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Quel avenir pour le capitalisme libéral

Quel avenir pour le capitalisme libéral ?


par André Yché, Président du conseil de surveillance chez CDC Habitat qui se prête à l’exercice d’une « Lettre d’outre-tombe » de Schumpeter ( dans La Tribune)

Je vous l’avais bien dit ! Je reconnais bien volontiers l’apport plus ou moins important des quelques économistes, ou réputés tels, que la commune renommée se plait à ranger à mes côtés dans la « cour des grands » : mon ami Keynes, ou même Alvin Hansen dont la relative notoriété tient pour beaucoup aux fonctions qu’il a exercées auprès des Présidents Roosevelt et Truman, qui auraient gagné à mieux s’entourer alors que mes travaux me laissaient quelques loisirs ; mais j’avoue que sur une question importante, celle de l’hypothèse de « stagnation séculaire », il se peut bien qu’il ait eu raison, contre moi. Cette circonstance est suffisamment exceptionnelle pour mériter d’être soulignée.

Toutefois, en dépit de tous mes efforts d’objectivité et de modestie, force est de constater que ma contribution au progrès de la théorie économique est d’une tout autre ampleur, car je suis incontestablement le premier et, à ma connaissance, le seul, à avoir su intégrer la dimension institutionnelle, sociale et même politique dans les déterminants de l’évolution économique. En d’autres termes, j’ai transformé la matière économique, qui n’était pour mes collègues qu’une discipline comptable, en sciences sociales.

Et si, depuis quelques décennies, je m’intéresse de plus en plus au cas de votre pays, c’est qu’il me paraît illustrer parfaitement l’ensemble de mon cheminement intellectuel et, tout particulièrement, l’aboutissement développé dans mon dernier ouvrage « Capitalisme, socialisme et démocratie ». Trêve des préliminaires : pour vous convaincre, entrons de concert dans le vif du sujet.

Mes premiers travaux furent consacrés à ce qui, dans l’Entre-Deux-Guerres, était un grand sujet de préoccupation : les cycles économiques qui, depuis le début du XIX° siècle, frappaient de plus en plus durement les sociétés modernes, non pas au rythme, bien connu, des crises climatiques et agricoles, mais selon les règles mystérieuses de l’industrie et de la finance.
Pour nous en tenir à l’essentiel, l’idée d’une récurrence cyclique des périodes de croissance économique suivies de crises et de récessions est due à Clément Juglar qui identifie un cycle de 7 à 10 ans qui dicte son rythme à l’évolution économique, à partir de la grande crise de 1825 qui ébranle l’économie anglaise, mal remise des guerres napoléoniennes. L’origine réside, selon lui, dans une forme de « respiration » du crédit, excessif en période d’expansion et de hausse des prix, générant un mouvement inflationniste qui inquiète les marchés et les banques qui resserrent alors exagérément leurs conditions de prêt et suscitent ainsi une crise qui assainit l’économie en éliminant les « canards boiteux », avant de permettre à la croissance de redémarrer.

Explication séduisante, mais simpliste, qui ne justifiait en rien la « longue stagnation » entre 1873 et 1896 qui atteint successivement les économies développées, tant en Europe qu’aux États-Unis.
De telle sorte que me vint l’idée de coupler ce « cycle du crédit » à un autre mouvement cyclique de l’économie réelle provoqué par des vagues d’innovations survenant tous les demi-siècles : la première révolution industrielle, autour de la machine à vapeur ; la suivante, avec l’électricité et la chimie ; puis l’atome et les technologies de l’information, etc.
Je reprenais ainsi une idée formulée par un Russe, Kondratieff, qui contredisait tellement le discours idéologique stalinien sur l’ « Homme nouveau » et sur la construction d’un monde idéal que Staline l’avait envoyé mourir en Sibérie ; mais je l’enrichissais en énonçant le thème d’un cycle d’ « innovations en grappes » et je substituais à la vieille idée des économistes classiques d’un équilibre statique, celle d’un processus dynamique de balancement entre phases de croissance et de dépression, entrecoupées de périodes d’adaptation, c’est-à-dire de crises : il en résultait que le véritable ressort du capitalisme était celui de la « destruction créatrice » des technologies et productions obsolètes par de nouveaux produits et par de nouveaux « modus operandi ».
D’autres théories du cycle ont proliféré à cette époque ; notamment celle d’un cycle court de deux à trois années, dit « de Kitchin », lié au processus de stockage / déstockage de biens intermédiaires et de produits commerciaux : le seul à s’intéresser vraiment à ce concept fut Harry Truman que sa véritable profession de marchand de chaussures prédisposait à cette conception de l’économie !

C’est ainsi que j’ai présenté sous un jour nouveau la « grande stagnation » de 1873-1896, en l’expliquant par une combinaison des cycles Juglar et Kondratieff, ce qui constituait la première explication crédible de cette période. J’expliquais ainsi les phénomènes de rechute après reprise (« Double Dip »), provoqués, comme en 1937 aux États-Unis, par un resserrement brutal du crédit destiné à combattre un pic inflationniste. Tout ceci ne vous rappelle-t-il rien, dans l’actualité économique de votre époque ? Toutefois, je n’étais pas complètement satisfait par la distinction théorique que m’imposait mon propre raisonnement entre équilibre statique et dynamique économique, et les limites de mon approche sont apparues lors du débat qui m’a opposé dans les Années Trente à Alvin Hansen et aux frères Sweezy qui travaillaient en famille, ce qui eut été une bonne idée si la fratrie avait été plus nombreuse !

Bref, le débat, inspiré bien sûr par mon seul rival et ami, Lord Keynes, et docilement endossé par Alvin, portait sur le risque d’une stagnation séculaire, suscitée par l’attrition progressive des opportunités d’investissement rentable.

Je combattais et venais à bout de cette conception d’un retour à l’économie stationnaire en théorisant le rôle de l’entrepreneur dans une conception du capitalisme fondée sur la dynamique de la « destruction créatrice » et les « Trente Glorieuses » me donnèrent raison, sans me permettre de lever tout à fait, cependant, mes doutes personnels sur mes propres conclusions. Mais il arrive souvent que l’adhésion du plus grand nombre emporte la conviction apparente du prophète éclairé et dubitatif… Ce qui, néanmoins, me conduisit à réfléchir plus avant…
Au cours de mes travaux relatifs à la « longue stagnation », j’avais noté une dimension importante de la crise qui consistait dans le décalage temporel entre les différentes économies nationales, s’agissant des phases de crise et de récession, et j’en avais déduit l’importance des facteurs institutionnels et culturels dans le fonctionnement des marchés, qui demeurait surdéterminé par le poids de l’Histoire et des préférences politiques : la France, nation agricole et conservatrice, entrait plus tardivement en crise et subissait des chocs moins violents que les États-Unis ou même l’Angleterre.

