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Politique : Les dictatures sanglantes donnent des leçons de démocratie à la France !

Politique : Les dictatures sanglantes donnent des leçons de démocratie à la France

Il y aurait sans doute à rire des leçons des dictatures si le sujet n’était pas d’une telle gravité. En effet, tous les dictateurs ou presque du monde s’empressent de donner des conseils de démocratie à la France. La Russie bien sûr mais aussi l’Iran, la Turquie, l’Algérie et bien d’autres qui n’hésitent pas en quelques jours à tuer leurs propres ressortissants à la moindre manifestation d’opposition.

Les reproches à la France par les dictatures sanglantes provoquent un sentiment de honte et de ridicule. Des pays où les dirigeants pillent et tuent sans vergogne leur population et pourtant qui donnent des leçons de liberté.

C’est en quelque sorte le triomphe du vice sur la vertu non seulement sur le plan politique mais aussi économique et sociétal. En effet la plupart de ces pays ont en commun d’être sous-développés du fait en particulier du pillage dont ils sont l’objet par les dirigeants et la technostructure.

Certes au plan international, la situation de la France a été critiquée à juste titre par nombre de pays développés mais on ne saurait accepter les leçons des cliques de criminels et de voleurs qui imposent les dictatures de certains pays pauvres.

Emeutes: Les dictatures sanglantes donnent des leçons de démocratie à la France !

Emeutes: Les dictatures sanglantes donnent des leçons de démocratie à la France

Il y aurait sans doute à rire des leçons des dictatures si le sujet n’était pas d’une telle gravité. En effet, tous les dictateurs ou presque du monde s’empressent de donner des conseils de démocratie à la France. La Russie bien sûr mais aussi l’Iran, la Turquie, l’Algérie et bien d’autres qui n’hésitent pas en quelques jours à tuer leurs propres ressortissants à la moindre manifestation d’opposition.

Les reproches à la France par les dictatures sanglantes provoquent un sentiment de honte et de ridicule. Des pays où les dirigeants pillent et tuent sans vergogne leur population et pourtant qui donnent des leçons de liberté.

C’est en quelque sorte le triomphe du vice sur la vertu non seulement sur le plan politique mais aussi économique et sociétal. En effet la plupart de ces pays ont en commun d’être sous-développés du fait en particulier du pillage dont ils sont l’objet par les dirigeants et la technostructure.

Certes au plan international, la situation de la France a été critiquée à juste titre par nombre de pays développés mais on ne saurait accepter les leçons des cliques de criminels et de voleurs qui imposent les dictatures de certains pays pauvres.

La défense et l’ Europe : quelles leçons de la guerre en Ukraine ?

Quelles leçons la France devra-t-elle tirer de la guerre en Ukraine au moment où l’étau financier se resserre autour des finances publiques françaises. Plutôt qu’un Frexit, le groupe de réflexions Mars* préconise le renforcement de la France dans l’OTAN, d’un axe franco-britannique quand Londres sera en mesure de l’entendre et la refonte de ses alliances.

Par le groupe de réflexions Mars* dans la Tribune.

Europe : quelles leçons de la guerre en Ukraine ?
Que signifie la défaite russe et la victoire ukrainienne pour nous, Français ? C’est cela qui aurait dû être discuté en préalable d’une vraie LPM de « transformation ». Au lieu d’une vision stratégique, on nous a infligé une affligeante « revue stratégique » qui se résume à un catalogue de menaces et un slogan inepte (« puissance d’équilibres ») pour surtout ne rien changer à notre défense quand tout est bouleversé autour de nous.

Car l’admission de l’Ukraine dans l’OTAN et dans l’UE sera un bouleversement stratégique comparable à la fin de l’URSS. Savoir si nous, Européens, avons été manipulés à cette fin n’a plus aucune importance. C’est désormais une réalité à laquelle il va falloir s’adapter, voire un « défi » (pour reprendre les termes de la ministre française chargée de l’Europe) auquel il faudra faire face.

En premier lieu, quelle sera l’attitude de la Russie ? Il est impossible de répondre à ce stade, tout dépendra in fine de ses gains territoriaux. Si le Kremlin sort de cette guerre sans perdre la face vis-à-vis de sa population, il sera sans doute possible de négocier avec la Fédération de Russie une nouvelle architecture de sécurité européenne. Notons que, dans leur confrontation géopolitique à venir avec la Chine, les Etats-Unis n’ont aucun intérêt à s’aliéner complètement la Russie. Obtenir sa neutralité dans un futur conflit serait une grande victoire stratégique.

C’est pourquoi les Américains font tout leur possible pour éviter une montée aux extrêmes en Ukraine. Il est significatif à cet égard que c’est dans la presse mainstream (Washington Post, New York Times, Foreign Affairs) que sont publiées des « révélations » ou des tribunes d’opinion (« op ed ») pour le moins embarrassantes pour le pouvoir ukrainien. La moins sensationnelle n’est pas, ces derniers jours, la révélation que la CIA avait été avertie dès juin 2022 par les services néerlandais que les services secrets ukrainiens préparaient la destruction du gazoduc Nordstream, ce que la CIA désapprouvait. Fâcheux en effet de soutenir un État qui pratique ce type d’activités que d’aucuns pourraient qualifier de terroriste, alors qu’il s’agit simplement d’un acte de guerre, comme la destruction par les Russes d’infrastructures civiles utilisées par les forces ukrainiennes. La prudence des occidentaux à la suite de la destruction du barrage de Kakhovka est dans la même logique.

Ouvrons une parenthèse à propos de « l’exigence de justice » de certaines belles âmes, dont la faculté d’indignation sélective est inversement proportionnelle au discernement stratégique, comme le montrent tous les jours (par exemple au Soudan) les conséquences de l’intervention occidentale en Libye. Des crimes de guerre sont commis tous les jours en Ukraine, la plupart du temps du fait de la soldatesque russe, voire du haut commandement russe lui-même. Faut-il pour autant poser comme préalable à la paix la traduction en justice de leurs auteurs et commanditaires ? Chacun sait que la paix, dès lors qu’elle résulte d’une négociation et donc d’un compromis, doit prévaloir sur l’exigence de justice.

En dépit de sa responsabilité manifeste dans le déclenchement de la Première guerre mondiale et de la commission de crimes contraires au « droit des gens » dans les territoires occupés, l’Allemagne n’a jamais payé. Et l’on sait à quel point le « Diktat » de Versailles a été le terreau de l’idéologie hitlérienne. Même après la capitulation du 9 mai 1945, une fraction non négligeable des criminels de guerre allemands n’ont jamais été inquiétés (notamment les responsables du massacre d’Oradour), soit qu’ils aient réussi à se faire oublier en Amérique du Sud, soient qu’ils aient été « recyclés » en Amérique du Nord, par exemple dans les réseaux de renseignement comme l’organisation Gehlen. Qui est assez naïf pour croire que la grande Amérique renonce cette fois à la raison d’État au profit de la justice ?

En termes de programmation militaire, le pire doit toujours être envisagé. Il est donc parfaitement justifié, pour nous Français, d’investir en priorité dans la crédibilité de notre dissuasion nucléaire. Il est de même parfaitement inutile de prétendre rivaliser avec l’armée polonaise (dont l’équipement est en grande partie financé par le contribuable franco-allemand via la facilité européenne de paix et autres fonds européens), voire l’armée ukrainienne, en termes de capacités d’agression terrestre.

Finalement, face à une Russie aux capacités amoindries mais tentée de prendre sa revanche, une OTAN fragilisée par l’intégration de l’Ukraine devra être capable de défendre chacun de ses quelques 34 ou 35 membres conformément à l’article 5 du traité fondateur (même s’il convient de le relire attentivement pour en saisir toutes les subtilités). Il en résultera nécessairement un nouveau concept stratégique, une organisation plus intégrée (pour être plus réactive), et sans doute un partage des tâches plus poussé. La France y est-elle prête ?

Qui en France se souvient que le premier commandant opérationnel en Centre-Europe fut le Maréchal Juin ? Il disposait alors de la plénitude du commandement en cas de conflit contre l’URSS et ses alliés, à l’exception de l’utilisation des armes nucléaires tactiques qui restaient sous le contrôle de SHAPE, fonction nécessairement tenue pour cette raison par un Américain.

