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Crise de l’État : ne pas faire porter le chapeau aux préfets

Crise de l’État : ne pas faire porter le chapeau aux préfets

 

Pierre Allorant Professeur d’histoire du droit estime dans le Monde que supprimer les préfets revient à livrer en pâture à l’opinion ces généralistes de l’action publique et à lever un précieux garde-fou contre de possibles choix discrétionnaires. (Reste que les préfets n’ont pas non plus fait preuve d’une grande originalité et d’un grand dynamisme notamment en matière d’animation économique. Les préfets s’inscrivent davantage dans un profil administratif que dans celui d’un manager NDLR)

 

Après l’Ecole nationale d’administration (ENA), livrée en pâture à des « gilets jaunes » probablement indifférents, et la stigmatisation, par le président de la République, de la « protection à vie » de la nouvelle aristocratie des grands corps – avis d’expert –, voici venu le temps du sacrifice du corps préfectoral, cette incarnation de l’Etat dans les départements depuis 221 ans.

 

Les observateurs de la IVe République avaient relevé le contraste entre l’instabilité gouvernementale chronique et la constance des grands commis de l’Etat, pour estimer que la reconstruction et les bases des « trente glorieuses » avaient été posées par ces serviteurs de qualité. Aujourd’hui, en une sorte de roulette russe préprésidentielle, le président de la République, garant des institutions, semble vouloir jeter le bébé de la haute fonction publique avec l’eau du bain d’une démocratie fracassée par l’atomisation de la gauche et la perte de repères de la droite.

Souvent décriée, l’institution préfectorale reste indispensable à la diffusion égalitaire de la volonté gouvernementale sur le territoire national. Mais préfets et sous-préfets ont souffert, depuis deux siècles, d’un péché originel : leur filiation bonapartiste.

Nés de la volonté du Premier Consul, ils ont été régulièrement voués aux gémonies, tantôt de la droite ultra-monarchiste (en 1815), tantôt des républicains zélés, de la révolution de février 1848 à la Libération, en passant par le réquisitoire libéral du jeune Jules Ferry. Ce dernier, en soutenant, en 1865, le « Manifeste de Nancy » [programme pour la décentralisation écrit par dix-neuf notables lorrains contestant l’autorité des préfets sur les communes], considérait l’autorité préfectorale comme « issue en droite ligne des Césars de la décadence ».

 

De nombreuses propositions de loi, sous la IIIe République, ont attaqué, sous l’angle budgétaire, les sous-préfets, jugés trop nombreux et peu affairés ; le seul sacrifice mené à terme a conduit Raymond Poincaré à supprimer une centaine d’arrondissements en 1926, en pleine crise du franc.

Pourtant, très vite, à chaque changement constitutionnel, les nouveaux pouvoirs publics se sont contentés de renouveler les membres du corps préfectoral, indispensables généralistes de l’action publique, ou de les rebaptiser « commissaires » en préservant l’institution, si utile pour administrer l’Hexagone et appliquer uniformément lois et actes réglementaires : d’où le pragmatisme de Louis XVIII lors des deux Restaurations, les commissaires de la République choisis par George Sand et Ledru-Rollin en 1848, ou encore les commissaires de la République du gouvernement provisoire du général de Gaulle sélectionnés par le jeune Michel Debré en 1944.

La littérature française encore inspirée par le Nouveau Roman

La littérature française encore inspirée  par le Nouveau Roman 

L’essayiste et critique,  Tiphaine Samoyault   évoque Dans le Monde la postérité et l’actualité du mouvement littéraire.

 

 

On doit à l’essayiste et critique littéraire Tiphaine Samoyault la biographie de Roland Barthes (Seuil, 2015), dont le parcours a accompagné le Nouveau Roman. Elle estime qu’on peut repérer plus de continuités que de ruptures entre ce courant et la littérature contemporaine.


Le Nouveau Roman est-il un « astre mort » ou exerce-t-il encore une influence sur la littérature actuelle ?

La littérature française demeure profondément travaillée par le Nouveau Roman. On lui reproche le soupçon qu’il a fait peser sur le genre du roman lui-même. Mais l’autofiction ou la littérature documentaire sont dans le droit-fil de ce soupçon. Cette méfiance ne lui était d’ailleurs pas propre, mais reprenait un héritage du surréalisme, de Breton, de Valéry ou de Proust… On pourrait imaginer que Nathalie Sarraute rompt en 1983 avec le Nouveau Roman quand elle écrit Enfanceun texte de souvenirs [Gallimard].

En réalité, elle adopte exactement les mêmes techniques narratives que dans ses autres livres en les rendant compatibles avec l’une des plus belles autobiographies écrites au XXe siècle. L’autofiction, l’introspection, le rapport à la mémoire restent donc inscrits dans le sillage du Nouveau Roman. La manière dont Claude Ollier cherche à déranger le français par les langues étrangères a, elle aussi, quelque chose de très actuel. Christine Angot continue à se réclamer de Duras et de Sarraute. Claude Simon, auteur énormément étudié, a un effet considérable auprès de nombreux écrivains, comme Laurent Mauvignier ou Pierre Bergounioux.

Certains écrivains contemporains se réfèrent peut-être à des œuvres, ou à des auteurs. Mais qu’en est-il de la théorie ?

