Archive pour le Tag 'L’ambigüité'

L’ambiguïté entre économie et morale

L’ambiguïté entre économie et morale

Toute science est-elle néanmoins déchargée de préjugés, reste-t-elle imperméable à tous les stéréotypes qui caractérisent une société ? Notre recherche récente autour de la boîte d’Edgeworth en montre bien la difficulté. Ce cadre fondateur pour la science économique est, derrière son apparence de neutralité, empli des considérations sociales de son auteur. Il l’a néanmoins également aussi conduit à s’en distancier, suggérant toute l’ambiguïté des rapports entre économie et morale.

par Thomas Michael Mueller
Maître de conférence HDR en histoire de la pensée économique à l’Université Paris 8, Université catholique de Louvain (UCLouvain) dans the Conversation

La boîte d’Edgeworth est un modèle théorique relativement basique. Les étudiants le rencontrent bien vite lorsqu’ils s’engagent dans un cursus en économie. On y représente deux biens, répartis entre deux individus. Selon l’importance (l’« utilité », disent les économistes) que chacun accordera à ces biens, ils seront tentés de s’en échanger, pour une issue mutuellement avantageuse. En faisant évoluer les dotations initiales, chacun peut y gagner. Les individus négocient, et troquent des biens : bref c’est ainsi que l’on explique l’échange et la mise en place d’un marché. C’est aussi un cadre théorique pour les économistes afin de réfléchir sur les problématiques de répartition, ce qu’Edgeworth abordait sous un angle bien particulier.

Les manuels aiment nous présenter le modèle en nous racontant des histoires avec Paul et Pierre échangeant des pommes et des poires. Francis Ysidro Edgeworth, économiste et avocat né en février 1845 dans une famille aisée irlandaise, fit des choix bien plus engagés dans ses travaux fondateurs de 1881. Paul et Pierre s’appellent, chez lui Robinson et Vendredi, renvoyant au roman de Daniel Defoe publiée en 1719, un classique de la littérature reconnu par des philosophes tel que Jean Jacques Rousseau, comme un livre d’éducation.

Reste que Robinson est un homme blanc, anglais et Vendredi est quant à lui un noir. 16 ans après la fin de la guerre de Sécession qui abolit l’esclavage aux États-Unis, Edgeworth envoie en fait un message politique. Il vient de créer le stéréotype de l’échange entre égaux où chacun ne donne qu’en fonction de son envie d’échanger et jouit des mêmes droits que l’autre, entre un blanc, un anglais de surcroît, et un noir.

L’auteur donne en fait un aperçu de ce qu’il pense plus largement sa société. Vendredi et Robinson n’échangent pas « des pommes et des poires » comme dans les manuels : Vendredi échange son travail contre de l’argent. Cela devait paraître évident à Edgeworth : le riche anglais se paie les services qu’il ne souhaite pas effectuer lui-même. Mais cela traduit aussi un aspect implicite de cet échange « consensuel » : il existe dans le monde des riches et des pauvres, et certains peuvent se payer les services des autres. Vendredi pourrait bien refuser de travailler, pour un trop bas salaire : mais il n’a pas d’argent, et il ne peut certainement pas se permettre de payer Robinson pour quoi que ce soit.

S’il n’a pas d’argent, ce n’est pas un hasard selon Edgeworth. Dans son travail, il décrit les individus tour à tour comme « des machines à plaisir », des « moteurs » d’une certaine efficience. Leur satisfaction dépend des ressources qu’on leur donne et du « carburant » qui les motive à agir, mais certains s’en servent mieux que d’autres, ou produisent de biens meilleurs choses avec une quantité donnée de carburant. Si les hommes ne sont pas tous pareils, s’ils contribuent différemment à la société, il serait alors avisé de distribuer les ressources de manière inégale.

Il faut donc distinguer les individus par rapport à leur efficience : Edgeworth affirme à ce titre que les femmes seraient « des moindres hommes », leurs passions venant « comme de l’eau dans du vin » comparés à celles de leurs homologues masculins. Rendre les femmes riches, ce serait donc gâcher des ressources. Moins intelligentes, elles seraient aussi moins capables d’endurer la fatigue physique. Edgeworth estime que cela plaide pour une plus grande charge de travail aux hommes.