Aujourd’hui, plus modestement, la France va-t-elle finalement armer tous ses postes à l’OTAN ? Après l’augmentation des effectifs de l’organisation qui sera décidée à Vilnius en juillet, on parle d’au moins 150 postes supplémentaires. Où va-t-on les trouver ? En Afrique ? Ne serait-il pas plus raisonnable de retirer nos officiers des instances de l’UE, où ils ne servent à rien, pour travailler notre influence à l’OTAN ? Car, plus que jamais depuis 60 ans, « c’est là que ça se passe ». La France veut-elle s’y investir à la hauteur de son rang et de ses moyens militaires, ou bien laisser la préséance à d’autres alliés (allemands, britanniques, polono-ukrainiens…) ? C’est cela que l’on aurait aimé trouver dans le rapport annexé à la LPM, avec les choix capacitaires et de politique RH (comment fidéliser les cadres qualifiés ?) qui en découlent.

En même temps, il est parfaitement illusoire de penser que la défense de l’Europe se fasse ailleurs qu’au sein de l’OTAN. Si autonomie stratégique européenne il y a, elle s’exercera dans le cadre de l’OTAN, la seule question étant celle du degré d’implication des Américains. Question cruciale au demeurant, mais une chose est certaine : le renforcement du pilier européen ne se fera ni sans eux, ni contre eux. Sur ce point, nos alliés ont parfaitement raison et la France a tort de porter un discours de « souveraineté européenne » qui ne fait que semer la confusion et nous aliéner nos propres alliés.

De toute façon, le concept même de « souveraineté européenne » est une dangereuse ineptie. Si les Français ont fait la Révolution et transféré à la Nation la souveraineté confiée jusque-là au monarque de droit divin, ce n’est pas pour la donner à une « Sainte Alliance » renouvelée. La souveraineté n’est pas un luxe dont le Prince peut se priver en vue d’un bien prétendu meilleur ; c’est la condition même de la survie de la France, qui s’est constituée autour d’un État dirigé par un monarque qui a créé de toutes pièces sa légitimité en inventant la théorie du « roi empereur en son royaume ».

Revenir sur cet acquis fondamental de l’histoire de France, que la Révolution n’a fait que modifier sans y renoncer, relève d’une idéologie réactionnaire d’autant plus illégitime que la construction européenne se fait, depuis vingt ans, au détriment des intérêts de la France et des Français. Les gouvernements français successifs ont sans doute cru bien faire en transférant de plus en plus de compétences à Bruxelles afin d’imposer des réformes à un pays réputé difficile à réformer.

C’est typiquement le cas de la politique de « l’euro fort », pensée pour améliorer la compétitivité de l’économie française, et qui a finalement précipité sa désindustrialisation. Mais le référendum de 2005 a montré que l’électeur n’était pas dupe. Et l’on voudrait à présent transférer à l’UE la souveraineté, c’est-à-dire non plus certaines compétences, régaliennes ou non, mais « la compétence de la compétence » ? Au moins peut-on en l’occurrence compter sur l’opposition de nos alliés pour nous ramener à la raison.

Reste à mesurer les conséquences pour la France d’une intégration de l’Ukraine dans l’UE (qui finira par se faire, même si ce n’est pas immédiat), y compris si l’Union européenne reste un simple marché intérieur, sans prétentions politiques, ce qui est hautement souhaitable. Le processus de marginalisation de la France en sera accéléré. Le centre de gravité de l’Union, qui était proche du territoire français jusqu’au début des années 2000, s’ancrera désormais au cœur de la Mitteleuropa. Compte tenu des besoins de rattrapage d’une économie ukrainienne dévastée, la saignée financière pour la France sera dramatique, sans contreparties notables dans le marché intérieur, contrairement à l’Allemagne.

En effet, au contraire de l’Allemagne, la France n’a jamais profité de l’élargissement de l’UE vers l’Est. L’Allemagne réunifiée a connu un essor économique en investissant en Europe de l’Est à l’aide des fonds européens payés par les États contributeurs nets pour tous les Européens. Ainsi, l’Allemagne a augmenté sa capacité de production, sans en supporter l’essentiel des coûts d’investissement, au service de sa compétitivité mondiale et d’exports florissants qui n’enrichissent qu’elle. L’UE pour Berlin est un démultiplicateur de puissance. Ce n’est plus le cas pour Paris depuis plus de vingt ans.

Les relations financières avec l’UE étaient quasiment à l’équilibre en 1999, les dépenses de l’UE en France étant équivalentes au montant de la contribution française au budget communautaire. 25 ans plus tard, la saignée financière est de 10 milliards d’euros par an et elle augmente encore chaque année. Dix milliards de moins pour la défense, ou d’autres politiques publiques ! En 25 ans de dégradation continue du solde financier, notamment depuis l’élargissement de 2004, le transfert net de richesses est de 120 milliards d’euros. Dans le même temps, le solde commercial de la France dans le marché intérieur (donc au seul bénéfice de ses partenaires européens) n’a cessé également de se détériorer, pour atteindre aujourd’hui les profondeurs abyssales que nous connaissons.

Mais cela n’empêchera pas Bruxelles de placer Paris sous surveillance pour déficits excessifs. Et quel budget servira de variable d’ajustement d’après vous ?

Politiquement, face à l’absence totale de projet national en Europe, en dehors d’un discours mièvre et creux sur l’UE (pale reprise du projet Mitterrand qui n’a pas survécu faute d’avoir conduit les rapports de force nécessaires avec les Allemands), la tentation du Frexit sera de plus en plus forte. Est-ce cela que nous voulons ? A la base du Brexit, le constat a été fait que les Britanniques ne trouvaient pas dans le marché intérieur assez de contreparties à leur contribution financière nette, en dépit du fameux « chèque britannique ». Les mêmes causes produiront-elles le même effet ? Est-ce que le risque est mesuré ? Est-ce que quelqu’un y réfléchit ? Existe-t-il quelque part un plan B ?

N’est-il pas temps de préparer un rapprochement avec les Britanniques (quand ils seront plus réceptifs) afin de proposer de refonder le projet européen afin d’éviter une partition douloureuse ? Pour convaincre les Britanniques d’un projet avec la France, il nous faudrait aussi retrouver une pensée autonome et une capacité d’actions pour défendre les intérêts de la France. D’autres États, membres ou non de l’UE, ont cessé de porter attention aux attentes de la France tout simplement parce que nos dirigeants n’en n’ont plus. A ce titre, nos transferts de compétence vers l’Allemagne en aéronautique et en matière de matériel terrestre depuis vingt ans sont édifiants. Il est d’ailleurs permis de penser que la DGA n’a pas joué tout son rôle en matière de préservation de la BITD française.

Les conséquences en matière de défense seraient majeures. Alors que la conflictualité multi-milieux et multi-champs impose de repenser l’organisation de la défense nationale (le ministre chargé de la Défense n’étant compétent que dans le cadre de la mise en œuvre des moyens militaires), n’est-il pas temps de repenser nos alliances ? Il ne s’agit évidemment pas de changer d’alliés mais de redéfinir les modes opératoires concrets de nos alliances, bien au-delà de l’interopérabilité otanienne. La défense aérienne et anti-missiles constitue une priorité. Mais dans l’espace extra-aérien, le milieu sous-marin, le cyber, le champ informationnel, comment la sécurité collective s’organise-t-elle ? La LPM actuelle reste peu diserte sur le sujet.

Un autre domaine majeur sur lequel la LPM ne propose pas grand-chose est notre politique de voisinage, c’est-à-dire vis-à-vis de nos voisins d’Afrique et du Proche-Orient. On peine à trouver une vision renouvelée apte à surmonter les défis présents et à venir, au-delà du constat que les toutes dernières années ont été désastreuses. On n’ose de même évoquer nos ambitions dans la vaste zone indopacifique, les référendums calédoniens et les élections polynésiennes ayant envoyé au reste du monde un signal pour le moins ambigu que la programmation in extremis de deux petits navires amphibies peine à contrecarrer.

Au lieu d’avancées dans l’utilisation de nos alliances, la coopération européenne sur les programmes d’armement est toujours présentée comme une martingale capacitaire, en dépit des évidences. Mais est-il raisonnable de confier les clés de nos futurs chars aux héritiers de Krupp et celles de nos avions à ceux de Messerschmidt ? On peut rester alliés au sein de l’OTAN sans devenir dépendants. Cela s’appelle la souveraineté.

