Environnement–Décroissance: une vue de l’esprit
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Jean-Hervé Lorenzi , fondateur du Cercle des économistes et président des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence considère que la décroissance est une pure vue de l’esprit.(Dans l’opinion)
Cette crise ( de l’énergie) remet-elle en cause les politiques de transition énergétique ?
Tout dépend de quoi l’on parle. La forte activité créée par les dépenses de rénovation thermique des bâtiments fait que c’est du gagnant-gagnant. Par contre, une hiérarchie va s’imposer dans les énergies : le charbon est le plus polluant, suivi du pétrole, puis du gaz. C’est pour cela qu’il faut reprendre le nucléaire : une énergie propre et décarbonée pour laquelle je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas trouver de solution pour les déchets d’ici à un siècle. Il faut donc relancer les travaux sur les réacteurs de quatrième génération (projet Astrid) capables de régénérer des matières fissiles utilisées pour produire de l’électricité et lancer la construction de nouveaux EPR.»
Dans le cadre de la présidentielle, vous organisez un débat sur la croissance et la décroissance. Cet épisode énergétique ne nous met-il pas face à nos contradictions, entre fin du mois et fin du monde…
Le paradoxe, c’est qu’avec le chèque énergie ou le chèque carburant, on se retrouve à subventionner une énergie dont on cherche parallèlement à baisser la consommation. Je vois trois approches dans les années qui viennent : ceux qui croient en une croissance naturelle, ce qui est la pensée honnête de beaucoup d’industriels. C’est ce que j’appelle la croissance continue. Vous avez ensuite les tenants d’une croissance modifiée. Elle suppose des transformations très profondes de l’offre qui nécessiteront énormément d’argent : 45 milliards d’euros d’investissement sur les cinq prochaines années pour la décarbonation directe par exemple. C’est ce que j’appelle la croissance transformée. Et puis, il y a les décroissants, qui jouent sur l’offre plutôt que sur la demande. Une école très ancienne : au XVIIIe déjà, Malthus prônait d’avoir moins d’enfants. La théorie de la décroissance a ressurgi avec le rapport Meadows en 1972, Les Limites à la croissance (dans un monde fini) et se concrétise aujourd’hui dans les luttes contre le nucléaire — qui est une absurdité par rapport à la décarbonation — et la voiture — dans une logique de bien-pensance mainstream.
La décroissance est une impasse ?
Ces trois approches soutiennent des positions politiques sur des problèmes environnementaux. Il y a un rejet hypocrite, mais très fort, de la croissance du passé. Et il y a une expression sur la réduction de la demande qui ressemble à une leçon de catéchisme. Une espèce de négation de la réalité de ce qui est une société. La décroissance est en contradiction absolue avec le fait que nous allons passer de 7,5 à 10 milliards d’habitants en trente ans. Les décroissants défendent des positions centrées sur les biens individuels, je m’intéresse aux biens communs : manger, nourrir, se loger. Avec 2,5 milliards d’humains en plus, la décroissance est une pure vue de l’esprit.
Voyez-vous un risque de stagflation, comme dans les années 1970 ?
Je n’y crois pas. La situation sera extrêmement différente selon les pays en fonction de la démographie, qui est une question majeure. Nous avons la chance d’avoir en France une jeunesse nombreuse. On a des tas de signes de la vitalité du pays, comme le montre le succès de la French Tech par exemple. On a, en revanche, une éducation au fond du trou. Ce qui veut dire que nous avons de fortes marges de progression pour améliorer notre croissance potentielle.