Des raisonnements semblables s’appliquent « aux hommes des classes basses » dont la sophistication et le talent inférieurs justifieraient une plus lourde charge de travail qu’à ceux des classes « hautes ». Bref, la discrimination existant dans la société de son temps trouve chez Edgeworth une justification et une raison d’être économique, et Edgeworth exprime dans sa représentation de l’échange une palette de stéréotypes caractéristiques de la société de son temps.

Comment toutefois mesurer ces différences de genre et de classe au-delà de tout doute ? Comment savoir avec une précision digne d’un scientifique combien devrait recevoir chaque individu dans une société idéale ? Quel est le niveau de sophistication de chacun, quel est la distribution de richesse qui correspond mieux aux talents, et donc, pour le dire avec les mots d’Edgeworth, qui donnerait à chaque moteur humain la juste quantité de carburant ?

Pour penser sa boîte, Francis Edgeworth est parti des personnages de Robinson et Vendredi, représenté ici au XIXᵉ siècle par l’illustrateur allemand Carl Offterdinger. Carl Offterdinger via Wikimedia
Le jeune Edgeworth nourrit un rêve : celui d’un thermomètre à passions qu’il appelle « hédonimètre », capable de dévoiler la capacité que chacun de nous aurait d’éprouver du plaisir et de la peine. Cet instrument permettrait de distribuer richesse et bonheur suivant un critère de justice « scientifique ». Edgeworth, s’aperçoit rapidement que la difficulté n’est pas qu’un obstacle technique. L’idée même de mesurer le plaisir s’avère fondée sur des sables mouvants. Peut-être même que, faute d’un hédonimètre, « tout homme et toute femme doit conter comme un » avoue-t-il.

Prudence donc : l’intuition du jeune Edgeworth suggère que les femmes sont « des moindres hommes », mais la science reste muette, « faute d’un hédonimètre ». Il saura même faire preuve d’une certaine cohérence : alors même que son intuition, qui lui paraissait pourtant évidente, ne trouve pas confirmation, Edgeworth s’approchera discrètement, timidement (très timidement), des mouvements féministes qui marqueront son époque.

Quelle leçon tirer de cette histoire ? Quel rôle joue la science par rapport aux valeurs ? Nous permet-t-elle de nous détacher des basses querelles politiques et d’atteindre cette célébrée « neutralité » chère aux philosophes ?

Pas tellement, on dirait. Les valeurs, les engagements politiques, même une certaine militance, se retrouvent partout dans l’œuvre d’Edgeworth. Il réfléchit de toute évidence à partir d’un point de vue, certes éloigné et différent du nôtre, qui est le reflet des arrière-pensées, des préjugés et des stéréotypes de son temps. C’est évident, et c’est aussi inévitable : il n’existe pour nous que notre propre temps à partir duquel voir et penser le monde.

Il s’évertue en revanche à un exercice mental bien particulier : énoncer tout ce qu’il faudrait dans l’idéal pour marquer du label de la certitude ses convictions morales et politiques. Il est peut-être évident pour lui que « les femmes sont aux hommes comme l’eau au vin », mais pour le prouver, il faudrait un instrument dont il ne dispose pas. Réfléchir à un tel instrument, à ses limites, sa faisabilité, à ce qu’il raconterait de la nature humaine, c’est le travail du scientifique ; c’est aussi mener une réflexion en parallèle sur la société et le politique.

À chaque fois que la faisabilité de la mesure s’écarte, Edgeworth se voit contraint de douter un peu plus de ses croyances. Si la science est donc imbibée de valeurs, que ce soit dans sa démarche, dans son point de départ, dans la structure de raisonnement ou dans les questions qu’elle pose, elle semblerait pour le moins un exercice cognitif qui par sa recherche de rigueur et son exercice du doute contribue à produire une réflexion, permettant aussi d’y voir plus clair. Éventuellement même d’y voir plus clair sur les valeurs morales et politiques qui l’embuent.