Le Nouveau Roman a été identifié comme courant autour d’un certain nombre de manifestes et de règles, qui n’émanaient que d’une seule personne, Alain Robbe-Grillet, mais qui réunissaient ces auteurs autour du désir d’en finir avec un certain réalisme. Il s’est créé une sorte de label où l’on voit à l’œuvre une stratégie, au sens sociologique du terme. Cela a très bien fonctionné à une époque d’expansion capitalistique où il fallait faire marcher la littérature avec des labels. Mais ce n’est que la partie émergée d’une double tendance de la littérature française : soupçon sur le genre roman et expérimentation linguistique. Cela existe encore.

Trouvez-vous que « Nouveau Roman. Correspondance 1946-1999 » fait comprendre cette continuité ?

Un des grands mérites de l’ouvrage tient à ce qu’il fait remonter l’histoire du Nouveau Roman à 1946, à un moment de refondation. Il s’agit de reconstruire sur des ruines, après la Libération, quand l’humanisme a été tellement mis à mal que l’on questionne les notions de sujet et d’histoire. Une époque où la littérature occupait encore une place centrale dans la définition des valeurs communes.

Investissements : la frilosité de l’État

Investissements : la frilosité de l’État

 

Le financier François Meunier dénonce, dans une tribune au « Monde », la frilosité de l’Etat à investir et à inciter à investir alors que toutes les conditions sont réunies pour agir rapidement.

 

Tribune.

S’il y a un sujet qui fait consensus, c’est la nécessité d’investir, massivement. Et s’il y a bien une leçon à retenir de la décennie post-crise de 2008, c’est que la sortie de crise, lancinante, s’est éternisée par manque d’investissements, publics comme privés.

Quid du « grand plan d’investissement » de 2017 de 57 milliards, dont à peine la moitié avait été engagée à l’été 2020, avant que son solde ne soit fondu dans le plan de relance de 100 milliards ? Quid du « fonds pour l’innovation » de 2018 de 10 milliards, jamais financé en totalité et dont seules quelques centaines de millions avaient été dépensées avant la crise ? Quid du financement de projets indispensables et ambitieux (climat, santé, etc.) quand les taux d’intérêt étaient déjà durablement inscrits à la baisse (la France bénéficiait dès 2015 de taux réels négatifs à 10 ans) ?


Avant la crise sanitaire, l’Etat montrait déjà de sérieux blocages à l’investissement, en grande partie « à cause de la dette » et en dépit de conditions financières déjà très incitatives : il n’y consacrait, au mieux, que 15 milliards par an de son budget (0,60 % du PIB). Depuis, autant à cause que malgré la crise, les atermoiements et les réticences à l’investissement persistent. Avec un sens du calendrier étrangement absent.

Aucun engagement d’investir n’est attendu des entreprises en contrepartie de la baisse de leurs impôts de production (pour 20 milliards, principale dépense du plan de relance 2021-2022) ; un coup de froid fige l’investissement des collectivités locales, perplexes quant à leurs recettes fiscales.

Pire, le récent tour de passe-passe budgétaire de 7 milliards d’euros destinés à prolonger le fonds de solidarité et le chômage partiel : il est financé avec des crédits d’investissement à long terme déjà inscrits au budget (précédemment financés par de la dette à taux nuls, voire positifs), au lieu de l’être par des emprunts à court terme à taux négatifs pour faire la transition d’ici le retour de rentrées fiscales et sociales.

Depuis un an, l’Etat ne prend aucune initiative pour anticiper et accélérer l’engagement des 40 milliards de subventions du plan européen, qui n’arriveront qu’au compte-gouttes entre septembre 2021 (5 milliards attendus) et fin 2026 : les conditions financières actuelles (taux à 5 ans de – 0,40 %) permettraient pourtant de faire la soudure sans délais ni coût….

L’autorité de l’État en décomposition (Henri Guaino)

L’autorité de l’État en décomposition (Henri Guaino)

 

L’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy estime dans le Figaro que l’autorité de l’État est en pleine décomposition

 

Interview

 

Que vous inspirent les deux tribunes publiées sur le site de l’hebdomadaire Valeurs actuelles, tour à tour signées en majorité par des généraux à la retraite puis de manière anonyme par des militaires d’active?

Henri GUAINO. - D’abord que l’hystérie et le déni de la réalité sont des poisons mortels pour notre démocratie. La première tribune ne faisait que pointer ce que vivent tous les jours des millions de Français: le délitement de la société, la montée du communautarisme, de la violence, de la haine et qu’à continuer de glisser sur cette pente, il y aurait un risque que tout cela se termine un jour en guerre civile. Parce qu’elle était signée par des vieux généraux, elle a provoqué les cris d’orfraie de ceux qui pour exister ont besoin de voir partout l’ombre de l’extrême droite, du fascisme et du putsch. Mais refuser de regarder en face cette haine et cette violence qui montent inexorablement depuis des années et qui débordent est autrement plus dangereux pour la paix civile

LGV Toulouse-Bordeaux : l’État et l’Europe vont apporter six milliards

LGV Toulouse-Bordeaux : l’État et l’Europe vont apporter six milliards

 

Le projet LGV Toulouse Bordeaux devait atteindre la somme de 7 milliards en réalité on sera plus proche de 10 milliards. Le premier ministre a informé les autorités régionales que l’Europe et l’État apporteront 6 milliards. Environ 4 milliards par l’État et 2 milliards par l’union économique. 4 milliards devant être financé par les collectivités locales. Pour ce montage financier une société dédiée sera créée.

