Archive pour le Tag 'l’hubris'

La médecine, complices et victime de l’hubris technoscientifique

La médecine, complices et victime de l’hubris technoscientifique

 

A l’heure où la question de la sobriété s’impose dans la société, les professionnels doivent aussi faire l’examen de leurs pratiques, affirme le professeur de santé publique Bruno Falissard, dans une tribune au « Monde ». La techno-médecine pourrait bien être un mirage.

Une réflexion utile quand on constate le développement exponentiel des techniques et spécialités médicales,  Le plus souvent utiles mais parfois prescrites de manière un peu précipitée sans vraie considération de leur coût et de leur intérêt NDLR 

 

L’heure est à la critique de notre société du « toujours plus ». Toujours plus loin, toujours plus vite, toujours plus de technologie, pour quel résultat ? Une catastrophe à venir, nous sommes tous au courant. Curieusement, la médecine a échappé à cette critique du « toujours plus », elle en est même un contre-exemple patent. C’est en effet l’accélération vertigineuse de la production des travaux scientifiques et des innovations techniques de ces dernières décennies qui a rendu possibles l’IRM ou les biothérapies. Or comment penser, aujourd’hui, la neurologie sans imagerie cérébrale par résonance magnétique, ou le traitement des cancers et des maladies inflammatoires sans anticorps monoclonaux ? La médecine est le meilleur alibi de l’hubris technoscientifique.

Oui, mais voilà, cela nous a rendus accros. Dans l’espoir utopique de pouvoir vaincre la mort et la souffrance par la puissance sans limite de notre science, nous tous, médecins, patients, autorités de santé, politiques… nous enivrons du flot ininterrompu des découvertes que les biotechs se plaisent à annoncer à grands fracas. Et l’ivresse conduit parfois à l’absurde : un diagnostic posé sans être étayé par une liste de résultats d’examens complémentaires savants est devenu un diagnostic suspect ; le dernier traitement mis sur le marché est devenu de facto le meilleur, au même titre que le dernier téléphone portable. Il est grand temps d’arrêter cette folie.

Oui, il est possible de poser un diagnostic sans recourir à des examens complémentaires, c’est même le cas le plus fréquent en dermatologie ou en psychiatrie. Et pourtant cela surprend souvent, car au-delà de la fascination pour la technomédecine, tout concourt à pousser à la prescription de bilans paracliniques. L’obligation de moyens faite au médecin, la judiciarisation croissante du monde du soin ou, encore, l’autonomisation des patients à partir des connaissances disponibles en ligne. Il existe également des raisons plus subtiles, plus profondes. Le recours à la haute technicité est parfois un simple mécanisme de défense contre l’angoisse associée au risque consubstantiel à tout acte médical. Et pourquoi ne pas évoquer également la jouissance non coupable d’user du pouvoir de prescrire d’un simple trait de plume un traitement ou un bilan sanguin sophistiqué coûtant de 10 à 100 fois le prix de la consultation ?

Concernant les nouveaux traitements, si leur réelle plus-value en termes d’efficacité peut souvent être discutée, en réalité, le vrai problème concerne leur prix. Régulièrement, la Commission d’évaluation économique et de santé publique (CEESP) de la Haute Autorité de santé (HAS) pointe le caractère défavorable du rapport coût/efficacité des produits de santé qu’elle évalue, en particulier des nouveaux anticancéreux. Ces traitements peuvent avoir un intérêt clinique, mais leur coût dépasse souvent largement les 100 000 euros par patient ce qui, de l’avis de la CEESP, « interroge sur l’acceptabilité collective ». Pourquoi payons-nous ces produits si chers ? Du fait de leur efficacité et de la gravité des maladies concernées ? A priori, non, car les modèles médico-économiques en tiennent compte. Plus vraisemblablement, parce que ces nouveaux traitements sont fascinants de par les savoirs et les technologies qu’ils mobilisent. Cela conduit à un réel problème d’équité sanitaire : toutes choses égales par ailleurs, les patients pouvant bénéficier de traitements sophistiqués bénéficieront de plus de ressources de la solidarité nationale que ceux nécessitant des soins « humains », considérés comme moins prestigieux.

L’hubris, ennemi mortel de Poutine

 L’hubris, ennemi mortel de Poutine

Ce délire d’orgueil et de toute-puissance naissant d’un pouvoir sans partage a pris, de nos jours, la signification d’un excès de narcissisme, qui n’a plus grand-chose à voir avec son sens mythologique originel et son issue nécessairement tragique.

Par Elisabeth Roudinesco(Historienne et collaboratrice du « Monde des livres »)

Histoire d’une notion.