Ukraine : Mélenchon entretient l’ambiguïté

Ukraine : Mélenchon entretient l’ambiguïté

 

Dans une interview au JDD Mélenchon estime maintenant que Poutine est responsable du conflit après avoir dit le contraire. Interview

Le 30 janvier, vous déclariez: « Ce sont les États-Unis d’Amérique qui sont dans la position agressive et non pas la Russie. » Regrettez-vous certaines de vos prises de position quant au régime de Vladimir Poutine, ces dernières années ?
Quel intérêt à répandre un doute sur ma position? J’ai toujours été un non-aligné. Non aligné, cela ne veut pas dire neutre. La preuve: je me positionne. Depuis dix ans, et en janvier encore, j’alertais: le statut militaire de l’Ukraine est une ligne rouge pour la Russie. Aussi longtemps que les États-Unis d’Amérique ont fait croire qu’ils prendraient l’Ukraine dans l’Otan, ils ont encouragé la paranoïa des dirigeants russes. Mais à partir du moment où Poutine envahit l’Ukraine, il est l’unique responsable de la situation.

 

Cependant Mélenchon entretient encore de nombreuses contradictions quand il refuse  que l’Europe se coupe  du gaz russe ou qu’on envoie des armes aux ukrainiens.

 

Commerce et politique–L’ambiguïté permanente de la politique chinoise de la France

Commerce et politique–L’ambiguïté permanente de la politique chinoise de la France

 

A la veille de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, Paris doit clarifier ses positions vis-à-vis de Pékin alors même que les pressions chinoises contre des Etats membres de l’UE s’amplifient, relève le chercheur, spécialiste de la Chine, dans une tribune au « Monde ».

 

A la veille de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (UE), il est urgent de clarifier la politique de la France à l’égard d’un acteur incontournable des relations internationales : la République populaire de Chine. Alors que, à travers le monde et l’Europe, nombre d’Etats actualisent leur politique chinoise, prenant acte de la rupture politique qui s’est opérée en Chine sous la direction du secrétaire général [du Parti communiste chinois] Xi Jinping, la France, elle, ne montre pas de signe d’inflexion. 

Qu’il s’agisse de la répression des Ouïgours, de la brutale reprise en main de Hongkong, de la pression militaire sur Taïwan, ou même des attaques verbales contre des parlementaires, des chercheurs et des médias en France, le gouvernement français réagit peu et, quand il le fait, c’est sous la pression de l’opinion publique ou quand le Parlement l’interroge expressément. Pour ainsi dire, le gouvernement s’exprime davantage à propos de la Chine quand il s’agit de communication de crise à destination interne que si c’était un enjeu central de politique internationale.

Notre politique chinoise est devenue illisible et inaudible, parce que dépassée et insuffisamment exigeante. Elle repose toujours sur l’engagement économique et commercial avec Pékin, en traitant les questions politiques sensibles en coulisse ou en les déléguant à Bruxelles (à l’exception du climat). Or, à l’échelle de l’UE, les pressions chinoises contre des Etats membres se multiplient. Celles-ci requièrent l’élaboration d’une réponse commune et l’expression d’une solidarité intergouvernementale plus claire, à commencer de la part de l’Etat qui préside le Conseil.

La République tchèque, la Slovaquie, la Suède et bien d’autres ont subi ces pressions, mais c’est véritablement la Lituanie sur laquelle il est crucial d’insister. En novembre, l’ouverture d’un bureau de représentation de Taïwan à Vilnius a provoqué l’ire de Pékin. Ce type de représentation existe dans de nombreux autres pays européens, mais sous la dénomination « Taipei », et non « Taïwan », ce qui constitue aux yeux de Pékin une entorse de la Lituanie au « principe d’une seule Chine ». C’est le dernier marqueur en date de la dégradation de la relation bilatérale depuis des mois entre les deux pays. La Chine a rappelé son ambassadeur de façon permanente, puis a interrompu l’ensemble des échanges commerciaux avec l’Etat balte. En outre, des multinationales européennes, y compris françaises, voient maintenant leurs marchandises à destination de la Chine retenues à la douane chinoise, du fait que leur chaîne de valeur passe par la Lituanie. Ce faisant, la Chine rompt avec ses engagements internationaux et fait planer la menace sur un grand nombre d’entreprises européennes commerçant avec elle.