Et j’en suis venu à la conclusion, énoncée dans mon dernier ouvrage, « Capitalisme, socialisme et démocratie » qu’une forme de lassitude finirait par saisir les classes moyennes et que par le simple jeu d’une démocratie d’opinion peu éclairée par des débats médiatiques de plus en plus superficiels et de moins en moins contradictoires, le capitalisme évoluerait vers une forme de socialisme, ou de social-démocratie dirigiste et centralisatrice dont votre pays me paraît fournir la meilleure illustration.

Le corollaire de cette transformation, c’est la disparition programmée de l’entrepreneur capitaliste, ferment de l’innovation, inexorablement remplacé par une génération d’administrateurs-gestionnaires, dépourvus de vision et d’ambition. C’est alors l’État qui prend le relais, prélevant l’essentiel de la richesse produite chaque année, endettant constamment la nation, régissant, dans les moindres détails tous les champs de la vie sociale et des existences privées ; en un mot, devenant de plus en plus omnipotent et simultanément impotent, du fait de l’inextricable réseau d’injonctions contradictoires dans lequel il s’enferme inexorablement. Et dans ce contexte nouveau, je crains fort qu’Alvin et ce diable de John Maynard n’aient eu finalement raison en prédisant le retour vers l’économie stationnaire, mouvement dans lequel votre pays sera, pour une fois, parmi les précurseurs, victime, dans bien des domaines, d’une « camarilla » de « Professeurs Lyssenko » ! Et pour ma part, reconnaissant mon erreur de diagnostic devant mes adversaires d’hier devenus mes partenaires de bridge d’aujourd’hui dans notre club très fermé, je boirai mon humiliation pour l’éternité, expiant, par votre faute, la condescendance teintée d’orgueil intellectuel dont mes contemporains m’ont parfois, et fort injustement, accusé.
Croyez en mon éternelle considération,
Joseph Aloïs Schumpeter

Analyse-«Bilan politique Giscard: libéral et interventionniste»

Analyse-«Bilan politique Giscard:  libéral et  interventionniste»

 

 

Jean-Marc Daniel, professeur d’économie à l’ESCP Europe, fait  le bilan politique de Giscard d’Estaing (dans l’Opinion)

Pour l’économiste Jean-Marc Daniel, les deux ancres libérales de Valéry Giscard d’Estaing furent l’équilibre des comptes publics et le refus d’un impôt sur la fortune.

 

Valéry Giscard d’Estaing a été le seul président de la Ve République à se revendiquer ouvertement libéral. L’était-il vraiment ?

Valéry Giscard d’Estaing était comme beaucoup de hauts fonctionnaires : libéral par principe et interventionniste par habitude. Il a voulu libéraliser l’économie, mais ses deux seules véritables ancres libérales ont été le retour systématique à l’équilibre budgétaire, y compris après le plan de relance de 1975, et le refus de l’impôt sur les grandes fortunes qui aurait pénalisé l’économie. Pour le reste, c’est un ministre des Finances qui a gardé le contrôle des prix et des salaires alors que son administration lui conseillait l’inverse. Il a refusé en 1967 la création de fonds de pension dans les ordonnances de réforme de la Sécurité sociale. Et il avait une vision plutôt conservatrice de l’entreprise. C’est lui qui a enterré le rapport Sudreau de 1975 qui, quarante ans avant le rapport Notat-Sénard, proposait déjà de renforcer la participation ou d’instaurer une forme de cogestion à l’allemande. Giscard était un inspecteur des finances, persuadé qu’il y a une sorte de raison et d’efficacité dans l’Etat.

Quand on lui demandait ce qu’était le « giscardisme », l’ancien Président répondait : « le libéralisme avancé ». Comment définir ce « libéralisme avancé » ?

Valéry Giscard d’Estaing le définit dans Démocratie française : « Une société démocratique moderne, libérale par la structure pluraliste de tous ses pouvoirs, avancée par un haut degré de performance économique, d’unification sociale et de développement culturel. » L’idée, c’est qu’il est possible de dégager en permanence une majorité centriste face aux extrêmes, notamment, pour Giscard, l’extrême-gauche. C’est aussi une attaque contre le conservatisme de De Gaulle. De Gaulle, dont Giscard, vexé après avoir été expulsé de la rue de Rivoli, dénonçait « l’exercice solitaire du pouvoir ». Le « libéralisme avancé » cumulait une composante économique et une réponse aux attentes de la société, qui ont débouché sur la légalisation de l’avortement, le divorce par consentement mutuel — pour lequel il s’est impliqué personnellement —, où bien encore la création d’un secrétariat d’Etat aux Femmes, où il nomma Françoise Giroud. J’ajouterai aussi la fin de l’ORTF pour introduire de la concurrence entre les chaînes et avoir une modalité d’expression plus en conformité avec les attentes de la société.

« Très contesté à ses débuts, le SME est finalement accepté, y compris par Mitterrand, qui le conforte en 1983. Il fut la condition pour créer l’union économique et monétaire »

Que reste-t-il de l’héritage industriel des années Giscard ?

Sur les grands projets industriels, Giscard s’est beaucoup mis dans les traces de ses prédécesseurs. Le développement du nucléaire, par exemple, est lancé par Pompidou et Mesmer. Ingénieur diplômé de l’Ecole polytechnique, il a toujours défendu l’importance du maintien d’une politique industrielle dont l’Etat, et lui-même, étaient l’incarnation. L’administration plaidait plutôt pour libéraliser à l’époque. Lui a gardé la logique des grands corps. Il s’est beaucoup impliqué dans le développement du téléphone. Il a lancé le TVG en 1975. Mais il a aussi stoppé certains grands projets, pas toujours pour le meilleur. Comme le « plan calcul », lancé par de Gaulle dans les années 1960, qui devait permettre à la France de produire ses propres ordinateurs, sans dépendre des Américains. Giscard a décidé de retirer le financement public de la Compagnie internationale pour l’informatique (CII), qui avait racheté Honeywell et Bull, juste au moment où l’on commençait à avoir des retombées positives. Parallèlement, il s’est laissé embarquer dans le minitel, « que le monde nous envie mais que personne n’achète », dira plus tard Mitterrand. Si l’Etat avait persévéré avec la CII, l’Internet que nous connaissons aujourd’hui serait peut-être plus français, plus européen.

L’euro et la Banque centrale européenne nous permettent aujourd’hui de nous endetter sans douleur. C’est aussi ça, l’héritage de Giscard ?

