceux qui véhiculent la stigmatisation des particularités de toute sorte.
Nous sommes tous particuliers et pourtant si semblables. Nos natures sont différentes et nos différences constituent notre force humaine, notre liberté d’être.

Cessons de considérer chaque particularité comme constitutive d’une minorité et cessons ce jeu de la victimisation de la minorité. A mon sens, à trop vouloir défendre telle ou telle caractéristique humaine, nous l’isolons du groupe et la réduisons à sa caricature. Pire, une telle posture l’affaiblit et aggrave l’isolement contre lequel nous nous érigeons. Derrière la volonté de défendre ou de protéger, elle déséquilibre la structure humaine et sociale en mettant chaque spécificité dans une case qu’elle verrouille in fine.

La liberté ainsi invoquée à travers l’affirmation de nos identités quelles qu’elles soient se retrouve à attendre l’approbation de sa reconnaissance par le groupe. Or, cette liberté ne peut être atteinte que par le fait d’être soi-même individuellement.

Cessons de vouloir que la société nous libère de nous-mêmes. Cessons de vouloir que la société valide notre essence-même d’ETRE pour être. En effet, cette reconnaissance ne peut avoir lieu que si l’être existe par lui-même et non par l’image qu’il renvoie de lui dans le corps sociétal.

Vouloir que l’autre nous reconnaisse, c’est avouer que nous ne pouvons exister par nous-mêmes. Cette victimisation est une fuite pour ne pas faire soi-même le travail de sa propre construction. Dans ce contexte, vouloir défendre une particularité, c’est faire l’aveu de sa fragilité, voire de son impuissance.

L’action doit venir de l’individu, individuellement et en groupe. Défendre les femmes, c’est cesser de les opposer aux hommes ; c’est cesser de juger ces derniers comme des prédateurs, sournois et pervers. Défendre les femmes, c’est être femme en intégrant sa part de féminité et sa part de masculinité. Défendre les femmes, c’est défendre les hommes, car l’un ne peut exister sans l’autre.

Le respect de soi vaut le respect de l’autre. Etre féministe est donc un contresens. Y a-t-il un homme qui s’est déjà déterminé comme « masculiniste » ? Non. Alors, si une femme veut être libre, elle doit agir, par elle-même, pour elle-même. Si un individu veut être libre, il doit agir, par lui-même, pour lui-même.

Cette tendance actuelle à la victimisation en tout genre a l’effet inverse de celui recherché. L’affirmation de nos identités ne peut avoir lieu que par l’amour de nous-mêmes et non par notre propre rejet dissimulé, sous couvert que ce sont les autres qui ne nous aiment pas et qui nous malmènent.

Cette liberté tant convoitée se trouve, avant tout, non pas dans toujours plus de protections des singularités – lesquelles protections finiront par limiter cette liberté -, mais dans l’estime de soi et la reconnaissance de soi par soi. Exister, c’est agir et agir, c’est exister. C’est là la condition de notre liberté, à chacun.

La guerre de l’idéologie victimaire

La guerre de l’idéologie victimaire

 

« Je suis encore un peu sous le choc. » Nahema Hanafi, maîtresse de conférences en histoire moderne à l’université d’Angers, ne s’est toujours pas remise de la déferlante de haine qu’elle a reçue sur les réseaux sociaux, à la suite de la publication dans Le Point, début février, d’une tribune fustigeant violemment son ouvrage, L’Arnaque à la nigériane. Spams, rapports postcoloniaux et banditisme social (Editions Anacharsis, 2020). Dans ce livre, la chercheuse analyse les discours des « brouteurs », ces cyberescrocs africains qui se font passer pour d’accortes jeunes femmes dans le but de soutirer de l’argent à des Occidentaux crédules. Ces truands, explique-t-elle au terme d’une étude de terrain, « ont un discours décolonial ; ils expliquent qu’ils “volent aux Blancs” pour réparer les dommages de la colonisation ».

