Archive pour le Tag 'Larchevêque)'

L’avenir du bitcoin et de la Blockchain (Eric Larchevêque)

L’avenir du bitcoin et  de la Blockchain (Eric Larchevêque)

Eric Larchevêque, directeur général de Ledger, s’exprime sur l’avenir du bitcoin et  de la Blockchain, dans une interview à  LA TRIBUNE –

 

 Quand avez-vous découvert le Bitcoin et qu’est-ce qui vous a séduit dans cette « monnaie virtuelle » ?

ERIC LARCHEVÊQUE - J’étais à la recherche d’une nouvelle aventure professionnelle en 2013 après avoir vendu à High Co le comparateur de prix sur mobile que j’avais créé en 2010 (Prixing). Je me suis alors plongé dans l’univers du Bitcoin, j’ai beaucoup lu et j’ai été frappé par l’éclair quand j’ai fini par comprendre les implications de cette technologie, cette notion de confiance décentralisée : c’est la quatrième révolution industrielle ! Quand j’ai créé ma première startup (France Cyber Media), en 1996, à l’époque où l’Internet supplantait le Minitel, j’ai vu à quel point la transformation technologique pouvait avoir un impact sur la société. Je me suis dit qu’il allait se passer la même chose avec la technologie Blockchain qui rebat les cartes de la finance et de la confiance.

En revanche, je n’avais pas d’idée de business modèle. Avec mon associé Thomas France, co-fondateur de Ledger, nous avons eu envie d’ouvrir un lieu physique, très horizontal, où échanger et expliquer ce qu’était le Bitcoin. Nous avons choisi un nom un peu désuet pour rassurer, La Maison du Bitcoin, qui a ouvert dans le 2e arrondissement de Paris au printemps 2014. C’était juste après la chute de la plateforme Mt. Gox, tout le monde disait que le Bitcoin était officiellement mort. Nous voulions expliquer que derrière ces « monnaies virtuelles » —  on parle plutôt de « crypto-actifs » maintenant — il y avait cette technologie Blockchain. Nous avons mené ce projet sur nos fonds propres. Notre modèle économique c’était de faire le pari qu’il allait se passer quelque chose !

L’intérêt de ce lieu a été de concentrer tous les acteurs de l’écosystème, en y organisant des hackathons, des meet-ups, etc. Nous avons ainsi croisé la route de deux startups, BTChip de Nicolas Bacca, qui venait de l’univers de la carte à puce (Oberthur) et avait développé la première version d’un coffre digital hardware (électronique), produit techniquement très performant, mais sans interface, d’un usage trop complexe, et Chronocoin, de Joel Pobeda, qui vendait des bitcoins envoyés par UPS, sous contre-signature pour vérifier l’identité et éviter la fraude : il lui fallait un moyen de sécuriser l’envoi des clés privées. Nous avons décidé de fusionner en septembre 2014. Mon associé et moi apportions la vision entrepreneuriale et la mise en musique du projet pour attirer des investisseurs. La première version du produit, Ledger Nano, sans écran, a été lancée en octobre 2014, et tout est allé assez vite.


Quel est le principe de ce « coffre » à la fois digital et physique ?

Notre ambition était de dépoussiérer la technologie de sécurité des cartes à puce dans le but de créer un coffre digital pour cryptomonnaies. Si vous perdez la clé privée d’accès à votre compte en cryptomonnaies ou qu’on vous la vole, vous ne pouvez plus y accéder, tout est perdu. Sous sa forme de clé USB, le Nano S est un véritable ordinateur embarqué, avec un système d’exploitation que nous avons développé. Dans ce petit boîtier, l’important c’est la carte à puce qui permet de sécuriser la clé privée d’un portefeuille de crypto-actifs. Grâce à ce format de clé USB, nous pouvons intégrer un écran où l’on peut vérifier ce que l’on signe et non pas envoyer un ordre à l’aveugle.

