Climat : après la crise sanitaire le risque d’un retour au monde d’avant«( Thibault Lamarque)
« Le risque de revenir au “monde d’avant”, si l’on n’y prend pas garde, est réel Estime Thibault fondateur et président de Castalie.(Tribune dans l’Opinion)
Fondateur et Président de CASTALIE, esttengagé depuis dix ans pour mettre fin à la folie des bouteilles
en plastique – véritable fléau de notre époque. Laméthode : proposer des alternatives durables et
zéro déchet à l’eau en bouteille. Depuis 2011, plus de 100 millions de bouteilles en plastique ont été évitées grâce à nos fontaines dans les hôtels, restaurants et entreprises
Tribune
Cela n’a échappé à personne, surtout avec l’ouverture de l’Euro 2021 : les terrasses de café ont rouvert en France. Entre averses et éclaircies, elles ont été naturellement prises d’assaut par des Français en sursis social depuis 14 mois, et pour partie mieux protégés par la vaccination. Tout à la joie légitime d’un présent retrouvé, on n’y a guère parlé de ce « monde d’après » qui avait tant occupé le débat public pendant le premier confinement du printemps 2020.
Le risque de revenir au « monde d’avant », si l’on n’y prend pas garde, est réel. La pandémie et les stratégies adaptatives qui en ont découlé nous ont pourtant livré des enseignements constructifs, positifs, qu’il est capital de cultiver si l’on souhaite faire face à la prochaine vague qui va profondément heurter nos sociétés : le réchauffement climatique. Ce dernier progresse, de façon inexorable – malgré les objectifs historiques fixés par l’Accord de Paris, non tenus. Nous en avons chaque jour la preuve : canicules, manque d’eau, mouvements migratoires, risques sanitaires… Le dernier rapport alarmant du GIEC dont le contenu vient d’être dévoilé note que « La vie sur terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes. L’humanité ne le peut pas. »
La COP26 programmée en novembre à Glasgow est attendue comme « celle de la dernière chance », qui devrait voir les nations raffermir les cibles et méthodes pour contenir les émissions de gaz à effet de serre. L’espoir est permis, avec notamment le retour des États-Unis dans le concert multilatéral et environnemental. Mais la main n’est pas qu’aux seuls États : il revient à chacun de nous – citoyens, société civile, entreprises, de faire notre part.
La crise sanitaire a montré quelque chose d’essentiel : notre capacité d’émancipation, de changement rapide, collectif et individuel. Nous ne devons pas l’oublier. En quelques semaines, nous avons été capables de nous mobiliser de façon inédite, d’être incroyablement créatifs, de modifier nos modes de vie à l’échelle mondiale. Jamais l’on aurait cru un tel changement possible, surtout aussi vite : l’essor des mobilités douces, la volonté de consommer moins mais mieux, le retour au local qui se généralise depuis les premiers confinements n’en sont que quelques exemples. Les consciences des citoyens-consommateurs se sont définitivement éveillées à la fragilité des écosystèmes humains et naturels, et à la nécessité d’adopter des modes de consommation et de production durables. Les entreprises et leurs dirigeants, extrêmement attendus pour participer à cette transition économique, écologique et sociale, ont pour nombre d’entre eux commencer à faire pivoter leurs modèles d’affaires pour les inscrire dans les limites planétaires.
Avec les entreprises purpose native, l’offre, les process, le rapport aux ressources, aux communautés de parties prenantes, l’organisation même de l’entreprise sont pensés d’emblée pour contribuer positivement au monde
Ici, les situations sont contrastées suivant le secteur, l’histoire, le statut, l’actionnariat de l’entreprise. Les groupes historiques, forts déjà de structures et de cultures hérités d’années de développement, doivent emprunter la voie de la transformation. Celle-ci suppose des arbitrages difficiles, entre renoncements industriels à court terme, et résilience et croissance dans le temps. Elle ne peut être portée que par des dirigeants visionnaires, courageux, qui doivent faire œuvre de pédagogie pour embarquer avec eux leurs équipes et l’ensemble de leurs parties prenantes.
. La seconde voie est celle des entreprises purpose native, c’est-à-dire motivées et conçues dès l’origine pour le sens. C’est le cas de Castalie : l’offre, les process, le rapport aux ressources, aux communautés de parties prenantes, l’organisation même de l’entreprise sont pensés d’emblée pour contribuer positivement au monde. Pour entraîner à l’échelle la mutation des modèles économiques et sociaux, ces entreprises à impact by design ont un défi : oser voir grand, dès le départ. Elles doivent devenir demain les modèles économiques de référence, les figures de proue d’un capitalisme profondément réinventé – et pour cela cultiver une ambition globale, attaquer de nouveaux marchés, investir délibérément dans l’innovation utile. Elles doivent confirmer sans relâche, par leur créativité et leur engagement, que la relance économique peut faire levier de ce que j’appellerai une « écologie joyeuse » – décomplexée, inventive, positivement ambitieuse, créatrice de valeur durable et partagée.
Le réchauffement est déjà une réalité. N’oublions pas, pour y faire face, les leçons d’une pandémie dont nous ne sortons qu’à pas très mesurés : elle nous a montré combien nous étions capables, ensemble, de nous mobiliser vite et fort, pour bâtir un monde responsable et inclusif. Plus que de l’optimisme, il s’agit de lucidité : l’humain est outillé par nature pour le changement, et capable d’adaptations phénoménales. Alors n’attendons pas d’être contraints de changer par les conséquences douloureusement palpables que décrivent les scientifiques du Giec et décidons de le faire, puisque nous en sommes capables.
Thibault Lamarque est fondateur et président de Castalie.