Concernant le financement deux pistes se dégagent, à savoir une taxe spéciale sur les bureaux comme ce qui se fait en Ile-de-France pour financer son Grand Paris Express et une nouvelle répartition de la TICPE (taxe sur l’essence). Cette fiscalité spécifique doit ainsi permettre de financer les deux tiers de l’emprunt pour un projet évalué à près de 10 milliards d’euros. Le tiers restant devra être partagé entre les collectivités territoriales intéressées et l’État, en tout cas c’est ce qui est espéré en Occitanie.

Un montage financier qui devrait permettre de lancer le chantier à l’horizon 2024-2025 pour une mise en service en 2030. Ainsi, Toulouse ne sera plus qu’à 3h10 de Paris et 1h05 de Bordeaux. Mais ce calendrier reste encore à confirmer.

Les prêts garantis par l’État accessible jusqu’à la fin 2021

Les prêts garantis par l’État accessible jusqu’à la fin 2021

L’État a décidé de continuer la mise sous oxygène d’entreprise en difficulté en leur accordant des prêts garantis. Initialement des prêts qui devaient être remboursés au bout d’un an mais l’amortissement a été prolongé jusqu’à cinq ans. Une seconde mesure de soutien vient d’être décidée puisque ces prêts  devaient prendre fin en juin et qu’ils sont prolongés jusqu’à la fin de 2021. « il y a un consensus sur la nécessité de maintenir possible » la souscription de PGE, a indiqué M. Le Maire, lors d’un point de presse téléphonique à l’issue d’une réunion avec la ministre du Travail Elisabeth Borne et les partenaires sociaux sur l’évolution des aides durant la sortie de crise.

Ce sera notamment le cas pour les secteurs toujours fermés administrativement ou les plus touchés par la crise, comme le tourisme, l’hébergement-restauration, la culture, l’évènementiel et le sport.

Le gouvernement envisage de maintenir encore plusieurs mois des exonérations partielles de charges pour les secteurs les plus touchés.

De même, le fonds de solidarité « devra être maintenu » pour les secteurs fermés, a indiqué M. le Maire.

Pour les entreprises qui vont redémarrer, « nous prévoyons une baisse dégressive du fonds de solidarité, selon les modalités de calendrier et de détermination des sommes qui seront étudiées avec les organisations syndicales et les organisations patronales », a-t-il ajouté.

« Nous ne voulons pas qu’après une période de protection, il y ait tout d’un coup un dégel brutal qui se solde par des dizaines de milliers de faillites », a insisté le ministre de l’Economie.

 

Réforme de l’ENA ou de l’État?

Réforme de l’ENA ou de l’État? 

Au-delà du caractère populiste de l’annonce de la suppression de l’Ecole nationale d’administration, l’accuser de tous les maux dénote l’absence d’une vision globale susceptible de réformer l’Etat, souligne Jacques Grosperrin, sénateur (LR) du Doubs et secrétaire du bureau du Sénat, dans une tribune au « Monde ».

 

Tribune. Représentant du Sénat au conseil d’administration de l’Ecole nationale d’administration (ENA), j’ai appris par la presse la volonté jupitérienne du président de la République de supprimer l’école. Au-delà de l’irrespect sur la forme, cette annonce brutale dissimule mal une volonté tactique et politicienne qui ne leurre personne. L’ENA est le bouc émissaire idéal des difficultés que le président Macron connaît depuis le début de son mandat. Et pas seulement depuis le début de la crise du Covid.

Ce signal populiste et antiélites, adressé à des « gilets jaunes » qui n’en demandaient pas tant, s’ajoute à d’autres accusations qu’il a déjà proférées, notamment contre « l’Etat profond ». Cette expression, aux résonances complotistes, est inquiétante. Elle dénote une fébrilité que des colères surjouées contre les lenteurs de son gouvernement viennent souvent mettre en scène.

On attend avec impatience que le président se sépare, si ce n’est de lui-même, du moins de l’ensemble des énarques et membres de sa promotion dont il est entouré…

L’Etat n’est pas un jouet à la disposition d’un seul… Le président Macron se trompe s’il prétend s’exonérer de toute responsabilité politique en mettant en cause sa propre administration. C’est une formidable preuve de faiblesse pour la « start-up nation » que d’avouer ne pas être en capacité d’orienter l’appareil de l’Etat. Car les Français ne sont pas dupes : c’est le politique qui est en charge des affaires publiques. C’est à l’exécutif de diriger notre pays.

L’incompréhension est totale lorsqu’il est signifié à tous les fonctionnaires passés par l’ENA qu’ils ont été mal formés et sont coupables des difficultés du pays. L’imprévisibilité disruptive d’un seul homme prétendant décider de tout n’est pas acceptable pour une société démocratique comme la nôtre. On attend avec impatience que le président se sépare, si ce n’est de lui-même, du moins de l’ensemble des énarques et membres de sa promotion dont il est entouré…


Les concessions au populisme ne font pas une politique car l’ENA n’est pas la caricature que le pouvoir en place veut en faire. Elle s’est beaucoup réformée depuis de nombreuses années, ses objectifs stratégiques ont permis une réelle promotion de la diversité et de l’égalité des chances : depuis la mise en place en 2009 des classes préparatoires, avec au moins 30 % des postes mis au concours, des bourses, des facilités de logement, jusqu’à des réformes plus récentes, avec le concours « talents » et la création d’un concours scientifique.

