Archive pour le Tag 'l’hubris'

L’hubris de Musk qui menace la démocratie

L’hubris de Musk qui menace la démocratie

L’hubris des dirigeants est souvent mis en cause quand des dysfonctionnements surviennent. Mais de quoi parle-t-on précisément ? Comment s’en prémunir individuellement, et protéger les entreprises mais aussi la démocratie ?

par Valérie Petit
Full Professor in Management, ESSCA School of Management dans The Conversation

Huit cents milliards de capitalisation boursière à Wall Street perdus et un recul de 50 % à 80 % des ventes de véhicules : c’est le bilan catastrophique de Tesla ces trois derniers mois. C’est aussi, possiblement, le chiffrage le plus précis de l’hubris d’Elon Musk depuis que ce dernier a pris ses quartiers au cœur du pouvoir politique américain. Si cet effondrement surprend les commentateurs et les investisseurs, en revanche, il n’étonne guère les chercheurs en gestion qui, depuis près de trente ans, se sont attachés à mesurer le coût de l’hubris du dirigeant pour son entreprise.

C’est en 1986 que Richard Roll, professeur de finance à Caltech, au cœur de la Silicon Valley, publie les premiers travaux sur l’hubris du dirigeant. À l’époque, il tente d’expliquer pourquoi certains CEO paient trop cher certaines acquisitions. Après avoir épuisé toutes les explications habituelles, il finit par conclure qu’une partie du surcoût peut être imputée à l’égo du dirigeant et à la perte, par celui-ci, du sens de la mesure : c’est ce que Roll nomme l’hypothèse d’hubris. À sa suite, de nombreux travaux en gestion souligneront l’impact négatif de l’hubris du dirigeant sur les choix stratégiques et la performance financière de leurs entreprises. Dans les années 2000, la révélation de scandales tels qu’Enron, Lehman Brothers ou encore Vivendi Universal, donnant à voir la combinaison dramatique de l’égo, de la mauvaise gestion voire de la corruption placera définitivement le risque d’hubris du dirigeant à l’agenda des scientifiques et des parties prenantes. Mais comment mesurer et prévenir ce risque ?

La chose est compliquée, car il faut d’abord définir ce qu’est l’hubris ; or, le terme fait moins référence à un concept qu’à un ensemble de mythes mettant en scène l’arrogance et l’insolence funestes de l’homme face aux dieux. On pense au mythe d’Icare qui, méprisant les conseils de son père, vole trop près du soleil pour finir dans la mer, mais aussi à celui de Phaéton, qui, tenant à conduire le char du dieu Soleil à la place de son père Apollon, met le feu aux nuages.

Dans l’Antiquité, l’hubris est considérée comme un crime. Pour Platon : « Quand déraisonnablement, un désir nous entraîne vers les plaisirs et nous gouverne, ce gouvernement reçoit le nom d’hybris ». Et Aristote de préciser le plaisir qu’y trouve celui qui en souffre :

« La cause du plaisir ainsi ressenti par l’individu faisant preuve d’hybris est qu’il se considère lui-même très supérieur aux autres lorsqu’il les maltraite. »

À Rome, Suétone brosse le portrait des 12 césars, ces hommes qui disposent d’un pouvoir tellement grand que leur psyché s’en trouve altérée. L’histoire retiendra plutôt la folie de Néron que la modération de Marc Aurèle. Deux mille ans plus tard, les historiens parleront de « césarite », la maladie des césars, pour désigner cette maladie du pouvoir absolu, souvent résumée par la phrase de Lord Acton : « Le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu corrompt absolument. » L’idée que le pouvoir rend fou s’ancre définitivement dans la croyance populaire.

Mais comment scientifiquement mesurer cela ? Et surtout comment distinguer dans cette « folie » ce qui appartient à l’individu en propre (par exemple, un trouble de la personnalité narcissique) et ce qui relève des effets du pouvoir auquel il est exposé ?

