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Société-Simplification administrative : l’éternelle promesse

Simplification administrative : l’éternelle promesse

 

Un collectif, emmené par le philosophe Gaspard Koenig, souligne, dans une tribune au « Monde », les injustices générées par la complexité des lois et de l’administration et appelle à une réforme radicale de la gouvernance étatique française.

 

 

Tribune. 

 

Les tracas administratifs sont aussi vieux que l’Etat. Au XVIe siècle, Montaigne se plaignait déjà qu’il y ait davantage de lois en France que dans le reste du monde. Tocqueville faisait de la « tutelle administrative » le trait commun entre l’Ancien Régime et la Révolution. Pompidou se plaignait du « réseau complexe des règles et des principes ».

Aujourd’hui, selon le secrétariat général du gouvernement, le volume du droit consolidé en vigueur est de 84 619 articles législatifs et de 233 048 articles réglementaires. Il est surtout en inflation permanente, dûment chiffrée et déplorée par le Conseil d’Etat dans ses rapports réguliers sur le sujet. La multiplication des autorités locales épaissit le brouillard. Nul n’est censé ignorer la loi, mais, aujourd’hui, nul ne peut comprendre sa logique.

Le constat est bien connu, et les gouvernements successifs mettent en place des commissions de simplification aussi bien intentionnées qu’impuissantes. Travail de Sisyphe, noble mais vain, tant est irrésistible la force d’inertie de la machine à produire de la norme, alimentée par des chefs de bureau zélés et des législateurs bavards. Les élites politico-médiatiques délaissent avec la même régularité qu’elles le dénoncent ce sujet fastidieux, qui ne les trouble guère à titre personnel : quand on vit dans les clous, quand on peut compter sur ses relations pour débrouiller les situations délicates, quand on a les moyens de s’offrir un expert-comptable ou un juriste spécialisé, la complexité se limite à une irritante paperasserie.

Tel n’est pas le cas sur le terrain. Artisans en crise de nerfs face aux formulaires Cerfa, allocataires sociaux renonçant à leurs droits faute de dossier complet, entrepreneurs découragés par l’interminable chaîne des décideurs, bénévoles associatifs devenus professionnels de la demande de subvention, agriculteurs transformés en fonctionnaires de la PAC, contribuables égarés dans le dédale du code fiscal, parents de handicapés mortifiés par les certificats médicaux à renouveler chaque année, femmes divorcées otages de leur nom d’épouse sur leurs papiers, familles empêchées de construire une cabane dans leur jardin, maires ruraux pénalement responsables d’un code de l’urbanisme illisible, électeurs perdus dans le millefeuille territorial, citoyens submergés de sigles et d’acronymes, tous menacent de décrocher, s’ils n’ont pas déjà renoncé à l’Etat de droit en se bricolant un statut bancal dans les interstices d’un système devenu fou.

Simplification administrative : l’éternelle promesse

Simplification administrative : l’éternelle promesse

 

Un collectif, emmené par le philosophe Gaspard Koenig, souligne, dans une tribune au « Monde », les injustices générées par la complexité des lois et de l’administration et appelle à une réforme radicale de la gouvernance étatique française.

 

 

Tribune. 

 

Les tracas administratifs sont aussi vieux que l’Etat. Au XVIe siècle, Montaigne se plaignait déjà qu’il y ait davantage de lois en France que dans le reste du monde. Tocqueville faisait de la « tutelle administrative » le trait commun entre l’Ancien Régime et la Révolution. Pompidou se plaignait du « réseau complexe des règles et des principes ».

Aujourd’hui, selon le secrétariat général du gouvernement, le volume du droit consolidé en vigueur est de 84 619 articles législatifs et de 233 048 articles réglementaires. Il est surtout en inflation permanente, dûment chiffrée et déplorée par le Conseil d’Etat dans ses rapports réguliers sur le sujet. La multiplication des autorités locales épaissit le brouillard. Nul n’est censé ignorer la loi, mais, aujourd’hui, nul ne peut comprendre sa logique.