L’Europe a été le domaine où il a été le plus efficace. Au sommet de Brême de 1978, il crée avec le chancelier allemand Helmut Schmidt le système monétaire européen (SME) et l’Ecu, qui déboucheront un quart de siècle plus tard sur l’euro, qui nous a apporté une stabilité monétaire incontestablement. A Brême, on négocie jusqu’au dernier moment avec les Britanniques qui finalement refusent. Trois semaines plus tard se tient à Bonn un G7. France et Allemagne se mettent d’accord pour dire que pour le SME dure, il faut lutter contre l’inflation. Jimmy Carter ferme le débat en affirmant que « l’inflation est un outil » (« Inflation is a tool »). Le chancelier allemand ose reprendre la parole après le président américain pour réaffirmer la volonté européenne. Il se tourne alors vers Giscard pour chercher son soutien. Giscard s’est tu. Très contesté à ses débuts, le SME est finalement accepté, y compris par Mitterrand, qui le conforte en 1983. Il fut la condition pour créer l’union économique et monétaire.

«Son mandat est marqué par une hausse sensible des prélèvements, passés de 33,5 % à 39,4 % du PIB durant son mandat. En 1974, Giscard avait indiqué qu’“au-delà de 40 % de prélèvements obligatoires, nous basculerons dans le socialisme”»

Les années Giscard, ce sont aussi celles de l’entrée dans la crise après le premier choc pétrolier, les premiers déficits…

Après la relance de 1975, la France affiche un déficit de 2,75 % de son PIB. Raymond Barre remplace Jacques Chirac à Matignon et s’attaque au redressement des comptes publics. En 1980, il laisse une inflation de 13 % et deux millions de chômeurs (5,5 %), mais les comptes, au sens de Maastricht, sont rétablis. Le déficit de l’Etat est compensé par les excédents de la Sécu. Un équilibre qui a été atteint par une hausse sensible des prélèvements, passés de 33,5 % à 39,4 % du PIB durant son mandat. En 1974, Giscard avait indiqué qu’« au-delà de 40 % de prélèvements obligatoires, nous basculerons dans le socialisme ».

Valéry Giscard d’Estaing a-t-il laissé un héritage fiscal aux Français ?

Il a poursuivi la modernisation de la fiscalité française. Maurice Lauré a créé la TVA en 1954. Peu convaincu, Pierre Mendès France fait d’abord tester cette nouvelle taxe en Algérie. Quand il arrive aux Finances en 1959, Giscard, contre l’avis de son administration, qui appelle à la modération fiscale après la révolte poujadiste, impose la TVA en France. Il la fait même adopter au niveau européen. Il s’est aussi débarrassé de la patente pour la remplacer par la taxe professionnelle.

 

«Bilan politique Giscard: libéral et interventionniste»

 «Bilan politique Giscard:  libéral et  interventionniste»

 

 

Jean-Marc Daniel, professeur d’économie à l’ESCP Europe, fait  le bilan politique de Giscard d’Estaing (dans l’Opinion)

Pour l’économiste Jean-Marc Daniel, les deux ancres libérales de Valéry Giscard d’Estaing furent l’équilibre des comptes publics et le refus d’un impôt sur la fortune.

 

Valéry Giscard d’Estaing a été le seul président de la Ve République à se revendiquer ouvertement libéral. L’était-il vraiment ?

Valéry Giscard d’Estaing était comme beaucoup de hauts fonctionnaires : libéral par principe et interventionniste par habitude. Il a voulu libéraliser l’économie, mais ses deux seules véritables ancres libérales ont été le retour systématique à l’équilibre budgétaire, y compris après le plan de relance de 1975, et le refus de l’impôt sur les grandes fortunes qui aurait pénalisé l’économie. Pour le reste, c’est un ministre des Finances qui a gardé le contrôle des prix et des salaires alors que son administration lui conseillait l’inverse. Il a refusé en 1967 la création de fonds de pension dans les ordonnances de réforme de la Sécurité sociale. Et il avait une vision plutôt conservatrice de l’entreprise. C’est lui qui a enterré le rapport Sudreau de 1975 qui, quarante ans avant le rapport Notat-Sénard, proposait déjà de renforcer la participation ou d’instaurer une forme de cogestion à l’allemande. Giscard était un inspecteur des finances, persuadé qu’il y a une sorte de raison et d’efficacité dans l’Etat.

Quand on lui demandait ce qu’était le « giscardisme », l’ancien Président répondait : « le libéralisme avancé ». Comment définir ce « libéralisme avancé » ?

Valéry Giscard d’Estaing le définit dans Démocratie française : « Une société démocratique moderne, libérale par la structure pluraliste de tous ses pouvoirs, avancée par un haut degré de performance économique, d’unification sociale et de développement culturel. » L’idée, c’est qu’il est possible de dégager en permanence une majorité centriste face aux extrêmes, notamment, pour Giscard, l’extrême-gauche. C’est aussi une attaque contre le conservatisme de De Gaulle. De Gaulle, dont Giscard, vexé après avoir été expulsé de la rue de Rivoli, dénonçait « l’exercice solitaire du pouvoir ». Le « libéralisme avancé » cumulait une composante économique et une réponse aux attentes de la société, qui ont débouché sur la légalisation de l’avortement, le divorce par consentement mutuel — pour lequel il s’est impliqué personnellement —, où bien encore la création d’un secrétariat d’Etat aux Femmes, où il nomma Françoise Giroud. J’ajouterai aussi la fin de l’ORTF pour introduire de la concurrence entre les chaînes et avoir une modalité d’expression plus en conformité avec les attentes de la société.

« Très contesté à ses débuts, le SME est finalement accepté, y compris par Mitterrand, qui le conforte en 1983. Il fut la condition pour créer l’union économique et monétaire »

Que reste-t-il de l’héritage industriel des années Giscard ?

Sur les grands projets industriels, Giscard s’est beaucoup mis dans les traces de ses prédécesseurs. Le développement du nucléaire, par exemple, est lancé par Pompidou et Mesmer. Ingénieur diplômé de l’Ecole polytechnique, il a toujours défendu l’importance du maintien d’une politique industrielle dont l’Etat, et lui-même, étaient l’incarnation. L’administration plaidait plutôt pour libéraliser à l’époque. Lui a gardé la logique des grands corps. Il s’est beaucoup impliqué dans le développement du téléphone. Il a lancé le TVG en 1975. Mais il a aussi stoppé certains grands projets, pas toujours pour le meilleur. Comme le « plan calcul », lancé par de Gaulle dans les années 1960, qui devait permettre à la France de produire ses propres ordinateurs, sans dépendre des Américains. Giscard a décidé de retirer le financement public de la Compagnie internationale pour l’informatique (CII), qui avait racheté Honeywell et Bull, juste au moment où l’on commençait à avoir des retombées positives. Parallèlement, il s’est laissé embarquer dans le minitel, « que le monde nous envie mais que personne n’achète », dira plus tard Mitterrand. Si l’Etat avait persévéré avec la CII, l’Internet que nous connaissons aujourd’hui serait peut-être plus français, plus européen.