Mais pour l’auteur de la tribune dans Le Point, Hubert Heckmann, maître de conférences en littérature du Moyen Age à Rouen et membre d’un récent Observatoire du décolonialisme, son ouvrage fait « l’éloge d’un système criminel » et tombe dans « la grille de lecture décoloniale [qui] inverse les rapports entre victimes et coupables ». La tribune de M. Heckmann, relayée par les sphères d’extrême droite, a valu à Mme Hanafi menaces et attaques racistes. Son université lui a accordé la protection fonctionnelle et elle a déposé plainte.

« Je regrette et je condamne évidemment cette situation. On appelle au calme, et on condamne évidemment aussi l’extrême droite », justifie le cofondateur de l’Observatoire du décolonialisme, Xavier-Laurent Salvador, professeur de linguistique à Paris-XIII. Mais l’épisode illustre les tensions qui traversent depuis des mois les milieux universitaires, opposant chercheurs qui travaillent sur des concepts tels que les études de genre, les questions coloniales ou les phénomènes de racisme systémique, et ceux qui estiment que ces travaux sont inutiles, militants, voire dangereux, car participant d’un repli identitaire.

Ethique de la recherche: éviter de glisser vers l’idéologie

Ethique de la recherche: éviter de glisser vers l’idéologie

Face au mélange entre science et politique, au refus du pluralisme, les chercheurs doivent pouvoir échanger de façon argumentée et réfutée, en s’employant à « éviter les fractures et les enclaves », explique le géographe Jacques Lévy dans une tribune au « Monde ».

 

 

Tribune.

 

Une des effets dommageables de la prise de position de Frédérique Vidal sur l’« islamo-gauchisme » à l’université a été de permettre à ses détracteurs d’inverser son propos et de porter la charge sur les lanceurs d’alerte. Pourtant, il existe bien des motifs d’inquiétude sur la relation entre la société et ses chercheurs, et pas seulement en sciences sociales. Pour y voir plus clair, distinguons trois plans : celui des théories, celui du mélange des genres et celui du pluralisme.

Les théories qui cherchent à expliquer le monde sont nombreuses et tant mieux ! L’une d’elles se fonde sur une vision communautaire du social : elle se représente la société comme une constellation de groupes aux appartenances non choisies et irréversibles. La fameuse « intersectionnalité » consiste en une essentialisation des identités, qu’on peut éventuellement croiser, mais sans les remettre en question.

 

Cette école de pensée tente de sauver le structuralisme marxiste, dans lequel la communauté de classe était centrale, en ajoutant de nouvelles « structures » à un édifice qui se lézarde, pris à contre-pied par l’irruption des singularités individuelles. On peut préférer, dans le sillage de Norbert Elias (1897-1990), le paradigme de la « société des individus », qui décrit un monde où les individus acteurs et une société postcommunautaire prospèrent de conserve. La différence entre ces deux conceptions est patente, mais on ne peut s’en plaindre. Cela, c’est le débat, sain parce que libre et transparent, qui caractérise la démarche scientifique.Le danger apparaît avec le mélange des genres entre science et politique. Roger Pielke (The Honest Broker, Cambridge University Press, 2007, non traduit) a montré, à propos des débats sur le climat, que lorsqu’un sujet est marqué à la fois par des controverses scientifiques et des oppositions politiques fortes, les deux dissensus peuvent s’épauler et créer des monstres : le militant choisit l’hypothèse qui l’arrange pour se parer de la légitimité scientifique, tandis que le chercheur se mue subrepticement en un politicien sans scrupule. Les chercheurs sont aussi des citoyens et ils ont bien le droit de l’être. Leurs expériences personnelles peuvent être des ressources pour la connaissance.

Si la conscience que les registres ne doivent pas se fondre les uns dans les autres fait défaut, les savants se muent tout bonnement en idéologues d’autant plus déplaisants qu’ils s’abritent derrière leur statut. On voit fleurir des novlangues dignes du 1984 de George Orwell, lorsque, au nom de la science, l’« antiracisme » couvre un nouveau type de racisme, ou lorsque la « démocratie écologique » vise une dictature des écologistes intégristes. L’enquête qu’ont menée les chercheurs britannique et américain Helen Pluckrose et James Lindsay (Cynical Theories, Pitchstone Publishing 2020, non traduit) montre que des revues universitaires prestigieuses acceptent aisément de publier des textes délirants dont on aimerait pouvoir rire mais qui sont animés par une idéologie de la haine intercommunautaire et n’hésitent pas à traiter de « négationniste » toute prise de position divergente