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(*) Le groupe Mars, constitué d’une trentaine de personnalités françaises issues d’horizons différents, des secteurs public et privé et du monde universitaire, se mobilise pour produire des analyses relatives aux enjeux concernant les intérêts stratégiques relatifs à l’industrie de défense et de sécurité et les choix technologiques et industriels qui sont à la base de la souveraineté de la France.
Le groupe de réflexions Mars*

La loi de programmation militaire ne tire pas les leçons de la guerre en Ukraine

La loi de programmation militaire ne tire pas les leçons de la guerre en Ukraine

Silencieux jusqu’ici, le groupe de réflexions Mars a décidé de reprendre la plume dans La Tribune pour se livrer à une analyse critique mais constructive de la loi de programmation militaire (LPM), qui est actuellement examinée par le Sénat. Si l’essentiel est préservé, estime-t-il, il regrette néanmoins que la LPM ne tire aucun enseignement de la guerre en Ukraine à tous les niveaux (tactiques, opératifs, politico-stratégiques). Par le groupe de réflexions Mars.

Le groupe Mars ne s’est pas exprimé sur la loi de programmation militaire (LPM) depuis la série de chroniques publiées en février (1). Le projet de loi vient d’être adopté à l’Assemblée Nationale et le sera prochainement au Sénat, grâce notamment à une droite parlementaire n’ayant finalement pas jugé utile de se démarquer du bloc majoritaire dans lequel elle finira par se fondre, leur électorat étant largement le même. Objectivement, il y aurait tout lieu de se réjouir d’une LPM qui promet une augmentation substantielle du budget des armées. Les principales critiques contre cette loi portent précisément sur le degré de crédibilité de cette promesse. Or le report de l’effort principal après 2027 invite à la prudence.

Cette loi ne contredit aucune des observations faites par anticipation dans nos précédentes chroniques. Il est vrai que le rattrapage de trente années de sous-investissement était une tâche impossible. Mais l’essentiel à nos yeux est sauvegardé : priorité absolue donnée à la dissuasion nucléaire, investissement nécessaire dans les nouveaux champs de conflictualité, protection de nos outremers, contribution mesurée à l’effort dit de « haute intensité ». Qu’ajouter en outre de pertinent au réquisitoire, aussi lucide qu’impitoyable, du groupe Vauban, publié dans ces mêmes colonnes le mois dernier ? On peut juger excessive la terminologie employée par les auteurs (qui parlent d’escroquerie et d’illusion à propos de la LPM), mais sur le fond, l’analyse est juste : un texte inopportun quant à son calendrier, amphigourique sur la forme et insuffisant pour ce qui concerne les investissements.

Faut-il pour autant s’en satisfaire comme d’un moindre mal ? Certes, nous n’avons pas le choix. Mais on peut au moins exprimer des regrets.

Du point de vue politique, rien de bien nouveau, hélas, car le contexte géopolitique aurait pu porter à raffermir le consensus. Il n’en a rien été, la faute à un exercice préalable indigent d’explicitation des enjeux. La droite parlementaire (qui comprend depuis le 49.3 sur les retraites tous les soutiens du président de la République) reste fidèle à une inaptitude développée depuis 40 ans à la compréhension des vrais enjeux de défense : on vote des budgets pour satisfaire son électorat conservateur, mais on les sous-exécute en sous-main, façon Juppé, dont le passage à Matignon reste l’un des plus sombres pour la défense. Le RN et LFI, plombés par l’agression russe en Ukraine, ne comprennent pas davantage les enjeux et continuent de prôner la sortie de l’OTAN.

La NUPES a montré à l’occasion de la LPM qu’elle n’était qu’une alliance électorale dépourvue de projet de gouvernement crédible. Les socialistes restent bien seuls à défendre un budget de la défense soutenu mais qui devra aussi résister à l’eurobéatitude d’une fraction de leur électorat qui aura pour effet de limiter et contraindre la portée de leurs intentions. A vrai dire, si les écolos ont (de notre point de vue) l’avantage de la constance dans l’erreur anti-nucléaire, on peine encore à comprendre la position communiste hostile à la dissuasion française autonome des États-Unis, qui semble embourbé dans des combats idéologiques d’un autre siècle.

On peut ne pas partager les arguments des Insoumis, mais au moins ont-ils, comme en 2018, en posant souvent de bonnes questions sur la pertinence de nos choix stratégiques, permis au débat d’avancer. Il n’existe pas de certitudes éternelles en matière de défense, il n’y a que des intérêts permanents confrontés aux contingences du moment. Se poser des questions permet de s’assurer que les moyens restent en ligne avec les besoins.

C’est cette simple évidence qu’il aurait fallu commencer par rappeler dans un vrai Livre blanc, que le retour de la guerre sur le sol européen aurait dû imposer. Le débat aurait alors eu lieu préalablement à l’adoption de la LPM, ce qui en aurait favorisé la diffusion des conclusions et facilité le consensus. Avoir négligé cette phase de réflexion préalable est une faute. Est-il nécessaire de rappeler quels sont nos intérêts permanents ? Sans doute que oui, puisque l’absence de Livre blanc et de consensus tend à montrer que la confusion en la matière n’est pas de bonne politique. Il ne s’agit évidemment pas de dresser une liste bien imprudente de nos intérêts vitaux, autrement dit de nos « lignes rouges », mais simplement de rappeler des évidences qui ne le sont plus pour tout le monde.

Guerre en Ukraine : quels retours d’expérience ?
Avant tout, la politique publique de la France en matière de défense a pour mission première de protéger son territoire (ou plutôt tous ses territoires, dans tous les espaces de conflictualité potentiels), ses habitants et ses ressortissants, point. Secondairement, la défense peut aussi venir en soutien à d’autres politiques publiques : appui à la politique étrangère, réindustrialisation, soutien des forces de sécurité intérieure, aménagement du territoire, appui aux exportations, jeunesse et éducation, civisme et mémoire, transition climatique, construction européenne, etc. Mais, par construction, la LPM ne fait que programmer les crédits nécessaires à la mise en œuvre de la politique de défense. Tout le reste n’est que « bourrage », c’est-à-dire charge supplémentaire à prendre sous enveloppe.

C’est dans ce cadre, c’est-à-dire au titre de missions secondaires, que la programmation militaire peut prévoir des crédits pour concourir à ces autres politiques publiques. Mais la priorité des crédits programmés doit rester à la mise en œuvre de la politique de défense, compte tenu de l’évolution des menaces. De ce point de vue, l’analyse de la prétendue « revue nationale stratégique » est plutôt pertinente. Mais ce qui manque, ce sont les conséquences qui en sont tirées et le lien avec la programmation militaire.

Typiquement, quelles conclusions tire-t-on de la guerre en Ukraine ? Le simple fait de ne pas avoir eu la sagesse d’en analyser les enseignements à tous les niveaux (tactiques, opératifs, politico-stratégiques) est révélateur de ce complexe de la « certitude », chemin le plus sûr vers la surprise stratégique, voire la défaite. De leur côté, les armées sont allées au bout de l’exercice d’analyse des enseignements de la guerre en Ukraine et la vraie surprise est qu’il n’y a pas eu de surprise, les choix opérés étant les bons.

Il n’est pas exact de dire que le renseignement militaire français ait failli au moment du déclenchement de l’invasion : il a au contraire tout vu et rendu compte de ce qu’il voyait, et pour lui, les moyens regroupés pour une invasion étaient jugés insuffisants du point de vue militaire. Il avait raison. L’erreur (et le groupe Mars doit reconnaître qu’il a commis la même) a été d’en conclure que l’invasion n’aurait pas lieu. Or cette conclusion, parce qu’elle concerne la prise de décision politique, relève de la compétence d’un autre niveau d’analyse que le renseignement militaire. C’est ce niveau-là, politico-stratégique, qui a failli en l’occurrence.

De la même façon, pour la LPM, les armées ont rendu une copie cohérente, malgré des conditions de travail d’état-major dégradées du fait du dévoilement tardif du cadrage financier et de la pression d’une urgence tout à fait fictive et absurde. En prenant des arbitrages financiers en-dessous de la fourchette présentée par les armées, l’échelon politique a pris un risque stratégique qu’il devra un jour assumer.

Car il ne suffit pas d’écrire que nos armées manquent de drones et de munitions pour réaligner les stocks du jour au lendemain. Il ne suffit pas de proclamer « l’économie de guerre » pour que l’industrie parvienne à financer ses stocks. Il ne suffit pas d’inventer un nouveau slogan, aussi creux qu’incompréhensible (« puissance d’équilibres »), pour que l’on y croie. Le problème de la défense, c’est qu’elle ne fait pas bon ménage, du moins durablement, avec la com’ (la communication gouvernementale, qui est à la propagande ce que Clemenceau disait de la musique militaire par rapport à la grande musique). Les erreurs d’analyse se paient cash. Demandez à Poutine, mais aussi à Zelenski.