L’euro et la Banque centrale européenne nous permettent aujourd’hui de nous endetter sans douleur. C’est aussi ça, l’héritage de Giscard ?

L’Europe a été le domaine où il a été le plus efficace. Au sommet de Brême de 1978, il crée avec le chancelier allemand Helmut Schmidt le système monétaire européen (SME) et l’Ecu, qui déboucheront un quart de siècle plus tard sur l’euro, qui nous a apporté une stabilité monétaire incontestablement. A Brême, on négocie jusqu’au dernier moment avec les Britanniques qui finalement refusent. Trois semaines plus tard se tient à Bonn un G7. France et Allemagne se mettent d’accord pour dire que pour le SME dure, il faut lutter contre l’inflation. Jimmy Carter ferme le débat en affirmant que « l’inflation est un outil » (« Inflation is a tool »). Le chancelier allemand ose reprendre la parole après le président américain pour réaffirmer la volonté européenne. Il se tourne alors vers Giscard pour chercher son soutien. Giscard s’est tu. Très contesté à ses débuts, le SME est finalement accepté, y compris par Mitterrand, qui le conforte en 1983. Il fut la condition pour créer l’union économique et monétaire.

«Son mandat est marqué par une hausse sensible des prélèvements, passés de 33,5 % à 39,4 % du PIB durant son mandat. En 1974, Giscard avait indiqué qu’“au-delà de 40 % de prélèvements obligatoires, nous basculerons dans le socialisme”»

Les années Giscard, ce sont aussi celles de l’entrée dans la crise après le premier choc pétrolier, les premiers déficits…

Après la relance de 1975, la France affiche un déficit de 2,75 % de son PIB. Raymond Barre remplace Jacques Chirac à Matignon et s’attaque au redressement des comptes publics. En 1980, il laisse une inflation de 13 % et deux millions de chômeurs (5,5 %), mais les comptes, au sens de Maastricht, sont rétablis. Le déficit de l’Etat est compensé par les excédents de la Sécu. Un équilibre qui a été atteint par une hausse sensible des prélèvements, passés de 33,5 % à 39,4 % du PIB durant son mandat. En 1974, Giscard avait indiqué qu’« au-delà de 40 % de prélèvements obligatoires, nous basculerons dans le socialisme ».

Valéry Giscard d’Estaing a-t-il laissé un héritage fiscal aux Français ?

Il a poursuivi la modernisation de la fiscalité française. Maurice Lauré a créé la TVA en 1954. Peu convaincu, Pierre Mendès France fait d’abord tester cette nouvelle taxe en Algérie. Quand il arrive aux Finances en 1959, Giscard, contre l’avis de son administration, qui appelle à la modération fiscale après la révolte poujadiste, impose la TVA en France. Il la fait même adopter au niveau européen. Il s’est aussi débarrassé de la patente pour la remplacer par la taxe professionnelle.

 

Boris Johnson en soins intensifs, remplacé par un autre ultra libéral

Boris Johnson en soins intensifs, remplacé par un autre ultra libéral

Boris Johnson, en soins intensifs a demandé au ministre des Affaires étrangères Dominic Raab, 46 ans, d’assurer l’intérim à la tête de l’exécutif.

Le chef de la diplomatie britannique remplace donc Boris Johnson. Dominic Raab, ministre des Affaires étrangères, a été nommé par Downing Street pour remplacer le Premier ministre, ou tout du moins là où c’est « nécessaire », après que Boris Johnson a été placé en soins intensifs après avoir contracté le coronavirus.

Ancien avocat spécialisé en droit international, 3e dan de karaté marié et papa de deux garçons, l’ultra-libéral Dominic Raab, 46 ans, représente cette nouvelle génération de conservateurs au sein du Parlement britannique.

 

Boris Johnson a été testé positif au coronavirus le 26 mars dernier, ce qu’il a confirmé le lendemain, devenant ainsi le premier dirigeant d’une puissance majeure à annoncer qu’il est porteur du SARS-CoV-2.

« Le Premier ministre a demandé au ministre des Affaires étrangères Dominic Raab, qui est le Premier secrétaire d’Etat, d’assurer l’intérim », ajoute le texte, précisant que Boris Johnson est « toujours conscient ».

Selon Downing Street, le transfert de Boris Johnson en soins intensifs est « une précaution dans la mesure où le Premier ministre aurait besoin de ventilation respiratoire ».

Macron : portrait d’un « libéral » verbeux……..et monarchique

Macron : portrait d’un  libéral verbeux……..et monarchique

 

Les médias décrivent souvent Macron comme un expert, un intellectuel voire un visionnaire. Par parenthèses ce qu’on disait de Giscard d’Estaing au début de son mandat. Quand on examine un peu de près le parcours de Macron, rien ne se vérifie vraiment. En matière d’économie, Macron n’a aucune expérience ni même aucune formation, aucun diplôme. Son CV se réduit à  son passage chez Rothschild. Un  passage au demeurant très court et qui a surtout consisté à utiliser son carnet d’adresses pour réaliser des opérations financières. Un carnet d’adresses forcément utiles puisque tous les ministères et les cabinets ministériels sont noyautés par les énarques. Bref il a fait un court travail d’avocat d’affaires auxquels surtout pour faciliter  l’évitement réglementaire notamment fiscal.

Cette absence de compétence de l’économie ne l’empêche pas de pérorer sur le futur économique du pays le réduisant à une sorte de start-up de l’informatique : la fameuse formule de start-up nation qui ressemble à un slogan de chez Leclerc. Pour connaître l’économie réelle, il faut évidemment avoir exercé des responsabilités dans le monde de la production d et non dans le monde éthéré de la banque qui se consacre essentiellement aux activités de fusion et de placements spéculatifs. Macron n’est donc pas un expert, il n’en a ni l’expérience ni la formation.

Peut-on affirmer qu’il est cependant un intellectuel ? En réalité son parcours se résume surtout à l’ENA qui est à la pensée ce que McDo est à la gastronomie. Chacun sait qu’on apprend à peu près rien à l’ENA comme dans les instituts politiques qu’à fréquenté aussi Macron. Tout juste un peu de réglementations et surtout du marketing politique sur fond d’idéologie libérale. Bref beaucoup de bla-bla. Notons que Macron a échoué à deux reprises à l’école normale supérieure qui est d’un autre niveau intellectuel que l’ENA dont l’objet est surtout de former à la dialectique administrative pour ne pas répondre aux questions posées. Dans son CV Macron fait apparaître une formation en philosophie et sa proximité avec le philosophe Ricoeur voir d’autres. Des aspects très contestés.

