Numérique : une stratégie à définir pour le logiciel libre
Tribune dans le Monde de:
Roberto Di Cosmo,Directeur de Software Heritage, professeur d’informatique à l’Inria et à l’université de Paris
Stefane Fermigier,Entrepreneur du logiciel libre et co-président du Conseil national du logiciel libre/CNLL
Cedric Thomas Economiste et directeur général de l’organisation Open source OW2.
Tribune.
Le 1er janvier 2022, pendant que la campagne électorale des présidentielles battra son plein, la France prendra la présidence tournante de l’Union européenne (UE) pour six mois, et aura à cœur de catalyser la collaboration entre les Etats membres. Il sera alors attendu de chaque ministre un programme ambitieux.
Pour aller dans le sens de l’histoire, la France devra promouvoir la collaboration entre Etats dans le domaine du numérique et se hisser à la hauteur des enjeux en plaçant les valeurs d’ouverture, de transparence, d’inclusivité et d’autonomie du logiciel libre au cœur de sa stratégie numérique.
Pour cela, nous appelons dès aujourd’hui à la création au sein de l’Etat d’une « mission logiciel libre » dépendant du premier ministre, avec les moyens nécessaires et la volonté de travailler avec les acteurs de l’écosystème du logiciel libre, ses communautés et ses entreprises. Nous rejoignons en cela une des recommandations fortes du rapport du député Eric Bothorel sur « la politique publique de la donnée, des algorithmes et des codes sources », remis au premier ministre le 23 décembre 2020.
L’ouverture comme moteur d’innovation
Le logiciel libre (aussi appelé logiciel open source, c’est-à-dire couvert par des licences qui garantissent le droit de l’utiliser, de l’étudier, de le modifier et de le redistribuer librement) et l’ouverture des données sont deux enjeux majeurs du numérique moderne dont les administrations publiques prennent de plus en plus conscience.
En novembre 2020, la Commission européenne a rendu publique sa stratégie pour le logiciel libre. Celle-ci met clairement l’accent sur l’ouverture comme moteur d’innovation, d’autonomie numérique et de respect des citoyens et des utilisateurs. La Commission constate que l’open source permet à des organisations entières de facilement « se connecter de manière transparente au-delà des silos organisationnels et des frontières » pour améliorer l’efficacité de leurs processus.
Pour la Commission, les effets du paradigme d’ouverture de l’open source vont au-delà du logiciel, au point de « définir une vision pour encourager et exploiter le pouvoir de transformation, d’innovation et de collaboration de l’open source, ses principes et ses pratiques de développement ».
Intérêt du logiciel libre pour les administrations publiques
Plus récemment, en décembre 2020, le Conseil européen appelait dans sa Déclaration de Berlin à « promouvoir le développement, le partage et la réutilisation des normes, solutions et spécifications open source par-delà les frontières ». Enfin, la nomination par le président américain Joe Biden de David Recordon, un spécialiste de l’open source, au poste de directeur de la technologie de la Maison Blanche est un autre signe de l’intérêt que représente le logiciel libre pour les administrations publiques.