Les premières tentatives de mesure de l’hubris du dirigeant peuvent prêter à sourire : occurrence du pronom « je » dans les discours du dirigeant, taille de sa photo dans le rapport annuel… les chercheurs mobilisent des mesures très approximatives. Par ailleurs, la clarté conceptuelle n’est pas toujours au rendez-vous : sous le label « hubris » se retrouvent des notions pourtant distinctes telles que le narcissisme (un trouble de la personnalité), la surconfiance (un biais cognitif) ou l’orgueil (un vice). En 2009, la recherche connaît un tournant. Lord David Owen, médecin psychiatre et ancien ministre des affaires étrangères britannique, propose un tableau clinique du syndrome d’hubris, regroupant 14 items diagnostiques. Parmi ceux-ci, on retrouve :

des aspects du narcissisme (il affiche une confiance excessive dans son propre jugement et le mépris pour les conseils ou les critiques des autres),

de l’asocialité (il perd le contact avec la réalité, souvent associée à une isolation progressive),

de l’histrionisme (quand les choses tournent mal, il continue d’afficher une grande confiance en soi et ignore les « détails » ou « l’intendance » qui ne suit pas),

enrichie de quelques items originaux (il utilise le « nous » en lieu et place du « je », il se croit le seul qualifié éternellement pour son poste).

En 2012, nous avons transposé ce tableau au contexte de la direction d’entreprise et de l’hubris du dirigeant en décrivant les comportements d’hubris des dirigeants à trois niveaux :

le rapport à soi (style communicationnel théâtral et égocentré, décisions stratégiques hasardeuses, stratégie irréaliste et ambition démesurée, enracinement au pouvoir et incapacité à transmettre le pouvoir),

le rapport aux autres (management destructeur incluant agression, harcèlement, menace, intimidation, refus de toute critique, absence d’empathie pour les salariés)

et le rapport au monde (manquement à l’éthique, contestation de l’autorité de la loi, du marché, de la justice, refus de prendre la responsabilité).

Comment contenir l’hubris ?

Ces travaux recensaient les principaux symptômes de l’hubris (en termes de comportements). Restait la question que tout le monde se pose : quelle est l’origine de cette maladie du pouvoir ? Pourquoi certains leaders tombent-ils malades et d’autres pas ? Comment éviter la contagion et surtout quels gestes barrières mettre en place pour prévenir les ravages individuels, économiques et politiques de l’hubris des leaders ?

À lire aussi : Du populisme de plateforme au populisme politique : Elon Musk change d’échelle

Récemment, nous avons commencé à formuler des hypothèses radicalement nouvelles sur ce qu’est réellement l’hubris, cette maladie du pouvoir. Pour ce faire, partant de la citation de Lord John Acton (« Le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu corrompt absolument »), nous nous sommes concentrés non pas sur les comportements associés à l’hubris (les symptômes), mais sur la nature même de l’intoxication par le pouvoir de la psyché et des comportements du dirigeant (la maladie). Qu’est-ce qui dans le pouvoir nous corrompt ?

Le pouvoir, une maladie ?

Notre hypothèse s’appuie y compris sur l’expérience politique de l’auteure qui, lors d’un mandat parlementaire de 5 ans, a pu observer et ressentir les effets du pouvoir sur la psyché des leaders. Partant de ce récit auto-ethnographique, nos travaux récents formulent plusieurs propositions pour mieux comprendre et prévenir le risque d’hubris.

Premièrement, l’hubris est bien un syndrome (comme le burn-out), lié aux conditions de travail particulières (l’exercice du pouvoir), qui débute et qui cesse avec l’exposition du dirigeant au pouvoir. En conséquence, la meilleure solution pour prévenir et guérir l’hubris est d’éloigner le dirigeant du pouvoir ou de disperser, encadrer ou partager celui-ci.

Deuxièmement, l’hubris n’est pas la combinaison d’autres troubles (narcissique, asocial, paranoïaque, histrionique, schizotypique), de traits psychologiques (égocentrisme, manque d’empathie, surconfiance) ou encore de comportements dysfonctionnels (violence, agressivité, théâtralité, harcèlement), mais l’intoxication de ceux-ci par le pouvoir. Ainsi, un dirigeant narcissique pourra dire : « Je suis le plus génial entrepreneur que la tech a jamais connu. » S’il souffre d’hubris, il dira plutôt : « Mon entreprise est la meilleure car j’en suis le dirigeant ; sans moi aux manettes, elle n’est rien. »