Par contre, il connaît la langue française pour avoir réussi le concours général. Il sait parler, il ne s’en prive pas et inonde ses interlocuteurs; une sorte de diarrhée verbale qui tue en tout cas assomme l’auditeur. En matière de vision, Macron a des difficultés à définir son projet. Pas étonnant , il  limite un principe général de l’ultra libéralisme. En outre, Macron à picoré un peu partout, de gauche à droite. Il a commencé chez Chevènement, a continué au PS, il est devenu un proche de Hollande avant de tourner complètement vers les libéraux proches des républicains dont son premier ministre est toujours membre. C’est là qu’il trouve désormais sa base électorale depuis que la gauche qui a permis son élection l’a complètement abandonné ou presque. Faute de vision, l’ambition de Macron et surtout de s’inscrire dans une démarche monarchique espérant laisser trace  dans histoire comme Napoléon. Alors qu’il finira vraisemblablement comme Giscard. Brillant sur la forme mais  avec une pensée très creuse -finalement en contradiction totale entre une vision libérale- et une démarche théocratique à caractère monarchique. Une sorte d’imposture intellectuelle que le temps se charge de vérifier.

 

 

Macron : pas social et pas libéral ! (Jean-Marc Daniel )

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Un des chantres du libéralisme, l’économiste Jean-Marc dresse un drôle de bilan de l’action de Macron qu’il considère comme de moins en moins libéral et de moins en moins social. (Interview la tribune). En réalité  Macron soutient un  libéralisme de type orléaniste voire bonapartiste.

 

LA TRIBUNE - Emmanuel Macron a initié un grand nombre de réformes en seulement un an. Est-ce une rupture par rapport à ses prédécesseurs ?

JEAN-MARC DANIEL - Oui et non. Les ruptures furent bien plus marquantes en 1958 lors de l’arrivée au pouvoir de Charles de Gaulle, qui réforme les institutions, rééquilibre le budget et résout le problème de la guerre d’Algérie, ou encore en 1981 de François Mitterrand, qui assure une politique de relance keynésienne et des réformes du marché du travail qui vont déstabiliser l’économie française.

Emmanuel Macron s’inscrit davantage dans la continuité de François Hollande. En outre, son discours perd progressivement de sa cohérence. Quand il était ministre de l’Économie, il était centré sur l’avenir, défendait les idées libérales et la promotion de l’Europe. Là, il engage des procédures qui ne vont pas jusqu’à leur terme. Par exemple, il prépare l’avenir en réformant le marché du travail par ordonnances mais il ignore ce qu’il va faire sur l’Unedic. Il veut relancer l’activité en baissant la fiscalité sur le capital mais il maintient d’une certaine manière cette fiscalité avec l’IFI (Impôt sur la fortune immobilière). Il veut rééquilibrer les finances publiques mais il reporte la réduction du déficit structurel. En pratique, il reste à mi-chemin.

Sa méthode pour réformer relèverait donc davantage de la communication que d’un projet cohérent ? Que devrait-il faire pour mener à bien ces réformes ?

Il devrait s’inspirer des engagements signés en 2011 par Mario Monti lorsque l’Italie avait dû négocier avec la BCE un calendrier de réformes pour obtenir le rachat d’une partie de sa dette publique. Mario Monti avait choisi trois axes. Le premier était de redynamiser l’économie par la concurrence, notamment le marché du travail. Emmanuel Macron doit donc clarifier ce qu’il compte faire sur l’Unedic.

Le deuxième chantier est celui de la réduction du déficit budgétaire par la baisse des dépenses publiques. En ce moment, le déficit structurel augmente mais on ne le voit pas forcément car le déficit conjoncturel baisse. Et non seulement les dépenses publiques ne baissent pas mais on voit même apparaître des augmentations d’impôt alors qu’on a déjà une fiscalité ubuesque.

Le troisième chantier, c’est d’améliorer l’image du pays à l’international, notamment en précisant son projet européen qui en l’état n’est pas acceptable pour nos principaux partenaires.

Pourquoi ne s’attaque-t-il pas à la baisse des dépenses publiques ?

Parce que les propositions qui émanaient de Bercy ont failli se transformer en « catastrophe politique ». La première mesure, qui était la réduction du budget de la Défense, s’est soldée par la démission du général de Villiers. La seconde mesure, la baisse de cinq euros des APL, qui était une proposition qui ressortait de décisions antérieures et dont Bercy n’avait pas de raison particulière de se méfier, a provoqué un tollé.

Quand on s’attaque à la dépense publique, on remet en cause certains avantages. Si l’on veut réduire le nombre de fonctionnaires, il faut affronter les syndicats de la fonction publique. Pour l’instant, Emmanuel Macron teste à travers sa réforme de la SNCF le degré de réaction dans les secteurs les plus sensibles.

Les pensions de retraite peuvent également être une autre source d’économie. Elles représentent environ 14 % du PIB, soit le taux le plus important comparé à celui des autres pays de l’OCDE. Mais il a déjà sollicité les retraités en augmentant leur CSG. Aussi, on ne voit pas très bien ce qu’il veut faire pour réformer les retraites.

Il a évoqué dans son programme la suppression de 120. 000 postes de fonctionnaires sur le quinquennat. Est-ce réaliste ?

Oui, mais à deux conditions. La première, c’est qu’un effort ait été engagé dans le budget 2018, or cela n’a pas été le cas. On en a supprimé à peine 1 800. Cela pourrait être réaliste si l’on associait les collectivités locales à cette politique de réduction de postes. La deuxième est de réformer en profondeur le secteur de l’éducation, ce qui est une priorité au regard de son manque d’efficacité. On pourrait appliquer à l’université ce que l’on fait à la SNCF, en privatisant certaines universités et certaines fonctions. Les recrutements se font d’ailleurs déjà sur la base de non-fonctionnaires.

Il est reproché à Emmanuel Macron d’avoir favorisé par la fiscalité les ménages les plus aisés.

