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Société- La liberté de pensée en danger ( Vincent Lamkin*)

Société- La liberté de pensée en danger ( Vincent Lamkin*)

 

Sous l’effet des sollicitations cognitives qui abrutissent, la liberté de pensée est en danger estime Vincent Lamkin*) ( dans l’Opinion)

 

Tribune

 

La liberté d’expression est célébrée à la mesure de la bêtise qui s’est abattue sur elle et du terrorisme qui l’a prise pour cible. L’extrême violence que l’ignorance ou le fanatisme peuvent arborer à son encontre ne doit pas nous tromper cependant : la liberté d’expression est très forte dans notre pays. Elle l’est dans l’espace public où les médias sont beaucoup plus libres et divers qu’ils ne le furent en d’autres temps. La censure d’Etat, au nom des bonnes mœurs, s’est réduite à peau de chagrin, si l’on pense à celle qui pesait sur l’art et la société au XIXe siècle.

Avec l’avènement des réseaux sociaux, chacun a gagné un droit à la parole publique, avec bien peu de limites. Elle l’est dans l’entreprise où le dialogue social et l’écoute atteignent des niveaux inédits. Elle l’est dans le cercle de la famille et à l’école où les enfants ont gagné un droit à s’exprimer qu’ils n’avaient pas jadis…

*Mais la liberté d’expression peut être un leurre et constituer un idéal bien maigre si la liberté de pensée, qui la légitime, se trouve atrophiée et pervertie par une société qui distrait et flatte plus qu’elle n’éduque, qui assujettit plus qu’elle ne forme et n’émancipe… La belle affaire qu’une société où la liberté d’expression serait totale mais où les individus auraient perdu toute capacité à forger un jugement libre et civilisé, ancré dans un champ de questionnements rationnels, de connaissances et de valeurs universelles.

Comme l’a notamment démontré dans ses travaux successifs le sociologue Gérald Bronner, nous vivons de plus en plus, par un effet d’aliénation aux écrans et aux contenus les plus racoleurs, sous l’empire et dans l’emprise de sollicitations cognitives qui captent notre attention, altèrent notre capacité de jugement et alimentent des addictions stériles. Ce constat implacable se doit d’être affiché sur les murs d’une société disneylandisée (la culture a rejoint la grande famille des loisirs : on se « vide la tête ») et hystérisée par des altercations binaires et superficielles. Société dont, last but not least, le système éducatif est en crise.

On peut craindre que notre époque, sous ses airs sympathiques, dégrade la liberté de pensée plus qu’elle ne la sert – reportant toute son attention sur la médiatique liberté d’expression, paradoxalement moins engageante. « Les gens exigent la liberté d’expression pour compenser la liberté de pensée qu’ils préfèrent éviter », déclarait, en son temps déjà, Kierkegaard.

La liberté de pensée est d’abord un devoir, une responsabilité à prendre, dans un moment de grande solitude. La censure morale et la prison n’ont pas empêché Baudelaire ou Sade de créer

Les grands artistes et les penseurs dissidents des régimes totalitaires – de Soljenitsyne à Kundera – ont prouvé que la liberté de pensée n’est pas inféodée à la liberté d’expression. C’est le sens de la fameuse phrase de Sartre : « Jamais nous n’avons été plus libres que sous l’occupation allemande ». La liberté de pensée est d’abord un devoir, une responsabilité à prendre, dans un moment de grande solitude. La censure morale et la prison n’ont pas empêché Baudelaire ou Sade de créer. Dans une époque où l’État n’aime rien tant qu’à déresponsabiliser pour mieux infantiliser et où la solitude de la pensée se heurte au bruit permanent du monde, la partie n’est pas gagnée.