L’intoxication par le pouvoir résulte d’une relation dysfonctionnelle du leader au pouvoir : lui et le pouvoir ne font plus qu’un, ils fusionnent. Mais là où, par arrogance, le dirigeant croit posséder le pouvoir, c’est en réalité celui-ci qui le possède, faisant de lui son agent, sa créature entièrement dédiée à son culte qu’il confond avec le culte de lui-même. Celui qui prend alors volontiers des postures de dominant dans ses relations avec autrui et le monde vit en réalité, au plus profond de lui, une soumission et une aliénation complète au pouvoir. En conséquence, on ne luttera pas contre l’hubris en se focalisant sur la personnalité ou les comportements du dirigeant, mais en questionnant sa relation (et la nôtre) avec le pouvoir et sa nature addictive et aliénante.

Troisièmement, pour expliquer l’emprise du pouvoir sur l’individu, il faut comprendre la nature particulière de ses effets corrupteurs. Nous faisons l’hypothèse que la relation du dirigeant au pouvoir relève de la sacralisation, et que la nature de sa relation intime avec celui-ci peut être qualifiée de numineuse. Pris dans les filets du pouvoir, sidérée et émotionnellement débordé, le dirigeant est tel un mystique. Ainsi, dans cet univers soi-disant profane de l’entreprise, le sacré et l’irrationnel ressurgissent dans la relation intime, souvent tue, du dirigeant au pouvoir. Continuer à ignorer l’importance de la relation au pouvoir ou en refouler la dimension irrationnelle et spirituelle est l’un des facteurs les plus évidents du risque d’hubris.

Peut-on guérir de l’hubris ?
Alors que faire pour éviter aux dirigeants et aux entreprises de succomber à l’hubris ?
Une voie individuelle consisterait pour le dirigeant à méditer chaque jour sur le pouvoir et sa relation, sa place, ses effets. C’est ce que fit l’empereur Marc-Aurèle dans ses méditations et qui lui permit d’échapper à la césarite

Une voie institutionnelle consisterait à renforcer les mécanismes de gouvernance d’entreprise favorisant le turnover et le partage des fonctions au sommet des entreprises.

Une voie collective enfin questionnerait notre responsabilité dans cette culture idolâtre du pouvoir qui rend possible la sacralisation et, in fine, l’intoxication par le pouvoir. Ceci supposerait notamment d’en finir avec le mythe du charisme (il nous faut un individu exceptionnel, hors norme, quitte à hériter d’un hors la loi), le mythe de l’incarnation nécessaire (il est l’âme/l’incarnation de l’entreprise, vous comprenez) ou encore l’essentialisation de la direction (les dirigeants, vous savez, ils sont différents, plus agressifs, narcissiques, il faut faire avec).

Ajoutés à une saine obsession de la dispersion du pouvoir, ces quelques gestes barrières contre une culture toxique du pouvoir sont plus que jamais nécessaires face à ce nouveau risque systémique pour les entreprises et les démocraties.

La médecine, complices et victime de l’hubris technoscientifique

La médecine, complices et victime de l’hubris technoscientifique

 

A l’heure où la question de la sobriété s’impose dans la société, les professionnels doivent aussi faire l’examen de leurs pratiques, affirme le professeur de santé publique Bruno Falissard, dans une tribune au « Monde ». La techno-médecine pourrait bien être un mirage.

Une réflexion utile quand on constate le développement exponentiel des techniques et spécialités médicales,  Le plus souvent utiles mais parfois prescrites de manière un peu précipitée sans vraie considération de leur coût et de leur intérêt NDLR 

 

L’heure est à la critique de notre société du « toujours plus ». Toujours plus loin, toujours plus vite, toujours plus de technologie, pour quel résultat ? Une catastrophe à venir, nous sommes tous au courant. Curieusement, la médecine a échappé à cette critique du « toujours plus », elle en est même un contre-exemple patent. C’est en effet l’accélération vertigineuse de la production des travaux scientifiques et des innovations techniques de ces dernières décennies qui a rendu possibles l’IRM ou les biothérapies. Or comment penser, aujourd’hui, la neurologie sans imagerie cérébrale par résonance magnétique, ou le traitement des cancers et des maladies inflammatoires sans anticorps monoclonaux ? La médecine est le meilleur alibi de l’hubris technoscientifique.