Géostratégie–L’ambiguïté permanente de la politique chinoise de la France

Géostratégie–L’ambiguïté permanente de la politique chinoise de la France

 

A la veille de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, Paris doit clarifier ses positions vis-à-vis de Pékin alors même que les pressions chinoises contre des Etats membres de l’UE s’amplifient, relève le chercheur, spécialiste de la Chine, dans une tribune au « Monde ».

 

A la veille de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (UE), il est urgent de clarifier la politique de la France à l’égard d’un acteur incontournable des relations internationales : la République populaire de Chine. Alors que, à travers le monde et l’Europe, nombre d’Etats actualisent leur politique chinoise, prenant acte de la rupture politique qui s’est opérée en Chine sous la direction du secrétaire général [du Parti communiste chinois] Xi Jinping, la France, elle, ne montre pas de signe d’inflexion. 

Qu’il s’agisse de la répression des Ouïgours, de la brutale reprise en main de Hongkong, de la pression militaire sur Taïwan, ou même des attaques verbales contre des parlementaires, des chercheurs et des médias en France, le gouvernement français réagit peu et, quand il le fait, c’est sous la pression de l’opinion publique ou quand le Parlement l’interroge expressément. Pour ainsi dire, le gouvernement s’exprime davantage à propos de la Chine quand il s’agit de communication de crise à destination interne que si c’était un enjeu central de politique internationale.

Notre politique chinoise est devenue illisible et inaudible, parce que dépassée et insuffisamment exigeante. Elle repose toujours sur l’engagement économique et commercial avec Pékin, en traitant les questions politiques sensibles en coulisse ou en les déléguant à Bruxelles (à l’exception du climat). Or, à l’échelle de l’UE, les pressions chinoises contre des Etats membres se multiplient. Celles-ci requièrent l’élaboration d’une réponse commune et l’expression d’une solidarité intergouvernementale plus claire, à commencer de la part de l’Etat qui préside le Conseil.

La République tchèque, la Slovaquie, la Suède et bien d’autres ont subi ces pressions, mais c’est véritablement la Lituanie sur laquelle il est crucial d’insister. En novembre, l’ouverture d’un bureau de représentation de Taïwan à Vilnius a provoqué l’ire de Pékin. Ce type de représentation existe dans de nombreux autres pays européens, mais sous la dénomination « Taipei », et non « Taïwan », ce qui constitue aux yeux de Pékin une entorse de la Lituanie au « principe d’une seule Chine ». C’est le dernier marqueur en date de la dégradation de la relation bilatérale depuis des mois entre les deux pays. La Chine a rappelé son ambassadeur de façon permanente, puis a interrompu l’ensemble des échanges commerciaux avec l’Etat balte. En outre, des multinationales européennes, y compris françaises, voient maintenant leurs marchandises à destination de la Chine retenues à la douane chinoise, du fait que leur chaîne de valeur passe par la Lituanie. Ce faisant, la Chine rompt avec ses engagements internationaux et fait planer la menace sur un grand nombre d’entreprises européennes commerçant avec elle.

L’ambiguïté permanente de la politique chinoise de la France

L’ambiguïté permanente de la politique chinoise de la France

 

A la veille de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, Paris doit clarifier ses positions vis-à-vis de Pékin alors même que les pressions chinoises contre des Etats membres de l’UE s’amplifient, relève le chercheur, spécialiste de la Chine, dans une tribune au « Monde ».

 

A la veille de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (UE), il est urgent de clarifier la politique de la France à l’égard d’un acteur incontournable des relations internationales : la République populaire de Chine. Alors que, à travers le monde et l’Europe, nombre d’Etats actualisent leur politique chinoise, prenant acte de la rupture politique qui s’est opérée en Chine sous la direction du secrétaire général [du Parti communiste chinois] Xi Jinping, la France, elle, ne montre pas de signe d’inflexion.