ENA: une suppression qui ne met pas en cause la nécessité d’une réforme de l’État

ENA: une suppression qui ne met pas en cause la nécessité d’une réforme de l’État

Pour l’essayiste Édouard Tétreau, le remplacement de l’ENA par un «Institut du service public» ne permettra en rien de répondre aux problèmes de fond comme le relâchement du patriotisme qu’il croit constater dans une partie des nouvelles générations de hauts fonctionnaires.

 «Quand vous êtes embêté, embrouillez tout» (Henri Queuille). La ficelle de la suppression de l’ENA est un peu grosse. Certes, tout n’est pas mauvais dans cette réforme: grâce notamment à l’opiniâtreté et au pragmatisme de la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques – qui n’est pas énarque -, certaines propositions vont dans le bon sens. À commencer par la suppression de l’accès direct aux grands corps, qui «sont des corps de contrôle, d’inspection et de jugement», alors que les très jeunes anciens élèves de l’ENA n’ont même pas eu l’occasion de se frotter à l’opérationnel et de faire leurs preuves concrètement. Le principe d’une «école de guerre» pour promouvoir les futurs «généraux» de l’administration est excellent, tout comme une forme de primat donné aux parcours commencés dans les administrations locales et régionales.

Les grands corps malades de l’Etat ou l’État malade des grands corps?

Les grands corps malades de l’Etat ou l’État malade des grands corps?

Qui de la poule ou de l’oeuf  est responsable de la crise de gestion de l’administration ?

Évidemment, on fait porter le chapeau à l’élite sortie des grands corps. Des grandes écoles qui formatent dans le même moule ou à peu près les futurs dirigeants qui  gèrent les grandes directions administratives étatiques.

 

S’attaquer au seul problème des grands corps, c’est-à-dire à la formation des élèves appelés à devenir dirigeants de l’État ne suffit pas pour expliquer la maladie la maladie spécifique de l’État français.

 

Certes ces les élèves, intoxiqués par l’idéologie du moment ,colorent forcément la nature de la gestion de l’État ( exemple le tout routier pour le ministère de l’équipement et maintenant le tout écolo anti-routier !). Mais la vraie question qui se pose est de savoir au préalable qu’elle est la nature de l’État, quel doit être son champ d’action et ses modalités d’intervention.

 

En clair il faut repenser la mission de l’État avant même de réformer la formation des élites.

Le problème en France c’est qu’on entretient une grande confusion entre le champ administratif et le champ de l’intérêt général. Une confusion alimentée bien sûr par le corporatisme administratif mais aussi par des politiques qui nourrissent la machine à coups de lois et de décrets sans cesse plus complexes et plus nombreux et qui nécessitent des armées de fonctionnaires.

 

Il convient évidemment de revenir à la définition du champ réellement régalien qui nécessite une administration. Et de ce point de vue nombre de champs d’activité doive être abandonnés par l’État qui en France veut tout contrôler dans le domaine social, économique, sanitaires, technologiques et environnementales.

 

Certes des normes doivent être définies mais elles sont sans doute 10 fois trop nombreuses, 10 fois trop complexes et donnent ainsi une légitimité à ces hordes  de fonctionnaires et à leurs chefs qui forment  l’élite.

 

En outre même avec un champ d’activité plus réduit, plus ciblé,  rien n’impose l’intervention directe de l’État. Gérer l’intérêt général n’implique pas automatiquement d’intervenir directement dans les modalités d’application. Ses modalités d’application peuvent être déléguées dans le cas de contrat de service public.

 

Même pour l’évaluation des politiques publiques, le recours à des organismes indépendants est sans doute plus souhaitable dans la mesure où ces organismes disposent de davantage de liberté pour  éviter la langue de bois et la collusion avec la pensée du moment du pouvoir..

 

La vraie et première réforme est donc celle de la nature et les conditions d’intervention de l’État pour sortir de cette confusion entre l’intérêt général, le service public, l’administration et le statut des fonctionnaires.

 

 

Monnaie: Mythe ou créature de l’Etat

Monnaie: Mythe ou  créature de l’Etat 

La théorie monétaire moderne qui révolutionne les approches de l’Etat, de la dette publique et de l’emploi trouve un regain d’intérêt auprès des gouvernements, car elle permet de répondre à la doctrine du « quoi qu’il en coûte » liée à la crise du Covid, explique, dans une tribune au « Monde », l’économiste Jean-François Ponsot.

Tribune.

 

La théorie monétaire moderne, en anglais Modern Monetary Theory (MMT) entreprend d’interroger le rôle de l’Etat et de son financement. Elle est devenue populaire au-delà des cercles académiques en 2019 à l’occasion des primaires des élections américaines. Bernie Sanders s’en est largement inspiré pour son programme. Puis ce fut le tour de Jeremy Corbyn au Royaume-Uni.