 
Votre produit est « made in Vierzon ». Pourquoi ce choix ?

J’ai passé toute mon enfance à Vierzon, où ma famille a un passé industriel : mon grand-père avait créé une fabrique de porcelaine, Larchevêque, qui a fini par péricliter dans les années 1980. Mais c’est en fait le fruit d’une coïncidence incroyable : Joel Pobeda avait installé Chronocoin à Vierzon. C’est une fierté d’avoir une unité de production dans cette ville, un peu sinistrée : nous sommes l’entreprise qui a créé le plus d’emplois l’an dernier. Nous sommes 80 à Paris et une cinquantaine à Vierzon, dans la production, la logistique, l’ingénierie et l’assistance client. Nous y construisons le « Ledger plex » et nous allons créer une centaine d’emplois dans les années à venir. Nous sponsorisons aussi les équipes de foot, de rugby etc, et participons à l’émergence d’un « Silicon Berry ». C’est un projet personnel et émotionnel de pouvoir réindustrialiser la région et poursuivre ainsi l’histoire familiale.

Vous avez vendu plus de 1,2 million de ces « coffres digitaux ». Qui sont les acheteurs ?

Nous avons connu une croissance extraordinaire ces derniers mois. C’est un motif de fierté pour tous dans l’entreprise, d’autant qu’il est difficile de percer avec un produit d’électronique grand public et conçu en France. Nous avons vendu ces 1,2 million de coffres pour cryptomonnaies dans 165 pays, environ un tiers en Europe, un tiers aux États-Unis et un tiers en Asie. Les ventes sont complètement corrélées au marché des cryptomonnaies qui est passé d’une capitalisation de quelques dizaines de milliards de dollars à 850 milliards en décembre et oscille aujourd’hui entre 300 et 400 milliards de dollars. Quand le cours du Bitcoin monte, cela crée un tel cirque médiatique que de nouveaux acheteurs arrivent et ont besoin de s’équiper pour protéger leurs portefeuilles. Les ventes sont moins importantes en cas de baisse des cours.

L’an dernier, nous ne pouvions plus suivre la demande, nous avons été en rupture de stock pendant l’été et les deux premiers mois de 2018. Nous avions prévu de vendre 60.000 unités en 2017 et nous en avons écoulé près d’un million !Nous avons dû revoir entièrement nos outils de production, ce qui ne se fait pas du jour au lendemain. Nous avons vu nos produits sur eBay à des prix absurdes, plusieurs centaines de dollars (contre un prix public de 95 euros).

Cela démontre aussi la véritable utilité de notre produit : je rencontre beaucoup de gens qui me disent merci, ce coffre digital leur permet de passer de meilleures nuits. On peut le porter sur soi, comme un portefeuille, ou le laisser au coffre à la banque s’il s’agit de sommes conséquentes. Il n’y a pas de limite de stockage, puisque c’est la clé privée d’accès aux comptes qui est sauvegardée : ce sont comme des « bons au porteur » digitaux.

Selon une enquête récente de Deloitte, 75% des Français connaissent les cryptomonnaies et 7%, soit 3 millions de personnes, seraient utilisateurs de cryptomonnaies. Ces chiffres vous semblent-ils crédibles ?

Même Jean-Pierre Pernaut en a parlé dans son journal télévisé, le taux de notoriété n’est pas étonnant ! Cependant, il n’y a probablement pas 3 millions de Français qui possèdent des crypto-actifs, ce chiffre paraît très optimiste ! Certes, c’était un peu l’émeute en décembre à la Maison du Bitcoin et l’intérêt semble transcender toutes les classes d’âge et sociales. D’après ma perception du marché, il y a quelques centaines de milliers d’utilisateurs de crypto-actifs en France, on s’approche peut-être du million.

A-t-il été difficile de lever des fonds, du fait de la défiance de certains investisseurs ?