 

L’hubris (ou hybris, traduit par « démesure »), est une notion qui, dans la Grèce antique, renvoie à des attitudes excessives : passion, orgueil, outrage, crime, transgression. Autant dire que ce terme s’oppose à tempérance et raison (logos). L’homme qui s’adonne à la démesure se condamne lui-même pour avoir défié les dieux. En conséquence, l’hubris est inséparable de Némésis, déesse de la vengeance, chargée de punir celui qui s’est livré à une telle ivresse, quelle qu’en soit la forme. Mais les choses ne sont pas si simples, puisque l’homme grec atteint de démesure est aussi la victime d’un destin – la moïra – qui impose à chacun de tenir sa place dans l’univers et de respecter sa part de bien et de mal, de fortune et d’infortune. Et l’on sait que rares sont les héros capables d’une telle sagesse, bien ennuyeuse. Autrement dit, l’hubris va de pair avec l’idée que l’histoire humaine – c’est-à-dire l’Histoire – est tragique, le sujet étant condamné à restreindre son hubris, sous peine de destruction, tout en étant inconscient de ce que l’Histoire fait de lui.

Œdipe, le roi de Thèbes, atteint de démesure après avoir vaincu la Sphynge, est le prototype du héros tragique, contraint de découvrir que, sans le savoir, il est une « souillure », qui a tué son père et épousé sa mère. Une fois la vérité révélée, il obéira à son destin (moïra) en se crevant les yeux (nemesis). Il deviendra la victime expiatoire – ou le remède (pharmakos) –, nécessaire à une purification de la cité. La démesure conduit donc à l’anéantissement de soi. Et l’on comprend pourquoi Freud s’est saisi de cette histoire pour relancer, au début du XXe siècle, l’idée que la condition humaine est tragique : chaque sujet est tributaire de son inconscient (le destin) et c’est de la prise de conscience de ce qui lui échappe que découle sa plus haute liberté. Freud a voulu penser les tragédies de son temps, en montrant que la pulsion de mort, force primaire (ubris), a pour antidote l’accès à la civilisation (logos et kultur) qui permet de la sublimer.

En 1979, Raymond Aron a rappelé, lui aussi, à propos de Valéry Giscard d’Estaing, qu’un chef d’Etat a beau être intelligent et instruit, il échoue dès lors qu’il imagine pouvoir régler tous les conflits en oubliant que l’Histoire lui échappe : on peut donc être atteint d’hubris, autant en se livrant à la folie de la domination qu’à la conviction de pouvoir la régenter par une illusoire maîtrise rationnelle de toutes les situations. Autrement dit, pour prendre un exemple dans l’actualité, face à un dictateur (Vladimir Poutine), dont la logique paranoïaque est imparable parce qu’il se pense le sauveur d’une « sainte Russie », menacée par des nazis et des homosexuels occidentalisés, aucune négociation n’est possible. Cela veut dire que si l’on continue à lui parler, pour des raisons diplomatiques, encore faut-il ne pas être soi-même atteint d’un excès de narcissisme qui laisserait croire qu’on pourrait le ramener à la raison. Il ne peut rien entendre de cet ordre, puisqu’il vit dans un monde parallèle : celui d’héritier du tsar Nicolas Ier libérant Berlin en 1945.

 

Finances: Un vaccin contre l’hubris des marchés ?

Finances: Un vaccin contre l’hubris des marchés ?

Un article de Philippe Mudry dans l’Opinion (Extrait) qui recadre l’optimisme des marchés

Tandis que le monde reste englué dans la pandémie, les marchés donnent une nouvelle preuve de leur irrépressible propension à l’oubli et à l’hubris. La grande crise financière de 2007-2008 et les multiples soubresauts qui ont suivi ? Oubliés ! Le célébrissime krach des valeurs technologiques qui avait ouvert le siècle ? Effacé !

Les indices peuvent monter jusqu’au ciel, finalement, et pulvérisent un peu partout leurs plus hauts niveaux historiques. Le CAC40 n’est qu’à un souffle du sien, établi le 4 septembre 2000, au seuil des 7 000 points. Chacun se reportera à sa boule de cristal habituelle pour savoir si la fête touche ou non à sa fin, en constatant tout de même que les marchés donnent bien d’autres signes d’un dynamisme apparemment inépuisable.

Parmi ceux-ci, les fusions et acquisitions (M&A), ces opérations financières dans lesquelles maints patrons charismatiques ont trouvé gloire et profits, et tant d’autres leur Roche Tarpéienne en lieu et place de leur Capitole. Avec près de 4 000 milliards de valeurs de transactions déjà réalisées à fin août dans tous les secteurs d’activité, selon le spécialiste des données Refinitiv, l’année 2021 paraît déjà assurée de renvoyer aux oubliettes de l’histoire l’année 2007 – encore ! – qui détient l’actuel record avec 4 300 milliards.

