GAFA-Antitrust: Les lobbys résistent
Un article deJohn D. McKinnon d ans le Wall Street Journal (extrait)
Les détracteurs des Big Tech se sont réjouis lorsque procureurs et parlementaires se sont prononcés contre Facebook et ses semblables. Toutefois, les derniers développements soulignent les difficultés à utiliser les tribunaux et le Congrès pour refaçonner ce secteur d’activité.
Le juge James Boasberg a statué lundi qu’une plainte de l’autorité de la concurrence américaine, la Federal Trade Commission (FTC), était « légalement insuffisante », estimant que le régulateur ne donnait pas suffisamment de preuves du monopole de Facebook et de ses pratiques pénalisant la concurrence. Autre échec pour les détracteurs du géant des réseaux sociaux, le juge a rejeté la plainte de 46 Etats contre Facebook, notamment parce que les avocats avaient attendu trop longtemps pour porter plainte.
Parallèlement, les parlementaires à Washington étudient la voie à suivre après une bataille douloureuse la semaine dernière pour faire avancer des projets de loi visant à renforcer l’application des règles antitrust dans le secteur technologique. Beaucoup de démocrates pro-business subissent des pressions pour retarder ou assouplir les projets de loi, qui pourraient faciliter le démantèlement d’entreprises telles que Facebook et Amazon, et les républicains font l’objet de pressions similaires.
« Ceux qui imaginaient que ce serait facile et rapide devraient prendre du recul… la loi est sans pitié et la politique aussi », explique Harry First, un professeur de droit de la concurrence à New York University, qui a travaillé sur le litige de l’Etat contre Microsoft il y a plus de vingt ans.
Le juge Boasberg a statué que la FTC ne donnait pas suffisamment de preuves d’un monopole de Facebook dans le marché des services personnels de réseaux sociaux. Il a ajouté que la politique de Facebook restreignant l’accès à ses outils et données utilisateurs n’enfreignait pas la loi. Le jugement a laissé ouverte la possibilité d’une nouvelle plainte, mais il illustre bien à quel point les régulateurs peuvent peiner à satisfaire les standards de lois antitrust.
Même si l’opinion générale est que les entreprises de la tech sont trop grandes, « le rôle des lois antitrust est de tester même les choses… sur lesquelles tout le monde semble d’accord », indique David Olson, professeur de droit au Boston College.
Plusieurs membres de la Chambre des représentants ont déclaré que les développements juridiques démontraient la nécessité de mettre à jour les lois antitrust pour les adapter à l’ère de l’Internet. Les mesures adoptées par la commission judiciaire de la Chambre la semaine dernière visent à empêcher les grandes plateformes technologiques de privilégier leurs propres produits et services, à simplifier le transfert de données d’une plateforme à une autre par les utilisateurs, à éviter que les plateformes dominantes n’éliminent des concurrents potentiels par des acquisitions et à faciliter le démantèlement d’opérations de sociétés technologiques par les régulateurs.
Jerrold Nadler, élu démocrate de l’Etat de New York, et David Cicilline, élu démocrate de l’Etat du Rhode Island, les présidents respectifs de la commission judiciaire et de la sous-commission des affaires antitrust, ont souligné l’importance de ces propositions pour « faire face aux fusions anti-concurrentielles et à l’abus de position dominante ».
Facebook a contesté les plaintes de la FTC et des parlementaires, déclarant qu’il était en concurrence loyale « pour obtenir le temps et l’attention des gens. »
Mark Shmulik, analyste chez Bernstein, estime que le jugement récent démontrait que la plainte de la FTC contre Facebook « partait de bases faibles » et que le rejet ne changeait pas son scénario d’investissement sur l’entreprise, qui a récemment franchi la barre des 1 000 milliards de dollars de capitalisation et dont il estime l’action sous-évaluée.
« Ils ont fait des pieds et des mains pour définir un nouveau marché dont ils ont exclu des entreprises que je qualifierais de concurrentes », a-t-il déclaré au sujet du gouvernement. « Le juge ne s’y est pas trompé ».
Même certains avocats du changement reconnaissent que la route vers une révision des lois antitrust sera difficile.
« Il y avait un désaccord entre les démocrates de la commission et tous les démocrates n’ont pas voté pour et certains membres très anciens se sont opposés [à la proposition de loi], » a déclaré mardi le chef de groupe à la Chambre des représentants Steny Hoyer, élu démocrate du Maryland. « Pour l’instant, nous ne sommes pas prêts et je ne veux pas faire de prévision sur le moment où nous le serons. »
Les parlementaires pourraient aussi vouloir se coordonner avec le Sénat qui est très divisé et où les Républicains ont plus d’influence, a ajouté Steny Hoyer. Les républicains sont plus souvent favorables aux règles en vigueur et opposés à des normes plus strictes qui pourraient être source d’incertitude économique ou d’injustice.
De leur côté, les géants de la tech s’efforcent de gagner de nouveaux alliés à la Chambre des représentants, avant les prochaines tentatives d’adoption des projets de lois, qui pourraient avoir lieu en septembre selon les parlementaires et lobbyistes.
Une mesure que les lobbyistes tentent d’éliminer est le projet de loi qui pourrait éventuellement démanteler des entreprises. Il a été approuvé à 21-20, un vote serré qui met en lumière sa vulnérabilité.
(Traduit à partir de la version originale en anglais par Astrid Mélite)