Procès du terrorisme : résultat de l’idéologie victimaire

Procès du terrorisme : résultat  de l’idéologie victimaire

Professeur des universités, Gilles Kepel est spécialiste de l’islam et du monde arabe contemporain. Il dirige la chaire Moyen-Orient Méditerranée à l’Ecole normale supérieure. Il considère que à travers le procès du terrorisme c’est surtout le modèle d’identification qui est en cause. (Interview dans le Monde)

Comment analyser les récentes menaces d’al-Qaïda contre Charlie hebdo ?

Sans doute pour faire croire qu’al-Qaïda existe encore. Aujourd’hui personne ne s’intéresse plus à Zawahiri et ses acolytes, réfugiés quelque part entre le Pakistan et l’Afghanistan. Il reste un groupe dissident dans la zone de désescalade d’Idlib, dans le nord-ouest syrien, où se trouvent du reste plusieurs Français sous la houlette du Sénégalo-Niçois Omar Diaby, parmi lesquels peut-être Hayat Boumedienne, la veuve Coulibaly. Mais leur lien avec ce qui fut al-Qaïda est flou. La « marque » Al-Qaïda, qui concurrençait Coca-Cola pour la notoriété mondiale, ne vaut plus grand-chose désormais.

Depuis 2015, quelles conséquences la vague d’attentats a-t-elle eues sur la communauté musulmane en France ?

Les attentats ont fait basculer les choses dans le mauvais sens. Ils ont créé un modèle d’identification, une sorte de banalisation de ce type de mal – pour reprendre une formule de Hannah Arendt – qui se sont traduits par la funeste série d’attentats. Bien sûr, la majorité de nos concitoyens de culture musulmane a condamné ces monstres mais on observe, par exemple dans le sondage IFOP-Fondation Jean-Jaurès-Charlie hebdo, qu’une partie de la jeunesse se refuse à se prononcer en ce sens, en arguant que le problème n’est pas là, que le coupable est la société française « islamophobe ». Cette évolution a été dynamisée par la victimisation exploitée par les milieux islamistes qui se sont efforcés de retourner la charge de la preuve avec le slogan #jenesuispascharlie, les « oui mais », les « ils l’ont bien cherché ». Enfin, la mouvance islamo-gauchiste, qui construit une identité de la jeunesse musulmane sur le rejet de la société française dans ses fondements mêmes, considérés comme racistes, néocoloniaux, etc., a vite compris le parti à tirer de cette exploitation victimaire. Et a trouvé des relais dans le monde universitaire.

Quelles sont les manifestations concrètes de cette « idéologie victimaire » ?

La jeunesse issue des quartiers entre aujourd’hui massivement à l’université, en grande partie grâce aux politiques de discrimination positive. C’est très bien. Mais j’observe qu’un nombre croissant de personnes y entre avec cette idéologie islamo-gauchiste qui touche aussi les maîtres-assistants, les jeunes professeurs qui se sentent obligés de se prononcer sur des critères de bienséance idéologique plus qu’avec des arguments scientifiques. Le postulat de départ est que les musulmans sont les opprimés d’aujourd’hui et que, comme tels, rien de ce qui émane de l’islam ne saurait être l’objet d’un jugement. Une vision normative synonyme pour moi de terrible régression intellectuelle.

Jusqu’à quel point ces arguments portent-ils dans la population musulmane ? L’essayiste Hakim El Karoui estime qu’un quart des musulmans « se mettent à l’écart du système de valeurs républicaines »…

Les tentatives de justification, type « Ils n’avaient qu’à ne pas publier les caricatures », portent beaucoup dans la jeunesse musulmane et vont jusqu’à toucher des gens originaires du Maghreb ou autre qui se définissent par ailleurs comme parfaitement laïques, féministes, qui boivent de l’alcool et mangent du porc. Par un phénomène d’identification à la stigmatisation, le contre-discours islamo-gauchiste a prospéré dans les failles de notre société. En suscitant un réflexe de défense identitaire, il interdit de porter un jugement moral sur les assassins. Dire : « C’est votre faute, nous sommes les véritables victimes » permet d’évacuer les actes de la conscience. Un mois après la tuerie de la Promenade des Anglais a émergé, sur les plages de la Côte d’Azur, l’affaire du burkini, comme pour faire oublier qu’un jihadiste au volant de son camion avait massacré 86 personnes. On invente ainsi une autre culpabilité en miroir, appât auquel mord le New York Times et d’autres qui disent : « La France est islamophobe et raciste : elle interdit le burkini ».