Nous avons réalisé une première levée de fonds de 1,3 million d’euros en février 2015 auprès du fonds français Xange et de business angels, comme Fred Potter, le fondateur de Netatmo, et Pascal Gauthier, de Criteo. Thomas, mon associé, est parti ouvrir une filiale à San Francisco, où se fait tout le développement « crypto » et Blockchain : si on n’est pas dans la Silicon Valley, on n’existe pas ! Il était important d’être là-bas pour présenter nos produits et « évangéliser » les produits de sécurité. Nous avons procédé à plusieurs itérations du produit et lancé le Nano S avec un écran, en juin 2016. Le marché était encore tout petit, nous étions moins d’une vingtaine chez Ledger et à peine à l’équilibre. Nous avons réalisé un deuxième tour de table de 7 millions d’euros en mars 2017, auprès de la Maif notamment. Quand le marché a vraiment accéléré en 2017, notre marque, qui a bénéficié du bouche-à-oreille, était déjà un peu connue dans l’écosystème et l’enjeu de la sécurité était bien compris.

La croissance de Ledger a été verticale. Pascal Gauthier (ex-directeur opérationnel de Criteo) nous a rejoint pour son expertise opérationnelle de structuration de l’entreprise, afin de mettre en place les fonctions supports (finance, RH, juridique) et nous permettre d’accélérer. Nous avons réalisé un tour de table de 60 millions d’euros pour dérouler notre feuille de route à cinq ans. Notre ambition est de créer un géant technologique européen des applications de la Blockchain, en particulier des cryptomonnaies. La première étape, c’est l’électronique grand public avec ce coffre digital, la deuxième étape, ce sont les entreprises et les services, nous avons lancé des solutions pour les institutions financières, la troisième étape, à plus long terme, ce sera l’Internet des objets et toute l’industrie.

La technologie Blockchain ne coûte-t-elle pas cher pour le seul stockage ? Des experts relèvent que ce n’est pas l’alpha et l’oméga pour tous les secteurs…

La Blockchain n’est pas la solution à tous les problèmes, ce ne sera pas la seule technologie utilisée. Cependant, elle a beaucoup de sens dans des cas d’usage qui peuvent représenter des marchés importants.
Premier exemple : tout ce qui touche à l’énergie, aux smart grids, à la voiture autonome ou électrique. Si on se projette dans le futur, le véhicule connecté dans la smart city va avoir besoin de se recharger par induction au feu rouge, payer un parking, un péage, etc : son trajet va être ponctué de 50 opérations où se produira un échange de flux physiques et financiers entre plusieurs acteurs qui peuvent être réalisés sous la forme de « smart contracts » [contrats « intelligents » déclenchés automatiquement selon des paramètres prédéfinis]. Utiliser un protocole pair-à-pair distribué comme la Blockchain a plus de sens et apportera plus de flexibilité qu’un système centralisé.

Deuxième exemple l’industrie 4.0 et la « supply-chain »(chaîne d’approvisionnement), où doit s’opérer le lien entre matières premières et flux financiers. Avec la Blockchain, on va pouvoir interconnecter tous les acteurs et permettre à une usine de se reconfigurer en fonction de la demande.

Le troisième exemple est un peu au fondement de tout cela : créer des cryptomonnaies d’État. C’est une manière de répondre aux questions de régulation que se posent les pouvoirs publics. Il s’agirait tout simplement de publier un décret qui autorise les banques à émettre, de façon centralisée, des tokens (jetons numériques) d’une valeur d’un euro. L’intérêt de la Blockchain c’est le « smart contract », la possibilité d’ajouter des fonctions programmables dans l’argent et de pouvoir ainsi permettre à un véhicule d’avoir un portefeuille pour se recharger à un réseau électrique intelligent. Je sais bien qu’on ne pourra jamais payer en bitcoins à la pompe ! D’ici quelques années, avec des vitesses d’adoption différentes entre les États-Unis, l’Europe et certaines micro-nations, on verra l’arrivée de cryptomonnaies d’État, que l’on peut aussi qualifier de « stable coins », des « crypto » ayant une valeur d’un pour un avec une monnaie ayant cours légal.