La liberté d’expression est la partie émergée d’un iceberg, et nous ne devons l’encenser que pour ce qu’elle permet, non pour ce qu’elle serait en soi. Sinon, elle n’est qu’une arme de plus offerte à la toute-puissance du sujet roi ! Si la liberté d’expression ne visait qu’à la cohabitation cloisonnée des contraires, la paix civile serait fragile. Dans une République digne de ce nom, chacun doit tolérer la pensée d’autrui pour construire une communauté de vie et de destin. Le problème, dans notre société d’hyper-sensibilité et de gestion étatisée des récits victimaires, est que « la tolérance n’a plus pour but d’assurer l’échange d’arguments et le brassage des modes de vie divers, comme le déplore Claude Habib. Elle devient séparatrice ».

La liberté de pensée mobilise notre entendement et notre libre arbitre. Elle est beaucoup plus qu’un droit, c’est un pouvoir, une responsabilité que chaque individu a le devoir d’apprendre à exercer, qui engage notre éducation, notre culture. Le terrorisme intellectuel contemporain, qui bipolarise et hystérise tout débat, est le symptôme d’une société où la liberté de pensée – qui a des comptes à rendre à la raison, à l’Histoire, au champ argumentaire – s’est appauvrie ; là où la liberté d’expression, revendiquée pour elle-même, débouche sur un dialogue de sourds. Or, c’est bien la capacité à dégager des jugements communs, des valeurs communes, des caps collectifs, dans le respect d’une pluralité de nuances, qui est cruellement en jeu dans le monde contemporain.

*Vincent Lamkin est co-Président d’Opinion Valley, associé-Fondateur de Comfluence.

«Coronavirus: drôle de guerre…» ( Vincent Lamkin ,Comfluence)

«Coronavirus: drôle de guerre…» ( Vincent Lamkin ,Comfluence)

 

« Indifférent à nos affres, le printemps tape déjà à nos fenêtres – soleil au poing. On peut à nouveau les ouvrir en grand pour le faire entrer, tel un vieil ami : c’est une façon comme une autre de prendre l’air. Pas un bruit de voiture ou presque ne vient troubler le silence alentour. À Paris, où l’on entend les oiseaux chanter, on se croirait presque à la campagne ou à Venise – qui se paie des vacances bien méritées… Dans le creux de l’après-midi, les bruits alentour résonnent comme dans une cour d’immeuble les soirs d’été : bruits de vaisselle, filets de voix, coups de feu à la télévision, traces fugaces d’un passage, etc.

Éternel retour donc. Dans l’air tiède et limpide, cependant, règne un curieux sentiment de fin du monde. Comme toujours, on aime à se gargariser de mots, à les coller aux mauvais endroits… On savait déjà que certains se croient en France en dictature ; nos gouvernants, eux, se découvrent en guerre. Drôle de guerre… Faut-il se souvenir que la dernière de ce nom a fini en débâcle… Ici, le front se joue à l’arrière, là où l’on soigne les blessés, c’est-à-dire dans les hôpitaux. Ici, les usines qui tournent à plein sont celles qui nous arment en nourriture et en papier hygiénique. Nous avons fait le plein de munitions (certains, pressés de se battre sans doute, plus que d’autres). Il faudrait désormais, dans le moindre de nos gestes, y compris ceux-là, et dans la moindre de nos responsabilités, investir un héroïsme et une fierté qui ne sont pas de mise.

Dans Alias Caracalla, son journal de guerre en quelque sorte, le merveilleux Daniel Cordier, qui fut en France occupée le secrétaire de Jean Moulin jusqu’à son arrestation, évoque le samedi 6 juillet 1940. Il est à Londres, et depuis six heures du matin L’Olympia est une ruche qui se prépare à accueillir le Général de Gaulle. Cordier ne l’a encore jamais vu… « Pendant que le colonel Magrin-Verneret ordonne “A vos rangs, fixe !”, un officier apparaît. Son corps se découpe en ombre chinoise sur le fond lumineux. Il est mince et démesuré. En franchissant la porte, il se baisse légèrement à cause de son képi. Il s’avance lentement vers nous, suivi d’un jeune gradé, puis s’immobilise dans l’alignement des sections et salue. C’est le général de Gaulle. »

Quels sont les premiers mots qu’il adresse à ces très jeunes ou moins jeunes Français, venus le rejoindre à Londres pour continuer le combat : « Je ne vous féliciterai pas d’être venus : vous avez fait votre devoir. » Qui pourrait encore prononcer de telles phrases ? Et qui pour les accueillir ? Notre devoir et nos devoirs… Comme les enfants, scolarisés à demeure, voilà pourtant ce qu’il nous reste à faire de mieux. Sans pathos, sans excès.