En quoi le procès actuel peut-il influer sur les mentalités ? A vous écouter, la « messe » est dite ?

En restituant la parole des victimes, en donnant la parole aux survivants et aux accusés, le procès a pour fonction de construire une vérité sociale sur laquelle s’établit la justice. C’est pour cela qu’il est très important. D’autant que les deux procès Merah ont été des ratages complets, la théorie du « loup solitaire » – véritable forfaiture intellectuelle de la part de l’ancien patron du renseignement, Bernard Squarcini – a empêché la connaissance de ce phénomène qui fonctionnait très tôt en réseau, et donc retardé la manifestation de la vérité. L’affaire Merah est maudite : ne pas l’avoir comprise a ouvert la voie à tout ce qui a suivi.

Vous récusez l’idée que les accusés seraient des « lampistes » ?

La culture de l’excuse explique que « les vrais auteurs sont morts ou en fuite » et qu’« on ne peut rien démontrer ». Dire cela, c’est ne rien comprendre à la nébuleuse du jihadisme français. Il ne s’agit évidemment pas de me prononcer sur la culpabilité des accusés, c’est au tribunal de le faire. Mais les universitaires spécialisés savent qu’on a des filières construites et structurées autour d’affinités, de voyages en Syrie ou en Irak, du quartier des Buttes-Chaumont, des Merah qui ont fait école, de Toulouse qui rayonnait sur la Belgique, de liens avec l’Algérie, la Tunisie.

Il y aurait une forme de naïveté à présenter ce procès comme celui des « seconds couteaux » ?

De la naïveté mais aussi une volonté de ne pas savoir, parce que cela poserait des problèmes trop complexes que ce sondage nous envoie en pleine figure. On se rendrait compte que les politiques publiques sont souvent déterminées par des calculs électoraux. On ne peut plus dire en 2020 qu’on ne connaît pas ce phénomène documenté encore récemment par les livres d’Hugo Micheron, Le Jihadisme français, et Bernard Rougier, Les Territoires conquis de l’islamisme ». Le monde de la police et du renseignement, extrêmement sophistiqué désormais par contraste avec l’époque 2012-2015, maîtrise parfaitement cette mouvance. Avec ce procès, il nous faut affronter le fait que des gens élevés en France, nourris par l’aide sociale à l’enfance depuis la mort de leurs parents pour les frères Kouachi, arrivent dans une rédaction et tuent 11 personnes de sang-froid, après avoir été mis en condition par une idéologie religieuse qui déshumanise leurs victimes – comme s’ils détruisaient des avatars dans un jeu vidéo.

Une loi contre le séparatisme est en préparation, alimentant un débat sémantique. Quelle est votre position ?