La vraie question était : qu’est-ce que l’invasion russe de l’Ukraine change à notre perception de notre sécurité ? La réponse apportée par la future LPM est claire : rien. Cela ne peut rien changer puisqu’on ne s’est pas donné le temps d’en analyser les conséquences. Donc on continue comme avant, en retardant encore un peu plus certains programmes pour financer de nouvelles priorités.

Que l’on ne se méprenne pas ! Encore une fois, le groupe Mars se félicite du renouvellement de la dissuasion nucléaire, des efforts faits dans tel ou tel milieu, des rattrapages nécessaires en matière de drones et de munitions, et aussi du simple fait que la France ne se lance pas dans une course à l’armement pour préparer la guerre d’hier. Mais il est malheureusement vraisemblable que les efforts annoncés ne se traduisent pas par des budgets conformes, tant la programmation manque aujourd’hui de clarté.

On dira que c’est la faute à la remontée des taux ou à la contrainte budgétaire, sans dire qu’en réalité le « semestre européen », quand il sera réactivé après la « pause Covid », sera plus efficace que l’armée russe pour accroître nos vulnérabilités stratégiques. Gouverner, c’est prévoir ce qui ne manquera pas d’arriver. Si la LPM s’était concentrée sur les seuls crédits d’investissement et s’exprimait en euros constants, elle serait crédible. Mais ce n’est pas le cas, pas du tout.

La véritable cause de ce naufrage intellectuel n’est ni la com’, ni la paresse. C’est l’aveuglement. Le refus de voir l’évidence. Pour être juste, notons que cet aveuglement est largement partagé par toute la classe politique, toutes tendances confondues. L’évidence que, en-dehors de l’Élysée (mieux vaut tard que jamais), des armées et des cercles d’experts, personne ne veut voir ici en France, c’est que l’OTAN est incontournable. La conséquence logique serait d’en finir avec les vieilles lunes de l’Europe de la défense ou d’une prétendue « posture gaullienne » pour investir dans ce « pilier européen » qui finira bien par émerger, ne serait-ce que le jour où les États-Unis auront définitivement réorienté leurs priorités.

La principale conséquence positive, pour nous, de la guerre en Ukraine est que, grâce au président Poutine, l’OTAN a été re-légitimé en tant que garant de la sécurité des Européens. Que l’on analyse cet événement comme un tournant géopolitique (le retour de la guerre froide) ou comme la suite logique d’une confrontation entre deux empires qui n’a jamais vraiment cessé (et qui donc n’est pas près de s’arrêter), ne change rien aux conséquences que l’on doit en tirer pour nous, Français, que les péripéties de l’histoire et de la géopolitique situent indubitablement au cœur de l’occident.

Soyons clairs : il est tout aussi absurde et insensé aujourd’hui de vouloir sortir de l’OTAN que d’investir dans une défense européenne en-dehors de l’OTAN. Pour tous les Européens, sauf les Français, l’autonomie stratégique européenne s’entend du renforcement du pilier européen de l’alliance. Confier le moindre euro à l’UE pour investir dans la défense revient à dilapider le « nerf de la guerre ». Un euro perdu dans les sables de l’UE est un euro de moins pour la défense commune.

En revanche, l’OTAN est efficace (à défaut d’être performante, c’est un autre débat) parce que les nations contributrices restent responsables de bout en bout. L’OTAN crée des standards et élabore de la planification, mais elle n’a aucune prétention politique. On sait qui paie et qui est le patron ; tout est parfaitement clair. Et si on n’est pas satisfait, on se retire de tel ou tel projet. La méthode communautaire est tout à fait différente au sein de l’UE, et c’est bien là qu’est le problème : avec la guerre en Ukraine, la Commission cherche à s’approprier des compétences que les États membres ne lui ont jamais déléguées. La pantalonnade de l’initiative ASAP (Act in support of ammunition production), censé fournir les munitions à l’Ukraine, illustre parfaitement ce hiatus.

C’est de ce point fondamental, et de ses conséquences pour la programmation militaire, qu’aurait dû débattre la représentation nationale en vue de l’élaboration d’un consensus refondé. Il n’en sera rien et c’est bien dommage.

Les conséquences du transfert d’une majeure partie de l’Ukraine de l’empire russe à l’imperium occidental, au nom du rétablissement de l’Ukraine dans ses frontières de 1991, ce qui devrait être finalement le cas à la fin de cette guerre, sont pourtant majeures. Parce que l’on se lance peut-être ainsi dans une nouvelle guerre de cent ans. Parce qu’il faut anticiper ce que signifiera à terme la garantie de l’article 5 donnée à l’Ukraine. Parce qu’il faut comprendre tout ce qu’implique une éventuelle adhésion de l’Ukraine à l’UE. L’échéance calendaire se situe certes au-delà de la fin de la future LPM, mais elle s’anticipe dès à présent. Voilà de vrais sujets de débat, dignes d’un Livre blanc. Et si nous en discutions enfin ?

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(1) Loi de programmation militaire : et si le Parlement votait une rallonge financière (1/2) (latribune.fr) ; Armées : si le budget avait été maintenu à son niveau de 1981, il s’élèverait 80 milliards d’euros par an (2/2) (latribune.fr) ; https://www.latribune.fr/opinions/armees-mais-que-restera-t-il-comme-credits-d-investissement-dans-la-future-lpm-951688.html

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* Le groupe Mars, constitué d’une trentaine de personnalités françaises issues d’horizons différents, des secteurs public et privé et du monde universitaire, se mobilise pour produire des analyses relatives aux enjeux concernant les intérêts stratégiques relatifs à l’industrie de défense et de sécurité et les choix technologiques et industriels qui sont à la base de la souveraineté de la France.
Le groupe de réflexions Mars*

Tirer les leçons des échecs de l’Europe

Tirer les leçons des échecs de l’Europe


Les leçons de la guerre russo-ukrainienne sont cruelles, très cruelles pour la France et son idéal d’Europe puissance. L’OTAN s’est renforcée et a balayé dans les grandes largeurs les illusions françaises. Un mal pour un bien ? La France doit « dorénavant veiller avant tout à préserver ses intérêts, à commencer par les domaines de souveraineté : l’alimentation et la santé, l’énergie et la défense, les services en réseau ». Ce que ne fait pas l’Union européenne. Par le groupe de réflexions Mars*.

« Les dernières velléités d’Europe puissance font partie des victimes de la guerre en Ukraine. Personne ne croit plus à l’autonomie stratégique des Européens, tant en matière de défense que d’énergie, pour ne rien dire de la santé. Bref, en une seule guerre livrée par procuration, les Américains se débarrassent à la fois d’un rival stratégique (la Russie) et rééquilibrent leur commerce avec leur rival économique » Le groupe Mars.

La guerre d’attrition, qui est une guerre économique, va donc continuer un certain temps, jusqu’à l’effondrement du front russe ou de l’arrière ukrainien. En livrant les armes demandées par les es forces ukrainiennes (UAF), les alliés font le pari hasardeux d’une percée tactique qui conduise à un retrait soudain des forces d’occupation, condition préalable aux négociations imposée par l’Ukraine. What if ? Et si les Russes ne jouaient pas le jeu ? Les alliés ont-ils réfléchi aux conséquences potentielles ?

Pour The Economist, parangon de la presse mainstream, « le meilleur scénario pour l’Ukraine est aussi le plus dangereux » : « The third scenario is the most encouraging — and perhaps the most dangerous.Ukraine keeps the initiative and the momentum, inflicting heavy damage on Russian forces as they leave Kherson and then bringing its long-range HIMARs rockets within range of Crimea for the first time. Russian lines in Luhansk collapse, with Ukraine recapturing Severodonetsk and then quickly moving farther east. As Russian casualties mount, new recruits refuse to fight. Western countries rush new air-defence systems to Ukraine, blunting the impact of Russia’s terror tactics, based on its rapidly dwindling arsenal of precision missiles. In the spring Mr Zelensky orders his army to open a new front in Zaporizhia. Five brigades slice through Russian lines, cutting Mr Putin’s land bridge to Crimea and encircling Mariupol by the summer. Ukraine moves its HIMARs rocket launchers into the south, targeting ports, bases and depots in Russian-occupied Crimea. Ukraine threatens to enter the peninsula. Mr Putin issues an ultimatum: stop, or face the use of nuclear weapons. Victory is within sight. But so, too, are the risks that it brings ». ( https://www.economist.com/the-world-ahead/2022/11/18/the-world-ahead-2023)

« Le troisième scénario est le plus encourageant – et peut-être le plus dangereux. L’Ukraine conserve l’initiative et l’élan, infligeant de lourds dommages aux forces russes lorsqu’elles quittent Kherson, puis amenant ses roquettes HIMARs à longue portée à portée de la Crimée pour la première fois. Les lignes russes à Louhansk s’effondrent, l’Ukraine reprend Severodonetsk et se déplace rapidement plus à l’est. Alors que les pertes russes s’accumulent, les nouvelles recrues refusent de se battre. Les pays occidentaux s’empressent de fournir de nouveaux systèmes de défense aérienne à l’Ukraine, afin d’atténuer l’impact des tactiques de terreur de la Russie, basées sur son arsenal de missiles de précision qui s’amenuise rapidement. Au printemps, M. Zelensky ordonne à son armée d’ouvrir un nouveau front à Zaporijjia. Cinq brigades transpercent les lignes russes, coupant le pont terrestre de M. Poutine vers la Crimée et encerclant Marioupol avant l’été. L’Ukraine déplace ses lance-roquettes HIMARs dans le sud, ciblant les ports, les bases et les dépôts de la Crimée occupée par les Russes. L’Ukraine menace d’entrer dans la péninsule. M. Poutine lance un ultimatum : arrêtez ou vous risquez d’utilisation d’armes nucléaires. La victoire est en vue. Mais les risques qu’elle comporte le sont tout autant »
Évidemment, c’est un message, car les Américains, qui ont lu Clausewitz, ne laisseront pas le conflit monter aux extrêmes. Ils arrêteront les Ukrainiens avant, quitte à provoquer une révolution de palais comme ils savent si bien en organiser au cas où leur message ne serait pas entendu. Le plus tôt sera le mieux, ce qui ne plaide pas pour des livraisons trop précoces de chars lourds.

Quels étaient les objectifs des États-Unis

Les Américains ont en effet atteint leurs buts de guerre en Europe, ils ne doivent pas s’y laisser fixer de crainte que l’ouverture d’un second front dans l’Indopacifique ne remette en cause leur imperium. L’armée russe, prétendue « deuxième du monde », est durablement affaiblie tout en continuant à faire peur à ses voisins européens (mais curieusement pas à ses voisins asiatiques, même le Japon). L’OTAN, relégitimée pour de nombreuses années, se renforce encore avec l’adhésion prochaine de la Suède et de la Finlande.

Les dernières velléités « d’Europe puissance » font partie des victimes de la guerre en Ukraine. Personne ne croit plus à l’autonomie stratégique des Européens, tant en matière de défense que d’énergie, pour ne rien dire de la santé. Bref, en une seule guerre livrée par procuration, les Américains se débarrassent à la fois d’un rival stratégique (la Russie) et rééquilibrent leur commerce avec leur rival économique (l’UE, même si les excédents allemands y restent confortables). L’humiliation de la chute de Kaboul est effacée. America is back, et les choses sérieuses peuvent commencer : contenir la Chine.

Quelles leçons pour l’Europe et la France ( groupe mars)

Il faut ouvrir les yeux sur le bilan de l’Union européenne, dont la crise ukrainienne a dévoilé autant l’incompétence de ses dirigeants (à commencer par Mme von der Leyen et M. Borrell) que les résultats de ses politiques.

Le PIB européen a plongé depuis 15 ans par rapport au PIB américain, certes de manière très inégale entre Européens. Le marché unique s’est rétréci depuis le Brexit et la France a perdu 3 milliards d’excédents avec le Royaume-Uni. L’euro, qui a retrouvé une parité proche du dollar (et perdu 20% face au rouble), n’est jamais parvenu à le concurrencer sérieusement ; à l’avenir, c’est le yuan qui jouera ce rôle. Dire que l’UE est une grande puissance exportatrice est une plaisanterie ; en réalité, c’est l’Allemagne qui a assis sa domination en Europe sur un mercantilisme qui s’exerce d’abord à l’encontre de ses partenaires européens et exploite le marché unique à son seul avantage, en intégrant l’économie des pays d’Europe centrale et orientale au profit de son industrie afin d’en abaisser les coûts de production. L’admission de l’Ukraine dans l’UE, qui coûtera cher au contribuable français (plus encore que le Brexit), n’a pas d’autre motivation que d’accroitre l’Ost Politik allemande. L’abandon des droits de douane pour les produits ukrainiens venant sur le marché européen sert les intérêts des pays et des entreprises qui ont investi en Ukraine.

Quant au prétendu soft power d’une « puissance libérale régie par le droit », il a perdu de sa superbe avec les accrocs faits à l’état de droit avec les livraisons d’armes à un pays en guerre, contraires à la « position commune » de 2008, à valeur contraignante, sur les transferts d’armement hors d’Europe. De ce point de vue, la position helvétique est plus cohérente. La propagande russe a beau jeu de prétendre lutter contre l’hypocrisie occidentale aux valeurs à géométrie variable.

Enfin, l’UE est incapable de protéger militairement les Européens. Cela vient d’être solennellement réaffirmé le 10 janvier dans la déclaration conjointe du président du Conseil européen, de la présidente de la Commission européenne et du secrétaire général de l’OTAN sur la coopération entre l’UE et l’OTAN (§8) : « L’OTAN reste le fondement de la défense collective de ses membres, et elle demeure essentielle pour la sécurité euro-atlantique ».

Pour la forme, la déclaration reconnaît « l’intérêt d’une défense européenne plus forte et plus performante, qui contribue effectivement à la sécurité mondiale et transatlantique, complète l’action de l’OTAN et soit interopérable avec celle ci. » Il n’est plus question ni d’Europe de la défense, ni d’Union européenne de défense (pour reprendre les terminologies française et allemande), mais bien de « défense européenne ». De quoi s’agit-il, dès lors que la défense collective est assurée par l’OTAN ?

Changement de paradigme

Le vice-amiral Hervé Bléjean, directeur général de l’état-major de l’UE (DG/EMUE) a donné la réponse lors de son audition à l’Assemblée nationale le 16 novembre dernier : « nous pouvons constater l’apparition d’un changement de paradigme et de mentalité. Il en résulte la demande d’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN, et, de manière plus significative encore, la sortie du Danemark de l’opt-out, qui avait été décidé par crainte d’une concurrence entre l’OTAN et l’Union européenne. La guerre en Ukraine a au contraire démontré leur complémentarité, l’OTAN ayant la charge de la protection du territoire européen (ce qu’il a parfaitement accompli à travers un renforcement notamment des contingents, auquel la France participe avec un nouveau contingent en Roumanie), tandis que l’Union européenne est capable d’agir au-delà de ses frontières ».

On sait en quoi consistent les capacités d’intervention de l’UE et l’utilité des opérations qu’elle conduit. C’est encore l’amiral Bléjean qui en parle le mieux : « Je suis aujourd’hui très pessimiste sur l’avenir de la mission de l’Union européenne au Mali, (…) je réduis donc la mission EUTM Mali de 1.200 personnes potentiellement à 300 personnes, centrées sur Bamako, dans l’espoir de maintenir un dialogue ouvert et de poursuivre quelques actions dans le domaine de l’éducation et du conseil. Les conditions sont similaires en République centrafricaine. Il faut savoir terminer une mission lorsqu’elle n’a plus de sens. En l’occurrence, même si certains États membres y sont attachés pour des raisons historiques, il faut constater que cette mission n’a plus les capacités d’exercer son mandat. Une discussion franche, et non entachée par des considérations politiques, est nécessaire à ce sujet ».
A défaut d’efficacité opérationnelle, ces missions sont-elles un outil d’influence ou de « soft power » ? Le DG de l’EMUE répond en donnant deux exemples parlant. A propos des missions en Afrique : « Lors des votes des quatre principales résolutions des Nations Unies concernant la condamnation de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le taux d’abstention ou d’absence de nos partenaires africains doit nous interpeller. Le Mozambique, par exemple, qui fait l’objet d’une mission européenne, et constitue, per capita, le troisième pays d’investissement de l’Union européenne au développement, s’est abstenu à chaque vote, alors qu’il deviendra membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies au 1er janvier 2023. Le message envoyé est donc que notre modèle n’est plus le seul à être proposé à ces pays, et qui nous demandent de sortir de notre paternalisme passé pour entrer avec eux dans une relation de partenariat. C’est ainsi que nous envisageons les prochaines missions ».
Les Français financent le réarmement… polonais

A propos de l’aide à l’Ukraine : « La presse, notamment anglo-saxonne, a pu indiquer que l’effort de l’Union européenne représentait moins de 20 % de celui des États-Unis. Or, en incluant la Facilité européenne pour la paix (FEP) et les livraisons dont le remboursement n’a pas été réclamé par certains États membres, l’Union européenne a consacré collectivement plus de 8 milliards d’euros à l’assistance militaire à l’Ukraine, soit 45 % de l’effort américain à périmètre égal. Elle a consacré 0,05 % de son PIB à cette assistance, contre 0,07 % de leur PIB pour les États-Unis. En proportion du PIB, les deux efforts sont donc comparables. Il faut ainsi contrer le narratif inexact selon lequel « l’anglosphère » aiderait l’Ukraine et l’Union européenne n’aiderait qu’elle-même », explique le vice-amiral Bléjean.

Plus précisément, concernant la FEP, le vice-amiral Bléjean explique ainsi son étonnant fonctionnement : « Des crispations politiques apparaissent déjà entre les contributeurs et les dépensiers, du fait de l’écart entre l’éligibilité au remboursement de certains États et la quote-part de leur participation au budget de la FEP, ou en raison du rythme actuel de consommation des crédits, bien supérieur aux perspectives initiales. La Pologne, qui a donné pour plus de 1,5 milliard d’euros de matériel (principalement des chars de fabrication soviétique) paye ainsi une part très faible, de sorte que ce sont les États payant une part plus importante (la France et l’Allemagne notamment) qui financeront ce don ».
Si cette explication technocratique est peu compréhensible, c’est que le DG/EMUE ne dit pas que la Pologne a obtenu d’être remboursée non pas à la valeur réelle du matériel cédé (soit le prix de la tonne d’acier pour des blindés ex-soviétiques) mais au prix d’achat du matériel de remplacement, à savoir les chars Abrams américains et les engins sud-coréens les plus modernes. C’est donc le contribuable français qui va financer la création de la première armée européenne que deviendra bientôt l’armée polonaise. Et cet effort de « solidarité » ne profitera en rien à l’industrie européenne.

Mais c’est aussi un effet pervers de la FEP que d’encourager une certaine fuite en avant dans les cessions de matériels anciens afin de se faire rembourser leur remplacement au prix du neuf. La cession annoncée des AMX-10RC permettrait ainsi à la France de rentrer en partie dans ses frais en utilisant le milliard que la FEP lui coûte à rembourser l’achat des Jaguar. C’est la Cour des comptes qui va être contente !

Faut-il continuer dans de tels errements ? La faute n’est ni polonaise, ni allemande, elle est française et elle n’est pas récente. La gauche française a cru à l’idéal européen comme substitut à son idéal de transformation économique et sociale historiquement inspiré du marxisme à laquelle elle a renoncé en 1983 ; cette évolution s’est incarnée dans la figure de Jacques Delors. De son côté, la droite française, dominée par Jacques Chirac dès 1974, a rapidement renoncé à son héritage gaulliste (incarné par Philippe Séguin en tant qu’héritier d’un autre Jacques, Chaban-Delmas) pour faire de la construction européenne une perpétuation de la lutte des classes (le grignotage des acquis sociaux au nom des « acquis européens ») par d’autres moyens, à commencer par les transferts de compétence. Le macronisme (mais non Emmanuel Macron lui-même, dont la pensée est sans doute plus complexe) est l’héritier de cette double évolution.

Il n’y a pas de fatalité à ce que la France persévère dans une erreur ruineuse qui ne lui apporte ni la prospérité ni la sécurité promises. Comme il n’y a aucune solution réaliste à attendre des extrémités du spectre politique, c’est d’un nouveau retournement de la gauche et de la droite française, vampirisées par le macronisme au niveau national, qu’il convient d’attendre une réaction salutaire apte à répondre aux attentes d’un électorat découragé.

Ce retournement passera obligatoirement par l’abandon de toute illusion vis-à-vis de l’UE, qui n’est définitivement qu’un marché pour les plus riches et un tiroir-caisse pour les moins riches, dont les procédures sont organisées au profit de tous ceux qui y trouvent un intérêt. C’est à la France d’y rétablir son influence pour y faire à nouveau prévaloir ses intérêts. « L’intérêt général européen » n’existe pas, il n’existe que les intérêts particuliers des États membres et de certaines de leurs entreprises qui négocient en permanence pour troquer entre eux, ce qui a l’immense vertu de les dissuader de se faire la guerre, sinon économique. La France est la seule à ne pas jouer ce jeu, ce qui la rend de plus en plus inaudible, car nos partenaires ne supportent plus un discours considéré comme d’autant plus arrogant que les performances françaises ne plaident pas en sa faveur.

Il est temps pour la France de ne plus encourager le projet antisocial (cf. la nouvelle réforme des retraites) et contraire à nos intérêts stratégiques de l’UE actuelle. Le retour prochain du semestre européen remettra en cause l’exécution de la prochaine LPM, alors que l’UE ne protège pas les Européens et que l’horizon de la France ne se limite pas au continent européen et à ses approches maritimes. Dans l’intérêt de l’Europe, la France ne peut plus continuer à se saigner dans l’intérêt des autres. La France s’appauvrit de dix milliards nets par an au profit de ses partenaires de l’UE, y compris les plus riches. Cette hémorragie explosera avec l’arrivée de l’Ukraine. La France doit dorénavant veiller avant tout à préserver ses intérêts, à commencer par les domaines de souveraineté : l’alimentation et la santé, l’énergie et la défense, les services en réseau.

En même temps, la France doit abandonner l’illusoire « Europe puissance » pour s’investir à fond dans l’OTAN, dont les lignes de force ont bougé à la faveur du conflit ukrainien. Les Américains préparent d’ores et déjà leur retrait en faisant du nouveau « royaume polono-lituanien » (englobant l’Ukraine, vieille dénomination géographique qui qualifie une nation depuis un siècle) la puissance militaire dominante du pilier européen de l’alliance, un vassal entièrement dépendant et bien plus sûr que la France, l’Allemagne ou même le Royaume-Uni. Les vrais enjeux stratégiques de demain sont donc au sein de l’OTAN, non à l’UE. Pour la France, qui a des intérêts à protéger sur tous les continents, le risque de marginalisation est réel. La prochaine LPM doit être l’outil d’un redressement stratégique qui tienne compte de tous ces enjeux.
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(*) Le groupe Mars, constitué d’une trentaine de personnalités françaises issues d’horizons différents, des secteurs public et privé et du monde universitaire, se mobilise pour produire des analyses relatives aux enjeux concernant les intérêts stratégiques relatifs à l’industrie de défense et de sécurité et les choix technologiques et industriels qui sont à la base de la souveraineté de la France.

Les leçons d’économie d’Elisabeth I

Les  leçons d’économie  d’Elisabeth I

 Alors que la reine Elisabeth II vient de décéder à l’âge de 96 ans et après 70 ans de règne, le nombre de pauvres ne cesse d’augmenter dans son pays. L’occasion de réhabiliter les politiques menées il y a 400 ans par Elisabeth I. Par Simon Szreter, University of Cambridge ( la Tribune)

 

Les dernières années du règne d’Élisabeth I (reine de 1558 à sa mort en 1603) ont permis l’émergence, en Angleterre, du premier État-providence efficace au monde. Des lois ont été mises en place pour protéger les sujets de Sa Majesté face à la hausse des prix des denrées alimentaires.

Plus de 400 ans plus tard, en cette fin de règne d’Élisabeth II, le Royaume-Uni est de nouveau confronté à des hausses inquiétantes du coût de la vie. Le gouvernement actuel gagnerait à s’inspirer des politiques conduites à l’époque.

Jusqu’à la fin du XVIe siècle, il était acquis dans toute l’Europe médiévale que l’augmentation du prix des denrées alimentaires entraînait une hausse du taux de mortalité, les gens mourant de faim et les maladies se propageant parmi les personnes mal nourries.