La traduction récente de deux ouvrages de vulgarisation rédigés par Stéphanie Kelton, Le Mythe du déficit (Les liens qui libèrent, 368 pages, 23,50 euros), et Pavlina Tcherneva, La Garantie d’emploi (La Découverte, 152 pages, 18 euros) est l’occasion pour les Français de découvrir ce courant théorique qui suscite débats et controverses.

 

D’un point de vue historique, la MMT n’est pas si moderne que cela. D’une part, elle a été développée à partir des années 1990 par des économistes de l’Université du Missouri à Kansas City et le Levy Institute, un club de réflexion américain. D’autre part, les influences théoriques sont anciennes avec notamment les « chartalistes » (du latin charta, papier) du XXe siècle (Georg Friedrich Knapp 1842-1926, Alfred Mitchell-Innes 1864-1950), qui analysent le fonctionnement d’une économie moderne par le lien entre monnaie et Etat, les travaux d’Abba Lerner (1903-1982) sur la fonction de la relance budgétaire, ceux d’Hyman Minsky (1919-1996) sur l’instabilité financière structurelle du capitalisme, constituent les trois principaux points d’ancrage théoriques de la MMT. 

Comme son nom l’indique, la théorie monétaire moderne s’intéresse d’abord à la monnaie. L’approche est originale car elle place d’emblée la monnaie au départ du raisonnement économique ; elle la réhabilite, alors que les économistes sont plutôt perturbés par la monnaie.

 

Ceux qui sont influencés par Marx y voient le fétiche universel du capitalisme, un objet sordide que le capitaliste cherche à accumuler sans fin pour lui-même. D’autres, d’inspiration néoclassique, voient dans la monnaie un simple voile entourant les échanges : la monnaie est une créature du marché qu’il convient de mettre à l’abri des manipulations par l’Etat car cela pourrait conduire à l’inflation si la monnaie est créée en excès ; les banques centrales doivent donc être indépendantes du politique. 

La MMT adopte une position à front renversé. La monnaie n’est pas nocive et elle est avant tout une créature de… l’Etat. Elle adopte une conception chartaliste de la monnaie défendue notamment par Keynes, en 1930 : la fonction première de la monnaie est celle de l’unité de compte qui doit être la seule à circuler.

Mosquées extrémistes : des collectivités mais aussi l’Etat trop complaisants

Mosquées extrémistes : des collectivités mais aussi l’Etat trop complaisants

 

Macro a beau jeu de faire porter le chapeau uniquement aux collectivités trop complaisantes vis-à-vis des mosquées extrémistes. En fait,  l’État porte aussi une lourde responsabilité en dialoguant et en reconnaissant des organisations de nature islamiste et en autorisant la venue en France d’imams étrangers. Ainsi sur environ 1000 imams, 300 viennent de l’étranger essentiellement du Maghreb et de la Turquie. Pour la Turquie c’est  autour de 150 imams.

 

Le pire c’est que la plupart de ses imams venus de l’étranger ne parlent même pas un mot de français. En outre, on peut douter légitimement de la compétence des s’intéressés dans la mesure où il n’existe pas de formation et de structuration du clergé musulman. Bref la plupart émergent spontanément sans grande culture religieuse et même sans grande culture tout court.

 

Macron a raison d’interpeller les collectivités locales souvent complices pour tenter de récupérer les voix des Français musulmans quand il affirme «Il y a l’existence de groupes constitués, l’existence de groupes politiques sur le continent européen, qui sont eux, aujourd’hui, activés par des organes de propagande officielle»,. «Parfois ils se mêlent de nos élections, d’autres fois ils se mêlent de financement d’associations. Nous l’avons encore vu ces derniers jours avec les alertes légitimes faites par le ministre de l’Intérieur à l’égard de quelques collectivités territoriales, peut-être un peu trop complaisantes», a-t-il déclaré à l’issue d’un Conseil européen.

 

Par contre c’est bien le ministère de l’intérieur qui  autorise la venue de ses imams étrangers, c’est bien aussi le pouvoir central qui discute avec des fédérations musulmanes clairement dans les mains de pays étrangers.

Le prêt garanti par l’Etat (PGE) amplifié et prolongé ?

Le prêt garanti par l’Etat (PGE) amplifié et prolongé ?

 

 

 

 

Initialement les prêts garantis de l’État devaient se terminer fin 2020, ils ont ensuite été prolongés jusqu’à fin juin 2021 et il pourrait bénéficier d’un nouveau report jusqu’à la fin de l’année en cours.

 

 

D’une manière générale, il est d’usage de parler de l’endettement de l’État et moins de l’endettement privé. Pour l’État, effectivement la dette s’est envolée puisqu’elle représentait 100 % du PIB annuel fin 2019 et avec la crise a atteint maintenant 120 %., Soit autour de 500 milliards supplémentaires. Certains experts et responsables gouvernementaux objectent que cet endettement n’aggrave pas la situation financière puisqu’on peut emprunter à des taux zéro. Pire que la charge financière relative au remboursement a plutôt tendance à diminuer de ce fait. Ce qui est exact mais il faudra bien un jour rembourser le capital.