Oui, mais voilà, cela nous a rendus accros. Dans l’espoir utopique de pouvoir vaincre la mort et la souffrance par la puissance sans limite de notre science, nous tous, médecins, patients, autorités de santé, politiques… nous enivrons du flot ininterrompu des découvertes que les biotechs se plaisent à annoncer à grands fracas. Et l’ivresse conduit parfois à l’absurde : un diagnostic posé sans être étayé par une liste de résultats d’examens complémentaires savants est devenu un diagnostic suspect ; le dernier traitement mis sur le marché est devenu de facto le meilleur, au même titre que le dernier téléphone portable. Il est grand temps d’arrêter cette folie.

Oui, il est possible de poser un diagnostic sans recourir à des examens complémentaires, c’est même le cas le plus fréquent en dermatologie ou en psychiatrie. Et pourtant cela surprend souvent, car au-delà de la fascination pour la technomédecine, tout concourt à pousser à la prescription de bilans paracliniques. L’obligation de moyens faite au médecin, la judiciarisation croissante du monde du soin ou, encore, l’autonomisation des patients à partir des connaissances disponibles en ligne. Il existe également des raisons plus subtiles, plus profondes. Le recours à la haute technicité est parfois un simple mécanisme de défense contre l’angoisse associée au risque consubstantiel à tout acte médical. Et pourquoi ne pas évoquer également la jouissance non coupable d’user du pouvoir de prescrire d’un simple trait de plume un traitement ou un bilan sanguin sophistiqué coûtant de 10 à 100 fois le prix de la consultation ?

Concernant les nouveaux traitements, si leur réelle plus-value en termes d’efficacité peut souvent être discutée, en réalité, le vrai problème concerne leur prix. Régulièrement, la Commission d’évaluation économique et de santé publique (CEESP) de la Haute Autorité de santé (HAS) pointe le caractère défavorable du rapport coût/efficacité des produits de santé qu’elle évalue, en particulier des nouveaux anticancéreux. Ces traitements peuvent avoir un intérêt clinique, mais leur coût dépasse souvent largement les 100 000 euros par patient ce qui, de l’avis de la CEESP, « interroge sur l’acceptabilité collective ». Pourquoi payons-nous ces produits si chers ? Du fait de leur efficacité et de la gravité des maladies concernées ? A priori, non, car les modèles médico-économiques en tiennent compte. Plus vraisemblablement, parce que ces nouveaux traitements sont fascinants de par les savoirs et les technologies qu’ils mobilisent. Cela conduit à un réel problème d’équité sanitaire : toutes choses égales par ailleurs, les patients pouvant bénéficier de traitements sophistiqués bénéficieront de plus de ressources de la solidarité nationale que ceux nécessitant des soins « humains », considérés comme moins prestigieux.

L’hubris, ennemi mortel de Poutine

 L’hubris, ennemi mortel de Poutine

Ce délire d’orgueil et de toute-puissance naissant d’un pouvoir sans partage a pris, de nos jours, la signification d’un excès de narcissisme, qui n’a plus grand-chose à voir avec son sens mythologique originel et son issue nécessairement tragique.

Par Elisabeth Roudinesco(Historienne et collaboratrice du « Monde des livres »)

Histoire d’une notion.

 

L’hubris (ou hybris, traduit par « démesure »), est une notion qui, dans la Grèce antique, renvoie à des attitudes excessives : passion, orgueil, outrage, crime, transgression. Autant dire que ce terme s’oppose à tempérance et raison (logos). L’homme qui s’adonne à la démesure se condamne lui-même pour avoir défié les dieux. En conséquence, l’hubris est inséparable de Némésis, déesse de la vengeance, chargée de punir celui qui s’est livré à une telle ivresse, quelle qu’en soit la forme. Mais les choses ne sont pas si simples, puisque l’homme grec atteint de démesure est aussi la victime d’un destin – la moïra – qui impose à chacun de tenir sa place dans l’univers et de respecter sa part de bien et de mal, de fortune et d’infortune. Et l’on sait que rares sont les héros capables d’une telle sagesse, bien ennuyeuse. Autrement dit, l’hubris va de pair avec l’idée que l’histoire humaine – c’est-à-dire l’Histoire – est tragique, le sujet étant condamné à restreindre son hubris, sous peine de destruction, tout en étant inconscient de ce que l’Histoire fait de lui.