Avec des cours de Bourses au zénith et des taux au plus bas, qui permettent de payer les acquisitions en actions comme en dette, et fort d’une reprise qui s’affirme au moment où révolutions numérique et climatique imposent aux entreprises de se régénérer, les circonstances sont exceptionnelles. Difficile pour un patron d’y résister.

L’effervescence financière ambiante ne doit pas se traduire par une envolée excessive des rémunérations des cadres dirigeants

 Pourtant, aux niveaux de valorisations actuelles, les survaleurs inscrites au bilan de l’acheteur risquent de devenir fort indigestes en cas de retournement ! Pour un chef d’entreprise, garder la tête froide dans un tel environnement reste un devoir. Encore faut-il que leurs critères salariaux ne les poussent pas au crime, à grands coups de stock-options par exemple, comme c’est encore souvent le cas, notamment aux Etats-Unis.

Ainsi, le bonus de 47 millions de dollars (38 millions d’euros) promis au PDG de General Electric, Larry Culp, alors même que le groupe est en pleine restructuration, vend des actifs et supprime des emplois à tour de bras, fait-il scandale outre-Atlantique, tant il ressemble trop à une « prime à la casse ». Ne pas passer par-dessus les moulins les fameux critères « environnementaux, sociaux et de gouvernance » dans la bataille des M&A est un impératif que le capitalisme doit s’imposer s’il ne veut pas voir ressurgir contre lui les procès du passé.

 

Un vaccin contre l’hubris des marchés ?

Un vaccin contre l’hubris des marchés ?

Un article de Philippe Mudry dans l’Opinion (Extrait) qui recadre l’optimisme des marchés

Tandis que le monde reste englué dans la pandémie, les marchés donnent une nouvelle preuve de leur irrépressible propension à l’oubli et à l’hubris. La grande crise financière de 2007-2008 et les multiples soubresauts qui ont suivi ? Oubliés ! Le célébrissime krach des valeurs technologiques qui avait ouvert le siècle ? Effacé !

Les indices peuvent monter jusqu’au ciel, finalement, et pulvérisent un peu partout leurs plus hauts niveaux historiques. Le CAC40 n’est qu’à un souffle du sien, établi le 4 septembre 2000, au seuil des 7 000 points. Chacun se reportera à sa boule de cristal habituelle pour savoir si la fête touche ou non à sa fin, en constatant tout de même que les marchés donnent bien d’autres signes d’un dynamisme apparemment inépuisable.

Parmi ceux-ci, les fusions et acquisitions (M&A), ces opérations financières dans lesquelles maints patrons charismatiques ont trouvé gloire et profits, et tant d’autres leur Roche Tarpéienne en lieu et place de leur Capitole. Avec près de 4 000 milliards de valeurs de transactions déjà réalisées à fin août dans tous les secteurs d’activité, selon le spécialiste des données Refinitiv, l’année 2021 paraît déjà assurée de renvoyer aux oubliettes de l’histoire l’année 2007 – encore ! – qui détient l’actuel record avec 4 300 milliards.

Avec des cours de Bourses au zénith et des taux au plus bas, qui permettent de payer les acquisitions en actions comme en dette, et fort d’une reprise qui s’affirme au moment où révolutions numérique et climatique imposent aux entreprises de se régénérer, les circonstances sont exceptionnelles. Difficile pour un patron d’y résister.

L’effervescence financière ambiante ne doit pas se traduire par une envolée excessive des rémunérations des cadres dirigeants

 Pourtant, aux niveaux de valorisations actuelles, les survaleurs inscrites au bilan de l’acheteur risquent de devenir fort indigestes en cas de retournement ! Pour un chef d’entreprise, garder la tête froide dans un tel environnement reste un devoir. Encore faut-il que leurs critères salariaux ne les poussent pas au crime, à grands coups de stock-options par exemple, comme c’est encore souvent le cas, notamment aux Etats-Unis.

Ainsi, le bonus de 47 millions de dollars (38 millions d’euros) promis au PDG de General Electric, Larry Culp, alors même que le groupe est en pleine restructuration, vend des actifs et supprime des emplois à tour de bras, fait-il scandale outre-Atlantique, tant il ressemble trop à une « prime à la casse ». Ne pas passer par-dessus les moulins les fameux critères « environnementaux, sociaux et de gouvernance » dans la bataille des M&A est un impératif que le capitalisme doit s’imposer s’il ne veut pas voir ressurgir contre lui les procès du passé.

 




L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol