Le traité transatlantique : l’enjeu des valeurs (Pascal Lamy)
Pascal Lamy, ancien directeur de l’OMC (organisation mondiale du commerce) livre sa vision dans une interview au JDD des enjeux du traité transatlantique (Tafta ou Ttip) ; pour lui, il s’agit moins d’un enjeu économique que d’un enjeu sur les valeurs. Il est sans doute vrai que les conséquences économiques ne seront pas aussi considérables que certains le prétendent toutefois Pascal Lamy oublie que cette négociation a surtout un caractère normatif qui risque de peser sur l’ensemble de l’économie mondiale. De toute manière en l’Etat des divergences sur le sujet l’accord net pas pour demain.
Sur quoi porte le projet d’accord transatlantique (Tafta) entre l’Union européenne et les États-Unis?
P-L : C’est une discussion pour créer un traité d’un nouveau type difficile à comprendre parce que les négociateurs européens et américains n’ont pas été capables d’expliquer ce qu’ils font. Il n’y a presque plus de donnant-donnant, comme quand on se mettait d’accord sur un pourcentage de droits de douane. Cet objectif fait partie de la négociation en cours mais demeure très marginal. L’essentiel des discussions porte sur les standards qui protègent les consommateurs. Avant, par exemple, un cultivateur de roses rwandais se heurtait à des droits de douane plus ou moins élevés sur ses exportations aux États-Unis ou en Europe. Aujourd’hui, on s’intéresse au niveau admissible de résidus de pesticides dans les fleurs. Si cet accord voit le jour, ce niveau sera équivalent pour un marché de plus de 800 millions d’Américains et Européens. Cela met en jeu nos valeurs, nos interprétations du principe de précaution, des préférences collectives encore très hétérogènes des deux côtés de l’Atlantique.
La France figure parmi les pays européens les plus opposés à cet accord, c’est classique?
La France est traditionnellement plus protectionniste que d’autres pays européens et je présume que François Hollande cherche à se protéger sur sa gauche.
Cet accord créera-t-il plus de richesses que de chômage?
L’économie des États-Unis va croître deux fois plus vite que l’économie européenne au cours des dix prochaines années, autour de 3% contre 1,5% en moyenne chez nous. Y exporter davantage nous procurerait de la croissance et de l’emploi. Se pose évidemment la question du partage des richesses ainsi créées. Car ce type d’accord a toujours un impact douloureux socialement et économiquement pour les producteurs les moins efficients. Aux pouvoirs publics de mettre en place les politiques nécessaires.