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« La “peuplecratie » est un défi pour la démocratie» (Marc Lazar)

 « La “peuplecratie » est un défi pour la démocratie» (Marc Lazar)

Marc Lazar, sociologue et historien s’interroge sur la peuplecratie dans une tribune au Monde (extraits)

« Pourquoi ce néologisme un peu lourd de « peuplecratie », alors que l’étymologie grecque de démocratie, c’est « le pouvoir du peuple » ?

Je dois reconnaître qu’en italien cela sonne mieux : popolocrazia.Ilvo Diamanti, avec qui j’ai écrit ce livre, est aussi un éditorialiste de talent, inventeur de mots. L’émergence de nouvelles pratiques politiques, voire de nouveaux régimes, nécessite de forger de nouvelles notions. Ainsi, dans les années 1930 et 1950, celle de « totalitarisme » pour tenter d’appréhender ce que pouvaient avoir en commun le bolchevisme, le fascisme et le nazisme.

Or, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, les mouvements populistes d’aujourd’hui sont en train de faire muter les bases mêmes de la démocratie libérale et représentative.

La démocratie, dans sa pratique moderne, se fonde sur la séparation des pouvoirs et sur tout ce qui relève de l’Etat de droit né des Lumières. Nous entrons maintenant, sous la pression de ces mouvements, dans une tout autre période…

Ces mouvements populistes et leurs leaders martèlent que la souveraineté du peuple est sans limite. Tous les contre-pouvoirs doivent céder le pas au suffrage universel.

Le deuxième élément qui les caractérise est la mise en avant non seulement d’une démocratie directe mais aussi d’une démocratie immédiate, sans aucune forme de médiation, passant outre les corps intermédiaires et les partis.

Leur discours est celui d’une urgence permanente. Ils clament qu’il y a des solutions simples pour tous les problèmes, d’où leur demande d’une pratique référendaire systématique. Ils ont compris aussi la révolution que représentent les réseaux sociaux, qu’ils utilisent à fond.

La « peuplecratie » serait donc à la fois une nouvelle phase de la démocratie et une menace pour celle-ci ?

La « peuplecratie » n’a pas encore vaincu, mais elle est là comme un grand défi pour la démocratie libérale et représentative. »

Italie : la victoire du populisme, pourquoi ? (Marc Lazar)

Italie : la victoire du populisme, pourquoi ? (Marc Lazar)

Marc Lazar, professeur d’histoire et de sociologie politique à Sciences Po  explique les enjeux du populisme en Italie dans une interview au Figaro (extraits)

Pourquoi les populismes italiens rencontrent-ils un tel succès ?

Les populismes sont multiples en Italie. Il y a par exemple le populisme de l’entrepreneur Silvio Berlusconi, qui toutefois ne se résume pas à cette seule caractéristique. Le populisme de droite extrême de la Ligue du Nord et des Frères d’Italie. Le populisme inclassable, attrape-tout, mêlant l’horizontalité de la toile à la verticalité des chefs, du Mouvement 5 étoiles. Les populismes prospèrent sur la profonde crise de défiance envers la politique, l’euroscepticisme croissant et la situation sociale, un chômage élevé, des inégalités de toute nature qui se creusent, la pauvreté qui s’étend et l’immense inquiétude des Italiens, leurs peurs, leurs angoisses face à l’immigration et les arrivées de flux de migrants. Non seulement les populistes exploitent ces motifs d’exaspération mais, délibérément, ils ne cessent de les amplifier car ils savent que cela leur profite.

Quel est le bilan de la précédente législature sur le plan politique et économique ?