Qu’il s’agisse de la répression des Ouïgours, de la brutale reprise en main de Hongkong, de la pression militaire sur Taïwan, ou même des attaques verbales contre des parlementaires, des chercheurs et des médias en France, le gouvernement français réagit peu et, quand il le fait, c’est sous la pression de l’opinion publique ou quand le Parlement l’interroge expressément. Pour ainsi dire, le gouvernement s’exprime davantage à propos de la Chine quand il s’agit de communication de crise à destination interne que si c’était un enjeu central de politique internationale.

Notre politique chinoise est devenue illisible et inaudible, parce que dépassée et insuffisamment exigeante. Elle repose toujours sur l’engagement économique et commercial avec Pékin, en traitant les questions politiques sensibles en coulisse ou en les déléguant à Bruxelles (à l’exception du climat). Or, à l’échelle de l’UE, les pressions chinoises contre des Etats membres se multiplient. Celles-ci requièrent l’élaboration d’une réponse commune et l’expression d’une solidarité intergouvernementale plus claire, à commencer de la part de l’Etat qui préside le Conseil.

La République tchèque, la Slovaquie, la Suède et bien d’autres ont subi ces pressions, mais c’est véritablement la Lituanie sur laquelle il est crucial d’insister. En novembre, l’ouverture d’un bureau de représentation de Taïwan à Vilnius a provoqué l’ire de Pékin. Ce type de représentation existe dans de nombreux autres pays européens, mais sous la dénomination « Taipei », et non « Taïwan », ce qui constitue aux yeux de Pékin une entorse de la Lituanie au « principe d’une seule Chine ». C’est le dernier marqueur en date de la dégradation de la relation bilatérale depuis des mois entre les deux pays. La Chine a rappelé son ambassadeur de façon permanente, puis a interrompu l’ensemble des échanges commerciaux avec l’Etat balte. En outre, des multinationales européennes, y compris françaises, voient maintenant leurs marchandises à destination de la Chine retenues à la douane chinoise, du fait que leur chaîne de valeur passe par la Lituanie. Ce faisant, la Chine rompt avec ses engagements internationaux et fait planer la menace sur un grand nombre d’entreprises européennes commerçant avec elle.

 

Passe sanitaire centres commerciaux : l’ambiguïté du conseil constitutionnel

Passe sanitaire centres commerciaux : l’ambiguïté du conseil constitutionnel

Si la nécessité du pass sanitaire est difficilement discutable faute de vaccination obligatoire  ( et aussi de vaccins disponibles), par contre la décision du conseil constitutionnel relative aux centres commerciaux et particulièrement ambigue  ( comme celle d’ailleurs relative à l’annulation de la rupture d’un CDD ). Aussi, le Conseil constitutionnel a validé l’extension du pass à certains centres commerciaux « au-delà d’un certain seuil défini par décret » et si « la gravité des risques de contamination » à l’échelle d’un département le justifie.

 

Il faudrait d’abord faire observer que l’échelle du département n’a guère de pertinence et qu’il  conviendrait de prendre en compte les zones de vie ( résidence et emploi). Le problème c’est que l’administration ne dispose pas de statistiques relatives à ces grandes zones urbaines qui sont concernées. L’avis  sur ce point du conseil constitutionnel est particulièrement obscur pour ne pas dire tordu :

L’autorité préfectorale pourra ainsi mettre en place le pass sanitaire dans les grands magasins et centres commerciaux tout en garantissant « l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi qu’aux moyens de transport accessibles dans l’enceinte de ces magasins et centres », selon la loi adoptée le 25 juillet par le Parlement et validée par le Conseil Constitutionnel.

Politique étrangère : l’ambiguïté permanente de l’Allemagne

Politique étrangère : l’ambiguïté permanente de l’Allemagne 

 Jean-Sylvestre Mongrenier (Institut Thomas-More)  pose la question de l’ambiguïté permanente de l’Allemagne en matière de politique étrangère (l’Opinion)

 

 

Au seuil de l’année nouvelle, la présidence allemande de l’Union européenne (juillet-décembre 2020) s’était achevée, disait-on, sur un succès d’ensemble. A son actif, un accord de libre-échange entre Bruxelles et Londres ainsi qu’un « accord global » avec Pékin sur les investissements. Ce « grand chelem » était présenté comme celui de l’Union européenne et de ses Etats membres.