 

Le taux d’endettement des entreprises françaises, lui,  est nettement supérieur à la moyenne européenne. Il s’élève à 73,5 % du PIB, contre une moyenne de 60,9 % pour la zone euro. Là aussi la crise a fortement fait progresser la dette privée. Pour l’instant le phénomène est largement masqué par les prêts garantis par l’État mais qui devront un jour être remboursés. Or d’après certaines enquêtes 10 et 20 % des entreprises ne seront pas en capacité de les rembourser. Pourtant le gouvernement a incité à étaler le remboursement éventuellement sur plusieurs années.

L’état d’urgence pour asphyxier la démocratie

L’état d’urgence pour asphyxier la démocratie

 

Etat d’urgence prolongé, institutionnalisation d’un conseil de défense tendant à éclipser le conseil des ministres et à renforcer la subordination du Parlement… la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement accentue le processus de « dé-démocratisation » de notre société, estime le politiste, Arthur Guichoux,  dans une tribune au « Monde ».

Tribune. Le 3 février, un rapport publié par The Economist reléguait la France au rang des démocraties « défaillantes », relançant le débat sur les effets politiques de la pandémie. Cette rétrogradation vient souligner les nombreuses atteintes aux libertés individuelles engendrées par les mesures de confinement et de couvre-feu. Les résultats de cette étude sont à manier avec d’autant plus de précautions qu’elle présuppose une conception située et libérale de la démocratie. Or la définition de la démocratie est loin de faire consensus.

Dans les sciences sociales et politiques, on peut même dire qu’elle ressemble à un vaste champ de bataille : horizon indépassable mais perfectible pour les uns, illusion pour les autres, qui déplorent sa dégénérescence oligarchique. Cependant, rares sont les analyses à se féliciter de l’état de la démocratie.

Tensions liées à la représentation

De ce point de vue, la gestion de la pandémie par le gouvernement français s’inscrit dans la continuité d’un processus de « dé-démocratisation », pour reprendre l’expression de la politiste Wendy Brown. Celui-ci ne renvoie pas au poncif de la « crise » de la démocratie qui chercherait à combler son déficit de représentativité.

Les tensions liées à la représentation prennent leur source dans la division entre le corps électoral et le champ des professionnels de la politique, division caractéristique des gouvernements représentatifs. La « dé-démocratisation » relève plutôt d’une dynamique de longue durée ; elle rappelle combien l’état d’exception qui dure depuis presque une année est un puissant analgésique, tant pour la démocratie des urnes que pour la politique de la rue.

Instauré dans un premier temps de mars à juillet 2020, l’état d’urgence sanitaire a été réactivé le 17 octobre 2020 avant d’être de nouveau prolongé mi-février (au moins jusqu’en juin 2021). Certes, il ne s’agit pas du même dispositif que l’état d’urgence de novembre 2015 ; il n’empêche que l’état d’exception s’ancre dans la durée. Autre continuité significative : l’institutionnalisation du conseil de défense et de sécurité nationale (CDSN). Créée en 2009, cette formation restreinte du conseil des ministres tend à éclipser ce dernier. Son activité s’est fortement accélérée depuis 2015 avec 10 réunions dans l’année, 32 en 2016, 42 en 2017 (selon le rapport de son secrétariat de 2018).

République monocéphale

En pleine pandémie, il est désormais fréquent que ce conseil, fondé sur un simple décret, se réunisse plusieurs fois par semaine. Initialement cantonné aux opérations militaires et aux situations de crise, son champ d’action s’est aussi considérablement étendu. En plus des têtes de l’exécutif (premier ministre, ministre des affaires étrangères, de l’économie, du budget et de l’intérieur), sa composition varie au gré des convocations décidées par le président de la République. Compte tenu des circonstances, le ministre des solidarités et de la santé et le directeur de la santé y siègent désormais en permanence et sont tenus au secret-défense au même titre que les autres membres. Positionné en amont des conseils des ministres, ce n’est pas forcer le trait de dire que le conseil de défense est devenu un des principaux foyers des prises de décision depuis mars 2020.

Menaces sur l’état de droit ?

Menaces sur l’état de droit ?

Enclenchée par la lutte contre le terrorisme, la généralisation de la surveillance s’est accélérée sous le coup de l’urgence sanitaire et pourrait mener à une mutation de notre régime politique, alerte la juriste Mireille Delmas-Marty dans une tribune au « Monde ».

 

Tribune

Après les discours musclés annonçant l’éradication du terrorisme, voici les discours savants sur le « Zéro Covid ». Et toujours la même obsession sécuritaire, le même rêve d’un monde sans risque, sans crime et sans maladie. On s’en réjouirait si l’on ne savait avec quelle facilité le rêve d’un monde parfait peut tourner au cauchemar des sociétés de la peur.

Il y a plus d’un siècle, Emile Durkheim [1858-1917] avait pourtant montré que le crime est « un fait de sociologie normale » (Les Règles de la méthode sociologique, 1895), invoquant cette raison simple : « Pour que la société puisse évoluer, il faut que l’originalité humaine puisse se faire jour ; or pour que celle de l’idéaliste qui rêve de dépasser son temps puisse se manifester, il faut que celle du criminel, qui est au-dessous de son temps, soit possible. » D’où la formule provocatrice : « Le crime est donc nécessaire ; il est lié aux conditions fondamentales de toute vie sociale, mais par cela même il est utile, car les conditions dont il est solidaire sont elles-mêmes indispensables à l’évolution de la morale et du droit. » Le sociologue suscita de telles indignations qu’il dut préciser, dans la deuxième édition, qu’il n’entendait pas faire l’apologie du crime mais se préparer à mieux le combattre.