Ces « stable coins » permettront de débloquer des tas de « smart contracts », comme ceux que l’on voit apparaître dans l’assurance pour un retard d’avion : ça n’a pas de sens de rembourser les assurés en ethers alors qu’il y a un coût de couverture des fluctuations du cours, il faut le faire en euros. Or l’un des grands frottements financiers dans les métiers de l’assurance réside dans la gestion pour compte de tiers, avec tous les coûts de conformité, d’audit, de connaissance client (KYC). Si on met les fonds dans un « smart contract », qui est l’équivalent d’un séquestre automatisé, connecté à ce que l’on appelle des « oracles » qui prédisent le retard des avions, le débouclement du contrat d’assurance se fait de manière totalement automatisée, sans intervention humaine. In fine, la prime est plus faible, le produit est plus performant et le client a plus de chances de le choisir. C’est ce qu’apporte la « révolution Blockchain » : pouvoir qualifier des événements financiers en même temps que des événements physiques et déboucler tout cela de manière automatisée.

 

Pour Ledger, cela peut représenter des contrats d’équipements. Par exemple, des micro-Etats tels que la Barbade, qui ont perdu une partie de leur business off-shore avec le durcissement des lois internationales, cherchent une nouvelle source de revenus et ont la chance d’avoir une monnaie arrimée au dollar, plutôt stable : ils travaillent à un projet d’émettre des crypto-dollars dotés de toutes les qualités des « smart contracts ». D’autres pays, comme la Chine, la Russie et l’Iran, se posent la question d’émettre leurs propres cryptomonnaies qui pourraient répondre à des problématiques de sanctions internationales et d’embargo. Je pense que, plutôt qu’essayer de réguler les cryptomonnaies, les États vont prendre le problème à l’envers et créer leurs propres cryptomonnaies.
La tendance n’est-elle pas plutôt à la régulation ? Le sujet a été débattu au G20, deux missions d’information au Parlement en sont chargées et la loi Pacte doit l’aborder aussi.

C’est vrai, nous participons d’ailleurs à ces missions d’information parlementaires et nous avons recruté des personnes telles que Nathalie de Gaulle, comme directrice des affaires gouvernementales et banques centrales [ex-directrice de campagne de Bruno Le Maire, ex-Société Générale CIB et Engie, Ndlr] pour y apporter notre vision. Dans le futur, dans trois ou cinq ans, il est probable que les États s’emparent de la problématique en émettant leurs propres cryptomonnaies. C’est un futur possible et sûrement le plus souhaitable pour la croissance des usages grand public des « smart contracts », et qui n’empêche en rien le développement parallèle des blockchains décentralisées.

La Banque de France prône un encadrement clair des crypto-actifs et la création d’un statut de prestataire de service en crypto-actifs. Faut-il un cadre réglementaire ?

Aujourd’hui, il y a une zone grise. Par exemple, la Maison du Bitcoin, qui fait plutôt un métier de broker (courtier) en achat et vente de crypto, opère dans un vide juridique. Il est évidemment souhaitable de créer un cadre pour permettre à ces entreprises d’exercer de façon contrôlée, ce qui est clé pour avoir accès au système bancaire. C’est le plus grand problème rencontré aujourd’hui par les sociétés de l’univers des crypto. Il a été compliqué de pouvoir simplement ouvrir un compte en banque pour la Maison du Bitcoin, nous avons finalement trouvé auprès de Fidor [néobanque allemande rachetée par le groupe BPCE], et même pour Ledger alors que l’on vend de l’électronique, on n’intervient pas sur les cryptomonnaies et on est bien capitalisé. Certaines banques ne souhaitent pas travailler avec nous par crainte d’un risque de réputation. J’ai encadré les lettres de refus à côté de mon bureau ! Nous avons trouvé depuis plusieurs banques. Malgré les discours sur l’innovation et les startups, le banquier reste frileux par rapport à cet univers des crypto-actifs.