L’actualité la plus récente des relations euro-chinoises, alors que les équilibres de richesse et de puissance se déplacent vers l’Asie, invite pourtant à revenir sur une politique allemande qui pose question. S’agit-il pour Berlin d’œuvrer à l’édification d’une « Europe géopolitique », selon le vœu de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, ou de privilégier la défense de ses intérêts économiques et commerciaux ?

Laissons de côté les développements guère heureux des rapports entre Bruxelles et Londres. Il fallait redouter que cet accord de libre-échange, certes souhaitable, ne débouche sur des querelles d’interprétation doublées d’une guérilla quant aux normes qui régissent le commerce, et ce au péril de la stabilité et de la paix civile en Irlande. Comme Michel Barnier (« M. Brexit »), la présidence allemande ne visait qu’à éviter le pire et préserver l’avenir.

« Ventre mou ». Le forcing d’Angela Merkel, afin que l’Union européenne et la Chine populaire concluent un « accord global », suscite en revanche bien des doutes sur le fond. Rappelons que ces négociations furent ouvertes voici plusieurs années, bien avant que la Commission européenne n’en arrive à la conclusion que la Chine populaire constituait un « rival systémique ». Alors qu’il fut précédemment reproché à Donald Trump d’écarter toute coordination euro-atlantique afin de contrebalancer les ambitions de Pékin, l’Allemagne ne daigna pas explorer la voie d’une concertation avec Joe Biden.

Au terme de cette négociation, le parti-Etat chinois ne s’est pas même engagé à respecter les normes de l’Organisation internationale du travail et, par voie de conséquence, à bannir le travail forcé. La question des Ouïghours, celle des Tibétains et des Mongols, le principe de la liberté religieuse aussi ont été balayés de l’esprit. Dans cette affaire, il est regrettable que la France ait plié, quand il eût fallu faire plier Pékin. Assurément, cela aura renforcé la perception chinoise de l’Europe comme « ventre mou » de l’Occident : l’insolente diplomatie des « loups combattants» en témoigne. Il reviendra aux députés européens ainsi qu’aux parlements nationaux de réparer la faute en refusant de ratifier un accord scélérat.

Au vrai, l’importance que Berlin confère à l’achèvement du gazoduc Nord Stream 2, préjudiciable à l’autonomie énergétique de l’Europe ainsi qu’à la sécurité nationale de l’Ukraine et des pays de la région, n’est pas plus rassurante. Soucieuse de compenser l’erreur d’une fermeture précipitée des centrales nucléaires allemandes après l’accident de Fukushima, Berlin renforce sa dépendance au gaz russe, et ce en contradiction avec la politique de fermeté sur laquelle les Alliés se sont entendus après l’agression de l’Ukraine.

Révisionnisme géopolitique. Depuis, le retour de Moscou dans l’Eurasie post-soviétique, de la Biélorussie au Caucase du Sud, la projection de sa puissance en Méditerranée ainsi qu’en Afrique, ont confirmé le diagnostic : l’Occident doit faire face au révisionnisme géopolitique de la Russie, alliée à la Chine populaire, un front capable de rompre les équilibres. La Turquie pourrait basculer.

Aussi la primauté accordée par Berlin à des intérêts énergétiques de court terme pourrait-elle laisser croire que l’Allemagne renoue avec les délices et poisons d’une malhabile politique de balancier entre Est et Ouest. Au risque d’activer à nouveau, du côté français, le « complexe de Rapallo », par référence à l’accord germano-soviétique de 1922.

De telles ambiguïtés obèrent la prétention de Paris à édifier une Europe plus intégrée – sur les plans politique, diplomatique et militaire –, avec pour socle un improbable « couple franco-allemand », expression plus française qu’allemande. Les dirigeants allemands s’avèrent en quelque sorte plus lucides que leurs homologues français sur la possibilité d’un tel projet et, en contrepartie, sur l’importance de l’Otan dans la vitalité d’une Europe une et libre.

De fait, le projet de défense européenne porté par Emmanuel Macron constitue pour l’essentiel une « Europe des capacités » centrée sur la coopération militaro-industrielle. Encore importe-t-il d’être conscient des obstacles auxquels se heurtent les deux grands programmes franco-allemands, le système de combat aérien du futur et le main ground combat system (le « char du futur »). La volonté de l’Allemagne de se poser en leader dans l’industrie européenne d’armement terrestre, au détriment de Nexter, et de combler son retard en matière d’aéronautique militaire, menace les savants équilibres censés régir les rapports entre Paris et Berlin.

Contrées réfractaires. Les enjeux vont au-delà des rivalités technico-industrielles. En termes de capacités militaires et de spécificités techniques des armements, le calcul allemand est d’abord continental et marchand : la seule défense de l’Europe (nécessaire) et la conquête des marchés au sein de l’Otan. Pour sa part, la France, engagée dans la « plus grande Méditerranée », en Afrique et jusque dans la zone Indo-Pacifique, maintient un effort global. Il lui faut projeter au loin ses forces et affirmer sa présence sur des marchés extérieurs, dans des contrées réfractaires aux critères de la démocratie libérale. Les ordres de grandeur, les impératifs diplomatiques et les besoins des armées ne sont pas les mêmes.

In fine, là réside l’essentiel. D’étroits rapports franco-allemands sont certes essentiels à la stabilité du continent. Mais, face aux défis d’envergure mondiale d’une grande Eurasie sino-russe et de nouvelles routes de la soie centrées sur Pékin, l’Europe ne suffira pas. On imagine difficilement la marine allemande venir porter secours aux territoires français de la zone Indo-Pacifique…

Dans ce vaste ensemble spatial, nouveau barycentre de la politique mondiale, la politique étrangère française reposera sur l’alliance américaine, des convergences régionales avec la « Global Britain », voire sur le ralliement au Quad indopacifique, aux côtés de l’Inde, de l’Australie et du Japon. Les solidarités géopolitiques qu’il importe d’amplifier et d’élargir sont pan-occidentales, de l’Atlantique à l’Indo-Pacifique, très au-delà donc du tandem Paris-Berlin.

Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur à l’Institut Thomas More, vient de publier une note intitulée « Les ambiguïtés de la politique étrangère allemande et les angles morts du tandem Paris-Berlin ». Il est également l’auteur de Géopolitique de l’Europe (PUF, Que-sais-je ?, 2020).

Ghosn: victime du nationalisme japonais …..et de l’ambigüité française

Ghosn: victime du nationalisme japonais …..et de l’ambigüité  française 

 

Rappel d’un article de janvier 2019 sur ce site

 

« L’attitude réactionnaire et nationaliste du Japon mérite évidemment d’être dénoncée et mériterait un boycott pour son non respect des règles internationales. En particulier dans le domaine judiciaire où les mis en examen sont contraints de se reconnaître coupable ou de rester en prison. Notons que le système judiciaire archaïque du Japon comprend aussi le maintien de la peine de mort ! Sans parler de l’affaire scandaleuse de la reprise de la chasse à la baleine au mépris de toutes les conventions internationales. Bref la dérive droitière, nationaliste et agressive du Japon mériterait le boycott. Le Japon empile les accusations de Carlos Ghosn pour le maintenir en prison et parallèlement intervient auprès de Nissan pour l’empêcher de réunir l’assemblée générale qui permettrait de désigner le nouveau conseil d’administration. Et pour continuer d’enfoncer Carlos Ghosn et surtout pour écarter Renault, Nissan a mis en place un comité spécial pour juger de la gouvernance de son entreprise. Le résultat est sans appel, le comité interne de Nissan juge que la gouvernance de l’entreprise est médiocre. Une manière de mettre en cause évidemment l’ancien président Carlos Ghosn. Au-delà ce comité a surtout pour objet de définir les conditions de choix du futur président. Or on sait que Renault est l’actionnaire dominant. Nissan cherche donc le moyen d’empêcher que Renault ne désigne un président représentant de cet actionnaire. En clair, il faut japoniser et Nissan mais aussi l’alliance Renault. Il est évident que la gouvernance de Nissan n’était peut-être pas idéale pour contrôler les rémunérations excessives de ses dirigeants. Reste que cette gouvernance a quand même permis de sauver Nissan grâce à l’intervention de Renault et de Carlos Ghosn…. »