Que dirait-il à l’heure actuelle où le rêve de perfection s’accompagne d’une inflation de normes, véritable « goutte-à-goutte normatif » (Catherine Thibierge, 2018) qui, jour après jour, rend presque invisibles les transformations en cours. D’autant que de nouvelles technologies ne cessent d’arriver sur le marché, offrant aux décideurs des moyens de surveillance encore inimaginables au temps de Durkheim. La reconnaissance faciale, développée par Apple pour le déverrouillage de ses nouveaux téléphones, se combine à la surveillance par caméras, voire par drones, à la géolocalisation des utilisateurs d’Internet ou encore aux algorithmes de reconnaissance des émotions. Insensiblement, tout cet arsenal transforme nos Etats de droit en Etats policiers et nos sociétés ouvertes en sociétés de la peur où la suspicion suspend la fraternité et fait de l’hospitalité un délit pénal.

Univers infantilisant

Comment s’en plaindre, alors que nous fournissons nous-mêmes les données, les réseaux sociaux ayant su exploiter le désir illimité d’avoir accès à tout, tout de suite et en permanence ? Obéissant à des « pulsions narcissiques plus puissantes encore que le sexe ou la nourriture », nous passons d’une plate-forme à l’autre « comme un rat de la boîte de Skinner qui, en appuyant sur des leviers, cherche désespérément à être toujours plus stimulé et satisfait » (Bernard Harcourt, « Postface » in La Société d’exposition. Désir et désobéissance à l’ère numérique, Seuil, 2020).

Société- L’élitisme des Grands corps de l’État

Société- L’élitisme des Grands corps de l’État

Comment faire évoluer le processus de sélection de ce système « élitiste » qui par construction tend à reproduire, stabiliser et entretenir un certain mode de pensée et d’action ? N’est-il pas temps de reconcevoir les voies de constitution d’une « élite » dans et pour le monde actuel ? Interroge Michel Paillet, docteur en sciences économiques, co-fondateur du cabinet Cognitive Companions.( l’Opinion)

 

L’État est servi au quotidien par des femmes et des hommes qui composent ses « corps ». Au plus « haut » niveau de notre appareil étatique se situent les « grands » corps, accessibles par un concours de catégorie A de la fonction publique. Comme l’indique le choix des mots qu’elle emploie elle-même, cette « élite » a été sélectionnée et hiérarchisée de façon militaire par « grade » à l’issue d’un apprentissage exigeant souvent mené dans les établissements les plus prestigieux. Ces corps regroupent les fonctionnaires par catégorie d’activités jugées utiles pour l’intérêt collectif au cours du temps : polytechniciens (à l’origine ingénieurs pour l’artillerie, la marine, les mines ou la construction des ponts et des chaussés), énarques administrateurs pour gérer les finances, le budget et le droit administratif, enseignants, experts des impôts…

Pour ceux qui n’en font pas partie, cette « élite » fait l’objet de nombreux phantasmes de richesse, d’opulence et de passe-droits. Vus de l’extérieur, ce sont des gilets d’or. Pourtant et par construction, il s’agit avant tout d’hommes et de femmes qui ont fait le choix de servir l’intérêt collectif plutôt que de suivre les sirènes internationales du privé, prêt à payer ces talents rares beaucoup plus que ne pourra jamais le faire l’État français.

Pour ceux qui font partie de ces « corps », l’épreuve des fonctions successives menées au service de « l’intérêt collectif » peut engendrer des souffrances personnelles. Nombre d’entre eux sont victimes d’une certaine forme de désynchronisation entre un temps politique court (et toujours plus réduit par les périodes de passivité liées aux campagnes) et un temps administratif beaucoup plus long. Conduire des réformes à horizon long fait sens pour le pays, mais cela ne peut aboutir si la condition de la réussite dépend d’une réélection.

 

La plupart des porteurs de projets voient donc régulièrement leur travail réduit à néant non pour une raison collective, mais bien pour satisfaire des intérêts politiques de court terme. Devant l’énergie personnelle investie et le sentiment du peu de résultats obtenus, l’engagement peut s’essouffler et laisser progressivement place à un sentiment d’impuissance, de frustration et d’abandon. Lorsque le sens investi dans l’intérêt collectif s’effrite, lorsqu’il n’est plus soutenu par le regard des autres citoyens, la personne au plus haut potentiel peut éprouver un malaise voire un sentiment d’absurde. Alors l’énergie enthousiaste au service de l’autre cède la place à la roue libre, à l’inertie et au découragement. De tels sentiments sont ressentis à tous les niveaux de l’administration française. Ils se chuchotent et se murmurent. Ils ne se disent pas. En résulte un constat général de gâchis de toutes ces intelligences.