Trois gouvernements se sont succédés grâce à une alliance parlementaire associant le centre gauche et quelques regroupements d’élus centristes. Celui d’Enrico Letta (avril 2013-février 2014), celui de Matteo Renzi (février 2014-décembre 2016) et celui de Paolo Gentiloni (commencé en décembre 2016 et toujours en activité actuellement quand bien même le Président du Conseil et nombre de ses ministres sont candidats pour ce scrutin). Cette législature a été active. Ces exécutifs ont agi sur de nombreux sujets. Par exemple, ils ont aboli le financement public des partis politiques, adopté une loi condamnant fermement les auteurs de violences au sein des familles et contre les femmes, réformé le marché du travail et l’école, instauré la reconnaissance juridique des couples du même sexe, accordé 80 euros à 11 millions d’Italiens gagnant moins de 1.500 euros par mois, donné 500 euros à tout jeune le jour de ses 18 ans afin qu’il les utilise pour des dépenses culturelles, alloué près de 20 milliards d’euros pour sauver les banques italiennes, pris des mesures pour tenter de réguler les flux de migrants et agi en faveur de l’industrie et du développement du numérique.
Toutes ces dispositions n’ont pas toujours obtenu un large consensus. Au contraire, celle dite du « Jobs act » et celle concernant l’école publique, toutes les deux promulguées par Matteo Renzi, ont provoqué des manifestations de protestation d’une partie des forces syndicales. Le même Matteo Renzi a subi une défaite cinglante avec son référendum sur la réforme constitutionnelle du 4 décembre 2016 qui visait à sortir du bicaméralisme intégral en réduisant les pouvoirs du Sénat, en changeant son mode de désignation et en modifiant sa composition : 59% d’Italiens ont voté non, entraînant la démission de son initiateur de la présidence du Conseil et de celle de son poste de secrétaire du PD qu’il a néanmoins reconquis à la faveur d’une primaire en juin 2017. Néanmoins, sur le plan économique, la croissance italienne est en train de repartir. Le FMI prévoit un taux de croissance de 1,5%, le déficit public reste inférieur à 3% du PIB, la balance commerciale est excédentaire et la confiance revient chez les chefs d’entreprises. Il reste parmi eux de nombreux points noirs, la colossale dette publique italienne, 131,6% du PIB.

Pourquoi ces élections représentent-elles un enjeu important à l’échelle européenne ?

L’Italie a longtemps été un pays europhile. Elle est devenue un pays eurosceptique. Les Italiens sont désormais plus eurosceptiques que les Français. Et des partis ont fait de l’euroscepticisme l’une de leurs grandes ressources politiques : la Ligue du Nord, Frères d’Italie, le Mouvement 5 étoile et une partie de la petite coalition de la gauche de la gauche, qui s’appelle Libres et égaux. Aux lendemains du 5 mars, ces eurosceptiques pèseront lourd dans le Parlement italien. Et si le centre droit obtient une majorité de sièges, le gouvernement qu’il composera oscillera entre des positions souverainistes et des positions pro-européennes au sein de Forza Italia. Cela nuirait à la crédibilité de l’Italie au sein de l’Union européenne. En fait, la question est de savoir si l’Italie restera ce grand pays qui a toujours joué un rôle important en Europe ou si elle prendra un peu de distance par rapport au projet européen.

Pourquoi ces élections représentent-elles un enjeu pour la France à la fois sur le plan économique et sur le plan politique ?

Sur le plan économique, le résultat de ces élections n’aura guère d’impact pour la France, 2ème partenaire commercial de l’Italie, comme l’Italie est notre deuxième partenaire commercial. Business is business. Sauf évidemment, si l’Italie en venait à avoir un gouvernement composé du Mouvement 5 étoiles, de la Ligue du Nord, d’une partie de la gauche de la gauche qui penserait à une sortie de l’euro. Mais c’est quasiment impossible. Peut-être, également, un gouvernement de centre droit protesterait contre la trop grande présence française en Italie, selon lui. Mais sans conséquence grave. En revanche, si l’Italie a un gouvernement de centre droit, ou pire un gouvernement avec le Mouvement 5 étoiles, les projets d’Emmanuel Macron pour  relancer l’Union européenne, en s’appuyant d’abord et avant tout sur l’Allemagne mais aussi sur l’Italie, seraient entravés du côté de Rome.




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