Les Lois sur les pauvres - de 1598 et 1601 – ont inversé la situation en Angleterre. Lorsque la nourriture devenait trop chère, les paroisses locales étaient obligées de distribuer de l’argent ou des produits alimentaires à ceux qui n’avaient pas les moyens de se nourrir. Pour la première fois dans l’histoire, il était devenu illégal de laisser quelqu’un mourir de faim.

Les lois étaient claires et simples, et exigeaient que chacune des 10 000 paroisses anglaises mette en place un fonds de secours permanent pour soutenir les personnes vulnérables. Cela incluait les boiteux, les malades, les personnes âgées, les orphelins, les veuves, les mères célibataires et leurs enfants, ainsi que les personnes incapables de trouver un emploi. Les occupants de terres (propriétaires ou locataires) devaient participer au fonds proportionnellement à la valeur de leur propriété.

Contrôlé par les magistrats locaux, le système était transparent et ne laissait aucune échappatoire à l’impôt. En fait, il encourageait une culture de la générosité qui permit le développement au sein des paroisses d’aumôneries, de maisons de soutien et d’hôpitaux afin de soulager la misère des pauvres.

Grâce à ce foisonnement de mini-États-providence, l’Angleterre est alors devenue le premier pays d’Europe en plus de 150 ans à mettre fin à une famine généralisée. Et cela a également permis à l’Angleterre de bénéficier par la suite de la plus rapide croissance du taux d’urbanisation en Europe.

Entre 1600 et 1800, un grand nombre de jeunes ont quitté les paroisses rurales pour trouver du travail dans les villes, sachant que leurs parents seraient soutenus par la paroisse en cas de besoin – et qu’ils recevraient eux-mêmes de l’aide si leurs projets tournaient court. Bien avant l’arrivée des premières machines à vapeur, les Lois sur les pauvres ont créé une main-d’œuvre urbaine qui a permis l’essor de la révolution industrielle.

Puis, en 1834, tout a changé. Le coût de ce système social a été jugé trop élevé et a été remplacé par un nouveau système nettement moins généreux qui séparait les hommes et les femmes les plus pauvres de leurs enfants et les uns des autres, et ne leur permettait de recevoir que du gruau en échange de fastidieuses corvées dans des ateliers dégradants. La perspective de devoir travailler dans ces ateliers était si effrayante que les pauvres préféraient accepter n’importe quel autre emploi, y compris pour un salaire de misère.

C’est cette version des Lois sur les pauvres qui reste dans la mémoire populaire, véhiculée notamment par les livres de Charles Dickens, et qui occulte les premiers succès du règne d’Elisabeth I. Mais des recherches récentes plus complètes commencent à montrer comment les lois élisabéthaines ont changé le cours de l’histoire en Angleterre, offrant une importante leçon encore très actuelle sur le système de protection sociale d’aujourd’hui, ainsi que sur crises liées au coût de la vie.

Les anciennes Lois sur les pauvres ont contribué à une période d’extraordinaire prospérité économique en Angleterre ; l’État-providence a joué le même rôle après la Seconde Guerre mondiale pour le Royaume-Uni. Les investissements publics dans l’éducation (secondaire et supérieure) et le nouveau National Health Service (NHS) – le système de santé publique du Royaume-Uni toujours en place aujourd’hui – ont décuplé les opportunités et permis au niveau de vie de s’envoler, tandis que le Royaume-Uni connaissait les deux décennies (1951-1973) caractérisées par la plus forte hausse de productivité de son histoire.

Aujourd’hui, la population se plaint régulièrement d’être obligée de choisir entre manger et se chauffer alors que les prix de la nourriture et de l’énergie s’envolent. Or il n’existe pas de compensation pour ceux dont les salaires et les avantages sociaux sont insuffisants. L’aide unique eistante, alors que des millions de ménages sont confrontés à la fois à la pauvreté énergétique et alimentaire, n’est qu’un pansement temporaire.

Tant qu’il n’y aura pas d’augmentation permanente des prestations sociales pour les bénéficiaires des minimas sociaux versés par l’État – au Royaume-Uni, le universal credit -, les banques alimentaires continueront à se multiplier et les enfants continueront à aller à l’école le ventre vide. Le lien entre la richesse et la fiscalité a été utilisé efficacement par les Élisabéthains pour commencer à lutter contre les inégalités. Mais l’économie mondialisée d’aujourd’hui facilite les profits extraterritoriaux et l’augmentation constante des inégalités.

Dans mon nouveau livre, After the Virus : Lessons from the Past for a Better Future, j’étudie l’évolution du sens du devoir et de l’effort collectif qui sont à la racine des périodes de prospérité passées et récentes du Royaume-Uni.

Les Lois sur les pauvres étaient loin d’être un système d’aide sociale parfait. Mais le fait que, par le passé, la protection des plus pauvres ait conduit à une croissance économique généralisée constitue une leçon d’histoire qu’aucun gouvernement ne devrait ignorer en période de crise du coût de la vie.

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Par Simon Szreter, Professor of History and Public Policy, University of Cambridge

La version originale de cet article a été publiée en anglais.

Législatives 2022 : leçons du scrutin

Législatives 2022 : leçons du scrutin

 

Marqué par un nouveau record d’abstention, le premier tour des élections législatives est un indéniable revers pour Emmanuel Macron, dont le score est inférieur à celui de sa réélection et dont l’assise électorale se retrouve, pour l’heure, plus étroite que celle de tous ses prédécesseurs, analyse le directeur du « Monde », Jérôme Fenoglio.

 

Une seule majorité aura émergé du premier tour des élections législatives, dimanche 12 juin. Celle, très nette, des non-votants. Pour la seconde fois de l’histoire de la Ve République, le nombre des abstentionnistes y excède la moitié du corps électoral : 52,48 % pour ce nouveau record établi après les 51,30 % de 2017.

A ce désastre démocratique, plusieurs causes ont été identifiées depuis longtemps. Il suffit de suivre l’effondrement de la courbe de participation depuis la mise en place du quinquennat, il y a vingt ans, pour s’assurer qu’avec cette réforme la présidentialisation de notre régime pèse d’un poids encore accru, qui dévitalise le scrutin parlementaire. Plus récemment, la crise de la représentation a encore accentué le trouble sur la figure du député, dont la place intermédiaire, entre enracinement local et rôle national, paraît de moins en moins comprise.

A l’étude de ces facteurs de longue durée, les politologues pourront ajouter celle du phénomène très particulier qui vient de se produire, au cours des semaines qui ont suivi la réélection d’Emmanuel Macron. Le président, et les responsables de son camp, ont eux-mêmes choisi de s’abstenir… d’argumenter, de clarifier, de débattre, bref, de jouer un rôle central d’animateurs de cette campagne électorale. Peut-être par confiance excessive dans l’ordre des choses : jusqu’à présent, les législatives ont accordé une prime aux vainqueurs de la présidentielle, et rien à ses perdants. Sans doute aussi par calcul, une faible participation ne constituant pas forcément une mauvaise nouvelle pour une formation politique qui peut compter sur des électeurs plus aisés, plus diplômés, plus âgés, toutes catégories plus enclines à se déplacer pour voter.

Cette tactique s’est retournée contre ses promoteurs, frappés, au soir du premier tour, par la démobilisation de leur camp. C’est un indéniable revers pour Emmanuel Macron, dont le score est inférieur à celui de sa réélection, et dont l’assise électorale se retrouve, pour l’heure, plus étroite que celle de tous ses prédécesseurs. C’est une victoire provisoire pour la coalition qui s’est formée autour de Jean-Luc Mélenchon, qui a réussi à créer la dynamique inverse : puiser dans son élimination au premier tour de la présidentielle un élan pour ces législatives. L’union des partis de gauche autour de sa personne ne leur vaut pas un score supérieur à l’addition de leurs voix obtenues en 2017. Mais leur unité a fait sauter le verrou du scrutin majoritaire, en leur ouvrant les portes de près de 400 seconds tours dimanche prochain.

En l’état des projections de vote, il est très peu probable que l’issue de ces duels offre à M. Mélenchon le poste de premier ministre de cohabitation qu’il revendique depuis huit semaines. Sa coalition, qui devrait constituer une puissante force d’opposition, n’en menace pas moins de contraindre la taille de la majorité présidentielle. Comme si l’avantage donné par la position centrale du « en même temps » commençait par être érodé par une résurgence inattendue du clivage droite-gauche. Attaqué sur sa gauche, le parti présidentiel pourrait se retrouver fort dépendant de sa droite. Au sein même de sa coalition Ensemble !, si une majorité absolue étroite plaçait les formations d’Edouard Philippe et de François Bayrou en position de force. Voire vis-à-vis du groupe que formeront les députés LR, en passe de sauver nombre de leurs sièges, si la majorité ne devait être que relative.