Nous avons tous, bien sûr, notre mot à dire sur la chose, à commencer pour lire dans les entrailles du monstre, c’est-à-dire de l’événement. Merveilleusement, chacun, en prédicateur avisé, réussit à voir là ses aspirations ou ses craintes se révéler, ou les deux à la fois : le drame favorisant la lucidité. À la valeur absolue de la liberté et à la foi dans un monde sans frontière et sans mur, répond le nécessaire rapatriement de nos capacités de production et un repli de bon sens face à une mondialisation qui nous montre, enfin, l’évidence et l’absurde de ses excès.

Aux vertus d’une décroissance heureuse, fut-elle imposée par les événements, et au bonheur d’un monde où les eaux redeviennent translucides et où les animaux, accostant de nouveau à nos rivages, nous reviennent d’un Eden perdu, répond le progrès scientifique et technologique, seul capable de nous sauver et de nous permettre par une grande solidarité planétaire, d’aller de l’avant et de vaincre tous les caprices de la nature, là où jadis nous les subissions. Etc.

Cette guerre n’est donc pas seulement celle qu’on croit – guerre de tous, contre un ennemi qui n’est visible qu’au microscope –, mais bel et bien aussi, sous cet autre visage, la poursuite de cette guerre des idées et des valeurs qui tiraille en profondeur notre époque et qui nous interroge collectivement quant à l’avenir de l’humanité et du monde et aux chemins à suivre.

Plus rien ne sera comme avant donc (une fois encore), puisqu’il faut monter d’un cran dans les leçons à tirer de l’Histoire. Mais n’avons-nous pas cependant, à l’instant présent, forts de nos éternelles contradictions, qu’une seule envie : que tout redevienne, plus ou moins, comme avant ? »

Vincent Lamkin, associé-fondateur de l’agence Comfluence et co-Président d’Opinion Valley.

«Soyons sérieux…». ( Vincent Lamkin)

«Soyons sérieux…». ( Vincent Lamkin)

 Vincent Lamkin, associé fondateur de l’agence Comfluence, co-Président d’Opinion Valley considère que la société manque de sérieux.

Un  article intéressant mais qui légitime le changement au nom d’ un « sérieux’ dont l’auteur ne définit pas grand chose. des arguments de sociologue  non sans fondement  mais trop mâtinés de philosophie publicitaire au service du matérialisme.  La  référence « littéraire  » à Frédéric Beigbeder hypothèque la pertinence  de la réflexion.  ( tribune dans l’Opinion)

Vincent Lamkin

 

« En 1963, Vladimir Jankélévitch publia une belle réflexion sur le temps et l’action, dans un essai intitulé L’aventure, l’ennui, le sérieux. Trois mots qui sonnent sans doute étrangement aux oreilles de nos contemporains, tant ils résument l’envers des aspirations qui gouvernent nos sociétés occidentales. Des garantiesdes loisirs et du fun : n’est-ce pas là en effet désormais l’essentiel du programme ? Osons voir dans ces trois « états » un utile contrepoids… Matière à formater des vœux pour l’année qui vient.

La société, au nom de la prévention, ne cesse de nous mettre en garde […]. La prudence devient l’autre nom de l’affolement », écrit Pascal Bruckner dans son dernier essai, Une brève éternité.