Emmanuel Macron, François Hollande, Jacques Chirac, Valéry Giscard d’Estaing, mais aussi Édouard Philippe, Dominique de Villepin, Lionel Jospin, Alain Juppé et tant d’autres… nombreux sont les présidents et les chefs du gouvernement qui sortent de l’ENA (École Nationale de l’Administration). La plupart des hauts fonctionnaires sont également passés par les classes préparatoires parisiennes les plus prestigieuses et les mêmes grands corps de l’État. Une récente étude de l’Institut des Politiques publiques sur la démocratisation des grandes écoles en France souligne d’ailleurs l’étroitesse de la base de recrutement de ces établissements. Malgré les efforts fournis depuis plusieurs années, restent largement favorisés les étudiants masculins, issus de milieux privilégiés et originaires de Paris et de la région parisienne.

L’intelligence et les compétences des hauts fonctionnaires ne font pas de doute, mais la diversité de leur expérience pose question. Si tous les profils se ressemblent, un angle de vue monolithique tend à s’installer là où l’incertitude requiert précisément un échange dynamique entre des points de vue distincts. Deux raisons à cela : un cruel manque de porosité entre les secteurs public et privé, et un défaut d’interaction avec le terrain.

Le premier point est intrinsèquement lié au statut de fonctionnaire. La sécurité d’emploi à vie qu’offre la fonction a le désavantage de décourager toute prise de risque et volonté de mobilité vers des entreprises privées. Or, cela ne semble plus compatible avec le monde mouvant dans lequel nous vivons. Il apparaît nécessaire d’instaurer des mouvements de convection forte entre service public et entreprises privées, voire de les rendre obligatoires.

 

La deuxième difficulté réside dans une certaine forme de déconnexion entre les (hauts) fonctionnaires et ceux qu’ils sont censés servir : les citoyens. Cela peut créer une perte de la notion de réalité, qu’il convient de contrecarrer en créant plus de brassage, pour reconnecter les fonctionnaires à la réalité de terrain.

De ces échanges avec l’Autre, qu’il soit citoyen, acteur du secteur privé, fonctionnaire dans un autre domaine, etc., naîtront des modes de pensées pluriels et générateurs d’idées nouvelles.

Au sein des grandes écoles françaises, la pure connaissance cognitive – et plus particulièrement les mathématiques – est largement valorisée, au détriment d’autres sciences comme celles de la communication, de l’information ou de la gestion. A l’ENA elle-même, l’économie est parée d’une aura scientifique dont ne bénéficie pas le droit.

D’où nous vient cette croyance monodimensionnelle ?

Sans doute directement d’Auguste Comte et du courant de pensée qu’il a formalisé au XIXème siècle, connu sous le nom de « positivisme ». Cela consiste à considérer que tous les faits sont explicables par la science, sous forme d’observation ou d’expérience. Les mathématiques sont donc un langage qui permet d’expliciter une connaissance. Auguste Comte soutient ainsi que ce sont l’épistémologie et les sciences qui permettent l’émergence des technologies modernes. Dans une logique positiviste, la prise de décision revient aux scientifiques, qui sont les sachants, et est séparée de l’opération. Dit autrement, l’ingénieur pense le chantier quand les ouvriers exécutent les travaux. Cette culture est profondément ancrée en France, et notamment au plus haut niveau. Loin de nous l’idée de délégitimer les profils scientifiques au parcours dits d’excellence, car ils portent une expérience essentielle. Mais il faut reconnaître que les autres profils sont encore trop peu valorisés au sein des « élites ».

Dans le courant des années 70, l’émergence progressive d’une épistémologie nouvelle a permis l’avènement d’une autre façon de concevoir la connaissance. C’est le moment où certains phénomènes remettent en cause le système linéaire du positivisme. Le monde est toujours plus complexe et il n’est plus possible de dissocier décision et opération : c’est ce que les approches constructivistes mettent en évidence. Nous sommes désormais dans une logique d’adaptation permanente : celui qui met en exergue le processus cognitif est celui qui va prendre la décision, suivre la réalisation, analyser les résultats qui l’amèneront à prendre une nouvelle décision, et ainsi de suite. Cette dynamique en spirale est la réalité de notre quotidien.

Les modes de sélection, de formation et de progression des élites au sein des administrations publiques sont devenus obsolètes. Au regard des enjeux auxquels nous faisons face, ils sont même devenus contre-productifs. Ils tendent à mésuser de très forts potentiels dont l’investissement et l’engagement se gâchent, sans bénéficier opérationnellement aux citoyens. L’organisation de l’appareil est comme hors sol, déconnecté, se nourrissant d’elle-même et générant ses propres finalités.

Dans le contexte actuel, cette situation génère souffrance humaine et inefficience de l’action étatique. Les voies de réponse existent. Elles nécessitent une régénération en profondeur de la façon même dont s’organise l’interaction entre la gouvernance censée arbitrer et l’appareil d’État censé décliner et transmettre les orientations. Cette organisation ne peut plus être fondée sur une conception mécaniste « top-down » : les vitesses d’évolution de l’environnement imposent de resynchroniser à un rythme beaucoup plus élevé les décisions et les opérations. Comme un « corps », elles supposent une superposition de systèmes capable de répondre avec la réactivité adéquate. Comme un « corps », elles supposent une décentralisation de la responsabilité décisionnelle au niveau adéquat.

Le glissement de paradigmes semble déjà engagé, la régénération serait-elle en cours ? Auquel cas, il ne s’agirait plus que d’une question de temps, de volonté et d’énergie !

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