Ces mouvements souterrains n’ont pas pour autant fissuré le troisième bloc de la présidentielle. Avec le record d’abstention, c’est l’autre source d’inquiétude de ce scrutin : le Rassemblement national de Marine Le Pen progresse significativement par rapport à son score de 2017. En dépit de sa campagne nonchalante, la candidate d’extrême droite ne voit pas, pour la première fois, sa formation retomber lourdement. Et la présence de 208 de ses candidats au second tour impose une clarté dont a malheureusement manqué le parti présidentiel, dimanche soir, en laissant entendre qu’il ne donnerait pas de consigne de vote nationale contre le RN, à rebours de la position prise par certains de ses membres. Lundi matin, il semblait évoluer sans pour autant appeler clairement au front républicain.

Entre partis républicains, la mobilisation contre l’extrême droite ne saurait être invoquée au gré des circonstances. Le parti de M. Macron ne peut appeler à lui faire barrage pour accéder ou se maintenir au pouvoir, puis ne pas s’appliquer à lui-même cet impératif, sauf à renier son identité et les valeurs qu’il prétend siennes. Dans le paysage mouvant de cet entre-deux-tours, cette clarification, et ce rejet sans ambiguïté de tout cynisme électoraliste, s’imposent sans délai.

Convention Climat : «Je n’ai de leçons à recevoir de personne» ( Macron)

Convention Climat : «Je n’ai de leçons à recevoir de personne» ( Macron)

La fameuse convention citoyenne composée au hasard  n’a guère apprécié que le chef de l’État n’ait retenu que deux ou trois propositions sur la centaine proposée. Des membres de cette convention se sont même érigés en structure d’opposition pour contester les choix du président de la république. Rappelons qu’avant même le début des travaux de cette commission, le président avait dit qu’ il prendrait en compte la totalité des propositions et sans filtre! À l’occasion de sa dernière intervention Macron a mis les choses au point « J’ai 150 citoyens, je les respecte, mais je vais pas dire, ce qu’ils proposent, c’est la Bible ou le Coran« , s’énerve le président quand on lui explique que la convention sur le climat n’a pas été respectée.

Environnement-inégalités :Tirer les leçons du coronavirus ( Jean Tyrol)

Environnement-inégalités :Tirer les leçons du coronavirus ( Jean Tyrol)

 

Le Prix Nobel d’économie 2014, dans une tribune au « Monde », appelle à tirer les leçons du Corona virus sur d’autres champs que la santé comme le réchauffement climatique et  les inégalités.

 

Tribune. 

 

Qu’elles soient civiles, interétatiques ou sanitaires, les guerres laissent leur marque dans la société. Les recherches en sciences sociales montrent qu’elles réduisent les tendances individualistes et augmentent l’empathie. Les individus se comportent de manière plus coopérative et altruiste ; ils sont plus enclins à rejoindre des groupes sociaux. Avec des différences selon le type de guerre : contrairement aux guerres civiles, les guerres entre Etats génèrent des intérêts communs qui comblent les écarts entre les groupes.

Bien sûr, une grande partie de ce nouvel altruisme s’exprime envers son propre groupe, l’« endogroupe », comme par exemple les concitoyens dans une guerre contre un ennemi extérieur. Une guerre sanitaire contre le Covid-19 a cet avantage que le groupe s’étend, au-delà de ses concitoyens, à toute l’humanité et qu’il n’y a pas d’« exogroupe » autre que le virus… à condition que l’on n’appelle pas le virus « maladie chinoise », comme l’a fait le président américain, et que ne prévale pas le réflexe « chaque pays pour lui-même ».

Si cette crise génère un tel rapprochement entre nos compatriotes et entre Européens, cela pourrait être une bonne nouvelle, étant donné la tendance récente au populisme, au nationalisme, à l’intolérance ethnique et religieuse. De ce point de vue, la reformulation par le président Macron de la lutte contre le coronavirus comme une « guerre » pourrait avoir été judicieuse.

Si l’on peut être raisonnablement optimiste à cet égard, il est moins probable que l’élaboration des politiques publiques adopte une perspective à plus long terme. Allons-nous enfin apprendre notre leçon ? Nous sous-investissons dans l’éducation et la formation continue ; nous négligeons le combat contre le changement climatique et diverses autres politiques qui limiteraient les dommages causés à la prochaine génération par le climat, l’intelligence artificielle, la dette, l’inégalité et autres défis imminents.

Le Covid-19 nous rappelle notre vulnérabilité globale dans le domaine de la santé. Nous devons investir dans des systèmes de santé efficaces et promouvoir la recherche, qui nous permettra de répondre rapidement aux menaces émergentes. Nous étions déjà conscients du manque de recherche sur les antibiotiques, compte tenu de l’augmentation de l’antibiorésistance. Nous étions préoccupés par la guerre biologique. Nous tremblons de peur face à la fonte du pergélisol qui, en plus d’émettre des volumes importants de gaz à effet de serre, va libérer d’anciens virus et bactéries, avec des conséquences imprévisibles. Nous réalisons maintenant que le problème est encore plus large. Les crises sanitaires mondiales ne sont plus des « événements rares ».

 

Macron instrumentalise les « leçons » des résistants des Glières

Macron instrumentalise  les   »leçons » des résistants des Glières

 

Comme trop souvent Macron utilise un événement historique pour l’instrumentaliser au service de sa vision de l’actualité. Ce qu’il a fait en rendant hommage dimanche aux résistants qui ont combattu le régime nazi et la France de Vichy lors de la Seconde Guerre mondiale sur le plateau des Glières en Haute-Savoie. Macron ne s’est pas limité aux faits historiques et à l’hommage qu’on doit rendre à leurs acteurs. Même s’il n’a pas fait de lien explicite avec l’actualité, Macron a utilisé les leçons de ces événements pour donner une légitimité à sa vision politique. Notons que sur ce point le président de la république devrait se montrer modeste car non seulement il n’a pas combattu lors d’un conflit mais il n’a même pas fait son service militaire. Une situation inédite pour celui qui est aussi le chef des armées. Pas étonnant s’il ne milite que pour un service national réduit à la portion congrue plus proche d’un séjour en colonie de vacances que de service militaire. Le président de la République, qui n’a pas fait de parallèle explicite avec l’actualité du moment mais a insisté sur un certain nombre de causes, a prononcé un discours au ton grave retraçant l’historique de ce haut-lieu de la résistance, en présence du ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer. Macron n’a pas manqué d’évoquer cette unité nationale qui lui fait défaut mais dont il est grandement responsable. “Les Français voient là l’unité nationale et c’est ce à quoi ils aspirent”, a déclaré la tête de liste du camp présidentiel pour les élections européennes du 26 mai qui s’exprimait sur BFMTV. “Dans ce décor comme destiné à être le théâtre d’une épopée à la fois sublime et tragique, quelques centaines d’hommes avaient décidé de se lever”, a déclaré Emmanuel Macron. “Si nous sommes là, au pied de ce plateau (…), c’est parce que 75 ans après, le peuple de France n’oublie rien de votre sacrifice. Si nous sommes là, c’est pour dire avec force que la leçon d’honneur et de courage que vous nous avez donnée est intacte”, a-t-il ajouté. Le président a également évoqué la leçon “de l’enracinement” transmise par les maquisards des Glières qui “ont défendu l’honneur, la liberté, la civilisation en même temps qu’une montagne, que leur terre, que ce lieu”. “Et il continue à être ainsi de nos idéaux, ils n’existent qu’ancrés, pétris dans notre terre (…)”, a-t-il dit. Le chef de l’Etat a également- à bon compte- voulu retenir la “leçon de l’égalité” léguée par les combattants venus de tous horizons (paysans, réfractaires du travail obligatoire en Allemagne nazie, communistes, francs-tireurs et partisans, républicains espagnols), a notamment énuméré Emmanuel Macron, “que rien ne prédisposait à se rencontrer” et qui se sont retrouvés “égaux et frères dans le combat”.“L’égalité, la vraie, la nôtre, est bien de mesurer la valeur des hommes à ce qu’ils peuvent sacrifier à une cause qui les dépasse” (…)”, a dit le président. Une belle phrase mais un peu en décalage dans la relation de la théorie à la pratique dans la période actuelle




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