Œdipe, le roi de Thèbes, atteint de démesure après avoir vaincu la Sphynge, est le prototype du héros tragique, contraint de découvrir que, sans le savoir, il est une « souillure », qui a tué son père et épousé sa mère. Une fois la vérité révélée, il obéira à son destin (moïra) en se crevant les yeux (nemesis). Il deviendra la victime expiatoire – ou le remède (pharmakos) –, nécessaire à une purification de la cité. La démesure conduit donc à l’anéantissement de soi. Et l’on comprend pourquoi Freud s’est saisi de cette histoire pour relancer, au début du XXe siècle, l’idée que la condition humaine est tragique : chaque sujet est tributaire de son inconscient (le destin) et c’est de la prise de conscience de ce qui lui échappe que découle sa plus haute liberté. Freud a voulu penser les tragédies de son temps, en montrant que la pulsion de mort, force primaire (ubris), a pour antidote l’accès à la civilisation (logos et kultur) qui permet de la sublimer.

En 1979, Raymond Aron a rappelé, lui aussi, à propos de Valéry Giscard d’Estaing, qu’un chef d’Etat a beau être intelligent et instruit, il échoue dès lors qu’il imagine pouvoir régler tous les conflits en oubliant que l’Histoire lui échappe : on peut donc être atteint d’hubris, autant en se livrant à la folie de la domination qu’à la conviction de pouvoir la régenter par une illusoire maîtrise rationnelle de toutes les situations. Autrement dit, pour prendre un exemple dans l’actualité, face à un dictateur (Vladimir Poutine), dont la logique paranoïaque est imparable parce qu’il se pense le sauveur d’une « sainte Russie », menacée par des nazis et des homosexuels occidentalisés, aucune négociation n’est possible. Cela veut dire que si l’on continue à lui parler, pour des raisons diplomatiques, encore faut-il ne pas être soi-même atteint d’un excès de narcissisme qui laisserait croire qu’on pourrait le ramener à la raison. Il ne peut rien entendre de cet ordre, puisqu’il vit dans un monde parallèle : celui d’héritier du tsar Nicolas Ier libérant Berlin en 1945.

 

Finances: Un vaccin contre l’hubris des marchés ?

Finances: Un vaccin contre l’hubris des marchés ?

Un article de Philippe Mudry dans l’Opinion (Extrait) qui recadre l’optimisme des marchés

Tandis que le monde reste englué dans la pandémie, les marchés donnent une nouvelle preuve de leur irrépressible propension à l’oubli et à l’hubris. La grande crise financière de 2007-2008 et les multiples soubresauts qui ont suivi ? Oubliés ! Le célébrissime krach des valeurs technologiques qui avait ouvert le siècle ? Effacé !

Les indices peuvent monter jusqu’au ciel, finalement, et pulvérisent un peu partout leurs plus hauts niveaux historiques. Le CAC40 n’est qu’à un souffle du sien, établi le 4 septembre 2000, au seuil des 7 000 points. Chacun se reportera à sa boule de cristal habituelle pour savoir si la fête touche ou non à sa fin, en constatant tout de même que les marchés donnent bien d’autres signes d’un dynamisme apparemment inépuisable.

Parmi ceux-ci, les fusions et acquisitions (M&A), ces opérations financières dans lesquelles maints patrons charismatiques ont trouvé gloire et profits, et tant d’autres leur Roche Tarpéienne en lieu et place de leur Capitole. Avec près de 4 000 milliards de valeurs de transactions déjà réalisées à fin août dans tous les secteurs d’activité, selon le spécialiste des données Refinitiv, l’année 2021 paraît déjà assurée de renvoyer aux oubliettes de l’histoire l’année 2007 – encore ! – qui détient l’actuel record avec 4 300 milliards.

Avec des cours de Bourses au zénith et des taux au plus bas, qui permettent de payer les acquisitions en actions comme en dette, et fort d’une reprise qui s’affirme au moment où révolutions numérique et climatique imposent aux entreprises de se régénérer, les circonstances sont exceptionnelles. Difficile pour un patron d’y résister.

L’effervescence financière ambiante ne doit pas se traduire par une envolée excessive des rémunérations des cadres dirigeants

 Pourtant, aux niveaux de valorisations actuelles, les survaleurs inscrites au bilan de l’acheteur risquent de devenir fort indigestes en cas de retournement ! Pour un chef d’entreprise, garder la tête froide dans un tel environnement reste un devoir. Encore faut-il que leurs critères salariaux ne les poussent pas au crime, à grands coups de stock-options par exemple, comme c’est encore souvent le cas, notamment aux Etats-Unis.

Ainsi, le bonus de 47 millions de dollars (38 millions d’euros) promis au PDG de General Electric, Larry Culp, alors même que le groupe est en pleine restructuration, vend des actifs et supprime des emplois à tour de bras, fait-il scandale outre-Atlantique, tant il ressemble trop à une « prime à la casse ». Ne pas passer par-dessus les moulins les fameux critères « environnementaux, sociaux et de gouvernance » dans la bataille des M&A est un impératif que le capitalisme doit s’imposer s’il ne veut pas voir ressurgir contre lui les procès du passé.

 

Un vaccin contre l’hubris des marchés ?

Un vaccin contre l’hubris des marchés ?

Un article de Philippe Mudry dans l’Opinion (Extrait) qui recadre l’optimisme des marchés

Tandis que le monde reste englué dans la pandémie, les marchés donnent une nouvelle preuve de leur irrépressible propension à l’oubli et à l’hubris. La grande crise financière de 2007-2008 et les multiples soubresauts qui ont suivi ? Oubliés ! Le célébrissime krach des valeurs technologiques qui avait ouvert le siècle ? Effacé !

Les indices peuvent monter jusqu’au ciel, finalement, et pulvérisent un peu partout leurs plus hauts niveaux historiques. Le CAC40 n’est qu’à un souffle du sien, établi le 4 septembre 2000, au seuil des 7 000 points. Chacun se reportera à sa boule de cristal habituelle pour savoir si la fête touche ou non à sa fin, en constatant tout de même que les marchés donnent bien d’autres signes d’un dynamisme apparemment inépuisable.

Parmi ceux-ci, les fusions et acquisitions (M&A), ces opérations financières dans lesquelles maints patrons charismatiques ont trouvé gloire et profits, et tant d’autres leur Roche Tarpéienne en lieu et place de leur Capitole. Avec près de 4 000 milliards de valeurs de transactions déjà réalisées à fin août dans tous les secteurs d’activité, selon le spécialiste des données Refinitiv, l’année 2021 paraît déjà assurée de renvoyer aux oubliettes de l’histoire l’année 2007 – encore ! – qui détient l’actuel record avec 4 300 milliards.

Avec des cours de Bourses au zénith et des taux au plus bas, qui permettent de payer les acquisitions en actions comme en dette, et fort d’une reprise qui s’affirme au moment où révolutions numérique et climatique imposent aux entreprises de se régénérer, les circonstances sont exceptionnelles. Difficile pour un patron d’y résister.

L’effervescence financière ambiante ne doit pas se traduire par une envolée excessive des rémunérations des cadres dirigeants

 Pourtant, aux niveaux de valorisations actuelles, les survaleurs inscrites au bilan de l’acheteur risquent de devenir fort indigestes en cas de retournement ! Pour un chef d’entreprise, garder la tête froide dans un tel environnement reste un devoir. Encore faut-il que leurs critères salariaux ne les poussent pas au crime, à grands coups de stock-options par exemple, comme c’est encore souvent le cas, notamment aux Etats-Unis.

Ainsi, le bonus de 47 millions de dollars (38 millions d’euros) promis au PDG de General Electric, Larry Culp, alors même que le groupe est en pleine restructuration, vend des actifs et supprime des emplois à tour de bras, fait-il scandale outre-Atlantique, tant il ressemble trop à une « prime à la casse ». Ne pas passer par-dessus les moulins les fameux critères « environnementaux, sociaux et de gouvernance » dans la bataille des M&A est un impératif que le capitalisme doit s’imposer s’il ne veut pas voir ressurgir contre lui les procès du passé.

 




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