Le constat est bien connu, et les gouvernements successifs mettent en place des commissions de simplification aussi bien intentionnées qu’impuissantes. Travail de Sisyphe, noble mais vain, tant est irrésistible la force d’inertie de la machine à produire de la norme, alimentée par des chefs de bureau zélés et des législateurs bavards. Les élites politico-médiatiques délaissent avec la même régularité qu’elles le dénoncent ce sujet fastidieux, qui ne les trouble guère à titre personnel : quand on vit dans les clous, quand on peut compter sur ses relations pour débrouiller les situations délicates, quand on a les moyens de s’offrir un expert-comptable ou un juriste spécialisé, la complexité se limite à une irritante paperasserie.

Tel n’est pas le cas sur le terrain. Artisans en crise de nerfs face aux formulaires Cerfa, allocataires sociaux renonçant à leurs droits faute de dossier complet, entrepreneurs découragés par l’interminable chaîne des décideurs, bénévoles associatifs devenus professionnels de la demande de subvention, agriculteurs transformés en fonctionnaires de la PAC, contribuables égarés dans le dédale du code fiscal, parents de handicapés mortifiés par les certificats médicaux à renouveler chaque année, femmes divorcées otages de leur nom d’épouse sur leurs papiers, familles empêchées de construire une cabane dans leur jardin, maires ruraux pénalement responsables d’un code de l’urbanisme illisible, électeurs perdus dans le millefeuille territorial, citoyens submergés de sigles et d’acronymes, tous menacent de décrocher, s’ils n’ont pas déjà renoncé à l’Etat de droit en se bricolant un statut bancal dans les interstices d’un système devenu fou.

Simplification administrative : l’éternelle promesse

Simplification administrative : l’éternelle promesse

 

Un collectif, emmené par le philosophe Gaspard Koenig, souligne, dans une tribune au « Monde », les injustices générées par la complexité des lois et de l’administration et appelle à une réforme radicale de la gouvernance étatique française.

 

 

Tribune. 

 

Les tracas administratifs sont aussi vieux que l’Etat. Au XVIe siècle, Montaigne se plaignait déjà qu’il y ait davantage de lois en France que dans le reste du monde. Tocqueville faisait de la « tutelle administrative » le trait commun entre l’Ancien Régime et la Révolution. Pompidou se plaignait du « réseau complexe des règles et des principes ».

Aujourd’hui, selon le secrétariat général du gouvernement, le volume du droit consolidé en vigueur est de 84 619 articles législatifs et de 233 048 articles réglementaires. Il est surtout en inflation permanente, dûment chiffrée et déplorée par le Conseil d’Etat dans ses rapports réguliers sur le sujet. La multiplication des autorités locales épaissit le brouillard. Nul n’est censé ignorer la loi, mais, aujourd’hui, nul ne peut comprendre sa logique.

Le constat est bien connu, et les gouvernements successifs mettent en place des commissions de simplification aussi bien intentionnées qu’impuissantes. Travail de Sisyphe, noble mais vain, tant est irrésistible la force d’inertie de la machine à produire de la norme, alimentée par des chefs de bureau zélés et des législateurs bavards. Les élites politico-médiatiques délaissent avec la même régularité qu’elles le dénoncent ce sujet fastidieux, qui ne les trouble guère à titre personnel : quand on vit dans les clous, quand on peut compter sur ses relations pour débrouiller les situations délicates, quand on a les moyens de s’offrir un expert-comptable ou un juriste spécialisé, la complexité se limite à une irritante paperasserie.

Tel n’est pas le cas sur le terrain. Artisans en crise de nerfs face aux formulaires Cerfa, allocataires sociaux renonçant à leurs droits faute de dossier complet, entrepreneurs découragés par l’interminable chaîne des décideurs, bénévoles associatifs devenus professionnels de la demande de subvention, agriculteurs transformés en fonctionnaires de la PAC, contribuables égarés dans le dédale du code fiscal, parents de handicapés mortifiés par les certificats médicaux à renouveler chaque année, femmes divorcées otages de leur nom d’épouse sur leurs papiers, familles empêchées de construire une cabane dans leur jardin, maires ruraux pénalement responsables d’un code de l’urbanisme illisible, électeurs perdus dans le millefeuille territorial, citoyens submergés de sigles et d’acronymes, tous menacent de décrocher, s’ils n’ont pas déjà renoncé à l’Etat de droit en se bricolant un statut bancal dans les interstices d’un système devenu fou.




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