Je n’étais pas convaincu par ce terme – je l’ai d’ailleurs dit au Président – car cela peut constituer l’arbre qui cache la forêt. Il existe effectivement une logique séparatiste, nourrie par le jihadisme et ses avatars. Elle touche des populations qui, jusqu’à une époque récente, étaient assez marginales. Le sondage de la Fondation Jean-Jaurès semble cependant indiquer que cela est en pleine progression. C’est l’exemple hallucinant de Mickaël Harpon, embauché comme handicapé à la Préfecture de police de Paris, réislamisé dans une mosquée radicale, et affecté dans un service chargé du suivi de la radicalisation… qui semble pratiquer en effet un « séparatisme » culturel d’avec la société dont il tue les membres. A ce séparatisme – et parfois entremêlé à lui – vient s’ajouter l’entrisme dans les institutions : un leader communautaire va voir un candidat en disant « Je vous apporte les voix de mes coreligionnaires contre tel poste d’adjoint, telle attribution ». Cela s’est encore vérifié lors des dernières municipales. Dans cette logique communautariste, la charia et l’identité religieuse passent avant les lois de la République et la citoyenneté commune. A partir du moment où on traduit cette conception en fait social, on crée le continuum entre la rupture culturelle salafiste et les conditions du passage à l’acte jihadiste contre l’autre – stigmatisé comme « kuffar » (« infidèle »). Mais certains de mes collègues universitaires pensent le contraire : pour éviter ce passage à l’acte, le communautarisme serait nécessaire car il gère la paix sociale… Je crains que, justement, si on se focalise exclusivement sur le « séparatisme », on ne traite que le symptôme final – heureusement encore assez réduit en nombre – et qu’on ne rate le continuum avec la rupture culturelle qu’instaure le communautarisme, que je tiens pour le début nécessaire (mais non suffisant) de ce processus.

 

« Contre l’idéologie du libre-échange absolu » (Thomas Piketty )

« Contre  l’idéologie du libre-échange absolu » (Thomas Piketty )

Dans sa chronique au « Monde », l’économiste propose un modèle de développement coopératif fondé sur la justice économique et climatique

 

 

Chronique. 

 

Peut-on redonner un sens positif à l’internationalisme ? Oui, mais à condition de tourner le dos à l’idéologie du libre-échange absolu qui a jusqu’ici guidé la mondialisation, et d’adopter un nouveau modèle de développement fondé sur des principes explicites de justice économique et climatique. Ce modèle doit être internationaliste dans ses objectifs ultimes mais souverainiste dans ses modalités pratiques, au sens où chaque pays, chaque communauté politique doit pouvoir fixer des conditions à la poursuite des échanges avec le reste du monde, sans attendre l’accord unanime de ses partenaires. La tâche ne sera pas simple, et ce souverainisme à vocation universaliste ne sera pas toujours facile à distinguer du souverainisme de type nationaliste. Il est d’autant plus urgent de préciser les différences.

Supposons qu’un pays, ou une majorité politique en son sein, juge souhaitable de mettre en place un impôt fortement progressif sur les hauts revenus et patrimoines afin d’opérer une redistribution importante en faveur des plus modestes, tout en finançant un programme d’investissement social, éducatif et écologique. Pour aller dans cette direction, ce pays envisage un prélèvement à la source sur les profits des entreprises, et surtout un système de cadastre financier permettant de connaître les détenteurs ultimes des actions et des dividendes et d’appliquer ainsi les taux souhaités au niveau individuel. Le tout pourrait être complété par une carte carbone individuelle permettant d’encourager les comportements responsables, tout en imposant lourdement les plus fortes émissions, ainsi que ceux qui bénéficient des profits des entreprises les plus polluantes, ce qui exige, là encore, de connaître leurs détenteurs.

Un tel cadastre financier n’a malheureusement pas été prévu par les traités de libre circulation des capitaux mis en place dans les années 1980-1990, en particulier en Europe dans le cadre de l’Acte unique (1986) et du traité de Maastricht (1992), textes qui ont fortement influencé ceux adoptés ensuite dans le reste du monde. Cette architecture légale ultrasophistiquée, toujours en vigueur aujourd’hui, a de facto créé un droit quasi sacré à s’enrichir en utilisant les infrastructures d’un pays, puis à cliquer sur un bouton afin de transférer ses actifs dans une autre juridiction, sans possibilité prévue pour la collectivité de retrouver leur trace. A la suite de la crise de 2008, à mesure que l’on constatait les excès de la dérégulation financière, des accords sur les échanges automatiques d’informations bancaires ont certes été développés au sein de l’OCDE. Mais ces mesures, établies sur une base purement volontaire, ne comportent aucune sanction pour les récalcitrants.

« L’idéologie du confinement national : un ruineux cauchemar » (François Héran )

 « L’idéologie du confinement national : un ruineux cauchemar » (François Héran )

Le confinement devient une dangereuse idéologie s’il prend prétexte de la protection sanitaire pour viser les seuls migrants, souligne le sociologue François Héran dans une tribune au « Monde ».

Tribune.

 

 « Fermer nos frontières », telle serait pour certains la leçon à retenir de la crise sanitaire, une mesure qu’on aurait dû adopter de longue date. Mais les fermer à qui ? Aux seuls migrants ou à tous les voyageurs internationaux ? Dans nos cerveaux, le projet d’ouvrir ou de fermer les frontières est associé à la politique migratoire.

Or, le virus ne fait aucune différence entre le migrant et le voyageur. Il n’a pas d’idéologie, il obéit à la loi des grands nombres et à cette donnée de base : l’immigration représente une part minime des passages aux frontières, moins de 1 %. Une politique de confinement national qui alléguerait la protection sanitaire pour cibler les migrants tout en négligeant 99 % des passages de frontière renouerait avec les errements du passé, bien décrits par l’historien Antonin Durand dans un article de la revue en ligne De facto.

La France a délivré en 2019 environ 270 000 titres de séjour d’au moins un an à des migrants non européens

La somme des franchissements de frontière enregistrés dans le monde en 2018 pour des séjours de moins d’un an s’élève à 1,4 milliard, selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). Malgré l’essor des communications à distance, ce nombre a progressé de 50 % en dix ans. Voyages de loisir pour une grosse moitié, mais aussi visites aux proches, voyages d’étude, pèlerinages, déplacements professionnels (stages, missions, travaux saisonniers). Sans surprise, l’Europe concentre la moitié des entrées aux frontières. Or le record mondial revient à la France : pas moins de 89 millions d’entrées en 2018, migration non comprise. Devant l’Espagne (83 millions), les Etats-Unis (80 millions), la Chine (63 millions) et l’Italie (62 millions).

 

Il est plus difficile d’estimer le nombre d’entrées à des fins de migration permanente. Mais l’ordre de grandeur est cent fois moindre. La France a délivré en 2019 environ 270 000 titres de séjour d’au moins un an à des migrants non européens – dont une part vivaient déjà sur place sans papiers (ce qui empêche d’additionner simplement les illégaux aux légaux). S’ajoute à ce noyau une partie des 170 000 demandeurs d’asile, « dublinés » compris : ceux qui n’obtiennent ni le statut de réfugié ni une régularisation pour raison familiale ou autre (et, donc, ne figureront pas dans la statistique des titres des années suivantes). Au total, en calculant large et sans doubles comptes, on peut estimer à 400 000 environ le nombre d’entrées annuelles de migrants non européens sur le territoire français. Quant aux citoyens de l’Union européenne, qui peuvent s’installer sans titre de séjour, les enquêtes de l’Insee estiment leur afflux, bon an mal an, autour de 140 000. » 

 

 

«L’idéologie nucléaire », par les Arvernes

«L’idéologie nucléaire », par les Arvernes (Groupe anonymes de hauts fonctionnaires !)

 

Une nouvelle fois le groupe anonyme de hauts fonctionnaires se prononce sur un sujet sensible : le nucléaire. En appuyant sur les récentes décisions relatives aux questions de sécurité. En clair, le groupe en profite pour défendre  le nucléaire et réfute l’idée d’une réflexion sur la sécurité. En fait, un plaidoyer sans nuance pour le nucléaire de la part d’un groupe à la composition inconnue qui de fait décrédibilise le propos ou le met au rang des réactions anonyme et bien peu courageuses  d’internaute sur les réseaux sociaux. On peut considérer que le nucléaire n’est pas la solution idéale (loin se faut)  mais qu’il sera incontournable jusque dans les années 2050 ; On peut être critique mais réaliste sans tomber dans la caricature.    

 

Extraits

 

« Three Miles Island en 1979, Tchernobyl en 1986, Fukushima en 2011 ont poussé certains à militer pour la renonciation à une énergie qui fournit toujours peu ou prou les trois-quarts de notre électricité à des prix très bas et sans émissions de CO2…

 

Depuis le choix du général de Gaulle de doter la France d’une capacité électronucléaire importante pour assurer à la France une moindre dépendance énergétique aux hydrocarbures que ses voisins européens, cette énergie a suscité des débats. Le nucléaire a pâti en France des accidents survenus hors de notre territoire. Three Miles Island en 1979, Tchernobyl en 1986Fukushima en 2011 ont poussé certains à militer pour la renonciation à une énergie qui fournit toujours peu ou prou les trois-quarts de notre électricité à des prix très bas et sans émissions de CO2. Jamais pourtant les réacteurs français à eau pressurisée n’ont été pris en défaut. Malgré 57 réacteurs en service, jamais un accident important ne s’est produit qui aurait pu faire douter les dirigeants du bien-fondé de la base énergétique nucléaire.

Pourtant, la tentation de la politisation reste présente. Son dernier avatar ne touche pas cette fois la sûreté – les mesures techniques au sein du réacteur pour éviter un emballement de la réaction – mais la sécurité, à savoir les mesures humaines et technologiques mises en œuvre pour protéger l’enceinte d’une attaque. mardi 31 janvier 2017, la Présidente de la commission du développement durable de l’Assemblée, Mme Pompili, obtenait en effet que soit instituée une commission d’enquête sur la sécurité nucléaire, au nom de la lutte contre le terrorisme. Ceci peut étonner, à plusieurs titres.

D’abord, pourquoi la commission du développement durable se saisit-elle d’un dossier touchant exclusivement aux affaires de sécurité et de défense ? Il existe une commission de la défense et des forces armées traitant de ces questions dont les députés sont habilités à en connaître sur des dossiers sensibles. En termes de sécurité, donc de mesures humaines et techniques, dont une partie est directement confiée à la Gendarmerie nationale ou au SGDSN, il s’agit d’affaires de défense au sens premier du terme.

Ensuite, Mme Pompili a donné au journal Le Monde le 2 février un entretien où elle énonce clairement sa volonté de faire baisser le plus possible la part du nucléaire dans le mix énergétique français. Elle confond également sûreté et sécurité qui, même si elles forment un continuum, ne sont pas des éléments interchangeables, demandant les mêmes réponses ; la sûreté passive d’un réacteur n’est pas, en soi, une problématique de lutte antiterroriste. Dans ce contexte on ne peut que craindre une distorsion a priori de l’enquête qui va être menée par cette commission.

Capacité d’enquête. Le contexte dans lequel cette commission d’enquête se met en place est donc inquiétant. La France est reconnue pour son excellence tant dans la sûreté que dans la sécurité. Pour ne s’intéresser qu’à cette dernière, une réforme a justement été menée en 2016-2017 pour aboutir à la création d’un commandement spécialisé de la Gendarmerie nationale, le CoSSeN, chargé de la protection, y compris et surtout, contre les groupes terroristes de l’ensemble des installations nucléaires. Le CoSSeN permet ainsi de disposer d’une capacité d’enquête et d’anticipation – on oserait presque dire de renseignement – afin de pouvoir parer aux menaces de temps long. Il se combine avec les pelotons spécialisés (PSPG) qui protègent les centrales.

En outre, en termes d’indépendance, la France était, dès avant Fukushima, l’un des seuls pays à disposer d’autorités indépendantes à responsabilité multi-ministérielle, chargées d’auditer et d’évaluer la sûreté (ASN). Enfin l’excellence de l’ANSSI dans le domaine de la cybersécurité n’étant plus à démontrer, la cyberprotection des installations énergétiques – et donc nucléaires – est au centre des préoccupations de l’agence et de l’Etat. Si aucun dispositif antiterroriste ne peut être considéré comme parfait, il est néanmoins certain que celui de la France sur la sécurité nucléaire est l’un des plus avancés du monde, parfaitement en adéquation avec les règles de l’AIEA en ce domaine.

Au total, force est de constater que la menace terroriste fait ici l’objet de ce qu’il faut bien appeler une forme d’instrumentalisation. Il est regrettable qu’un sujet d’une telle importance, qui mérite à l’évidence une analyse sérieuse, poussée, impartiale, prenne le risque d’être détourné à des fins politiciennes alors que la programmation pluriannuelle de l’énergie qui détermine la feuille de route nationale pour les cinq prochaines années est en débat.

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’  »essayistes »  qui feraient de s’essayer aussi à la transparence et au courage »




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