Peu à peu, avec les meilleures intentions du monde, nos sociétés ont pris en grippe l’inconnu, et avec lui toute forme d’incertitude. Cela ne les rend ni plus heureuses, ni plus sereines. L’avenir, qui n’est jamais écrit, semble en effet n’avoir plus que deux portes de sortie : l’apocalypse ou un futurisme technologique déshumanisé…

Il ne s’agit pas ici de faire l’apologie de l’inconséquence et d’ignorer les dangers quand on les sait, mais de se souvenir que vivre c’est aussi honorer une part d’incertitude et d’inconnu, et de savoir y faire face avec courage et curiosité. La valeur de nos décisions est aussi à ce prix. En ce sens, la vie est une aventure à vivre.

Passant d’une providence extatique hasardeuse à une providence étatique escomptée infaillible, l’Homme moderne veut dormir sur ses deux oreilles. C’est un progrès certes, à la condition que nos responsabilités individuelles et nos libertés fondamentales ne soient pas réduites à quémander des droits et des garanties qui tombent dont on ne sait quel ciel. Que des adolescents se préoccupent de leur retraite, comme si elle était le cap de leur vie, doit nous interroger sur notre société.

Car doit régner désormais la programmation et la sécurisation de nos destinées. Il ne s’agit plus de partir à l’aventure mais de dérouler un programme préétabli dans lequel ne sont bienvenues que les surprises balisées. L’aventure, il y a des bouquets TV et des séries pour ça !

 

Pas plus que l’aventure, l’ennui ne saurait être une fin en soi ou un idéal. Mais c’est, là aussi, en miroir de notre époque qu’il est intéressant d’en méditer la valeur et le sens, face à la montée d’un totalitarisme de la connexion permanente.

L’enfant que je fus a une dette envers l’ennui : une dette de rêve, d’imagination, de créativité, de relation sensible au réel et au temps. Les enfants ne regardent plus beaucoup le paysage en voiture et ils ne s’ennuient plus à table : smartphones et tablettes leur tiennent lieu de réel et de possible.

Les adultes ne sont pas en reste. Les technologies, la société du spectacle et de l’information continue nous sur-sollicitent. Les stimulis sont à la mesure de nos conditionnements et de nos certitudes. Que l’on s’emporte, que l’on s’émeuve, que l’on s’engage, tout cela a le goût programmé d’un jeu de rôles, dans le champ fermé des possibles d’un jeu vidéo.

S’affranchir de ces occupations-réflexes qui banalisent nos émotions, stérilisent notre créativité, formatent nos attitudes, pour reprendre le contrôle d’un temps vierge sans savoir immédiatement qu’en faire et qu’en penser, est salubre. « L’esprit pur de la vie en fuite avec le temps » écrivit jadis Pierre Louÿs…

 On n’aime pas s’ennuyer mais l’on aime rire, peut-être pour ne pas s’ennuyer… Dans son dernier livre, où un smiley tient lieu de titre, Frédéric Beigbeder dénonce ces tribunaux populaires et médiatiques du rire institutionnalisé ainsi que le nihilisme que finit par générer le passage à la toise de la grosse blague qui tâche tout ce qui passe… Il ne s’agit pas non plus ici de condamner le rire libérateur, comme le fait Jorge de Burgos dans Le Nom de la Rose – l’humour et l’ironie sont bien sûr des armes de construction massive de notre esprit critique. Reste que la montée des populismes, la défiance généralisée envers les élites, le dégagisme et la pratique désinvolte d’un cynisme sans horizon sont aussi nourris par cette société-là.

Le sérieux ne s’oppose pas au rire mais à la perte de rationalité, de rigueur et d’intégrité intellectuelle dans l’appréhension du réel – que ce soit par crédulité, par aveuglement, par superstition, par malhonnêteté intellectuelle.

Que des vérités scientifiques soient concurrencées par des âneries qu’on croyaient reléguées dans le bazar des superstitions ou des croyances ancestrales nous invite à penser que le sérieux n’est pas une aventure ennuyeuse !

Vincent Lamkin, associé fondateur de l’agence Comfluence, co-Président d’Opinion Valley.

 

 




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