Cette critique est avant tout politicienne, et émane surtout de la gauche et de l’extrême gauche. Le président s’en est expliqué à plusieurs reprises. Car on ne peut pas dire d’une part que l’ISF pénalise la croissance, nombre de rapports ayant montré qu’il fait fuir les investisseurs et fait perdre plusieurs milliards d’euros de PIB, et d’autre part, lorsqu’il est supprimé, ou du moins réformé, dire : « Vous faites une politique pour les riches ». Si les 5 milliards d’euros de l’ISF avaient été gardés, ils auraient été finalement dépensés par l’État. La dépense publique « ruisselle » comme la dépense privée. Mais la logique de Macron n’est pas celle du ruissellement, il considère que certains entrepreneurs sont « les premiers de cordée ». S’ils partent à l’étranger, la croissance sera pénalisée. Ce n’est pas une politique pour les riches, mais pour ceux qui veulent devenir riches.

Ne sous-estime-t-il pas le poids des inégalités ?

Je ne crois pas. Ce reproche vient là aussi d’une gauche qui a changé de référent. La critique constante du système capitaliste, et de sa supposée inefficacité historique, a longtemps été justifiée par la pauvreté. Mais comme on vit dans une société où elle est moins criante qu’auparavant, même s’il y a des pauvres, la gauche estime que ce qui est grave, ce n’est pas d’être pauvre mais d’être plus pauvre que les autres. Or cette critique est portée par tous les mouvements de gauche à l’échelle mondiale. Sur ce point, Emmanuel Macron n’est pas plus coupable que n’importe quel autre gouvernement en place en ce moment.

Contrairement à François Hollande, Emmanuel Macron ne prend pas d’engagement en matière de baisse du chômage. Pourquoi ?

En raison du cycle économique. François Hollande savait que le retournement de la conjoncture économique allait intervenir durant son mandat, et favoriserait la baisse du chômage. Il avait calculé que le cycle se retournerait en 2015, et c’est pourquoi il disait : « ça va mieux ». La baisse significative n’est intervenue qu’au moment de sa potentielle réélection mais il n’a pas eu la capacité politique de tirer les bénéfices de l’évolution économique du cycle. Emmanuel Macron, lui, sait que cet effet va jouer contre lui. Le cycle devrait en effet se retourner aux alentours de 2019-2020 et le chômage recommence à augmenter à ce moment-là. Il ne peut pas jouer sur le cycle mais sur la croissance potentielle de long terme. Or, il n’est pas sûr que les mesures prises sur le marché du travail aient un impact suffisamment positif. Leur évaluation est complexe. Il vaut mieux ne pas prendre d’engagement.

Emmanuel Macron ne semble pas avoir convaincu Berlin avec ses propositions
sur l’Europe…

Il est confronté à plusieurs difficultés. Outre l’Allemagne, plusieurs dirigeants européens, comme le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, lui ont rappelé que la France ne respectait pas les traités. Avant de faire des propositions, Paris devrait commencer par réduire son déficit budgétaire pour être crédible aux yeux d’un certain nombre de voisins européens. Ainsi, les pays baltes, qui ont restructuré leur économie, jugent que la France ne fait aucun effort. Par ailleurs, les Allemands font un blocage définitif sur sa proposition d’un budget européen commun qui assurerait des transferts financiers des pays du Nord vers ceux du Sud. Pour eux, la solidarité européenne, en termes économique et monétaire, ne doit pas aller au-delà de l’acceptation de la politique menée par la BCE. En revanche, ils sont d’accord pour que l’Europe travaille sur des projets comme l’Europe de la défense ou d’autres domaines.

La France doit donc au préalable se mettre en conformité avec les traités européens pour que sa voix soit mieux entendue au niveau européen ?

Oui, ça améliorera sa position sur les plans politique et économique. L’enjeu n’est pas de sommer les Allemands de dépenser davantage mais plutôt de demander aux Français d’économiser plus, pour se conformer aux exigences européennes en matière de déficit. En réalité, le problème n’est pas l’excédent commercial extérieur de l’Allemagne, qui se fait de plus en plus hors de la zone euro, mais plutôt notre déficit commercial extérieur. Il traduit un déficit d’épargne, c’est-à-dire une distribution excessive de revenus, notamment sous la forme de revenus publics.

La réforme de la formation, avec les chantiers de l’apprentissage et de la formation professionnelle, d’une part, et la volonté de faire de la France un acteur important de l’intelligence artificielle, d’autre part, cela va-t-il dans le bon sens?

Oui, notamment la réforme de la formation professionnelle qui prévoit d’octroyer des droits monétaires et non des droits sous forme d’heures de formation. Et la mise en concurrence des organismes de formation permettra d’évaluer leur qualité. Aujourd’hui, on dépense de plus en plus d’argent pour la formation, à la fois continue et initiale, pour des résultats de plus en plus décevants. On répète qu’on résoudra le chômage par la formation, et plus on dépense plus le chômage augmente ! Il faut cesser de raisonner uniquement en termes de dépense. Cette réforme va donc dans le bon sens. Quant à la promotion de l’intelligence artificielle, l’idée d’en faire le vecteur d’une politique industrielle rénovée est fallacieuse. Il y a une nostalgie chez Emmanuel Macron de la politique industrielle. Lorsqu’il était ministre de l’Économie, il s’était montré très interventionniste et plutôt protectionniste sur les difficultés de la sidérurgie. Cela dit, la meilleure chose à faire pour favoriser l’émergence d’un secteur d’intelligence artificielle performant est de baisser l’impôt plutôt que de créer un fonds d’investissement public dédié à ce secteur.

La loi Pacte sur l’entreprise prend du retard. Que pensez-vous de l’approche qu’a Emmanuel Macron de l’entreprise ?

Le grand danger de la loi Pacte est que le président se soumette à une partie de sa majorité qui, au nom de la RSE, du débat environnemental, veut imposer de nouvelles contraintes aux entreprises. Je rappelle quand même que les entreprises ne gâchent pas systématiquement le paysage ni ne détruisent la nature, qu’elles ne pressurent pas leurs employés, ne serait-ce que parce que l’efficacité économique repose aussi sur l’image de marque, sur la façon dont on se comporte, et sur des ouvriers efficaces parce que bien payés. L’idée d’imposer par la loi des comportements qui s’imposent naturellement est dangereuse, parce qu’elle rend possible le contentieux. Cela s’est vérifié avec le Code civil au début du xixe siècle : on avait constaté que plus on légiférait, plus on créait de la chicane. Pour des raisons politiquement correctes, on risque donc au nom de la RSE de créer des difficultés pour les entreprises qui n’en ont pas vraiment besoin en ce moment. Et ce qu’il faut surtout éviter dans la loi Pacte, c’est la modification du Code civil. Sur ce point, le rapport Notat-Senard, même s’il reste prudent, va déjà trop loin.

On reproche à Emmanuel Macron une forme d’autoritarisme. Vous qui connaissez bien l’histoire économique, de quelle figure le rapprocheriez-vous ?