S’il est nécessaire d’avoir un cadre juridique dès que l’on rentre dans un univers où l’on gère de l’argent fiduciaire, comme dans le système bancaire classique, certaines propositions sont inapplicables et impossibles, comme celle d’exiger de faire du « KYC », de la connaissance client sur tout portefeuille de cryptomonnaies [qui figure dans le projet de directive européenne anti-blanchiment]. C’est comme si on l’exigeait des vendeurs de coffre-fort, ça n’aurait aucun sens. Le marché est mondial et cela viendrait limiter l’usage des coffres à crypto dans une zone géographique précise. Le plus grand danger serait de tuer la compétitivité européenne : on se retrouverait avec des GAFA Blockchain dans cinq ans. J’espère que le gouvernement l’a compris et que nous arriverons, tout en protégeant le consommateur contre le risque spéculatif, à avoir un cadre juridique qui ne tue pas l’innovation ou la déplace à l’étranger. Nous sommes heureux et fiers d’être Français, d’avoir un héritage de 40 ans de savoir-faire dans la carte à puce, domaine que ne maîtrisent pas les Américains.

La traçabilité est pourtant possible avec la Blockchain, on peut identifier des bitcoins d’origine douteuse, non ?

Tout à fait. Un bitcoin n’est pas totalement fongible et il existe des outils de traçabilité et d’analyse statistique pour identifier l’origine de bitcoins « teintés » (« tainted » c’est-à-dire ternis, corrompus). Ce n’est pas une preuve absolue, mais une analyse statistique, un scoring de bitcoins présentant une forte probabilité d’être issus d’un piratage, d’un vol sur une place de marché. Dans l’enquête sur Silk Road [marché noir du « darknet » fermé par le FBI en 2013, Ndlr], le procureur a dit avoir pu la résoudre grâce à la traçabilité du bitcoin. Ce dernier n’est pas anonyme, mais pseudo-anonyme : même si on ne pourra jamais, d’un point de vue pratique, avoir un KYC sur les clés privées, on aura toujours des outils permettant à la police de faire son travail. La Maison du Bitcoin a par exemple collaboré à de nombreuses enquêtes sur des affaires diverses. Le Bitcoin n’est pas une zone de non-droit. Par ailleurs, unerécente étude de l’entreprise britannique Elliptic [éditeur de logiciels de cybersécurité crypto] a estimé à moins de 1% la part des bitcoins utilisés pour des usages illégaux, sur l’ensemble des transactions sur la Blockchain. Interpol n’a pas non plus identifié de connexion entre le Bitcoin et le financement du terrorisme.

Il faut replacer le débat dans un cadre plus posé et factuel. Cela fait partie du rôle de Ledger, qui n’a pas besoin d’un statut particulier pour opérer, de porter ce débat et d’éviter la mise en place de réglementations absurdes. Aujourd’hui on ne peut plus ignorer les crypto-actifs et les pouvoirs publics ont compris que ceux-ci étaient là pour durer. Il y a en outre une réelle volonté de la part de ce gouvernement de créer des champions français et la crainte de rater un nouveau virage, après celui de l’Internet. Je suis donc assez optimiste et je crois assez peu à une régulation absurde : les acteurs technologiques bénéficient d’une certaine bienveillance. Le pragmatisme devrait l’emporter sur le manque de courage.


Quid de la fiscalité ?