Notons que depuis, le directeur général Nissan principal accusateur de Carlos Ghosn a été pris aussi la main dans le sac des combines financières pour améliorer sa rémunération. N’empêche qu’il a été longtemps soutenu par le gouvernement japonais pour exclure Ghosn  de Nissan et même le mettre en prison. Dans l’affaire il y a deux dimensions sans doute indiscutablement de la part de l’ancien président une confusion entre son portefeuille et les finances de son entreprise ( à sa décharge il n’est pas le seul ! Par exemple à s’attribuer des stock-options injustifiés, des rémunérations excessives ou des retraites chapeaux).

 

. Mais l’enjeu principal était autour de l’évolution capitalistique du groupe Renault ce à quoi s’opposait  le Japon qui voulait au contraire rôle rejaponiser Nissan. Le plus curieux dans l’affaire ,  c’est que la France ( actionnaire à hauteur de 20 %)  était aussi opposé à cette évolution capitalistique et que la mollesse de la France pour soutenir Ghosn en prison s’explique aussi par cette autre opposition.

L’ambigüité du G7

L’ambigüité du G7

L’ambiguïté du G7 (G8 avant que la Russie n’en soit exclue après l’envahissement de la Crimée) tient au fait qu’il ne dispose ni de structure, ni de protocole, ni d’obligation. En général, les structures internationales étouffent sous la bureaucratie mais là aucune structure. . De manière tournante, l’organisation de cette rencontre est organisée par un des pays membres. On peut discuter de tout et surtout de rien, terminer  la discussion avec un communiqué où rien, définir des orientations ou  ne rien définir du tout. C’est un peu la même chose avec le G20 qui lui regroupe la plupart des grands pays. Le G7 réunit l’Allemagne, le Canada, les États-Unis, la France, l’Italie, le Japon, le Royaume-Uni. Il incluait en plus la Russie avant qu’elle ne soit plus (alors en G8). À l’origine le G5 avait surtout une vocation économique puisqu’il a été créé en 1975 suite à la crise du pétrole. Progressivement,  on a étendu le champ des thématiques : économie et finances, défense et sécurité internationale, éducation, environnement, développement, etc. La grande faiblesse G7 c’est ce statut très ambigu dont on ne sait pas s’il est simplement un lieu de rencontre informelle pour échanger entre grands pays sur les grandes problématiques internationales et si en plus il est destiné à définir des orientations. Précisément l’ambiguïté des objectifs des tensions pollue le G7. Mieux vaudrait sans doute qu’on distingue clairement la phase d’échange de la phase d’élaboration d’orientations. Lors de la phase d’échange,  la plus grande liberté peut ainsi être accordée sans pression. À l’inverse quand il s’agit d’orientations,  le débat se crispe forcément. Ce sera encore le cas cette fois-ci dans la mesure où les divergences sont très fortes  plusieurs dossiers. D’abord concernant les accords commerciaux entre la Chine et les États-Unis. Ensuite concernant le dossier iranien sans parler d’une dizaine d’autres questions conflictuelles. Si la phase des d’échange  informel ne nécessite pas spécialement de structure permanente, il en va différemment la phase d’orientation car il s’agit de mettre en œuvre et d’organiser le suivi. Normalement ce rôle est dévolu à l’ONU. Peu importe à la limite l’organisation qui pourrait en être chargée, l’essentiel étant que les objectifs définis puissent être pris en charge non seulement pour être approfondi mais surtout pour être mis en œuvre et évalués. Normalement le G7 est d’inspiration libérale mais la philosophie a été bousculée du fait de l’entrée de la Russie. Du coup,  la question pourrait se poser de savoir si les véritables sommets internationaux ne devraient pas se dérouler dans le cadre du G20 avec certes des idéologies très différentes mais avec la présence des principaux pays qui comptent au plan international.

 




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