Le personnage qui me paraît le plus proche, c’est le Mendès France de 1954. Ce dernier arrive au pouvoir avec des propositions plutôt libérales, des idées claires, notamment celle consistant à lancer rapidement des réformes sur tous les secteurs. Mitterrand avait adopté cette démarche en 1981, redoutant l’installation dans la routine. Macron me fait également penser à Tony Blair, qui après avoir réformé durant les six premiers mois de son mandat, dit vouloir réfléchir. On a l’impression que Macron se trouve dans la même situation. Mais rappelons que Mendès France n’a pas eu le temps de digérer ses réformes et Mitterrand a été obligé d’en changer parce qu’elles étaient mauvaises.

Finalement, comment définiriez-vous le « macronisme »?

Au début, c’était du social-libéralisme, mais le problème aujourd’hui est qu’il devient de moins en moins social et de moins en moins libéral !

 

Macron : social démocrate ou libéral ? (Erwan Le Noan)

 » Macron : social démocrate ou libéral ? (Erwan Le Noan)

Dans une interview à la  La Tribune a interrogé Erwan Le Noan, Associé d’un cabinet de conseil, membre du conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique s’interroge sur la vraie  nature de  Macron, socail démocrate ou libéral. Deux typologies politiques que précisément Macron veut dépasser.

 

 

LA TRIBUNE.- Emmanuel Macron est devenu président de la République, est-ce le résultat de cette « France des opportunités » que vous décrivez dans votre livre ?

ERWAN LE NOAN.- Créer son propre mouvement politique et réussir, en à peine un an, à devenir à 39 ans le plus jeune président d’une puissance comme la France est une réelle performance électorale.

Mais je serais plus modéré à certains égards sur la signification de cette prouesse. D’abord il a bénéficié d’un contexte politique particulier qui a connu plusieurs rebondissements : la mise en examen du candidat des Républicains, le choix du candidat du Parti socialiste qui a profité au candidat d’extrême gauche, et l’affrontement au second tour avec la candidate du Front national. Ensuite, il faut constater qu’il n’a obtenu au premier tour que 24 % des suffrages exprimés, ce qui n’est pas un score très élevé pour un futur président. Sa base électorale est donc faible. Il va devoir la consolider aux élections législatives.

Je serais également plus modéré sur le message volontariste qu’il défend : Emmanuel Macron n’a jamais, pendant cette campagne, fait de constat clair sur ce qui a échoué. Il n’a pas désigné clairement les défaillances de l’Etat Providence. Il dit vouloir le rénover, mais il risque de l’aménager plutôt que de procéder à un changement réel.

Car Emmanuel Macron a en réalité une vision davantage social-démocrate que libérale. Il dit vouloir insuffler plus de libéralisme mais son modèle est celui des pays d’Europe du nord, le « modèle scandinave », qui a ses limites. Je ne suis pas nécessairement convaincu par la réussite de ce modèle là en France.

Parmi les premières mesures qu’Emmanuel Macron va prendre, il y a « la moralisation de la vie politique ». Une telle mesure peut-elle entraîner un changement du paysage politique ?

C’est en tous les cas symbolique de la refondation nécessaire d’un système politique bloqué. Le fait même que nous ayons un président âgé de 39 ans est un signal fort. Le fonctionnement des partis doit changer. C’est une nécessité pour Les Républicains, et aussi pour le Parti socialiste dont nombre d’élus pourraient rejoindre En Marche! En outre, la fin du cumul des mandats va participer à ce renouvellement d’élus à l’Assemblée nationale dont beaucoup sont présents dans la vie politique depuis 30 ans ! Nombre d’entre eux ont dit qu’ils se retiraient ou n’allaient garder qu’un mandat de maire.

Une partie des électeurs rejette la vision du monde du nouveau président, en particulier à l’égard de l’Europe et de la mondialisation. Comment Emmanuel Macron peut-il les convaincre ?

En effet, si on comptabilise le nombre des abstentionnistes, des bulletins blancs ou nuls et les voix de Marine Le Pen, Emmanuel Macron n’attire que 43,6% des inscrits, soit 20,75 millions d’électeurs. Comme certains sondages évaluent à près de 60 % les électeurs qui ont voté en sa faveur pour faire barrage au Front national, on peut considérer qu’à peine 9 millions d’électeurs adhèrent au projet, soit 19% des inscrits. Le nouveau président va donc devoir encore convaincre une majorité de Françaises et de Français. Si durant la campagne, il a défendu la nécessité d’imposer au pays des réformes, il n’a pas fourni suffisamment de détails pour se faire une véritable idée de leur contenu. En France, les gens se méfient des réformes qui les concernent car ils y voient souvent une attaque préjudiciable à leur statut actuel. Il est vrai que généralement les réformes produisent des effets négatifs immédiats tandis que les effets positifs mettent un certain temps à apparaître. Le nouveau président doit donc convaincre les Français qu’elles sont des opportunités pour les individus. C’est ce qu’il semble vouloir faire notamment pour le marché du travail, l’éducation et la formation continue. Ce qui rend d’ailleurs la gestion du calendrier des réformes délicate pour lui.

Il compte sur les entreprises pour relancer l’économie, et donc la création d’emplois. Ce qu’il propose vous semble-t-il aller dans le bon sens?

Sur ce point, il reprend des idées qui étaient souvent également contenues dans le programme de François Fillon, notamment la décentralisation des relations qui régissent les employeurs et les employés au niveau des entreprises. Il faut passer d’un modèle vertical à un modèle horizontal. Cela va dans le bon sens. Mais là encore, il faudra attendre de connaître tous les détails de cette réforme. Or cela dépendra étroitement de la composition de la majorité parlementaire qui va soutenir Emmanuel Macron. Sera-t-elle suffisamment libérale pour en finir avec la logique actuelle ? Sera-t-il au contraire contraint par sa Gauche, soit au sein d’En Marche! soit en dehors ? Car le risque est double : d’abord que cette réforme du marché du travail soit trop timide pour produire de réels effets, et ensuite que cette décentralisation soit accompagnée par un Etat paternaliste qui décidera à la place des entreprises de ce qui est bon pour elles.

(*) Erwan Le Noan « La France des opportunités. Toutes les bonnes nouvelles que l’on ne vous dit pas », éditions Les Belles Lettres/Manitoba, 214 pages, 21 euros.

Juppé : « Fillon, un libéral peu crédible »

Juppé : « Fillon, un libéral peu crédible »

C’est un Juppé très combatif qui s’exprime dans une interview au Parisien et qui souligne se différences tant en ce qui concerne sa démarche économique que sur se positions sociétales ou ses orientations de politique étrangère.

 

Le débat ce soir, c’est là que tout va se jouer ?

ALAIN JUPPÉ. C’est crucial, c’est l’occasion véritablement de comparer les projets. Les électeurs doivent voter en connaissance de cause. Entre nous, il y aura des convergences, mais surtout des différences, dont trois essentielles. La méthode de la réforme économique, d’abord. Il faut des réformes profondes et radicales, mais sans brutalité. La sécurité, ensuite, car les positions de François Fillon, notamment sur le renforcement des effectifs des forces de l’ordre, me semblent très insuffisantes. Enfin, la politique étrangère : je suis tout à fait ouvert à un dialogue avec la Russie, mais je pense qu’envisager une coalition entre la France, la Russie et l’Iran au Proche-Orient, c’est extraordinairement dangereux (NDLR : mercredi soir, Vladimir Poutine a salué en François Fillon un « grand professionnel »).

 

Le climat s’est tendu. Ce débat risque-t-il de tourner au pugilat ?

Je suis tout à fait serein. Je veux souligner nos différences pour que les électeurs se fassent leur opinion. Je parle des projets. Si on ne peut pas débattre des projets, à quoi bon débattre ? Je ne crains aucune question.

 

Faire le rapprochement entre François Fillon et l’extrême droite, ce n’est pas aller un peu loin ?

Je constate qu’il est soutenu par des personnalités d’extrême droite. On m’a tellement reproché d’être soutenu par François Bayrou ! Je me battrai pour dire qu’il y a deux sensibilités aujourd’hui. Une droite clivante et une droite de rassemblement. Je pense que la stratégie gagnante pour le premier tour de la présidentielle, c’est l’alliance de la droite et du centre.

 

Vous dénoncez le programme trop brutal de François Fillon. Son projet est-il dangereux ?

Ses mesures économiques ne sont pas réalisables et risquent de déstabiliser l’économie française. Supprimer 500 000 postes dans la fonction publique, ce n’est pas tenable. Il y aura dans les cinq prochaines années 550 000 départs à la retraite et peut-être moins si nous décalons le départ de l’âge à la retraite à 65 ans, donc ce sera plutôt 500 000 départs. Cela veut dire que pendant cinq ans, il n’y aura aucun nouveau policier, aucune nouvelle infirmière, aucun nouveau professeur. Ça ne peut pas se faire. Ne pas créer de poste de policiers aujourd’hui, ce n’est pas sérieux !

 

François Fillon assume son programme radical et dit que vous êtes un peu mou…

Comme vous le voyez, il ne m’attaque jamais ! (Rire.) Et il paraît que c’est moi qui suis désagréable…

 

Comment qualifiez-vous vos relations avec lui ?

Elles sont amicales et elles sont anciennes. Il a commencé la politique avant moi. Il a été élu pour la première fois en 1981 et moi en 1983. Nous avons eu des parcours différents, moi j’étais chiraquien, lui séguiniste. Il a été mon ministre, j’ai été son ministre. Ce n’est pas une question de relation personnelle. Mais de projets.

 

L’attaquer sur l’IVG, était-ce vraiment nécessaire ?

Je ne l’ai pas attaqué, j’ai demandé une précision. A écouter ses proches, je ne devrais poser aucune question. Je suis très heureux de la clarification qu’il a apportée. C’est un sujet d’une extrême gravité parce qu’une femme ne prend jamais ce genre de décision à la légère. Il avait changé son discours à un moment donné, il était utile qu’il s’explique.

 

Votre charge a été mal perçue, y compris dans votre propre camp…

Mais elle a aussi été extrêmement bien perçue par une grande majorité de femmes !

 

François Fillon a dit que vous étiez « tombé bien bas »…

S’est-il manifesté une seule fois quand on m’a qualifié de salafiste et d’antisémite sur Internet avant le premier tour ? J’ai été l’objet d’une campagne calomnieuse et anonyme sur les réseaux sociaux. Et il ne s’en est pas ému, je ne l’ai jamais entendu là-dessus. On parle du Fillon bashing, mais le Juppé bashing, c’est quelque chose que je connais aussi !

 

La pilule ne passe pas ?

Oui, cette campagne était dégueulasse. J’aurais bien aimé que François Fillon s’en émeuve. C’est dégueulasse quand on m’accuse d’antisémitisme ou de complaisance avec les islamistes. Au début, j’ai pris ces calomnies par le mépris, mais je le regrette aujourd’hui. Car contrairement à ce que j’ai pu penser, ça a eu un impact sur l’élection. Ça m’a fait beaucoup de tort.

 

C’est-à-dire ?

Cela m’a fait incontestablement perdre des voix. J’ai même eu des témoignages dans les files d’attente des bureaux de vote. Les gens disaient que j’étais proche des Frères musulmans et donc qu’ils allaient voter Fillon ! Donc, je n’ai pas de leçon à recevoir sur la hauteur ou la bassesse des campagnes électorales.

 

Votre femme Isabelle est montée sur scène mardi soir à Toulouse pour défendre votre candidature. C’est la première fois. Pourquoi ?

Quand on est candidat à l’Elysée, il est bien évident qu’on le fait en couple. Le rôle de mon épouse est essentiel, la stabilité d’un couple, c’est important. C’est le rôle qu’a eu Michelle Obama auprès de son mari, on l’a vu aussi chez nous avec Carla Sarkozy, Pénélope Fillon, Brigitte Macron… Avec M. Hollande, c’est un peu plus compliqué.

 

Vous aviez promis que vous seriez calme dans cette campagne, « le bonze de Bordeaux ». Vous perdez vos nerfs ?

Vous trouvez que j’ai l’air énervé ? François Fillon me trouve mou, il faudrait savoir ! Depuis deux ans, mes déclarations sont passées au crible et c’est normal. Je ne vois pas pourquoi il n’en serait pas de même pour tout le monde.

 

Le score de François Fillon comme la cote de popularité d’Emmanuel Macron disent quand même que la France d’aujourd’hui est très libérale…

Et je ne suis pas libéral, moi ? Il est impossible que M. Macron, qui est responsable de la politique économique depuis 2012, soit plus libéral que moi ! Quand j’ai publié mon livre « Cinq Ans pour l’emploi », tout le monde a même écrit que j’étais hyper-libéral. Ça me fait juste rigoler tout ça ! Moi je suis libéral, efficace et réaliste. Il y a des libéraux irréalistes et pas crédibles.

 

Manifestement, vous ne dites pas comme votre adversaire qu’il y a « un problème avec l’islam »…

Je ne suis pas d’accord. Il y a un problème avec les déviances de l’islam, c’est différent. Je serai inflexible avec les islamistes qui refusent les lois de la République.




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