Aujourd’hui, la fiscalité sur les crypto-actifs est confiscatoire : on peut se retrouver à payer 70% d’impôt sur la plus-value [il faut la déclarer en tant que bénéfice non commercial (BNC) si l’activité d’achat-revente en euros est occasionnelle, et comme bénéfice industriel et commercial (BIC) s’il s’agit d’une activité régulière]. Tout le monde voit bien que c’est une recette pour un désastre et que cela dissuade de déclarer. J’ai l’impression que l’on se dirige vers une sorte de « flat-tax » de l’ordre d’un tiers.Ce serait clair, simple et acceptable, et une véritable libération pour certaines entreprises du secteur qui envisageraient l’avenir de façon plus posée.
Le Bitcoin est né après la crise financière de 2008 et d’une défiance à l’égard du système. Cet aspect-là vous a-t-il séduit ? Et quid de l’attrait spéculatif pour l’ex-joueur de poker professionnel que vous êtes ?

En plus des aspects technologiques, la résistance à la censure de la Blockchain et du Bitcoin et la capacité de créer une réserve de valeur alternative m’ont complètement séduit. D’un point de vue économique et philosophique, je me suis toujours inquiété de la course à la dette, de la solution dangereuse pour les générations futures de la planche à billets. Il y a un délitement de la confiance dans les États et les institutions et j’ai vu le Bitcoin comme une réponse à cela. Le citoyen a besoin d’alternatives, ce n’est pas forcément un acte révolutionnaire ou anarchiste. Je ne suis pas libertarien ni révolutionnaire, je crois en l’Etat et dans les banques, qui remplissent des fonctions essentielles. Paradoxalement, les cryptomonnaies répondent au besoin très profond de possession, c’est une de leurs fonctions qui m’a séduit, dans un environnement de plus en plus « cashless », ce qui revient pour moi un peu à une privation de liberté, car tout y est contrôlé, vérifié. Le Bitcoin c’est fondamentalement du cash, ou de l’or, une réserve de valeur.

Je suis un défenseur des espèces. Le cash, c’est agréable et difficilement remplaçable. On ne peut pas vous le prendre, vous en faites ce que vous voulez, le Bitcoin c’est la même chose, c’est une alternative au cash. En France, on aura du mal à faire disparaître le cash. Mais je pense qu’on a besoin d’une monnaie plus efficace et la solution pourrait être de l’émettre sous forme de cryptomonnaie légale.

Pourquoi avoir levé des fonds classiquement auprès de sociétés de capital-risque et non par Initial Coin Offering, l’émission de jetons numériques, mode de financement très prisé des startups de la Blockchain ?

Quand on fait une ICO, cette opération est censée être la dernière levée de fonds, la sortie. Et d’un point de vue technique, émettre un « token d’utilité » [jeton servant ensuite à payer un service sur la plateforme qui l’émet] n’aurait pas de sens et serait complètement artificiel pour Ledger. Surtout, notre vision est de construire un géant technologique, dans la durée : cette feuille de route va s’écrire en passant par des levées de fonds normales, avec des investisseurs qualifiés qui vont aider à notre développement dans certaines régions, comme Korelya et Cathay Capital en Asie, et des investisseurs à l’esprit entrepreneur comme Draper.

Si un jour nous devions procéder à une Initial Coin Offering, ce serait plutôt ce que l’on appelle une « IPCO », en « tokenisant » les actions de l’entreprise : ce serait une belle histoire, puisque nous pourrions stocker les actions sur nos propres produits ! Mais le cadre juridique n’est pas encore là.

 

Comment voyez-vous évoluer le marché des cryptomonnaies ?

Personne ne peut faire de prédictions et il est difficile de dire si cette période de consolidation plutôt calme va durer six ou dix-huit mois, mais elle n’a rien à voir avec celle qui a suivi la chute de Mt.Gox : de nombreux acteurs technologiques du secteur dans le monde entier, qui ont des réserves confortables de cash, recrutent, innovent. Tout cet écosystème travaille sur des cas d’usages, des produits, des solutions qui verront le jour petit à petit et donneront une dimension d’utilité plus importante aux cryptomonnaies, qui étaient en grande partie de la spéculation jusqu’ici, pour revenir dans un cycle plus positif, moins violent avec de meilleurs fondamentaux à long terme.




L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol